Une
étrange maladie
Il
naquit un jour d’orage et de pluies diluviennes, dans une toute petite case
d’un village de savane.
Les
enfants aussitôt leur venue au monde poussent toujours des cris, de
satisfaction ou de mécontentement, qui le sait en réalité !
Mais,
lui, resta silencieux, les yeux grands ouverts, d’une étrange fixité. Il
semblait attendre….. Mais attendre quoi ?
Tous
s’étaient penchés au-dessus de lui, interloqués, inquiets de ne pas l’entendre
se manifester.
Quand
soudain, le nourrisson, le visage grimaçant commença à se tortiller, et ……..
sortit de sa gorge un son en deux temps, sorte de gargouillis, qui souleva son
thorax et se poursuivit, régulier, comme le rythme des tamtams.
« Mais
il a le hoquet ! s’écria sa maman qui, aussitôt, s’empara du bébé pour
essayer d’arrêter ce désagréable
trouble. Mais, rien n’y fit. Le nouveau-né hoquetait même en tétant.
Lorsqu’un
petit venait au monde, dans la vaste Afrique, son prénom lui était attribué par
le sorcier du village qui réfléchissait parfois plusieurs jours avant de
prendre une décision. Il s’agissait de ne pas se tromper. Un prénom se portait
toute une vie et devait symboliser le caractère de celui qui le porterait.
Le
sorcier, pourtant, ce jour-là, après avoir examiné le beau petit garçon, potelé
à souhait, n’eut aucune hésitation. Ecoutant attentivement les sons que
produisait le petit corps, bruit continu et régulier, il ne trouva qu’un seul
prénom.
« Il
s’appellera Zouglou ! déclara-t-il solennellement.
-
Zouglou ! s’exclamèrent en chœur
les parents. Mais, ce prénom ne risque-t-il pas d’attirer encore plus la
curiosité des autres sur le mal dont il est atteint ?
Mais
le sorcier fut intraitable. Comment osait-on contester sa parole qui était
sacrée ?
« N’y-a-t-il
pas un remède contre ce hoquet ? demanda timidement la maman.
-
Je connais ce phénomène, déclara le
sorcier toujours solennel, mais il est vrai que celui-ci ne durait jamais bien
longtemps. Il faut donc attendre, en grandissant, peut-être……..
Les
parents s’en retournèrent donc avec leur petit Zouglou qui zougloutait sur un
rythme monotone et régulier, mais hélas perpétuel.
Attendre,
il fallait attendre ! Mais combien de temps encore ?
Le
zougloutage du bébé, n’avait pas l’air d’empêcher le petit Zouglou de dormir,
par contre, ses parents ne pouvaient fermer l’œil de la nuit, et cela nuit
après nuit.
Vous
imaginez, le zouglou de Zouglou résonnait encore plus fort, dans le silence
nocturne !
Alors,
même avec beaucoup de patience, cela devenait agaçant.
Mais
il n’y avait pas que cela. Comment voulez-vous que Zouglou puisse apprendre à
parler ?
Lorsqu’il
prononça ses premiers mots, ceux-ci étaient entrecoupés par l’horrible bruit.
Prenons
un exemple :
Un
enfant non atteint de ce mal
disait : « Maman, je veux jouer. »
Pour
Zouglou, cela donnait : « Ma – zou - man – glou – je – zou – veux - glou – jou – zou - er – glou. »
La
moindre petite phrase prenait un temps infini, et comme personne ne comprenait
le petit garçon, on lui faisait répéter !!!
Insupportable !
Il
fallait faire quelque chose et rapidement !
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Il
y avait à l’hôpital de la grande ville un médecin, spécialiste fort réputé.
Assurément, il aurait une solution.
Maman
emmena donc son petit Zouglou zougloutant qui zouglouta tout au long du chemin.
Pour
une fois, ce « Zou – glou » eut un effet bénéfique, car il rythma la
marche de maman qui fit le parcours deux fois plus vite.
Dans
l’escalier du grand hôpital, le zouglou du bambin prit une résonnance telle que
les malades patientant dans la salle d’attente prirent peur et s’enfuirent,
pensant qu’une bête de la brousse s’était introduite dans l’hôpital. Le grand
spécialiste, lui-même, prit ses jambes à son cou……
N’allaient-ils
pas, tous, se faire dévorer ?
La
maman et le petit Zouglou revinrent tous deux au village, maman sanglotant et
Zouglou zougloutant, sans plus d’espoir qu’à l’aller.
En
chemin, le soleil tapait très fort. A l’ombre des branches d’un baobab, la
maman s’assit afin de prendre un peu de repos.
Elle
était désespérée ! Aussi se remit-elle à sangloter.
Zouglou,
lui, poursuivait, imperturbable, son zougloutage qui lui était naturel.
Ce
fut à ce moment, que la pauvre mère sentit un léger souffle. Un souffle chaud,
mais qui la fit frissonner.
Etrange !
Le
souffle se fit de plus en plus fort, de plus en plus chaud et faisait de plus
en plus frissonner la jeune mère qui, frigorifiée, finit par grelotter
Grelotter
de froid sous un soleil de plomb !
Etrange,
certes, mais surtout inquiétant, très inquiétant. Non ?
La
maladie de Zouglou n’était-elle pas contagieuse ? Aussi, la jeune femme
pensa qu’elle avait de la fièvre et s’attendit à être prise de zougloutage.
Soudain,
le baobab agita ses branches. Quelques feuilles tombèrent.
Une
voix s’éleva douce, tendre, tel un murmure, un murmure apaisant.
« Ne
pleure pas ! disait la voix. Ne pleure pas ! Ton petit guérira, mais
il te faut encore un peu de patience...... »
Interdite,
la maman pensa que son imagination lui jouait des tours, à moins que ce ne fut
la faim qui commençait à la tenailler ou es oreilles qui sifflaient...... ou
encore, la fièvre qui la faisait délirer.
Mais
la voix reprit :
« Ne
pleure pas ! Ne pleure pas ! Ton petit guérira, mais il te faut
encore un peu de patience...... »
Alors,
dominant sa peur, elle demanda :
« Qui
me parle ?
-
Je suis l’esprit du baobab. Ne crains
rien, je ne te veux pas de mal. Ton chagrin m’a ému et je veux te venir en
aide.
-
Que dois-je faire pour que mon petit
guérisse.
-
Rien, je viens de te le dire......
rien...... patiente, et tout rentrera dans l’ordre......
-
Patienter, mais combien de temps ?
-
Un temps..... mais ne crains rien,
l’esprit du baobab veille sur Zouglou..... ton petit guérira et aura un destin
fabuleux......
-
Un destin fabuleux ? s’étonna la pauvre
femme incrédule.
-
Ne pose pas de question, fais confiance
aux esprits....... Patiente .......
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Patienter...
Patienter, toujours et encore patienter !
Et
pendant ce temps, Zouglou grandissait en zougloutant..... toujours
autant !
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Dans
la cour de récréation de l’école, Zouglou était la cible de toutes les moqueries.
Tous imitaient le zouglou de Zouglou.
Imaginez
un peu.... On se serait cru dans une
basse-cour emplie de dindons..... « zou ou
zou ou zou ou glou - zou ou zou
ou zou ou glou - zou ou zou ou zou ou
glou - zou ou zou ou zou ou glou -
...... »
Il
y avait une petite fille qui recevait, également, tous les lazzis de ses
camarades. Myope comme une taupe, elle portait sur le petit bout de son nez une
paire de lunettes qui lui faisait des yeux de hibou. Aussi, les autres enfants
l’avaient affublée du surnom de « Hou – Hou » !
Zouglou
et Hou-Hou, cibles de leurs camarades, finirent, en raison de leur différence,
par devenir les meilleurs amis du monde.
Un
matin, Hou-Hou, afin de surprendre son ami, s’approcha de lui sans bruit, et
lança, sonore et joyeux, un retentissant « Coucou ! ».
Zouglou
sursauta, puis s’immobilisa. Interdit, retenant son souffle, les yeux agrandis,
tout ronds et fixes, il semblait observer ce qui venait de se produire au fond
de lui.
Que
se passait-il ?
Et
bien, rien, justement, et c’était bien ce qui était étrange !
Zouglou
ne zougloutait plus !
Et
grâce à qui ? Au « coucou » de Hou-Hou !
L’esprit
du baobab avait eu raison de recommander la patience. Zouglou était
guéri !
Quant
au destin fabuleux destin prédit par l’esprit du baobab, il fallait encore
avoir un peu de patience pour découvrir en quoi il consistait !
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