Une question qui attend réponse
11 janvier 1782
Lettre au rédacteur des annonces
Le 27 décembre 1781, le Fosseyeur (sic)
de la paroisse de S. Ouen la principale de Pont-Audemer, en creusant une fosse,
dans le Cimetiere (sic), rencontra un cofre (sic), dont le bois n’a reçu aucune
atteinte par le temps, les clous même n’ont point senti la rouille : le
corps qui y est contenu est comme si l’on venoit de le mettre en terre, ainsi
que les linges qui l’envelopent (sic) ; il est d’un blanc que rien n’a
changé. C’est ce qu’a vu M. le Curé & M. Bunel, Prêtre de la paroisse. M.
le Curé a fait recouvrir le cercueil de terre, & marquer la place ; il
en a informé M. l’Evêque de Lisieux, & doit faire mettre une croix sur le
lieu. L’on assure qu’il y a 25 ou 30 ans, M. Lebvel étant alors Curé, on trouva
ce corps dans le même état ; on ignore la personne & le temps qu’elle
est en terre : dans ce temps, il étoit d’usage de faire les fosses d’une
grande profondeur, & l’on mettait plusieurs corps dans la même ; dans
toutes les autres il ne se trouva que des ossements. On voudroit savoir les
causes naturelles ou physiques qui peuvent avoir conservé ce corps jusqu’à ce
jour, sans qu’il soit endommagé : à MM. Les Physiciens seuls appartient de
traiter cette matiere (sic) ; nous les prions de nous faire part de leurs
remarques.
Un
bien curieux phénomène qui m’a semblé intéressant de vous soumettre.
Certains
corps se conservent. Pourquoi ?
C’est
justement la question qui est posée.
« L‘Erreigne noire » !
8 mars 1782
Il regne (sic) une maladie locale
& annuelle sur les vaches, aux environs de Gournay-en-Bray, que l’on nomme
Erreigne noire ; on ne s’aperçoit de cette maladie qu’environ une
demie-heure avant leur mort ; elles deviennent tristes, cessent de donner
du lait ; elles sont ordinairement grasses : on les sauve quelquefois
par la saignée, & même les habitans (sic) les saignent dans le fort des herbes
tous les mois pour éviter cet accident. Lorsqu’elles meurent & qu’on les
ouvre, on aperçoit le sang porté sur une des parties de leur corps, qui est consommé
par la gangraine (sic) : cette maladie les prend en tout temps, même dans
le vélage (sic).
Les Habitans (sic) des environs
desireroient recevoir des secours des personnes instruites dans l’art de guérir
les animaux ; ils d’obligeroient même à faire une rente, ou donner une
somme quelconque à celui qui trouveroit le moyen de guérir cette maladie. On
prie d’adresser les avis à M. Pallain de Jouvence, à Gournay-en-Bray.
Avez-vous
une idée de ce que peut être cette maladie ?
J’ai
recherché, en vain......
Un trait de sensibilité
29 mars 1782
Le 23 Février dernier, le feu prit
au Village de Vilaines en Barrois. Dans le même temps M. le Prince de Ligne,
Lieutenant Général au service de l’Empereur, accompagné du Prince Charles, le
plus jeune de ses fils, y passa. Témoin de ce désastre, il y courut avec ses
gens, & donna 22 louis pour être distribués aux malheureux incendiés ;
pendant ce temps, le jeune Prince ayant vu une femme qui pleuroit, en voyant le
feu dévorer tout ce qu’elle avoit, fut à elle, & n’ayant point d’argent il
lui donna sa montre qui étoit de prix, comptant que son pere (sic) ne le voyoit
pas ; il se trompoit, car le père (sic) venant à lui, il lui dit ces mots,
qui prouvoient sa satisfaction : « Bien, Charles ». Récompense
sublime pour le fils, mais quel plaisir pour le père (sic) !
L’évènement
se situe dans le « Barrois », couvrant le quart de département de la
Meuse dont la capitale historique est Bar-le-Duc.
M.
Le Prince de Ligne n’est autre que Charles Joseph Lamoral, 7ème
prince de Ligne, né en 1735 et qui décédera en 1814.
Charles
Joseph Antoine, son fils, né en 1759, de son union avec Maria Franziska, avait vingt-deux ans,
en mars 1782.
Un usurier condamné
28 juin 1782
Le Parlement de Toulouse a donné
depuis peu, contre un usurier, un juste exemple de sévérité :
puisse-t-il effrayer à jamais ces ennemis
de leurs concitoyens, qui sacrifient à une cupidité criminelle, ceux qui ont
besoin de leurs secours !
François Fournier Ravisson,
Marchand du lieu de Fontavines, se faisoit un plaisir de prêter de l’argent à
toutes personnes qui vouloient recourir à sa bourse, mais à raison de 60 pour
cent d’intérêt : encore vouloit-il que l’on fît un cadeau à sa femme, à
titre d’épingle, en faveur de la négociation. Il exigeoit de plus que l’emprunteur
donnât un repas dans la meilleure auberge du lieu de sa résidence, à raison de
3 liv. par tête, de maniére (sic) que celui qui avoit besoin d’une somme réelle
de 300 liv. étoit forcé, pour satisfaire aux conditions prescrites, de
consentir sa lettre de change, ou son billet, de 498 liv. selon le calcul
suivant :
Argent compté 300 liv.
Bénéfice, 60 pour cent 180 liv.
Cadeau à la femme 9 liv.
Repas pour 3 personnes 9 liv.
Total 498
liv.
Le procès ayant été fait à
Rabisson, Arrêt du 321 Septembre 1781, qui l’a condamné, pour fait d’usures
& anatocismes, à être attaché au carcan, avec un écriteau devant &
derriere (sic), portant ces mots : Usurier public, pendant 3 marchés
consécutifs ; en 1200 l. d’aumône envers les pauvres du lieu de S.
Agreve ; à 5 liv. d’amende envers le Roi, & au banissement (sic) du
ressort pour 10 ans.
Cet Arrêt est rapporté dans le
volume du mois de Mars 1782, des Causes célebres (sic) curieuses de MM.
Desessarts & Richer, Avocats au Parlement.
60
% d’intérêt ! Voilà qui est criminel en effet.
Le
repas ..... Il n’y a pas de petit profit !
Le
cadeau à l’épouse ! Avec les intérêts qu’il prenait, cet homme aurait pu
les payer lui-même.
Usurier,
certes, mais aussi avaricieux !
J’aurais
aimé vous en dire plus sur ce fieffé coquin ! Mais, il portait un nom bien
courant et l’article ne donne pas trop de renseignements.
Après
le procès, cet homme et sa famille ont sûrement plié bagages et sont partis
bien loin, sans demander leur reste.
Les
« Causes célèbres curieuses de MM. Desessarts & Richer, Avocats au Parlement »
auraient pu me dévoiler les informations que je souhaitais. Les écrits y sont
fort intéressants et il faudra que je retourne les consulter. Mais concernant
l’usurier dont il est question, je n’ai rien trouvé.
Quelle persévérance !
11 octobre 1782
Un Anglais, père (sic) de famille,
sollicitoit depuis long-temps (sic) un emploi dans les Douanes, & le
premier Ministre lui avoit souvent fait répondre qu’il n’y avoit aucun de
vacant. Instruit du contraire, il s’obstinoit
à assiéger la porte de l’homme en place, espérant tout de sa constance,
que l’extrême besoin dans lequel il se trouvoit, rendoit opiniâtre. En effet,
il fatigua tellement le Ministre, que celui-ci en prit de l’humeur, & le
fit entrer pour la lui témoigner. Le solliciteur écouta patiemment & avec
respect les reproches. Et lorsqu’ils furent finis : « j’ai mérité vos
plaintes, lui dit-il, mais que votre grace (sic) daigne considérer mon état
& ma misere (sic) ; la nécessité m’a forcé de m’y exposer ;
daignez jeter les yeux sur mon memoire (sic) : c’est l’unique faveur que
j’implore ; il n’est pas long ; cette lecture sera l’affaire d’un
moment. Le Ministre prit & lut ce mémoire, qui étoit conçu en ces
termes : un chien étoit entré dans le palais du Prince Maurice de
Nassau ; on ordonna de le chasser ; il revint, on le chassa de
nouveau, on lui donna même des coups de bâton ; il revint toujours ;
le Prince ordonna enfin de le laisser tranquille, & de lui donner à manger.
Depuis ce temps, le chien fidele (sic) n’abandonna plus son bienfaiteur ;
il s’attacha à lui, le suivant par-tout (sic), & passant toutes les nuits à
la porte de sa chambre. Son Altesse Sérénissime prit à son tour de
l’attachement pour cet animal, & en mourant, elle lui assigna une pension
pour fournir à ses besoins. » Lorsque le Ministre eut lu ce mémoire, il
sourit, & passant à son Bureau, il fit expédier & signa une commission
de Directeur des Péages, qu’il remit au suppliant.
La
ténacité est parfois payante. Une bien belle histoire !
Copiste
1er novembre 1782
Le sieur Rocher, Musicien &
Régisseur de la musique de la Comédie, fait & entreprend toutes sortes de
copies, en duo, en trio, quatuor ; & pour l’agrément & facilité
des amateurs, copie les parties séparées & quatuor, si on le désire :
il enseigne la musique vocale & instrumentale. Il demeure rue de l’Ecole,
près S. Laurent.
L’imprimerie
des partitions musicales a été un soulagement pour les copistes qui devaient,
non seulement recopier chaque partie, mais aussi les « guides
orchestraux » rassemblant tous les pupitres de l’orchestre.
Et
tout cela, à la plume ! Quel boulot !
Cela
me rappelle un de mes anciens élèves qui m’a demandé, un jour.
« Mozart,
il se servait du même logiciel de musique que toi ? »
Avant
de répondre sur le plan informatique, il m’a fallu lui faire un léger cours
d’histoire.
Mozart,
oui.... A quelle époque vivait-il ?
Quand,
l’époque, la seconde partie du XVIIIème siècle, fut trouvée.
Ma
seconde question fut :
« Comment
s’éclairait-on dans les années 1750 ? »
J’imagine,
avec bonheur, W A Mozart devant un écran d’ordinateur dont l’unité centrale était
branchée à la mèche allumée d’une chandelle !
Pourquoi
pas, avec beaucoup d’imagination.
Une belle amitié
1er novembre 1782
Au mois de janvier 1773, 2 voleurs
de grand chemin furent arrêtés & conduits dans les prisons de
Kinston ; leur crime étoit constaté. Ils se regardoient comme 2 victimes
que la justice alloit immoler à la sûreté publique, lorsqu’il vint dans la tête
de l’un le projet d’en arracher une à la justice. Cette idée parut d’abord
ridicule à l’autre. Mais le premier ayant insisté, « nous serons
infailliblement condamnés à mort ; nous avons été arrêtés ensemble ;
notre crime étant commun, le supplice le sera : te sens-tu le courage de
mourir seul. Cette proposition étonna celui qui l’entendoit. Cependant après un
moment de silence, il répondit : oui sans doute, je me sens ce courage,
mais je voudrois être sûr de t’arracher au supplice. Je n’exige point un pareil
sacrifice, répartit le premier avec vivacité. Ecoute-moi, & tu verras que
je suis digne d’avoir un ami aussi généreux que toi. Nous avons des
cartes ; jouons une partie ; celui qui la perdra déchargera l’autre
dans son interrogatoire, il dira aux Juges qu’il est seul coupable , & que
si l’autre a été trouvé avec lui, c’est qu’il lui avoit proposé une promenade à
cheval, mais qu’il n’avoit aucune connoissance (sic) du projet de vol ».
La proposition fut acceptée : les 2 voleurs se mettent aussi-tôt (sic)
tout nuds (sic), & dans cet état, il jouerent (sic) leur importante partie.
L’inventeur de l’expédient la perdit. Son camarade l’embrassa en pleurant,
& lui dit qu’il étoit prêt a (sic) se charger de son rôle & à lui céder
le sien. « Si tu ne veux pas empoisonner les instants qui me restent à
vivre, répondit le perdant, ne me fait plus une proposition qui me dégraderoit
à tes yeux & aux miens, si j’étois assez lâche pour l’accepter. Songeons, mon
ami, à nous amuser & à jouir du peu d’instans (sic) qui me restent à parler
avec toi. Le jour où les 2 voleurs devoient être jugés étant arrivé, celui qui
devoit être sacrifié remplit sa promesse avec fidélité, & la justice le
condamna seul à la mort. Son camarade fut renvoyé absous ; mais il fut
inconsolable de la mort de son complice ; une fievre (sic) lente s’empara
de lui & le conduisit au tombeau 6 semaines après le supplice de son
camarade. »
Encore
une histoire intéressante. Une belle histoire d’amitié !
Je
voulais vous la soumettre, comme cela, pour le plaisir.
Qui était-il ? La question reste posée.
29 novembre 1782
Le nommé Gaspard Bentz, demeurant à Fraquelfin, en
Brie, vient de finir ses jours âgé de cent & un an (sic) trois jours ;
il étoit Chauffeur de profession ; il y a trois semaines qu’il se
livroit encore à cet exercice. Il étoit
toujours jovial & plaisantoit souvent, tantôt sur lui-même, tantôt sur
d’autres. Il a même poussé ses plaisanteries jusqu’au lit de la mort, qu’il
voyoit, disoit-il, venir. Il eut la voix éteinte l’espace d’une heure ;
comme on le croyoit mort, on le couvrit d’un drap pour l’ensevelir. Les
mouvements qu’on fit à cet effet le rappellerent (sic) à lui, & à l’instant
il invita les assistants, dont plusieurs pleuroient déjà, à lui apporter de
l’eau-de-vie, qu’il trouva, dit-il, bien bonne. Sa voix s’éteignit trois
fois ; trois fois il redemanda de l’eau-de-vie. La troisieme (sic) fois il
tarit les larmes des quelques-uns de ses parents, par une plaisanterie qui fit
beaucoup rire : J’ai, disoit-il, un cœur qui est comme celui d’un vieux
loup, je ne peux pas m’en défaire. Mais il parla trop tôt, car il mourut à
l’instant sérieusement.
Jamais il ne fut malade, il eut
toujours bon appétit ; ce qui fait croire que le poids des années l’a seul
mené au tombeau. Ce qu’il y a de singulier encore, c’est qu’il n’étoit jamais
courbé, & avoit l’ouie (sic) très-fine
(sic) & la vue très-bonne (sic), & ne s’étoit jamais servi de lunettes.
Cela
aurait pu être très intéressant, si toutes les villes de Moselle étaient en
ligne, mais Hattigny, ville cruciale en ce qui concerne l’article, ne l’est
pas !!
D’autre
part, certaines années sont manquantes......
Je
me suis rabattue sur ce que j’ai pu, mais je ne suis absolument pas sure de mes
informations.
J’ai
trouvé un acte de décès d’un certain Gaspard
Bentz dans les registres de Fraquelfin, mais dans l’acte, il est
noté « agé de quatre vingt onze
ans ». Il manque tout de même dix ans.
L’âge,
à cette époque, me direz-vous, est toujours approximatif, mais, l’article, note
avec fierté l’âge et la bonne santé de ce centenaire, fierté de cette paroisse.
D’autre
part, l’acte est en date du 28 mars 1782.
Relisons
l’article du journal du 29 novembre 1792.
« ...il y a trois
semaines qu’il se livroit encore à cet
exercice. Il étoit toujours jovial & plaisantoit souvent.... »
Il
y a trois semaines annonce-t-on, ce qui veut dire que début novembre, cet homme
était encore en vie.
Il
est vrai que souvent les journalistes s’accommodent des faits et des
dates !
Voilà qui clôt cette année 1782.
Triste année à vrai dire !!
Rien de bien folichon !
Les années suivantes apporteront, peut-être, un peu
plus de « sensationnels ».
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