mardi 28 février 2017

L’AFFAIRE DE BERNY-RIVIERE - Première partie

Berny-Rivière dans l'Aisne - Un scandale sans précédent

Des hurlements de terreur alertèrent les voisins qui se précipitèrent vers la maison des Rivière.
Que se passait-il ?
Lorsqu’ils arrivèrent aux abords de la maison, ils virent Pierre, le fils ainé sortir calmement de la demeure de ses parents, une serpe ensanglantée à la main, les vêtements tachés et le visage éclaboussé de rouge. Ils avaient stoppé devant l’horreur de cette vision, craignant le pire à l’intérieur du logis.
Pierre leur lança, avant de s’éloigner calmement : « Je viens de libérer mon père de tous ses malheurs.... »
Il semblait avoir accompli une mission avec succès et, sans s’en réjouir toutefois, il en ressentait un profond apaisement.

Stupéfaction générale ! Cloués sur place un instant, ils tendirent l’oreille. Aucun bruit ne parvenait du lieu. Seule une forte odeur de sang, écœurante, leur parvenait.
Les voisins pénétrèrent dans la maison, sans grand espoir, sachant qu’ils y trouveraient la mort.
Mais, là, ce qui se présenta à leurs yeux n’avait pas de nom. « Horreur » était un mot bien loin de la réalité.
Trois corps gisaient au milieu de la cuisine dans un flot de sang. Trois corps, sur lesquels Pierre s’était acharné, les hachant menus en une bouillie informe.
Même les hommes les plus solides sortirent, au bord du malaise. Une des femmes se trouva mal. Une autre rendit son déjeuner sur l’herbe, un peu plus loin.
Comment était-ce possible un tel acte ?
Comment « le Pierre » qui s’accusait de ce massacre en était arrivé à cette barbarie ?
Mais, ne faut-il pas pour comprendre tout cela connaitre  la genèse de l’histoire ?

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Cette histoire commença très mal.
Un arrangement conclu par des parents, sans le réel consentement des intéressés.
Voilà sur quoi repose ce qui va suivre.

Pierre Marguerin Rivière, second des trois enfants de Jean Rivière et Marie Anne Bordel, naquit le 25 février 1793 à Aunay (Calvados).

Acte de naissance – février 1793   -  Aunay.
Aujourd’hui vingt cinq février mil sept cent quatre vingt treize l’an deuxième de la république française à quatre heures du soir par devant moy.... commune d’aunay... est comparu en la salle publique de la maison commune Jean Rivière Laboureur domicilié de la dite municipalité d’aunay lequel assisté de pierre Grelley agé de cinquante cinq ans et de marguerite rivière  agée de vingt cinq ans demeurant tous deux le département du Calvados district de Vire Municipalité d’aunay a déclaré a moy....... que marie anne Bordel agé de vingt cinq ans son épouse en légitime mariage est accouchée aujourd’huy à quatre heures du matin dans sa maison village de la fauctery d’un enfant mâle quil ma presenté et auquel il a donné les prenoms de pierre marguerin......

Un brave garçon, Pierre Marguerin, doux, pacifique, avenant et honnête. Mais au dessus de sa tête, la conscription et son « tirage au sort » qui envoyaient souvent à la mort les jeunes gens.
Son frère ainé était déjà à l’armée et pour les parents, cela suffisait. Que faire ?
Le mariage était assurément la solution, car tout homme marié devait être dispensé de ce  service. Cette réforme, attendue par beaucoup, devait passer prochainement.
Un des amis des parents Rivière, le sieur Le Comte, leur conseilla la famille Brion, qui justement avait une fille en âge de se marier. Elle se nommait Anne Marie Victoire Brion, et avait vu le jour le 26 juin 1793 à Courvaudon (Calvados).


Acte de naissance – juin 1793 -  Courvaudon.
Aujourd’hui vingt sept juin mil sept cent quatre vingt treize l’an second de la république française a onze heures du matin par devant moy.... est comparu en la salle publique de la maison commune pierre Brion de la profession de charpentier domicilie dans la municipalité de  Martin de Courvaudon village de Bouillon lequel assisté de jacques Brion son frère journalier âgé denviron trente six et de jean Baptiste David pretre vicaire de la ditte paroisse agé de vingt quatre ans tous dans le département du Calvados district de Falaise municipalité de Courvaudon a déclaré amoy pierre cusnel officier publique que françoise allexandre son epouse en legitime mariage est accouchée le vingt six juin à onze heures du soir dans sa maison située au village de Bouillon d’un enfant femelle quil ma presenté et auquel il a donné les prenoms de Marie Anne Victoire.........


Pierre Brion et Marie Françoise Alexandre, les parents de la jeune fille, ne furent pas très enthousiastes.
Ils avaient perdus leurs garçons recrutés dans l’armée et ne souhaitaient pas, au cas où la réforme ne serait pas votée, se retrouver avec leur fille veuve, et peut-être en plus, en charge de marmots.

Après négociations, les deux familles se mirent d’accord, les jeunes gens se fréquentèrent six mois et le temps des épousailles fut convenu.
Quelques jours avant le mariage, un rendez-vous chez le notaire de Aunay, Maitre Bailly, fut pris. Puis ce fut le mariage civil et le mariage religieux.

Acte de Mariage – 21 mai 1813  - Courvaudon.
Le dimanche neuvieme jour du mois de mai l’an mil huit cent treize à dix heures du mattin.... commune de Courvaudon arrondissement de Caen département du Calvados ai publie à haute voix, devant la porte exterieure et principale de la maison commune dudit lieu qu’il y a promesse de mariage entre pierre marguerin riviere age de vingt ans trois mois fils de jean Riviere et de Marie anne Bordel de la commune de aunay d’une part et de  Marie anne Victoire Brion agée de dix neuf ans onze mois fille de pierre Brion et de françoise alexandre de la commune de Courvaudon d’autre part
Lesquels pierre Marguerin riviere et Marie anne Brion se proposent de contracter mariage conformément à la loi. La publication a été faite le dimanche seize du même mois sans quil se soit trouvé aucun empechement à la célébration de mariage.

Du vingt eunieme jour du mois de Mai mil huit cent treize a dix heures du mattin.
Acte de mariage de pierre Marguerin riviere âgé de vingt ans trois mois né à aunay département du calvados le vingt cinq du mois de fevrier l’an mil sept cent quatre vingt treize profession de cultivateur demeurant à aunay département du calvados fils de jean Riviere demeurant à Aunay (calvados) et de Marie Anne Bordel ses père et mere et de Marie anne Victoire Brion, âgée de dix neuf ans onze mois née à Courvaudon département du Calvados le vingt sept du mois de juin mil sept cent quatre vingt treize demeurant a Courvaudon (calvados) fille de pierre Brion demeurant à Courvaudon et de françoise alexandre ses père et mere...... en presence de
Pierre Brion père de l’epouse demeurant à Courvaudon (calvados) cultivateur cinquante sept ans
François Le Comte cousin de l’épouse demeurant à Courvaudon (calvados) cultivateur quarante trois ans
Jacques ......(illisible) mazure demeurant à Courvaudon (calvados) cultivateur âgé de vingt huit ans
André Brion demeurant à Courvaudon (calvados) chapentier âgé de quarante quattre ans .....

La jeune mariée faisait grise mine. Elle n’approuvait nullement ce mariage. Aussi, le soir des noces, elle refusa sa couche à son époux car, comme elle disait :
« Il n’a qu’à me faire un enfant et puis partir que deviendrai-je ? »

Pierre Marguerin n’insista pas. Je vous l’avais dit, un brave garçon, et respectueux avec ça !

La réforme passa, Pierre Marguerin Riviere ne partit pas sous les drapeaux.
Victoire Brion accepta donc de devenir la femme de son mari. Par devoir, sans doute, car l’amour n’était point au rendez-vous.
Mais, elle refusa catégoriquement de vivre sous le même toit que celui-ci.


Aussi, la famille se trouva répartie de la sorte, en deux maisons.

Maison à Aunay, village du Bouillon :
Jean Rivière et son épouse, Marie Anne Bordel, et deux de leur fils Pierre Marguerin  et Jean Louis, dix ans plus jeunes que Pierre Margerin, ainsi qu’une sœur de Jean Rivière.

Maison à Courvaudon, Village de la Fauctrie :
Le couple Brion, Pierre et son épouse Françoise Alexandre, et leur fille Victoire.

Entre ces deux lieus, une lieue !!

Pierre Marguerin, cherchant à séduire sa jeune épouse, allait souvent la voir, mais devant son accueil froid pour ne pas dire glacial, il espaça ses visites.
Ses beaux-parents, par contre, l’accueillaient aimablement. Mais, n’était-ce pas seulement parce qu’il effectuait les travaux agricoles dans leur ferme ? Ne soyons pas médisants ! Ils aimaient peut-être bien leur gendre, tout simplement.

Le 24 janvier 1815, Victoire mit au monde un garçon qui fut prénommé Jean Pierre. L’accouchement ne se passa pas bien et Victoire fut malade de nombreux mois.  Son mari voulut s’occuper d’elle, mais elle refusa ses soins, prétextant que sa mère en était plus capable.
Acte de naissance – janvier 1815  - Courvaudon.
Du vingt quatrieme jour du mois de janvier l’an mil huit cent quinze acte de naissance de jean Pierre né le dit jour à six heures du mattin fils de Jean Riviere et de Victoire Brion ses père et mere.
Le sexe de l’enfant a été reconnu être malle.
Premier temoin andré Brion majeur demeura nt à Courvaudon.
Second temoin jacques Deliard majeur demeurant à Courvaudon.
Sur la requisition à nous faite par magdeleine nicole sage femme laquel a déclaré ne savoir signer.......
Petite erreur au niveau du prénom de père. Il ne s’agit pas de Jean Rivière, mais de Pierre Marguerin Riviere. Jean Rivière étant le grand-père du nouveau-né. Erreur lors de la déclaration en mairie.

Le caractère de la nouvelle maman ne s’arrangea pas pendant cette maladie. Pierre Marguerin ne lui en voulut pas de sa méchante humeur, pensant que la maladie en était la cause.
Trop gentil, Pierre Marguerin !

Au bout de six mois, Victoire fut enfin sur pied.
Le jeune couple ne vivait toujours pas ensemble et ne partageait une nuit commune, uniquement quand Pierre Marguerin venait travailler chez ses beaux-parents., tels au moment des labours ou des moissons, pou couper du bois.... 
Une vraie vie de couple, quoi !

Au début de sa seconde grossesse, Victoire décida d’aller vivre chez son mari. Celui-ci arrangea une chambre qu’il rendit la plus agréable possible pour y accueillir la jeune femme. Mais la cohabitation avec ses beaux-parents  fut assez difficile. Elle resta, malgré tout, à Aunay jusqu’à sa délivrance, le 8 mars 1817.
Ce fut une petite fille qui reçut les prénoms de Marie Françoise Victoire.
Acte de naissance – mars 1817 – Aunay.
Du samedi huitieme jour du mois de Mars l’an mil huit cent dix sept, acte de naissance de riviere Marie Françoise Victoire née le dit jour à six heures du matin fille de pierre Margrin Riviere profession de cultivateur et de marie anne Victoire Brion son épouse domiciliés commune d’aunay.
Le sexe de l’enfant a été reconnu féminin.
Premier temoin le sieur françois Le comte maire de la commune de Courvaudon âgé de quarante sept ans.
Second temoin Michel jean François harson domicilié à aunay âgé de trente neuf ans sur la requisition à nous faite par le sieur pierre Margrin Riviere père de l’enfant conformement à la loi.

Après ses nouvelles couches, Victoire fut de nouveau malade pendant trois mois. Elle reçut les bons soins de son mari et de sa belle-mère. Rien ne lui était refusé. Mais malgré tous leurs efforts, elle les accablait tous deux de reproches à longueur de temps, allant même jusqu’à les injurier. Une bien  charmante jeune femme, cette Victoire Brion !
Lorsqu’elle fut enfin remise sur pieds, Victoire déménagea de nouveau et se réinstalla chez ses parents à Courvaudon.
Très instable, cette jeune femme !

Les voisins, que ce soit à Courvaudon ou à Aunay, trouvaient tout cela un peu curieux et en riaient sous cape. Pauvre Pierre Marguerin qui ne comprenait pas les revirements incessants de son épouse. Il fit pourtant encore un pas vers elle, lui proposant de venir s’installer avec elle, à Courvaudon, si c’était son désir de vivre chez ses parents.
Ce fut un refus catégorique.
«  Pourquoi ne te louerais-tu pas ? Ainsi tu m’emmèneras de l’argent tous les mois, lui avait-elle dit.
-       J’ai assez de besogne chez moi, je ne vois pas pourquoi je me louerais, lui avait-il répondu

Et les enfants là-dedans ?
Ils naviguaient au gré des situations, mais surtout en finction de l’humeur de leur mère.
« Garde alternée », pourrait-on dire, mais pas régulière !!! Nous reviendrons sur les périodes de ses « alternances ».
Un père aimant qui rechignait à voir partir chez leur mère les enfants, sachant celle-ci instable et incapable de s’occuper d’eux. Surtout Jean Pierre, car le petit garçon souhaitait rester avec son père.
Mais, Anne Marie Victoire Brion, dans ce cas-là, hurlait dans la rue, à qui voulait l’entendre, qu’ON (son mari) ne voulait pas lui redonner « SON » enfant.
« Je reveux mon enfant ! Je reveux mon enfant ! »
Elle alla voir le juge de paix qui, après l’entretien avec cette « mère epleurée », conseilla au pauvre Pierre Marguerin de laisser son épouse reprendre le petit Jean Pierre.

Un autre enfant naquit, le 9 avril 1820, une petite Aimée.
Acte de naissance – avril 1820  –  Courvaudon.
Du lundi dixieme jour du mois d’avril l’an mil huit cent vingt. Acte de naissance de aimée Delphine Rivière, nee le neuf avril à dix heures du matin fille de pierre Marguerin riviere profession de laboureur demeurant à Courvaudon et de Marie anne Victoire Brion son epouse en legitime mariage.
Le sexe de l’enfant a été reconnu être feminin.
Premier temoin jacques Deliard âgé de cinquante quatre ans profession de journalier demeurant à courvaudon -
Second temoin thomas simon âgé de trente quatre ans profession d’instituteur demeurant à Courvaudon.
Sur la requisition  faite par Pierre Marguerin Riviere père de l’enfant qui a signé avec nous......

Et encore un autre petit, deux ans plus tard, le 10 juin 1822, qui reçut les prénoms de Louis Prosper.
Acte de naissance – juin 1822   –  Courvaudon.
Du lundi dixieme jour du mois de juin l’an mil huit cent vingt deux acte de naissance de Louis Prosper Theodore Riviere, né le dit jour à huit heures du matin fils de pierre Marguerin Riviere profession laboureur demeurant à Courvaudon et de Marie anne Victoire Brion son epouse en legitime mariage.
Le sexe de l’enfant a été reconnu être masculin.
Premier temoin andré Brion âgé de cinquante trois ans profession de charpentier demeurant à Courvaudon – second temoin thomas simon âgé de trente sept ans profession d’instituteur demeurant à Courvaudon. Sur la requisition à nous faite par Pierre Marguerin Riviere père de l’enfant qui a signé avec nous......

Autre naissance, celle de Jean Louis, le 28 décembre 1824.
Acte de naissance – décembre 1824   –  Courvaudon.
Du mardi vingt huitieme jour du mois de decembre l’an mil huit cent vingt quatre à quatre heures de l’après midi acte de naissance de Jean Louis Riviere né le dit jour à sept heures du matin fils de pierre Marguerin Riviere profession de laboureur et de Marie Anne Victoire Brion son epouse en legitime mariage demeurant courvaudon département du Calvados. Le sexe de l’enfant a été reconnu être masculin.
Premier temoin andré Brion âge de cinquante cinq ans profession de charpentier demeurant à Courvaudon – second temoin thomas Simon âgé de trente neuf ans profession d’instituteur demeurant à Courvaudon. Sur la réquisition a nous faite par Pierre Marguerin Riviere père de l’enfant......


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