Berny-Rivière dans l'Aisne - Un scandale sans précédent
Des hurlements de terreur alertèrent les voisins qui se précipitèrent
vers la maison des Rivière.
Que se passait-il ?
Lorsqu’ils arrivèrent aux abords de la maison, ils virent Pierre, le
fils ainé sortir calmement de la demeure de ses parents, une serpe ensanglantée
à la main, les vêtements tachés et le visage éclaboussé de rouge. Ils avaient
stoppé devant l’horreur de cette vision, craignant le pire à l’intérieur du
logis.
Pierre leur lança, avant de s’éloigner calmement : « Je
viens de libérer mon père de tous ses malheurs.... »
Il semblait avoir accompli une mission avec succès et, sans s’en
réjouir toutefois, il en ressentait un profond apaisement.
Stupéfaction générale ! Cloués sur place un instant, ils tendirent
l’oreille. Aucun bruit ne parvenait du lieu. Seule une forte odeur de sang,
écœurante, leur parvenait.
Les voisins pénétrèrent dans la maison, sans grand espoir, sachant
qu’ils y trouveraient la mort.
Mais, là, ce qui se présenta à leurs yeux n’avait pas de nom. « Horreur »
était un mot bien loin de la réalité.
Trois corps gisaient au milieu de la cuisine dans un flot de sang.
Trois corps, sur lesquels Pierre s’était acharné, les hachant menus en une bouillie
informe.
Même les hommes les plus solides sortirent, au bord du malaise. Une des
femmes se trouva mal. Une autre rendit son déjeuner sur l’herbe, un peu plus
loin.
Comment était-ce possible un tel acte ?
Comment « le Pierre » qui s’accusait de ce massacre en était
arrivé à cette barbarie ?
Mais, ne faut-il pas pour comprendre tout cela connaitre la genèse de l’histoire ?
-=-=-=-=-=-=-=-
Cette histoire commença très mal.
Un arrangement conclu par des parents, sans le réel consentement des intéressés.
Voilà sur quoi repose ce qui va suivre.
Pierre Marguerin Rivière, second des trois enfants de Jean Rivière et
Marie Anne Bordel, naquit le 25 février 1793 à Aunay (Calvados).
Acte de naissance – février
1793 -
Aunay.
Aujourd’hui
vingt cinq février mil sept cent quatre vingt treize l’an deuxième de la
république française à quatre heures du soir par devant moy.... commune
d’aunay... est comparu en la salle publique de la maison commune Jean Rivière
Laboureur domicilié de la dite municipalité d’aunay lequel assisté de pierre
Grelley agé de cinquante cinq ans et de marguerite rivière agée de vingt cinq ans demeurant tous deux le
département du Calvados district de Vire Municipalité d’aunay a déclaré a
moy....... que marie anne Bordel agé de vingt cinq ans son épouse en légitime mariage
est accouchée aujourd’huy à quatre heures du matin dans sa maison village de la
fauctery d’un enfant mâle quil ma presenté et auquel il a donné les prenoms de
pierre marguerin......
Un brave garçon, Pierre Marguerin, doux, pacifique, avenant et honnête.
Mais au dessus de sa tête, la conscription et son « tirage au sort »
qui envoyaient souvent à la mort les jeunes gens.
Son frère ainé était déjà à l’armée et pour les parents, cela
suffisait. Que faire ?
Le mariage était assurément la solution, car tout homme marié devait
être dispensé de ce service. Cette
réforme, attendue par beaucoup, devait passer prochainement.
Un des amis des parents Rivière, le sieur Le Comte, leur conseilla la
famille Brion, qui justement avait une fille en âge de se marier. Elle se
nommait Anne Marie Victoire Brion, et avait vu le jour le 26 juin 1793 à
Courvaudon (Calvados).
Acte de naissance – juin 1793 - Courvaudon.
Aujourd’hui
vingt sept juin mil sept cent quatre vingt treize l’an second de la république
française a onze heures du matin par devant moy.... est comparu en la salle
publique de la maison commune pierre Brion de la profession de charpentier
domicilie dans la municipalité de Martin
de Courvaudon village de Bouillon lequel assisté de jacques Brion son frère
journalier âgé denviron trente six et de jean Baptiste David pretre vicaire de
la ditte paroisse agé de vingt quatre ans tous dans le département du Calvados
district de Falaise municipalité de Courvaudon a déclaré amoy pierre cusnel
officier publique que françoise allexandre son epouse en legitime mariage est
accouchée le vingt six juin à onze heures du soir dans sa maison située au
village de Bouillon d’un enfant femelle quil ma presenté et auquel il a donné
les prenoms de Marie Anne Victoire.........
Pierre Brion et Marie Françoise Alexandre, les parents de la jeune
fille, ne furent pas très enthousiastes.
Ils avaient perdus leurs garçons recrutés dans l’armée et ne souhaitaient
pas, au cas où la réforme ne serait pas votée, se retrouver avec leur fille
veuve, et peut-être en plus, en charge de marmots.
Après négociations, les deux familles se mirent d’accord, les jeunes
gens se fréquentèrent six mois et le temps des épousailles fut convenu.
Quelques jours avant le mariage, un rendez-vous chez le notaire de
Aunay, Maitre Bailly, fut pris. Puis ce fut le mariage civil et le mariage
religieux.
Acte de Mariage – 21 mai 1813 -
Courvaudon.
Le dimanche
neuvieme jour du mois de mai l’an mil huit cent treize à dix heures du
mattin.... commune de Courvaudon arrondissement de Caen département du Calvados
ai publie à haute voix, devant la porte exterieure et principale de la maison
commune dudit lieu qu’il y a promesse de mariage entre pierre marguerin riviere
age de vingt ans trois mois fils de jean Riviere et de Marie anne Bordel de la
commune de aunay d’une part et de Marie
anne Victoire Brion agée de dix neuf ans onze mois fille de pierre Brion et de
françoise alexandre de la commune de Courvaudon d’autre part
Lesquels pierre
Marguerin riviere et Marie anne Brion se proposent de contracter mariage
conformément à la loi. La publication a été faite le dimanche seize du même
mois sans quil se soit trouvé aucun empechement à la célébration de mariage.
Du vingt
eunieme jour du mois de Mai mil huit cent treize a dix heures du mattin.
Acte de
mariage de pierre Marguerin riviere âgé de vingt ans trois mois né à aunay
département du calvados le vingt cinq du mois de fevrier l’an mil sept cent
quatre vingt treize profession de cultivateur demeurant à aunay département du
calvados fils de jean Riviere demeurant à Aunay (calvados) et de Marie Anne
Bordel ses père et mere et de Marie anne Victoire Brion, âgée de dix neuf ans
onze mois née à Courvaudon département du Calvados le vingt sept du mois de
juin mil sept cent quatre vingt treize demeurant a Courvaudon (calvados) fille
de pierre Brion demeurant à Courvaudon et de françoise alexandre ses père et
mere...... en presence de
Pierre Brion
père de l’epouse demeurant à Courvaudon (calvados) cultivateur cinquante sept
ans
François Le
Comte cousin de l’épouse demeurant à Courvaudon (calvados) cultivateur quarante
trois ans
Jacques
......(illisible) mazure demeurant à Courvaudon (calvados) cultivateur âgé de
vingt huit ans
André Brion
demeurant à Courvaudon (calvados) chapentier âgé de quarante quattre ans .....
La jeune mariée faisait grise mine. Elle n’approuvait nullement ce
mariage. Aussi, le soir des noces, elle refusa sa couche à son époux car, comme
elle disait :
« Il n’a qu’à me faire un
enfant et puis partir que deviendrai-je ? »
Pierre Marguerin n’insista pas. Je vous l’avais dit, un brave garçon,
et respectueux avec ça !
La réforme passa, Pierre Marguerin Riviere ne partit pas sous les
drapeaux.
Victoire Brion accepta donc de devenir la femme de son mari. Par
devoir, sans doute, car l’amour n’était point au rendez-vous.
Mais, elle refusa catégoriquement de vivre sous le même toit que
celui-ci.
Aussi, la famille se trouva répartie de la sorte, en deux maisons.
Maison à Aunay, village du Bouillon :
Jean Rivière et son épouse, Marie Anne Bordel, et deux de leur fils
Pierre Marguerin et Jean Louis, dix ans
plus jeunes que Pierre Margerin, ainsi qu’une sœur de Jean Rivière.
Maison à
Courvaudon, Village de la Fauctrie :
Le couple Brion, Pierre et son épouse Françoise Alexandre, et leur
fille Victoire.
Entre ces deux lieus, une lieue !!
Pierre Marguerin, cherchant à séduire sa jeune épouse, allait souvent
la voir, mais devant son accueil froid pour ne pas dire glacial, il espaça ses
visites.
Ses beaux-parents, par contre, l’accueillaient aimablement. Mais,
n’était-ce pas seulement parce qu’il effectuait les travaux agricoles dans leur
ferme ? Ne soyons pas médisants ! Ils aimaient peut-être bien leur
gendre, tout simplement.
Le 24 janvier 1815, Victoire mit au monde un garçon qui fut prénommé
Jean Pierre. L’accouchement ne se passa pas bien et Victoire fut malade de
nombreux mois. Son mari voulut s’occuper
d’elle, mais elle refusa ses soins, prétextant que sa mère en était plus
capable.
Acte de naissance – janvier 1815 - Courvaudon.
Du vingt
quatrieme jour du mois de janvier l’an mil huit cent quinze acte de naissance
de jean Pierre né le dit jour à six heures du mattin fils de Jean Riviere et de
Victoire Brion ses père et mere.
Le sexe de
l’enfant a été reconnu être malle.
Premier
temoin andré Brion majeur demeura nt à
Courvaudon.
Second
temoin jacques Deliard majeur demeurant à Courvaudon.
Sur la
requisition à nous faite par magdeleine nicole sage femme laquel a déclaré ne
savoir signer.......
Petite erreur au niveau du prénom de père. Il ne s’agit pas de Jean
Rivière, mais de Pierre Marguerin Riviere. Jean Rivière étant le grand-père du
nouveau-né. Erreur lors de la déclaration en mairie.
Le caractère de la nouvelle maman ne s’arrangea pas pendant cette
maladie. Pierre Marguerin ne lui en voulut pas de sa méchante humeur, pensant
que la maladie en était la cause.
Trop gentil, Pierre Marguerin !
Au bout de six mois, Victoire fut enfin sur pied.
Le jeune couple ne vivait toujours pas ensemble et ne partageait une nuit
commune, uniquement quand Pierre Marguerin venait travailler chez ses
beaux-parents., tels au moment des labours ou des moissons, pou couper du
bois....
Une vraie vie de couple, quoi !
Au début de sa seconde grossesse, Victoire décida d’aller vivre chez
son mari. Celui-ci arrangea une chambre qu’il rendit la plus agréable possible
pour y accueillir la jeune femme. Mais la cohabitation avec ses
beaux-parents fut assez difficile. Elle
resta, malgré tout, à Aunay jusqu’à sa délivrance, le 8 mars 1817.
Ce fut une petite fille qui reçut les prénoms de Marie Françoise
Victoire.
Acte de naissance – mars
1817 – Aunay.
Du samedi
huitieme jour du mois de Mars l’an mil huit cent dix sept, acte de naissance de
riviere Marie Françoise Victoire née le dit jour à six heures du matin fille de
pierre Margrin Riviere profession de cultivateur et de marie anne Victoire
Brion son épouse domiciliés commune d’aunay.
Le sexe de
l’enfant a été reconnu féminin.
Premier
temoin le sieur françois Le comte maire de la commune de Courvaudon âgé de
quarante sept ans.
Second temoin
Michel jean François harson domicilié à aunay âgé de trente neuf ans sur la
requisition à nous faite par le sieur pierre Margrin Riviere père de l’enfant
conformement à la loi.
Après ses nouvelles couches, Victoire fut de nouveau malade pendant
trois mois. Elle reçut les bons soins de son mari et de sa belle-mère. Rien ne
lui était refusé. Mais malgré tous leurs efforts, elle les accablait tous deux
de reproches à longueur de temps, allant même jusqu’à les injurier. Une
bien charmante jeune femme, cette Victoire
Brion !
Lorsqu’elle fut enfin remise sur pieds, Victoire déménagea de nouveau
et se réinstalla chez ses parents à Courvaudon.
Très instable, cette jeune femme !
Les voisins, que ce soit à Courvaudon ou à Aunay, trouvaient tout cela
un peu curieux et en riaient sous cape. Pauvre Pierre Marguerin qui ne
comprenait pas les revirements incessants de son épouse. Il fit pourtant encore
un pas vers elle, lui proposant de venir s’installer avec elle, à Courvaudon,
si c’était son désir de vivre chez ses parents.
Ce fut un refus catégorique.
«
Pourquoi ne te louerais-tu pas ? Ainsi tu m’emmèneras de l’argent tous les
mois, lui avait-elle dit.
-
J’ai assez de besogne chez moi, je ne vois pas
pourquoi je me louerais, lui avait-il répondu
Et les enfants là-dedans ?
Ils naviguaient au gré des situations, mais surtout en finction de
l’humeur de leur mère.
« Garde alternée », pourrait-on dire, mais pas
régulière !!! Nous reviendrons sur les périodes de ses
« alternances ».
Un père aimant qui rechignait à voir partir chez leur mère les enfants,
sachant celle-ci instable et incapable de s’occuper d’eux. Surtout Jean Pierre,
car le petit garçon souhaitait rester avec son père.
Mais, Anne Marie Victoire Brion, dans ce cas-là, hurlait dans la rue, à
qui voulait l’entendre, qu’ON (son mari) ne voulait pas lui redonner « SON »
enfant.
« Je reveux mon enfant ! Je reveux mon
enfant ! »
Elle alla voir le juge de paix qui, après l’entretien avec cette
« mère epleurée », conseilla au pauvre Pierre Marguerin de laisser
son épouse reprendre le petit Jean Pierre.
Un autre enfant naquit, le 9 avril 1820, une petite Aimée.
Acte de naissance – avril
1820 – Courvaudon.
Du lundi
dixieme jour du mois d’avril l’an mil huit cent vingt. Acte de naissance de
aimée Delphine Rivière, nee le neuf avril à dix heures du matin fille de pierre
Marguerin riviere profession de laboureur demeurant à Courvaudon et de Marie
anne Victoire Brion son epouse en legitime mariage.
Le sexe de
l’enfant a été reconnu être feminin.
Premier
temoin jacques Deliard âgé de cinquante quatre ans profession de journalier
demeurant à courvaudon -
Second
temoin thomas simon âgé de trente quatre ans profession d’instituteur demeurant
à Courvaudon.
Sur la requisition faite par Pierre Marguerin Riviere père de
l’enfant qui a signé avec nous......
Et encore un autre petit, deux ans plus tard, le 10 juin 1822, qui
reçut les prénoms de Louis Prosper.
Acte de naissance – juin
1822 –
Courvaudon.
Du lundi dixieme
jour du mois de juin l’an mil huit cent vingt deux acte de naissance de Louis
Prosper Theodore Riviere, né le dit jour à huit heures du matin fils de pierre
Marguerin Riviere profession laboureur demeurant à Courvaudon et de Marie anne
Victoire Brion son epouse en legitime mariage.
Le sexe de
l’enfant a été reconnu être masculin.
Premier
temoin andré Brion âgé de cinquante trois ans profession de charpentier
demeurant à Courvaudon – second temoin thomas simon âgé de trente sept ans
profession d’instituteur demeurant à Courvaudon. Sur la requisition à nous
faite par Pierre Marguerin Riviere père de l’enfant qui a signé avec nous......
Autre
naissance, celle de Jean Louis, le 28 décembre 1824.
Acte de naissance –
décembre 1824 – Courvaudon.
Du mardi vingt huitieme jour du mois de decembre l’an
mil huit cent vingt quatre à quatre heures de l’après midi acte de naissance de
Jean Louis Riviere né le dit jour à sept heures du matin fils de pierre
Marguerin Riviere profession de laboureur et de Marie Anne Victoire Brion son
epouse en legitime mariage demeurant courvaudon département du Calvados. Le
sexe de l’enfant a été reconnu être masculin.
Premier temoin andré Brion âge de cinquante cinq ans
profession de charpentier demeurant à Courvaudon – second temoin thomas Simon
âgé de trente neuf ans profession d’instituteur demeurant à Courvaudon. Sur la
réquisition a nous faite par Pierre Marguerin Riviere père de l’enfant......
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. Il sera lu avec attention.