Et
si on jouait au détective ?
Jouer
au généalogiste ! Super sympa ! C’est un peu comme jouer au
détective.
Mais
la tâche n’est pas toujours aisée !
Il
faut souvent, avec presque pas d’informations, reconstituer l’histoire de toute
une vie.
Et,
il y a parfois, voire souvent, des énigmes qui ne trouvent jamais de
réponse !
Il
faut s’y attendre. Il faut l’accepter.
C’est
le jeu !
-=-=-=-=-=-
Mademoiselle
Prudence Olivier, âgée de dix-neuf ans, avait déclaré, le 22 juin 1856, en
mairie, comme le voulait la loi, être enceinte des œuvres d’un certain Maxime
Vangeon, domestique à Marbeuf, mais originaire de Saint-Aubin-d’Ecrosville où
il était né, le 5 mars 1835.
Une
grossesse de cinq mois environ, au jour de la déclaration.
Ce
qui devait donner une naissance en septembre ou octobre 1856.
« Vous
êtes sûre d’être enceinte, avait demandé le maire
-
Bah ! Pour sûr !
-
Et le père ? C’est bien le dénommé
Vangeon ?
-
Bah ! Pour sûr !
-
Sait-il qu’il est le père de l’enfant à
venir ?
-
Bah ! Pour sûr !
-
Et alors ? Ne va-t-il pas vous
épouser ?
Grand
silence du côté de la future mère !
Alors ?
Quand le bébé a-t-il montré le bout de son petit nez ?
La
future maman, habitant la commune de Marbeuf, la naissance devait avoir lieu en
cette commune. Mais aucune naissance d’un bébé « Olivier », nom de la
mère, ou encore « Vangeon », nom du prétendu père.
La
recherche fut infructueuse également, dans les villages environnants.
La
demoiselle Prudence Olivier avait-elle mis au monde un « enfant sans
vie ». Mais, aucun acte de décès, dans les registres, le prouvant.
Le
dénommé Vangeon épousa-t-il la déclarante ?
Sut-il
que cette déclarante était enceinte de lui ?
Alors
là ! Mystère !
Mais
avant tout, avait-il réellement fauté avec Prudence ?
Dans
l’affirmatif, je peux reprocher au couple leur manque de
« prudence » !
Si
non, il ne pouvait être le géniteur du petit.
Logique !
On
peut aussi avancer l’hypothèse d’une fausse-couche quelques jours après sa
venue en mairie.
Ou
qu’elle avait accouché ailleurs et, dans ce cas, les investigations risquaient
d’être longues et compliquées !
Ou
encore la possibilité qu’elle avait menti sur son état, afin de se faire
épouser par François Maxime Vangeon, sur lequel elle avait jeté son dévolu.
Oui,
oui ! Ce genre de mensonge existait !
Il
ne restait plus qu’à chercher un éventuel mariage, avec reconnaissance d’un
enfant, né fin 1856.
Prudence
Olivier était la fille de Edouard Benjamin Désiré Olivier, né le 24 mars 1807,
à Thibouville et de Adèle Valet qui avait vu le jour le 28 juillet 1811, à
Ecardenville.
Au
moment de la déclaration de grossesse de sa fille, Adèle Valet était décédée
depuis presque six ans, sa mort étant survenue le 3 décembre 1850 à Epreville-près-le-Neubourg.
La
demoiselle Prudence convola-t-elle en juste noces ? Oui !
Mais
pas avec le sieur Vangeon, domestique.
Elle
épousa un certain Edmond Alexandre Brennetot, commerçant à Vitot, le 11
septembre 1865. La cérémonie eut lieu à Marbeuf.
Je
me suis ruée sur l’acte de mariage, espérant trouver la reconnaissance d’un
enfant..... âgé de neuf ans.
Bingo !
Il y avait bien une reconnaissance mais......
Pas
d’un enfant né en 1856 !
Cela
ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas un enfant de neuf ans au foyer, mais si
c’était le cas, il n’avait pas été reconnu. Cela aurait été étonnant, toutefois.
Est-ce qu’un homme reconnaitrait un enfant qui n’est pas le sien, alors que
celui-ci atteignait les dix ans ?
Certains,
oui, je suppose, mais ce ne le fut pas, dans le cas présent !
L’enfant
reconnu était né le 2 novembre 1862 !
Il
avait été déclaré sous le nom de sa mère, « Olivier », et avait reçu
les prénoms de Victor Onésiphore.
La
demoiselle Olivier avait donc « récidivé » !
Le
couple eut par la suite plusieurs autres enfants :
·
Désir Victor, né le 13 octobre 1866
·
Alexandre Zacharie, né le 19 décembre 1868
·
Auguste Edmond, né le 14 juin 1871
Que
des garçons ! Tous nés à Marbeuf !
Poussant
un peu plus loin la recherche, j’ai appris que Prudence Joséphine Olivier était
décédée le 6 janvier 1893. Elle était âgée de cinquante-cinq ans. Sur son acte
de décès, la mention « épouse de » prouve que Edmond Alexandre
Brennetot lui avait survécu.
Quant
au sieur Vangeon, François-Maxime de son prénom, devenu limonadier à
Saint-Aubin-d’Ecrosville, il convola en justes noces avec Célestine Ernestine
Foubert, le 4 juillet 1868, à Saint-Aubin-d’Ecrosville, commune où il était né,
au hameau du Mesnil-Broquet, et où son père, Thomas, exerçait la profession de
« garçon meunier » et « garde-champêtre ».
-=-=-=-=-=-
Et
puis, autre énigme.
Qu’est
devenu l’enfant dont Marie Magdeleine Geneviève Godet avait déclaré la
prochaine naissance à Marbeuf, le 3 novembre 1808.
En
effet, n’avait-elle pas, ce jour-là, déclaré être enceinte de six mois environ.
Le
père ? Un inconnu !
« De
père inconnu », nota le maire tout en pensant : « Pourtant, elle
doit bien savoir qui lui a fait cet enfant ! »
Mais,
il savait aussi, le premier notable de la commune, que bien des petits
fleurissaient ainsi dans les champs, d’une rencontre éphémère, mais également,
et c’était malheureusement fréquent, de viols au cours des moissons.
Un
inconnu ? Peut-être, après tout !
Un
ouvrier agricole de passage qui, l’espace d’une nuit, avait fait miroiter à la
belle un avenir meilleur.
Marie
Magdeleine Geneviève Godet était la fille de Gabriel Godet et de Magdeleine de
Lieuvin.
Le
moment venu, ce fut Marie Marguerite Hareng, la femme de David Morisse, celle
qui avait mis au monde la moitié des bébés du village, car « faisant
fonction de sage-femme », qui vint présenter, en mairie, le petit
François, le 15 décembre à onze heures du matin, né ce même jour de Marie
Magdeleine Geneviève Godet et de père inconnu.
Malheureusement,
il décéda cinq jours plus tard, le 20 décembre 1808.
Etait-il
prématuré ? Assurément, car si l’on prend en compte la déclaration de sa
mère (enceinte de 6 mois en novembre), la naissance devait être prévue pour
janvier ou février 1809.....
Pas
de mariage pour la maman, du moins dans les registres de Marbeuf. Pas de date
de décès non plus la concernant sur cette commune !
Après
cet évènement, avait-elle quitté Marbeuf ?
Laissons
planer le rêve .....
Elle
avait revu son bel inconnu et était partie vers le bonheur.
-=-=-=-=-=-
En
ce 13 février 1838, ce fut Aimée Désirée Guillard qui déclara être enceinte de
six mois.
Elle
ne précisa pas le nom du père.
Elle
annonça, d’un air déterminé : « J’élèvrai seule mon p’tiot ! Pas
besoin d’un homme ! »
Etait-ce
bravade !
Se
voulait-elle plus forte qu’elle ne l’était ?
Agée
de vingt-neuf ans, elle était née le 21 janvier 1809 de l’union de Jean
Baptiste Guillard et de Aimée Charpentier.
Un
petit Amant Léandre vit le jour, le 20 mai 1838. Ce fut son grand-père, Jean
Baptiste Guillard, qui vint le présenter à la mairie afin de faire établir l’acte
de naissance.
Il
n’était pas peu fier de porter le marmot.
« Ça
f’ra d’la joie chez nous ! » lançait-il aux commères qui le
regardaient d’un air revêche.
Puis,
en les saluant, non sans hypocrisie, il pensait :
« En
v’là qu’auraient besoin de rire ! Vieilles coincées ! »
Les
deux autres témoins étaient Pierre
Jacques Dessaux, garde particulier et l’instituteur de la commune, François
Victor Lefebvre.
Le
petit Amant prospéra, entouré de l’amour des siens.
Il
put, ainsi, assister au mariage de sa maman, le 8 juin 1840. Jacques Alexandre
Charpentier, le « monsieur » qui se trouvait à côté de sa maman, le
reconnut comme étant son enfant légitime.
Ce
fut donc, le jour de cette union, que Amant Léandre Guillard devint Amand
Léandre Charpentier. Ce qui, en fait ne changea pas grand-chose pour lui !
Et
même si certaines mauvaises langues disaient haut et fort :
« C’est
point son gosse ! Alors, pourquoi qu’i’ l’ reconnait ? »
D’ailleurs,
qu’en savaient-elles ?
Etaient-elles
présentes le jour de la conception ?
Peu
importait aux nouveaux mariés. On pouvait toujours causer !
Aimée
Désirée Guillard et Jacques Alexandre Charpentier coulèrent sans aucun doute
des jours heureux et paisibles..... Le dicton est formel : « pour
vivre heureux, vivons cachés ». Voilà pourquoi je n’ai rien trouvé sur
eux, après leur union.......
Les
parents de Aimée Désirée Guillard finirent leurs jours à Marbeuf.
Jean
Baptiste Guillard partit le premier, le 20 février 1846, à l’âge de
soixante-treize ans.
Aimée
Charpentier le rejoignit six années plus tard, le 25 février 1852. Elle était
âgée de soixante-quatorze ans.
-=-=-=-=-=-
Plus
ardue, « l’affaire suivante ».
Toujours
dans la commune de Marbeuf, le 23 novembre 1853, Justine Dantan, âgée de
vingt-et-un ans, déclarait une grossesse d’environ huit mois, « des
œuvres » d’un certain Bréant d’Ecquetot. La formule était très jolie, mais
la jeune personne n’en était pas moins « enceinte jusqu’aux
yeux » !
C’est
maintenant que cela se complique.
Enceinte
de huit mois, cela ne pouvait être que visible.
Si
elle arborait une bonne ventrée, la jeune femme ne pouvait pas tricher sur son
état.
Qui
était le « géniteur » ? Un certain Bréant, d’Ecquetot avait-elle
déclaré. Bien vague, car aucun prénom n’a été noté.
Où
le bébé est-il né ?
A
Ecardenville-la-Campagne ? Non !
A
Ecquetot ? Non !
A
Saint-Aubin-d’Ecrosville ? Non !
A
Marbeuf, où demeurait Justine Dantan ?..........
C’est
là que rien ne colle !
23
Novembre 1853 : huit mois de grossesse. Naissance, normalement en Décembre
1853.
Logique ?
Dans
les registres d’état civil de Marbeuf, toutefois, un acte bien étrange.
« L’an mil huit
cent cinquante trois le treize décembre ..... commune de Marbeuf.... est
comparu le nommé Voiturier florentin boulanger âgé de quarante quatre ans
lequel nous a déclaré que marie scolastique
......(un blanc).... est accouché
aujourd’hui a deux heures après midi dans le domicile de sa mère en cette
commune d’un enfant du sexe masculin..... »
La
date correspondrait.
Mais
cet acte n’est pas légal. Le nom de la mère de l’enfant n’est pas mentionné, seul
un prénom « marie scolastique » qui n’est pas, d’ailleurs, le prénom
de la demoiselle Dantan.
D’autre
part, il manque le nom du père...... ou la mention « de père
inconnu ».
Avait-on
voulu maquiller la naissance ? Brouiller les pistes ?
L’enfant
avait-il, les jours suivant sa venue au monde, été abandonné à l’hôpital
d’Evreux ?
Hélas,
rien pour l’affirmer.
Une
petite chose toutefois, la mort prématurée de Justine Dantan, que révèle un
acte, incontestable celui-là.
Elle
n’avait que vingt-cinq ans, en ce 26 novembre 1857.
Quatre
années, presque jour pour jour, après sa déclaration de grossesse.
Si
on lui avait retiré son petit, fut-ce pour cela qu’elle s’était laissée
dépérir ?
Elle
a emporté avec elle son secret.
Alors,
ne la dérangeons pas plus longtemps.
J’ai découvert
beaucoup de « déclarations de naissances »
dans les
registres de délibérations municipales de
la commune de
Marbeuf.
Ce ne fut pas de
l’indiscrétion de ma part que
de faire ces
recherches, uniquement un peu de curiosité
et le plaisir de
la recherche.
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