Vous n’avez pas osé
mettre quelques lignes sur ce blog.
Pas facile, il est vrai,
de se livrer ainsi au fil de ses écrits.
Pourtant, ce blog
n’a pas été créé pour juger de la
qualité des textes déposés, mais se veut un lieu d’échanges.
Avant de vous proposer
un autre « sujet » pour le mois de janvier, je souhaite clore ce
chapitre sur Noël par un écrit.
Beaucoup de contes de
Noël ont fait rêver des générations d’enfants, voire d’adultes.
Je pourrais citer,
entre autres :
« La petite fille
aux allumettes » de Hans Christian Andersen.
Ou encore
« Casse
noisette » un ballet-féerique
de Piotr Ilitch Tchaïkovski sur un livret de Ivan
Vsevolojski.
Loin de tout cela, j’ai
choisi un passage épistolaire d’un de nos plus grands écrivains et poètes,
Victor Hugo.
Vous connaissez tous,
« Les Misérables », œuvre magistrale, reprise de nombreuses fois, en
dessins animés ou au cinéma.
L’extrait ci-dessous
parle de Noël, évidemment ! Il décrit la dure existence de la petite
Cosette. Il montre ses yeux émerveillés d’enfant, passant devant la baraque de
bimbeloterie dans la vitrine de laquelle trône, majestueuse, la plus
merveilleuse des poupées. Cette poupée est un rêve pour l’enfant, car elle ne
pourrait jamais prétendre la posséder. D’ailleurs, ce jouet n’avait pu être
acheté par quiconque, en raison de son prix excessif.
Entrée en scène d’une poupée
La
file de boutique en plein vent qui partait de l’église se développait, on s’en
souvient, jusqu’à l’auberge Thénardier. Ces boutiques, à cause du passage
prochain des bourgeois allant à la messe de minuit, étaient toutes illuminées
de chandelles brûlant dans des entonnoirs de papier, ce qui, comme le disait le
maître d’école de Montfermeil attablait en ce moment chez Thénardier, faisait
« un effet magique ». En revanche, on ne voyait pas une étoile au
ciel.
La
dernière de ces baraques, établie précisément en face de la porte des
Thénardier, était une boutique de bimbeloterie, toute reluisante de clinquants,
de verroteries et de choses magnifiques en fer-blanc. Au premier rang, et en
avant, le marchand avait placé, sur un fond de serviettes blanches, une immense
poupée haute de près de deux pieds qui étaient vêtue d’une robe de crêpe rose
avec des épis d’or sur la tête et qui avait de vrais cheveux et des yeux en
émail. Tout le jour, cette merveille avait été étalée à l’ébahissement des
passants de moins de dix ans, sans qu’il ne fût trouvé à Montfermeil une mère
assez riche, ou assez prodigue, pour la donner à son enfant. Eponine et Azelma
avaient passé des heures à la contempler, et Cosette elle-même, furtivement, il
est vrai, avait osé la regarder.
Au
moment où Cosette sortit, son seau à la main, si morne et si accablée qu’elle
fût, elle ne put s’empêcher de lever les yeux sur cette prodigieuse poupée,
vers la dame, comme elle l’appelait. La pauvre enfant s’arrêta pétrifiée. Elle
n’avait pas encore vu cette poupée de près. Toute cette boutique lui semblait
un palais ; cette poupée n’était pas une poupée, c’était une vision. C’étaient
la joie, la splendeur, la richesse, le bonheur, qui apparaissaient dans une
sorte de rayonnement chimérique à ce malheureux petit être englouti si
profondément dans la misère funèbre et froide. Cosette mesurait avec cette sagacité naïve et triste de
l’enfance l’abîme qui la séparait de cette poupée. Elle se disait qu’il fallait
être reine ou au moins princesse pour avoir une « chose » comme cela.
Elle considérait cette belle robe rose, ces cheveux lisses, et elle
pensait : Comme elle doit être heureuse cette poupée-là ! Ses yeux ne
pouvaient se détacher de cette boutique fantastique. Plus elle regardait, plus
elle s’éblouissait. Elle croyait voir le paradis. Il y avait d’autres poupées
derrière la grande qui lui paraissaient des fées et des génies. Le marchand qui
allait et venait au fond de sa baraque
lui faisait un peu l’effet d’être le Père éternel.
………………………
Cosette
leva les yeux, elle avait vu venir l’homme à elle avec cette poupée comme elle
eût vu venir le soleil, elle entendu ces paroles inouïes : c’est pour
toit, elle le regarda, elle regarda la poupée, puis elle recula lentement, et s’alla
cacher tout au fond sous la table dans le coin du mur.
Elle
ne pleurait plus, elle ne criait plus, elle avait l’air de ne plus oser
respirer.
La
Thénardier, Eponine, Azelma étaient autant de statues. Les buveurs eux-mêmes
s’étaient arrêtés. Il s’était fait un silence solennel dans tout le cabaret.
………………………
« Eh
bien, Cosette, dit la Thénardier d’une voix qui voulait être douce et qui était
toute composée de ce miel aigre des méchantes femmes, est-ce que tu ne prends
pas ta poupée ? »
Cosette
se hasarda à sortir de son trou.
« Ma
petite Cosette, reprit la Thénardier d’un aire caressant, monsieur te donne une
poupée. Prends-la. Elle est à toi.
Cosette
considérait la poupée merveilleuse avec une sorte de terreur. Son visage était
encore inondé de larmes, mais ses yeux commençaient à s’emplir, comme le ciel
au crépuscule du matin, des rayonnements étranges de la joie. Ce qu’elle
éprouvait en ce moment-là était un peu pareil à ce qu’elle eût ressenti si on
eût dit brusquement : Petite, vous êtes la reine de France.
Extrait des « Misérables » de Victor Hugo
J’espère que vous aurez
pris plaisir à lire ces quelques lignes.
Je vous souhaite, à
tous,
une bonne année 2015
et espère que
vous visiterez ce blog de nombreuses fois
et que nous pourrons échanger à de
multiples reprises.
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