Ce matin-là, ce fut la chaleur
des rayons du soleil sur son visage qui éveilla Xiao Ché Zhù. Allongé, les yeux
clos, il prolongea paresseusement ce bien-être.
« Encore un peu, avant
d’ouvrir les paupières ! » pensa-t-il.
Quelle heure était-il donc ?
Peu importait, puisque le dragon
du grand fleuve ne l’avait pas encore rappelé à l’ordre, il pouvait encore
paresser à loisir.
Le silence un peu trop pesant
l’alerta tout à coup. Il ne sentait aucune présence près de lui. S’asseyant sur
sa natte, il s’étira tout en parcourant du regard l’unique pièce de son foyer.
Sur la petite basse se trouvaient
encore les documents sur lesquels il avait travaillé la veille au soir. Mais,
la pièce était vide. Seul, le long du mur, face à lui, trônait le cerf-volant
en forme de dragon.
Xiao Ché Zhù se leva, son corps
lui sembla plus lourd et chacun de ses gestes plus réels que la veille.
Que se passait-il ?
Il se remémora les dernières
années passées comme en songe.
Combien de temps s’était-il
écoulé depuis la mort de Lao Li ?
Tout se brouillait dans sa
mémoire.
Il s’approcha du cerf-volant,
l’observa, le prit dans ses mains, le retourna et le replaça contre le mur.
Décontenancé, il examina les documents épars sur la petite table.
Etait-ce son œuvre ces dessins
aux vives couleurs, aux traits précis ?
Etait-ce son œuvre, ces poèmes
aux mots chantant comme l’eau des sources, comme le chant des oiseaux ?
Il sortit sur le pas de la porte
inondé de soleil, scruta l’horizon, inspira profondément, puis rentra à nouveau
dans le logis.
Il se souvint alors de son rêve
de la nuit, mais était-ce un rêve ?
Il se trouvait avec le dragon du
grand fleuve. Celui-ci contemplait avec satisfaction les dernières ébauches du
garçon.
« Voilà, disait-il, hochant
sa grosse tête, ma mission est achevée. Je t‘ai enseigné tout ce que ton père
aurait pu t’enseigner. Il est temps pour toi de faire seul ton chemin. Tu sais
lire, écrire et tu as dans la tête un trésor de poésie. Va, mon garçon, va à la
ville, il va y avoir un concours de poètes prochainement, inscris-toi et que la
chance te sourit. Mais je crois que tu as un brillant avenir devant toi. »
Xiao Ché Zhù rassembla ses
affaires, ses dessins, le coffret contenant pinceaux, pierre à encre et
couleurs ayant appartenu à son père. Puis, ouvrant le coffre une dernière fois,
il y prit le collier et le bracelet de jade, en sortit la tunique et le
pantalon qu’il déplia avec précaution les contemplant comme s’il venait de les
découvrir et les revêtit. Alors, seulement après s’être retourné une dernière
fois sur la vieille maison et sur ce qu’il restait de son enfance, il s’engagea vaillamment sur le chemin menant
à la ville, sous un soleil déjà haut
dans le ciel.
Il croyait à sa bonne étoile, il
se sentait de taille à affronter le monde entier. Quelque chose lui disait
qu’il ne pouvait échouer et qu’il deviendrait un poète à la grande renommée.
Trois papillons le suivaient,
légers, et semblaient accompagner sa marche. Le jeune homme leur sourit
confiant.
« Oui, dit-il tout haut en
les regardant, oui, vous serez fiers de moi, je deviendrai l’enfant dont vous
aviez rêvé ! »
Ces trois papillons n’étaient-ils
pas les âmes de ses parents et de Lao Li, son grand-père ? Ce ne pouvaient
être qu’eux de toute évidence pour l’accompagner de la sorte vers sa vie
d’homme.
Xiao Ché Zhù allait vers son
destin d’un pas décidé, et, tout là-bas, au loin, sous le soleil, se perdit sa
silhouette, frêle silhouette, qui diminua progressivement avant de disparaître
à l’horizon.
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