Tout
en se dirigeant vers la maison, Jeanne se demandait qui pouvait bien la
demander. Il ne pouvait s’agir que de Cédric ou Lucas, car dans ce village, elle
ne connaissait personne d’autre.
Avait-elle
envie de les voir, l’un comme l’autre ?
Oui
et non, en fait !
Flattée
de cette visite dont elle découvrirait bientôt le visage du visiteur, elle
n’éprouvait plus l’enthousiasme des premiers jours.
Elle
rêvait du « prince charmant », mais aucun des deux frères ne
répondait aux critères qu’elle s’était forgés.
Cédric
avait de beaux yeux, un sourire charmeur, mais, elle n’avait pas aimé son
comportement lors de sa visite à la ferme. Peut-être parce qu’il s’était laissé
aller avec une autre fille qu’elle ? Jalousie ?
Lucas ?
Trop raisonnable et sans aucune fantaisie. Et puis..... son appareil !!
Non alors là, ce n’était pas possible ! Pourquoi faisait-elle cette
fixation ? Certains de ses copains et copines en avaient également et cela
ne la troublait nullement.
Non,
décidément, ni Cédric, ni Lucas !
Jeanne
soupira. Jamais, c’était sûr, elle le sentait au fond d’elle, jamais elle ne
rencontrerait celui qui, même blaguant à outrance, même avec des dents de
travers qu’un appareil tentait en vain à redresser, représenterait, à ses yeux, « le » garçon.
Elle
le voulait blagueur et raisonnable, intelligent et cultivé (pas trop pour
qu’elle ne paraisse pas idiote à côté de lui), grand, athlétique, au sourire
éclatant (mais pas en raison de bagues), aux yeux clairs et vifs... Enfin, celui que toutes les filles
admireraient, mais qui n’aurait d’yeux que pour elle, Jeanne.
Le
rêve !
Oui,
un rêve, en effet. Et ce rêve-là, Jeanne désespérait de le voir se réaliser.
Comme
toutes les adolescentes, Jeanne avait envie de vieillir vite, au moins, vite
jusqu’à vingt ans.... Tout simplement pour pouvoir vivre comme les grands,
comme ces célébrités au corps merveilleux qui faisaient la une des
« journaux people ».
Mais
voilà, Jeanne n’avait que treize ans !
En
arrivant devant la maison, Jeanne aperçut un vélo posé contre le mur. Par la
porte grande ouverte, elle entendit parler et rire. Elle identifia la voix de
Caroline, sa maman, et celle de Tante Adélaïde. La troisième voix était une
voix grave, une voix d’homme, une voix qu’elle ne connaissait pas. Ce ne
pouvait être la personne qui venait la voir. Du moins, ce n’était ni Cédric, ni
Lucas. Elle en était persuadée.
Elle
entra dans la cuisine. Assis autour de la table, devant un verre de cidre,
Caroline, tante Adélaïde et le Père Hubert.
Quel
étonnement pour Jeanne !
Elle
qui, quelques instants plus tôt, faisait la fine bouche, et s’inventait des
films !
Pourquoi
le Père Hubert s’était-il déplacé ? Et pour venir la voir, elle !
« Tiens,
la voilà ! s’écria tante Adélaïde.
-
Comment vas-tu, demoiselle ?
demanda le Père Hubert avec un large sourire. Tu sais, il y en avait un qui se
faisait bien du souci, quand il a su que tu étais malade.
Toujours
la même question dans la tête de Jeanne : Qui ? Lucas ou
Cédric ?
Alors,
si l’un ou l’autre s’inquiétait, pourquoi c’était leur grand-père qui
venait ?
« Tu
veux boire quelque chose, Jeannette ? demanda Caroline à son a do de fille.
-
Non, ça ca !
-
Bon, c’est pas l’ tout, mais j’ai encore
du travail, dit le Père Hubert, en se levant.
Puis,
il fouilla dans sa poche et, en se tournant vers Jeanne, lui tendit une
enveloppe un peu froissée.
« Tiens,
demoiselle ! Les garçons sont repartis hier soir. Ils ne reviendront que
dans dix jours et je crois que tu ne seras plus là. Alors, tu vois, je suis
venu pour faire le commissionnaire. »
Puis,
avec malice, il ajouta, en faisant un clin d’œil à l’adolescence :
« Aurais-tu
fait un béguin ? »
Il
sortit de la maison, enfourcha sa bicyclette et lança un :
« Salut
la compagnie ! Bonne soirée ! en s’élançant vers la route.
Jeanne
était restée sans bouger. Elle considérait l’enveloppe blanche sur laquelle
aucune écriture n’apparaissait.
Son
cœur battait fort.
Elle
aurait aimé savoir qui était l’expéditeur de ce message, mais craignait de le découvrir.
Et
puis, à l’époque des textos et mails, qui pouvait encore écrire une lettre ?
« C’est
vrai, pensa Jeanne, ici, il n’y a pas de réseau ! »
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