Jeanne
n’ouvrit pas tout de suite le mystérieux message. Elle préférait imaginer ce
qu’il pouvait bien contenir.
Une
déclaration d’amour, la décrivant comme « la Seule »,
« l’Unique », « l’Incomparable » ! Alors là, ce serait
fortement étonnant.
Une
invitation ! Cédric et Lucas ne devaient-ils pas revenir dans une dizaine
de jours. Si c’était cela, elle ne pourrait s’y rendre. Elle allait, enfin,
quitter cette cambrousse.
Un
souhait de bon rétablissement ! Cela semblait plus plausible, mais ce
genre de courrier était bien vieillot. Qui aujourd’hui s’attardait à ce genre
de correspondance ?
Plus
personne ! Sauf les vieux !
Un
petit mot « d’au-revoir » !
Possible
également. N’ayant pu le formuler de vive voix en raison de sa maladie de la
vieille.
« Et
puis après tout, j’en ai rien à faire ! pensa Jeanne. De toute façon, je
ne reviendrai jamais en vacances ici ! »
« Tu
ne lis pas ta lettre ? demanda Caroline.
-
Rien à faire, tu peux la jeter !
-
Comme tu veux, ma Jeannette.
En
formulant cette phrase, Caroline s’empara de l’enveloppe et fit semblant de la
jeter. Elle connaissait sa fille et savait qu’elle reviendrait sur sa décision,
en fin de journée.
Jeanne
sortit et alla se promener jusqu’à la place du village. Elle s’assit sous le chêne,
le dos appuyé contre le tronc de
l’arbre. Elle n’aurait pu décrire, à ce moment précis, ses sentiments.
Envie
de pleurer. C’était certain.
Et
surtout, elle se sentait désemparée et aurait aimé rentrer chez elle, retrouver
sa chambre, ses affaires, son petit coin à elle, ses amis ….. Non ! Pas
ses amis !
Oui,
ses amis, car sans eux, elle n’avait pas d’existence.
Elle
aurait aimé faire tant de choses, exceller dans toutes ses entreprises. Mais,
elle se sentait tellement nulle !
« Peu
mieux faire ! ». Voilà l’appréciation qui revenait sans cesse sur ses
bulletins.
Elle
aurait aimé « mieux faire »….. Elle prenait souvent de bonnes
résolutions….. Mais, difficile de se concentrer, de faire des efforts !
Une journée, deux jours, et puis peu à peu…. Il aurait, en fait, fallu
travailler un peu plus et rêver un peu moins.
Il
était vrai que les rêves s’évaporaient et n’apportaient rien de concret.
Mais
surtout, il aurait fallu qu’elle n’écoute
pas ses « amis » qui dénigraient trop souvent les premiers de la
classe.
Des
« intellos », comme disait Lucas.
Jeanne
aimerait être une « intello », mais pour cela, il lui faudrait être
un peu plus motivée, un peu plus attentive en classe, un peu plus appliquée. Et
tout cela, elle ne l’était pas !
Jeanne
sentit couler une larme sur sa joue. Oui, elle se sentait vraiment trop nulle.
Elle laissa aller son chagrin, reniflant de temps à autre et essuyant ses
larmes d’un revers de la main.
Maintenant,
elle allait avoir, en plus, le nez et les yeux rouges. La totale !
Lorsque
son trop-plein d’amertume se fut déversé, Jeanne reprit lentement le chemin de
la maison de tante Adélaïde. Après demain, dans la matinée, elle repartirait vers
sa vie d’avant. Il allait lui falloir rassembler ses affaires et les ranger
dans son sac.
En
premier, l’appareil essentiel et indispensable à sa vie d’adolescente :
son téléphone portable.
Après
le repas du soir, lorsque Jeanne monta se coucher, elle trouva l’enveloppe
anonyme posée sur sa table de chevet.
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