Dans
ce temps-là, ils avaient le sang chaud. Je peux vous le confirmer, au vu du
grand nombre de dépôts de plaintes recueillis dans les mairies des villages.
D’ailleurs,
à la réflexion, tout était prétexte à récrimination.
Un
regard ou une parole. Mais souvent, un petit rien devenait presque affaire
d’état.
Retournons,
si vous le voulez bien, à Saint-Aubin-d’Ecrosville, en ce 20 février 1860,
juste avant le repas de midi...........
-=-=-=-=-=-
Dans
la petite mairie, Augustin Taurin était absorbé dans la lecture de quelques
nouveaux arrêtés préfectoraux lorsque la porte s’ouvrit laissant pénétrer dans
les lieux une bouffée d’air glacial. Levant les yeux du document dont il
prenait connaissance, il aperçut, devant lui,
Jean Jacques François Charpentier qui avait l’air de fort méchante
humeur.
«
Tiens donc ! lança l’adjoint au maire, qu’est-ce qui t’amène ici ?
-
C’ qui m’amène, pardi, c’est encore le
Berrier, pardi !
-
Jean Louis Auguste ?
-
Bah ! Qui veux tu qu’ ce
soit ?
-
Et qu’est-ce qui s’est passé ?
-
C’est qu’ cett’ fois, i’ m’a frappé.
Il
existait un différend depuis bien longtemps entre les deux hommes. Mais cela
faisait si longtemps que les deux protagonistes n’auraient même pas pu en
donner les raisons.
Cela
venait peut-être même du temps de leurs pères, voire de leurs grands-pères.
Enfin,
peu importaient les raisons, car ce qui était certain, c’était qu’à chaque fois
qu’ils se retrouvaient sur le même chemin, le sieur Jean Louis Auguste Berrier
lançait le premier les offensives.
Jean
Jacques François Charpentier, lui, ne souhaitant pas faire d’histoire, laissait
l’autre causer, car jusqu’à présent, il n’y avait eu que menaces et insultes.
Des
menaces qui en disaient tout de même long sur la rancœur tenace du sieur
Berrier, telles que :
« T’es
bien heureux qu’ y a du monde, vain dieu, car j’ t’aurais donné une brulée, ça
tu peux m’ croire ! »
Ou
encore :
« J’
te tuerai, ça, c’est sûr ! »
Menaces
de mort, tout de même !
Heureusement,
dans la plupart des cas, les actes ne suivaient pas les paroles.
Mais,
ce matin-là, vers les dix heures, Jean Jacques François Charpentier se trouvait
sur le chemin 73, reliant le hameau de Phipou au bourg de
Saint-Aubin-d’Ecrosville. Arrivant en sens inverse, il aperçut son détracteur,
le sieur Berrier, qui se rendait, lui, à Phipou.
Charpentier
décida de l’ignorer afin d’éviter un quelconque conflit. Mais, ce n’était pas
dans les habitudes de Berrier de jouer les indifférents.
Arrivant
à la hauteur de Charpentier, Berrier lui assena un coup de fouet par la figure.
Et
vlan ! Comme ça, gratuitement, sans un mot.
Bien
sûr, il n’y avait personne, alentour, susceptible de témoigner de cette
agression.
Voilà
pourquoi, Jean Jacques François Charpentier se retrouvait à déclarer l’évènement
devant l’adjoint au maire, craignant que la prochaine rencontre avec le sieur
Berrier s’acheva dans le sang. Le sien, bien entendu !
Augustin
Taurin prit note de cette déposition sur le registre municipal, en précisant
qu’il avait, effectivement discerné une
marque au-dessous de la joue gauche du plaignant, et que cette marque aurait pu
résulter du coup de fouet.
« Aurait
pu... », alors : Pas de quoi
« Fouetter un chat » !
Petit clin
d’œil pour vous montrer que
toutes les
plaintes n’avaient pas la même importance !
Saint-Aubin-d’Ecrosville,
registre des délibérations municipales,
20 février 1860.
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