Vengeance de sorcière
chapitre 2
Dans
le petit village, non loin de là, tous les habitants avaient fermé portes et
volets et s’apprêtaient à passer une nuit qui s’annonçait, assurément fort
agitée, en raison de la tempête qui faisait rage.
En
mouchant les chandelles, ils espéraient
que le lendemain serait plus clément, afin qu’ils puissent se rendre à la foire
dans la ville voisine.
Les
enfants, sous leur mince couverture, dans le noir des logis, écoutaient siffler
le vent et se déverser la pluie en averses diluviennes.
Malgré
leur angoisse occasionnée par le déchaînement des éléments, ils rêvaient à la
fête du lendemain et aux sucres d’orge ou bonshommes en pain d’épice, promis
par leurs parents.
Et
puis, quelles attractions leur seraient proposées ? Un montreur d’ours
assurément, un cracheur de feu évidemment, des comédiens jouant, minant,
chantant sur une estrade dressée à cet
effet et encore bien d’autres curiosités, sans oublier la diseuse de bonne
aventure tant prisée par les jeunes filles rêvant d’épouser un prince.
Les
enfants du village ne parlaient plus que de cela depuis quelques jours. Oui,
mais dans les conversations, était aussi évoqué le fait de traverser la forêt
dans laquelle une vieille femme habitait, et que chacun nommait, en baissant la
voix pour ne pas s’attirer le mauvais sort, la sorcière !
Tous
les enfants en avaient une peur bleue, celle qui prenait au ventre et qui
paralysait certains, les clouant sur place, comme si soudain des racines leur
étaient poussées sous les pieds et s’étaient ancrées profond dans le sol ou qui
faisait détaler certains autres comme des petits lapins pourchassés par le
renard, à une vitesse telle qu’on aurait pu croire que des ailes leur étaient
sorties à la place des omoplates.
Mais
il faut bien avouer que leur frayeur était réellement justifiée, car lorsque la
vieille femme entendait jacasser sur le chemin, rire et crier aussi, elle
entrait dans une fureur excessive, sortant de sa cabane en rondins de bois en
criant et tapant avec une louche sur un poêlon.
Une
apparition cauchemardesque !
Les
plus hardis se sauvaient, certes, mais pas sans avoir nargué la pauvre vieille,
entonnant une chanson de leur invention, chanson qui disait :
La,
la, la, la sorcière !
Qui
croit nous effrayer
En
frappant sur sa soupière
Avec
son manche à balai !
Cette
comptine achevée, ils se carapataient en riant.
Bien
sûr, ce petit couplet, n’arrangeait en rien la mauvaise humeur de la vieille.
Les
parents mettaient pourtant en garde leurs rejetons de ne pas s’approcher trop
près du logis de cette vieille femme, et de ne pas la provoquer avec leur
chansonnette, car tous savaient, depuis fort longtemps, qu’elle n’aimait pas,
ou plutôt qu’elle détestait les enfants, sans pour autant savoir pourquoi.
La
raison avait, peut-être, était connue, mais personne ne s’en souvenait plus à
présent.
D’ailleurs,
cette vieille femme, dite la sorcière, savait-elle pourquoi elle haïssait les
enfants ? Pas sûr !
Il
y avait longtemps, de cela, elle avait décrété :
« Je
n’aime pas les enfants ! Ils font trop de bruits ! Ils sont
impolis ! Ils me tapent sur les nerfs ! »
De
la même manière qu’elle avait décrété également, en regardant, navrée, son
potager en friches :
« Je
n’aime pas les légumes ! Les haricots me font penser à de grosses
chenilles ! Les carottes à des limaces gluantes ! Les choux-fleurs à
de la bave d’escargots mousseuse ! »
Aussi,
ne mangeait-elle jamais de légumes.
Petit
à petit, elle s’était éloignée du village et s’était installée dans la forêt où
elle trouvait à se nourrir en ramassant des champignons, cueillant diverses
baies et capturant, grâce à des pièges confectionnés par ses soins, de petits
gibiers. Elle connaissait aussi une multitude de plantes avec lesquelles elle
confectionnait baumes et remèdes qu’elle cédait contre quelques œufs ou un broc
de lait, car elle avait acquis une grande renommée de guérisseuse.
Certains, peu courtois, ne disaient pas
« guérisseuse », mais « sorcière », tout comme ils ne
disaient pas « remèdes », mais « envoûtements ». Mais, il y
a toujours de mauvaises langues ! Les personnes étaient accueillies dans
la cabane de rondins de bois, à une seule et unique condition, qu’elles ne
soient pas accompagnées d’enfants.
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