Dur métier que celui de "Garde-champêtre" !
En
voilà un métier très utile !
Un
métier de plein-air, pour lequel il fallait :
·
Avoir plus de vingt-cinq ans.
·
Savoir lire et écrire.
·
Etre irréprochable dans sa vie
personnelle et sociale.
Et
surtout :
·
Avoir de bonnes jambes pour parcourir
chemins, champs, bois et forêts communales.
·
Posséder de bonnes galoches, car les
pieds souffraient d’échauffements l’été et d’engelures l’hiver.
Mais
encore, être très observateurs, très vigilants, et en cas de délits, être implacable
et juste, même si cela concernait la proche famille ou les amis.
Pas
facile !
Il
fallait aussi tenir sa langue, ne rien divulguer à propos de son travail. Certaines
affaires devant rester très confidentiels !
Imaginons,
si vous le voulez bien, plusieurs situations
délicates auxquelles le garde-champêtre pouvait être confronté et dans lesquelles
il pouvait se trouver un peu en « porte-à-faux ».
-=-=-=-=-=-
Ce
brave homme arpentait les chemins.
« Brrrr !!
Quel froid ! »
Pieds
et mains gelés. Bout du nez également et qui, en plus, devenu cramoisi,
coulait.
« Nom
de d’là ! marmonnait le pauvre homme, j’ donn’rai cher pour un bon verre
de gnole ! Ça m’ requinqu’rait !»
Chemin
faisant, le garde, proche de la congélation, rencontra un fermier, pas vraiment
de ses amis, mais tout de même pas un inconnu.
« Fait
frisquette, hein ? dit celui-ci en le saluant.
-
Ça, pour sûr ! répondit le garde.
-
Allez ! V’nez boire un coup ça vous
réc’auff’ra. Ça peut pas faire de mal, hein ? Et pis, de c’ temps-là, les
voleurs i’ sont au chaud.
Qu’auriez-vous
fait à cette proposition ?
Vous
auriez accepté l’invitation, évidemment !
Imaginez
que ce gentil fermier fut un jour arrêté pour fraude, une broutille....
Le
pauvre garde aurait alors entendu à coup sûr :
« T’es
point reconnaissant, hein ! Tu t’en es j’té des verres chez moi, hein,
quand i’ f’sait froid ! »
-=-=-=-=-=-
Dans
ces temps-là, mais également encore aujourd’hui, un arbre fruitier croulant
sous ses fruits, c’était tentant.
Ce
n’était pas vraiment voler !
Mais
au début du XIXème siècle, c’était un délit réprimé par la justice.
Notre
garde-champêtre avait le devoir de protéger la propriété d’autrui et donc, si
par hasard il surprenait un gamin chapardant une pomme, une poire ou quelques
cerises, il se devait de l’arrêter.
Pas
de pitié, même si le garnement s’excusait, disant :
« Promis,
M’sieur, je r’commenc’rai plus ! »
Qu’auriez-vous
fait, vous ?
Une
petite semonce et on en restait là.
Et
bien, non ! Faute professionnelle !
Le
pardon et l’absolution, c’était l’affaire du curé.
Le
garde-champêtre représentait l’ordre.
-=-=-=-=-=-
Un
dépôt de fumier sur un sentier communal, des branches empiétant sur l’espace
public, et que sais-je encore .......
Délits
entrainant verbalisation, après un délai pour l’enlèvement, le nettoyage et
l’élagage.
Un
rapport était établi.
Le
garde-champêtre ne devait pas se faire que des amis.
Mais
sa fonction avait-elle pour but le copinage ?
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Les
délits dits « forestiers » étaient nombreux.
Seuls
les plus pauvres étaient autorisés à ramasser du bois mort dans les bois
communaux ou à glaner dans les champs après les moissons. Des règles étaient établies et les communes
délivraient un document aux
« privilégiés », attestant leurs droits.
Pas
question de dire :
« Le
papier, mais j’ l’ai point. Il est à la maison ! »
Tout
était vérifié, et plutôt deux fois qu’une !
Je
suppose aussi que, si ce brave garde-champêtre surprenait sa femme avec des
fagots, alors qu’elle n’en avait pas le droit, il la verbalisait.
J’image
la mégère hurlait à la face de son garde de mari :
« Bon !
Tu veux point que j’ prenne du bois. Soit disant que j’ai pas l’ droit !
Alors, tu mang’ras froid c’soir ! Pas d’fagots ! Pas
d’feu ! »
Quelle
tête il ferait ce pauvre homme de loi !
Quant
aux braconniers, ils écopaient souvent des peines de prisons, avec bien
évidemment suppression du gibier illégalement chassé.
Et
pas question de proposer au garde de partager le contenu de la gibecière !
C’eût
été malvenu.
La
loi est incorruptible !
Pourtant,
cela devait être bien tentant. L’odeur
d’un bon civet de lièvre devait titiller fortement les narines de l’homme, et
le faire saliver.
Imaginez,
vous aussi, les morceaux de lièvre trempant dans une sauce onctueuse,
accompagnés de pommes de terre et de petits champignons. Ces derniers provenant
d’une récolte illégale, bien sûr !
Quel
dur métier, tout de même !
-=-=-=-=-=-
Quand
il y avait des délits plus graves, vols meurtres ou encore accidents mortels et
suicides, c’était à la « Haute Justice » que revenait ces affaires.
Mais,
motus et bouche cousue avant le jugement.
Cela
devait être compliqué de garder les secrets, surtout si cet homme de hautes et
difficiles missions avait épousé une femme curieuse.
Câline
comme une chatte, elle devait demander d’une voix douce :
« Tu
veux ren m’ dire. A moi, voyons, tu sais, j’ dirai ren ! »
Tu
parles ! Le lendemain, tout le village serait au courant de l’affaire dans
les moindres détails, plus un grand nombre du cru de l’épouse à l’imagination
fructueuse !
Une
femme qui pouvait, aussi, devenir agressive en cas de refus du garde,
scrupuleux dans sa fonction :
« Ah !
Tu sais ren, et tu veux m’fair’ croire’
ça ? Tu parles ! T’as pas confiance, v’là
pourquoi ! »
Que
faire dans ce cas-là ?
Surtout
quand on voulait avoir la paix dans son ménage !
Les
plus sournoises profitaient des moments plus intimes...... Câlineries et
confidences sur l’oreiller !
Vigilance !
Vigilance ! Attention monsieur le garde !
-=-=-=-=-=-
Le
plus difficile, dans cette fonction, devait être ces silences à son entrée dans
le café du village.
Conversations
cessant immédiatement, échanges de regards des uns et des autres.
Et
quand les conversations reprenaient, c’était sur la pluie ou le beau temps.
Savait-on
jamais. Les paroles perçues pouvaient être mal interprétées.
Le
contraire pouvait aussi être possible.
A
son entrée, le garde se voyait apostrophé :
« Eh !
V’ins boir un coup ! »
Et
verre après verre, tournée après tournée, essayant de tirer les vers du nez de
l’homme d’ordre, afin d’apprendre tous les secrets, tous les dessous des
affaires.
Pas
toujours facile de ne pas accepter de trinquer.
Pas
toujours facile dans de pareilles circonstances de garder sa langue.
Quand
l’alcool échauffait les esprits, un mot en entrainant un autre et les mots
jaillissaient vivement.
Alors,
être garde-champêtre impliquait-il de vivre en ermite, sans causer à
quiconque ?
-=-=-=-=-=-
Voilà
pourquoi, certains gardes-champêtres nommés dans les communes furent licenciés
pour « ne pas s’être acquitté des
devoirs de sa tâche d’une manière satisfaisante et qu’il n’en remplissait pas
les obligations. »
Ce
fut ainsi que la Commune d’Ecquetot dut se séparer de deux gardes.
Mais
cela ne supposait pas que ces deux hommes avaient basculé dans le camp des
truands.
Le
15 mai 1819, le nommé Antoine Martin se voyait signifier son renvoi au 31
juillet suivant, date anniversaire de sa nomination.
Antoine
Martin avait vu le jour au Grosoeuvre le 1er avril 1758.
Il
avait épousé une fille du coin, Marie Françoise Ursule Dupuis, née à Venon.
Le
couple s’était installé rue de l’église à Ecquetot, ville où l’un et l’autre
décédèrent.
Lui,
Antoine Martin, le 3 mars 1834. Elle, Marie Françoise Ursule Dupuis, devenue
veuve Martin, le 16 février 1840.
Il
en fut de même pour Louis Jacques Marsollet, en juillet 1840.;
Que
lui était-il reproché ?
« De ne jamais
avertir des délits qui étaient commis et qui se commettaient
journellement. »
Y
en avait-il autant que ça dans ce village ?
Louis
Jacques Marsollet était originaire de Mandeville, où il cultivait des terres.
Il
avait épousé une veuve, Marie Barbe Hervieux, née à
Criquebeuf-la-campagne ; le 21 janvier 1783.
Devenu
veuf, le 30 juillet 1846, Louis Jacques Marsollet ne finit pas ses jours à
Mandeville.
Alla-t-il
vivre chez un de ses enfants ?
Sans
doute, à moins...... qu’il ne se soit
remarié, la solitude et les soins du ménage lui pesant.
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Sur
le territoire de la commune de Saint-Aubin-d’Ecrosville, il y avait, en février
1817, trois gardes-champêtres :
Les
sieurs Augustin Foy et Girard, ainsi que le sieur Langlois, déjà garde-particulier
de Monsieur de Pavyot, châtelain de la commune.
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Comment
étaient nommés les gardes-champêtres.
Une
loi du 8 juillet 1795 (messidor an III) ordonnait la nomination de
gardes-champêtres dans les communes rurales.
Le
salaire des gardes était de deux cents francs par an.
C’était
au Sous-préfet de l’Eure, en l’occurrence celui de la sous-préfecture de
Louviers dont dépendait le Plateau du Neubourg, d’effectuer le choix, en fonction des candidatures qui lui
étaient proposées.
Avant
d’arrêter sa décision, il faisait une enquête, afin de s’assurer que l’homme
qu’il désignerait était de « bonnes vies et mœurs », et qu’il
s’acquitterait de sa fonction « avec
dévouement au Roi et dans le respect de l’autorité des lois ».
Mais
c’est que ça ne rigolait pas !
(Selon
les périodes de ce XIXème siècle fort tourmenté, le
« dévouement » revenait soit au roi, soit à l’empereur, soit, encore,
à la république.)
Le
garde-champêtre retenu devait donc prêter serment. Voici quel était le contenu
de sa déclaration.
L’homme,
solennellement, d’une voix claire et forte, jurait de :
« Se conformer aux
lois, arrêtés, instructions et règlements relatifs à sa mission, notamment à
ceux qui concernent la chasse, la pêche, le port d’armes, la sureté des
personnes et des propriétés, de veiller de jour et de nuit à la conservation
des récoltes et propriétés confiés à sa garde.
De se refuser
transaction avec les délinquants, de dresser des procès verbaux de tous délits
et contraventions de toute arrestation légale et de faire constater les
empiètement, dégradations ou encombrements qui pourront commettre sur les
chemins publics ou propriétés comme du vol d’objets confiés à la foi publique
et d’arrêter tous les évadés de galère, déserteurs, gens sans aveu et sans
papier qu’il rencontrera ou qui seront signalés, de remettre ses procès verbaux
au maire ou à l’adjoint de la commune.
De réprimer de concert
avec la Garde Nationale et la gendarmerie le brigandage, le vagabondage et la
mendicité et d’assurer l’exécution des lois et ordonnances de police relatives
aux étrangers, aux passeports et au braconnier ........... »
Après
cela, il était assermenté, et sa parole prévalait celle des personnes qu’il
arrêtait.
Un
garde privé pouvait concilier cette fonction avec celle de garde-champêtre.
Je
vous avais prévenu.
Difficiles
les obligations de garde-champêtre.
La rédaction de
ce texte m’est venu à la suite de la lecture
dans les
délibérations du conseil municipal d’Ecquetot,
de notifications
donnant « congé pour faute »
à deux
gardes-champêtres.
Mon imagination
a pris alors le dessus
et je me suis
laissée aller ......
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