Chapitre 1
Depuis quelque temps, déjà, un individu rôdait autour du café Dubuc.
Certains l’avaient même surpris, caché dans l’encoignure d’une impasse, les
yeux rivés sur le débit de boissons, observant les passages et mouvements dans
celui-ci, jusqu’à fort tard dans la nuit.
Se voyant découvert, l’homme s’enfuyait, cachant son visage afin de ne
pas être identifié, manœuvre bien inutile, car il était bien connu du quartier
pour y avoir travaillé plusieurs mois à deux reprises, dans l’établissement
Dubuc, justement, comme garçon de café. La première fois une année et la
seconde fois trois mois. Ces deux périodes s’étaient soldées par un renvoi.
Pourquoi furetait-il ainsi ?
Que cherchait-il ?
Jules Alphonse Dubuc avait été averti par ses voisins de la présence
régulière, inquiétante même, de son
ancien garçon de café. Certains l’avaient mis en garde. A cela, le
propriétaire des lieux avait répondu :
« Un sombre individu qui finira en cour d’assises ...... »
Gibier de potence ! N’y allait-il pas un peu fort ce limonadier ?
L’homme dont il s’agissait se nommait Constant Roy. Il avait vu le
jour dans le Canton de Vaux, en Suisse, le 20 avril 1865. Après le décès de ses
parents, il était venu en France avec son frère, Auguste Constant, en 1883.
Tous deux s’étaient fixés au Havre.
Ce frère, né dix-huit mois après lui, devait mourir au Havre d’une
manière tragique, le 13 février 1888. En effet, il avait été retrouvé pendu
dans la chambre meublée qu’il occupait rue de Chilou au numéro 15.
« Chagrin d’amour » était la raison de ce geste que le jeune homme
avait noté dans une lettre, juste avant son geste fatal.
Constant Roy, en sa qualité de garçon de café, exerça de nombreuses
années sur la côte normande, effectuant des saisons l’été, notamment à
Trouville, ne retournant au Havre qu’après les beaux jours. Dans ce port, il
avait travaillé au « café Guillaume Tell » et à « l’hôtel
Continental ».
Ce fut d’ailleurs sur une lettre de recommandation des dirigeants de
ces deux établissements fort réputés que Constant Roy avait trouvé à se placer
à Rouen au café Davoust, puis au café de la rue des Charrettes.
Chacun de ses employeurs se disait satisfait du travail de Constant
Roy
« Un garçon de café très compétent, connaissant parfaitement son
métier ».
Mais... Car, il y avait un « mais » et point des moindres :
·
Un voleur, qui ne rendait pas toujours la
monnaie aux clients
·
Un voleur, qui pillait la caisse lorsque
l’occasion s’en trouvait.
·
Une forte tête.
·
Un irrespectueux envers la clientèle. Hautain et
dédaigneux avec certains, trop familiers avec d’autres.
Les clients se plaignaient.
Et les indélicatesses côté « caisse-enregistreuse »
mécontentaient fortement les patrons.
Faut comprendre !
Voilà pourquoi, et vous le concevrez aisément, Constant Roy se
trouvait depuis quelque temps sans emploi, accumulant les emprunts, ici et là,
pour survivre.
Il passait son temps au café Tonon dans le quartier Saint-Sever,
buvant consommation sur consommation que jamais il ne pouvait payer. Lorsque
l’ardoise était trop lourde, Roy changeait de café.....
Il rentrait de plus en plus tard chez sa logeuse à qui il devait
quelques loyers et qui l’avait menacé à plusieurs reprises de le mettre dehors.
Constant Roy était aux abois.....
Remâchant sans cesse ses rancœurs....
Et puis, l’oisiveté n’était-elle pas la mère de tous les vices ?
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