C’est
l’hiver, le ciel déverse sur le sol son trop-plein de flocons blancs, légers
comme des plumes.
Un
bel édredon moelleux recouvre le jardin dans lequel les enfants ont joué toute la journée. Le
soir venu, il ne reste de leurs jeux, dressé au milieu de toute cette blancheur,
qu’un immense bonhomme de neige, étrange personnage aux yeux de cailloux, au
nez de carotte, avec en guise de couvre-chef un seau de plastique bleu qui,
retourné, épouse la grosseur de sa tête. Un balai, en son flanc droit, le complète
avantageusement.
Abandonné,
à présent, sans les rires et les cris des enfants, il se sent seul.
« Que
j’ai froid, pense-t-il, si au moins on m’avait fait des pieds, je pourrais les
taper sur le sol pour me réchauffer ! »
Mais
Bonhomme de Neige n’a pas de pieds !
Au
matin, la neige a cessé et le ciel, dégagé, montre, ici et là, un peu de bleu.
Un pâle rayon de soleil réveille Bonhomme
de Neige. Autour de lui, quelques moineaux sautillent intrigués par sa
présence. Que fait cet individu à cet endroit ? Jamais les volatiles ne l’avaient
remarqué auparavant.
S’enhardissant,
l’un d’eux volette autour de l’intrus de neige et finit par se poser sur le
seau. Rassurés, les autres, ne constatant aucun danger, font de même et le
chapeau improvisé finit par devenir un emplacement très fréquenté.
Bonhomme
de Neige en est très mécontent.
« J’ai
l’air de quoi, moi, avec ces oiseaux sur la tête. Si au moins on m’avait fait
des bras, je pourrais les chasser ! »
Mais
Bonhomme de Neige n’a pas de bras !
Dans
l’après-midi, les enfants viennent à nouveau jouer dans le jardin. Ils ont
sorti une luge et s’amusent à glisser dans l’allée, en pente douce, menant au
garage.
Accaparés
par leur nouveau jeu, ils n’ont pas un regard pour ce pauvre Bonhomme de Neige
qui en est chagriné.
Soudain,
la plus jeune des enfants, une fillette emmitouflée dans un gros cache-nez, un
bonnet à pompon lui couvrant les oreilles, s’approche timidement.
« Bonjour !
lui dit-elle d’une voix atténuée en raison du cache-nez. Tu n’as pas froid ?
Comme tu es grand ! »
Bonhomme
de Neige qui aurait bien voulu lui répondre, pense :
« Si
au moins on m’avait fait une bouche, j’aurais pu lui parler ! »
Mais
Bonhomme de Neige n’a pas de bouche.
Alors,
la petite fille s’approche encore plus près, se blottit contre lui, l’entoure
de ses bras et lui dit tout bas :
« Attends,
je vais te réchauffer ! »
Au
contact de l’enfant, Bonhomme de Neige sent monter en lui une immense chaleur,
car,
Si
Bonhomme de Neige n’a pas de pieds,
Si
Bonhomme de Neige n’a pas de bras,
Si
Bonhomme de neige n’a pas de bouche,
au
fond de son corps de neige, Bonhomme de Neige a un cœur qui se met à battre
très fort !
Et
voilà pourquoi, les bonshommes de neige ne restent pas éternellement dans les
jardins, car lorsque leur cœur se met à battre, ils fondent de tendresse, laissant
de leur passage, au milieu de quelques brins d’herbes encore verts, des fleurs
colorées pointant timidement le bout de leur nez, agréables prémisses printanières
annonçant les beaux jours.
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