11
La
nuit suivante, les rêves de Jeanne frôlèrent le cauchemar.
Défila,
grimaçant, le visage d’Anaïs qui dansait autour de Cédric, une ronde
diabolique. Celui de Cédric, aux yeux rouges jetant des étincelles. Celui de
Madeleine, la sœur du père Hubert dont les lèvres bougeaient au rythme d’un
monologue incompréhensif. Celui, encore, sévère du père Hubert imposant le
silence, et enfin, celui de Lucas, au sourire charmeur et étincelant, en raison
d’énormes bagues posées sur chacune de ses dents, longues comme celles d’un
lapin.
Jeanne
se réveilla, au petit matin, brûlante de fièvre, inondée de sueur et avec une
horrible migraine.
« Tu
as attrapé un bon coup de soleil, ma Jeannette, dit sa maman en posant une main
sur le front de l’adolescente. Je vais te donner un cachet et te mettre une
compresse froide sur le front. Il va falloir te reposer, aujourd’hui. »
Quelque
part, cette obligation de rester alitée arrangeait bien Jeanne. Ainsi, elle
n’aurait pas à faire face au dilemme : « retourner ou non, à la ferme
du père Hubert ».
Le
destin avait tranché à sa place.
Toute
la journée, la jeune fille fut comateuse. Sa tête tournait. Elle avait la
nausée. Elle se sentait vidée, épuisée, incapable de tenir debout. Caroline, en
mère attentive, venait régulièrement mettre une compresse fraiche sur le front
de son ado préférée, et se renseigner sur son état.
« Ça
va mieux, ma jeannette ? »
Elle
l’obligeait à boire beaucoup.
« Il
faut boire, afin de ne pas te déshydrater ! »
Ce
ne fut que le soir que Jeanne put se lever. Chancelante, elle descendit dans la
cuisine, mais ne put avaler qu’un peu de bouillon de légumes que tante Adélaïde
avait spécialement préparé pour elle.
« Tu
as eu de la visite aujourd’hui, déclara tante Adélaïde. Un beau garçon qui
était désolé d’apprendre que tu étais malade. Il est reparti bien malheureux.
Je ne serais pas étonnée qu’il revienne demain ! »
Jeanne
ne répondit pas. Qui était venu la voir. Cédric ou Lucas ?
Elle
n’osa poser la question.
En
son for intérieur, elle se demandait quel prénom elle aurait souhaitait
entendre si elle avait osé la poser cette question.
Cédric ?
Sûrement, mais il l’avait déçu. Elle le voyait encore chahuter avec Anaïs,
image qui se superposait avec celle de son rêve.
Lucas ?
Elle n’arrivait pas à se prononcer. Jeanne le trouvait gentil, mais son
physique ne l’attirait pas du tout. Depuis la nuit dernière, elle ne pouvait
l’imaginer qu’avec des dents de lapin, ce qui n’était pas glamour, il fallait
bien en convenir.
« Jeanne,
ça va ? »
La
question posée par sa mère, ramena Jeanne du plus profond de ses pensées. Elle
releva la tête. Devant elle, sa mère la regardait inquiète.
« Tu
es toute pâle. Ça va, Jeanne ?
-
Oui, j’ai encore mal à la tête. Je crois
que je vais retourner me coucher.
-
Si tu ne vas pas mieux demain, il faudra
aviser. Je ne te trouve vraiment pas bonne mine !
-
Ça va aller, ne t’inquiète pas.
-
Si, justement......
Jeanne
dormit profondément la nuit suivante. Plus de cauchemar...... en fait, aucun
rêve, du moins à sa souvenance.
Quand
elle ouvrit les yeux le lendemain matin, le soleil inondait sa chambre. Elle
avait faim, ce qui était bon signe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. Il sera lu avec attention.