Après
le départ de sa mère, Jeanne resta un moment dans le potager. Elle se sentait
vidée. L’avalanche de larmes qu’elle
avait déversée avait-elle emporté
toute son énergie ? Pour peu, elle aurait été se remettre au lit.
Oui !
Dormir ! Oublier dans le sommeil ces vacances exécrables !
Un sursaut de courage la fit se lever
et l’emmener sur la place du village.
Puis, ses pas la dirigèrent sur le
chemin allant vers la ferme du père Hubert. Pourtant, elle n’avait pas envie de
se mêler aux autres. Cédric avait fui ses pensées. Il était impossible qu’il s’intéresse à elle.
Et puis, il était de la campagne et elle de la ville ! Leur vie
quotidienne était bien trop différente.
Et puis surtout, dans une semaine, elle
retrouverait ses copines et sa connexion lui permettant de reprendre contact
avec son monde d’adolescence à elle.
Toute à ses pensées, elle n’entendit pas
le bruit de freins d’une bicyclette, aussi sursauta-t-elle lorsque celle-ci
s’arrêta à ses côtés.
« Alors,
tu rêves ? » demanda une voix.
Tournant
la tête, elle le vit, lui, avec ses grands yeux bleus et son charmant sourire.
Son cœur se mit à cogner et elle ne sut que répondre.
« On
t’a attendue, ce midi ! T’es pas venue déjeuner ?
Ne
sachant que dire, figée dans un mutisme dont elle ne savait comment sortir,
elle pensa :
« Sûr
qu’il va me prendre pour une demeurée ! »
Quoi
faire ? Que dire ?
« Allez,
viens ! lui lança Cédric qui descendit de sa bicyclette, pour faire le
reste du chemin à pied auprès d’elle.
Bien
que le parcours fût bref, il parut une éternité à Jeanne qui ne savait toujours
pas comment rompre le silence.
Dans
la cour de la ferme, les adolescents furent accueillis par deux chiens dont
Jeanne n’arriva pas à définir la race. Deux corniauds, assurément, mais qui
avaient l’air très sociable et affectueux.
Après s’être aperçus que les arrivants ne présentaient aucun danger,
après s’être laissés caresser, les deux chiens allèrent s’étendre à l’ombre du
marronnier qui trônait au milieu de la cour.
De
la maison aux fenêtres ouvertes leur parvenaient rires et conversations mêlés.
Une ambiance chaleureuse !
En
pénétrant dans le logis, Jeanne, surprise par le contraste entre la lumière
éblouissante du dehors et l’obscurité qui régnait en dedans, cligna des yeux.
« Juste
à temps pour la collation ! s’écria joyeusement une voix d’homme. Venez
vous asseoir, on va vous faire de la place. »
Les
fesses glissèrent sur le banc afin de le dégager pour faire de la place à
Jeanne et Cédric qui s’assirent l’un près de l’autre. Autour de l’immense table
de ferme, qui occupait une grande partie de la cuisine où flottait une bonne
odeur de pâtisserie et de charcuterie, une dizaine de personnes étaient attablées.
« Allez,
servez-vous avant qu’il ne reste plus rien ! proposa une femme qui devait
avoir l’âge de tante Adélaïde. Faut pas être timide, ici, chacun a sa place,
point de différence ! »
Jeanne
passait en revue les différents visages, essayant de deviner qui se cachait
derrière chacun d’eux.
Cédric
se pencha vers elle et lui dit :
« Le
monsieur, là, à la place du maître, au bout de la table. C’est mon grand-père.
La dame qui fait le service et qui tient pas en place, c’est sa sœur,
Madeleine. Elle vit ici depuis le décès de ma grand-mère. Et puis, il y a
mon frère que tu as déjà vu et deux amies, Juliette et Anaïs. Elles viennent
tous les ans faire les moissons. Jean-Baptiste est employé à la ferme. A côté
de lui, sa femme, Sylvie. Puis, Germain et Louis, deux voisins qui aident et
qu’on aide ensuite. »
Ce qui intriguait Jeanne, dans cette
présentation, c’étaient Juliette et Anaïs. Que voulait dire le terme
« amies » employé par Cédric ?
Anaïs
était particulièrement jolie et son regard cherchait sans cesse celui de
Cédric. Tous deux échangeaient des sourires. Une pointe de jalousie étreignit
Jeanne qui sentit les larmes lui monter aux yeux.
« Bon !
C’est pas l’tout, faut y r’touner ! » s’écria le père Hubert en
refermant son Opinel.
Voyant
le « patron » mettre son couteau dans la poche de son pantalon, tous
se levèrent pour reprendre le travail.
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