« Vous
avez pas vu la P’tiote ? demandait Thérèse, à chacun de ses voisins, courant
de maison en maison, tout en pestant intérieurement, « Sacrée
gamine ! Ell’ peut point rester en place ! »
En
effet, sa petite Thérèse Euphrasie qui, à présent, avait pris de l’assurance
sur ses petites jambes n’avait qu’une envie, celle de découvrir le monde !
Et il y en avait des choses à voir !
Alors,
elle grimpait partout, agile comme un écureuil, parcourait des distances
incroyables pour son âge, ne laissant aucun répit à sa mère qui avait pourtant
bien de l’ouvrage à faire, sans être en plus, obligée de surveiller cette
enfant qui n’en faisait qu’à sa tête et que rien n’arrêtait.
Mais,
en chaque lieu où elle se renseignait, Thérèse recevait la même réponse :
« Non,
la P’tiote, on l’a point vue ! »
Thérèse
Austreberthe, la P’tiote, comme on l’appelait, était la troisième fille du
couple Le Rond. Enfin, elle était la seule fille de Thérèse Morice, qui l’avait
eue de son mariage avec François Rond qui, lui, avait deux filles d’un
précédent mariage.
Des
épousailles qu’elle n’aurait jamais imaginées, même dans ses rêves les plus
fous.
Des
épousailles qui furent l’aboutissement d’une suite de circonstances.
Des
épousailles dont la genèse débuta par une bien triste histoire.
François
Le Rond avait épousé, le 24 septembre 1791, à Saint-Aubin-d’Ecrosville, une
jolie jeune femme, Marie Rose Lainé qui était comme l’on disait alors,
« en position avantageuse ».
De
fait, un bébé arriva..... deux mois après !!
Quatre
années plus tard, alors que l’accouchement de leur premier bébé s’était passé
sans problème, la délivrance du second nourrisson fut plus ardue et la jeune
maman, après être restée alitée plusieurs semaines, vint à décéder. Le bébé
n’avait alors que deux mois.
C’était
malheureusement fréquent. Beaucoup de femmes mouraient en couches ou des suites
de celles-ci.
Le
pauvre veuf se trouva seul avec, à charge, deux petites :
·
Rose Elisabeth Dorothée, âgée de quatre
ans et demi.
·
Aimée Rose Euphrasie, âgée de deux mois.
Devant
travailler, il lui était impossible de prendre soin de ses enfants.
Il
aurait pu les mettre en nourrice, mais, il ne se résignait pas à les voir
s’éloigner de son foyer.
Thérèse
Morice qui avait passé la trentaine, n’espérait plus se marier, ni avoir
d’enfant. Par l’intermédiaire de sa voisine dont le mari était un ami de
Jacques Le Rond, le frère de François, elle trouva là l’opportunité de pouvoir
pouponner. Aussi accepta-t-elle de s’occuper des enfants lorsque leur père
était absent.
Thérèse
s’occupait aussi du ménage et François n’avait qu’à se mettre les pieds sous la
table lorsqu’il rentrait le soir,
harassé par sa journée de travail.
Tout
était prêt !
Tout
était propre !
Les
petites étaient endormies.
Alors,
Thérèse rentrait chez ses parents pour aider aux tâches ménagères et prendre un
peu de repos.
On
ne trouvait rien à redire dans la commune de Saint-Aubin-d’Ecrosville.
On
louait même le dévouement de Thérèse.
Jusqu’au
jour où ..........
Privée,
trop jeune, de sa maman, la petite Aimée Rose Euphrasie ne poussait pas bien.
Elle perdait du poids et criait sans cesse.
François,
désemparé par les cris du nourrisson tout au long de la nuit, alors qu’il avait
besoin de sommeil, eut de nouveau recours à Thérèse.
Pouvait-elle
rester la nuit ?
Elle
pourrait ainsi calmer l’enfant et lui donner un biberon supplémentaire afin
qu’il reprenne du poids. Il y avait une remise, contigüe à la masure. François
proposa d’y aménager une paillasse, pour lui.
-
Tu peux dormir dans mon lit, près
des enfants, précisa François.
Thérèse
accepta. Pour le bien des petites. Sans arrière-pensée.
En
raison de cet arrangement, on commença à jaser !
N’était-ce
pas inconcevable de vivre, ainsi, sans
être mariés ?
On
jasa encore plus lorsque Thérèse alla rincer, au lavoir, les chemises et
caleçons de François.
« Mais
ce s’rait-y pas qu’i’ s’rait intimes à c’ point ? » s’exclamèrent des
voix grinçantes et critiques. »
Le
scandale éclata lorsqu’un dimanche matin, une voisine vit Thérèse, en chemise,
cheveux défaits, ouvrir les volets de la chambre de François.
« Comm’
j’ vous l’ dit ! lança la voisine après avoir raconté à une autre voisine
incrédule ce qu’elle venait de voir. Et ainsi de suite .....
« C’est-y
pas possible ?
-
Et dans l’ lit d’ la défunte, en
plus !
-
C’est honteux, moi, j’ vous dis !
Ce
jour-là, personne n’avait vu François sortir, en s’étirant, de la remise.
Bien
sûr, il était plus croustillant d’imaginer que le jeune homme était encore
lascivement étendu, nu comme un ver, dans le lit encore chaud de leurs ébats, d’où
venait de s’extraire Thérèse.
Pourtant,
la vérité était tout autre, Thérèse avait passé toute la nuit précédente à
bercer la petite Aimée Rose Euphrasie qui braillait à plein poumons.
Mais
cela, on ne voulait pas le savoir.
Pourquoi ?
Tout
simplement parce que la vérité n’avait rien de scandaleux et qu’elle
n’apportait aucune possibilité de médire.
Depuis
lors, sur son passage, Thérèse entendait des chuchotements proférés avec des
regards en coin.
On
la jugeait, car évidemment, elle avait détourné le pauvre veuf éploré.
Et
puis quelques sarcasmes fusèrent :
« A
son âge ! Penser encore à la gaudriole !
-
Elle a le feu sous l’ jupon, ma
foi !
-
Aucun respect pour la Rose qu’est au
cimetière !
-
Elle doit se r’tourner dans sa tombe, la
pauvre !
-
Et d’vant les p’tites ! Quelle
misère !
Eh
oui ! On ne peut empêcher les mauvaises langues de déverser leur venin.
Faire
ressortir les défauts et méfaits des autres atténue ceux des médisantes qui, elles,
bien sûr, n’auraient pas fait cela !
Bah
voyons !
Mais,
en secret, beaucoup de ces femmes auraient bien aimé être à la place de
Thérèse.
François
n’avait pas encore trente ans et il avait une bien belle tournure.
Mais,
chut ! N’allez surtout pas divulguer cette réflexion !
Bien
qu’étant innocente de toute accusation, Thérèse se sentait mal à l’aise,
fautive même.
Un
soir, alors que François venait de rentrer et avait pris place à table, Thérèse
retira son tablier et alla le suspendre à un clou près de la cheminée.
« Tu
v’as déjà t’ coucher ? demanda François entre deux cuillérées de soupe.
-
Non, j’ rent’ chez moi !
François
la regarda l’air étonné :
« Et
pourquoi donc ?
-
C’est qu’on jase dans l’ village. On m’ regarde de travers comm’ si j’étais un
voleur de grand ch’min.
- On jase ? répéta François comme
s’il tombait des nues.
- On dit qu’ j’ai pris la place de ta
femme, et que ..... enfin, tu vois c’ que j’ veux dire....
- Et après ? lança François que les
ragots laissaient tout à fait indifférent.
-
Et après ! On m’ parl’ plus. Même l’ curé, i’ m’a dit « Ma fille,
Dieu du haut des cieux te juge ! Il faudra venir à confesse ! ».
-
T’as qu’à point écouter !
-
Point écouter ! j’ voudrais t’y voir. J’ rent’ chez moi, j’ reviens d’main
quand tu partiras.
Cela
ne faisait pas l’affaire de François. Comment allait-il faire avec ses
filles ?
Et
puis, depuis un an, il s’était accoutumé à la présence de Thérèse. Elle tenait
bien sa maison, était une vraie mère pour ses enfants. Et de plus, elle
n’élevait pas la voix, même quand il revenait un peu éméché. Ce qui arrivait
quelques fois.
Il
n’avait pas oublié sa Marie Rose. Comment pourrait-il d’ailleurs, il la
revoyait chaque jour dans les traits de ses filles. Mais il faut bien que la
vie continue. Pas vrai ?
Et
puis, il y avait cette promesse faite à sa défunte quelques heures avant sa
mort :
«
T’ élèv’ras les p’tites, hein, mon François ? Faut les garder avec
toi ! Promets !
Pour
rassurer la mourante, il avait promis, et il ne se voyait pas rompre son
serment.
Alors,
au moment où Thérèse ouvrait la porte sur une nuit sans lune, François
lança :
« Et
si on s’mariait ? »
Thérèse
resta clouée sur le seuil, n’osant faire un seul mouvement, retenant son
souffle. Avait-elle bien entendu ?
François
s’était levé de sa chaise et s’approchait d’elle.
C’était
la première fois qu’elle se sentait si émue. C’était aussi la première fois
qu’on lui faisait une telle demande. Maladroite et peut-être forcée, la
demande !
François
se sentait-il obligé de lui demander d’être sa femme ?
Thérèse
se retourna. Son cœur cognait fort dans sa poitrine. Elle se trouva face au
jeune homme. Les yeux clairs de François la regardaient, essayant de sonder sa
pensée, pour connaitre sa réponse avant qu’elle ne la formule.
Thérèse,
elle, baissa les siens comme l’aurait
fait une toute jeune fille timide. Elle trouva la force de murmurer :
«
Si c’est pour que j’ rest’ m’occuper des filles, c’est point la pein’ de
m’épouser.
-
Bah ! » répondit François qui,
après un long silence, poursuivit, « j’ veux point t’ créer d’ennuis. J’
veux point qu’ tu partes, car les filles, elles t’aiment ben ....... et pis, j’
suis heureux d’ rentrer l’ soir et de t’ trouver à la maison........ »
Ce
n’était peut-être pas vraiment de l’amour, mais c’était tout de même un début.
Ce qui était certain, c’est que François ne trainait pas dans les cafés après
sa journée de travail. Il rentrait à la maison. Bien sûr, de temps à autre, le
dimanche, il sortait pour aller boire un verre, mais il était raisonnable.
Thérèse
releva la tête, elle contempla François. Chaque trait de son visage. Elle pensa
aussi : « Ma foi, j’ s’rai p’t-êt’ heureuse avec lui. C’est point un
mauvais bougre ! »
Pendant
ce temps, François qui n’avait pas bougé réfléchissait :
« Elle
est rassurante. C’est une brav’ fille et pas coureuse ! »
Ils
avaient l’air, tous deux, sur la même longueur d’ondes. L’amour fou, ce n’était
pas pour eux, mais une union basée sur la confiance et la tendresse, pourquoi
pas ?
« Tu
sais, finit par préciser François, tu peux réfléchir. J’ te d’mande pas d’
réponse tout suite !
-
Faut que j’rent’, répliqua Thérèse d’un
air buté, en resserrant son châle sur sa poitrine. I’ s’ fait tard !
La
rattrapant par le bras, François murmura, comme une supplique :
« Reste,
s’il te plait ! »
A
cet instant, le jeune homme avait l’air d’un enfant qu’on venait de gronder.
Une bouffée de tendresse envahit Thérèse, aussi referma-t-elle la porte sur la
nuit sans lune.
-=-=-=-=-=-=-
Ne
croyez pas, braves gens, que l’annonce du prochain mariage entre François Le
Rond et Thérèse Morice, apaisa les rumeurs.
Nullement !
Il
n’y eut, en fait, que monsieur le curé qui afficha sa satisfaction d’avoir
ramené dans le troupeau les brebis égarées, car autrement, rien ne changea.
Pourquoi ?
Parce
que quelque soient les évènements, les mauvaises langues trouvent toujours à
redire !
C’est
blanc ! Elles critiqueront, car il aurait fallu, à leurs yeux, que ce fut
noir.
C’est
noir ! Et bien ça n’allait pas non plus. Le blanc était plus à leur
convenance.
Alors,
laissons là tous ces grincheux, ces envieux et ces malveillants et
réjouissons-nous du nouvel horizon qui s’étendait à perte de vue devant le
bonheur retrouvé de François Le Rond et de la stabilité sociale de sa nouvelle
épouse, Thésèse Morice.
-=-=-=-=-=-=-
« Non,
ce n’est pas possible ! » pensa Thérèse, comptant et recomptant sur
ses doigts.
Cela
faisait plus de deux mois qu’elle n’avait pas eu ses menstrues.
Elle
ne s’en était pas émue.
Passé
trente-cinq ans, elle considérait que l’heure était venue plus tôt que
certaines et elle n’espérait plus, de ce fait, la possibilité l’enfanter.
Peu
importait d’ailleurs, elle avait Rose Elisabeth Dorothée et Aimée Rose
Euphrasie, et cela lui suffisait.
Ce
ne fut que lorsqu’elle se sentit fatiguée et nauséeuse qu’elle commença à se
poser des questions. Et puis, sa poitrine qui avait pris de l’ampleur était
douloureuse.
Des
signes qui en disaient long......
Elle
attendit un peu, par pudeur, mais aussi par superstition. « Tant qu’il
n’est pas bien accroché ! » comme on disait, il était de coutume
de n’en rien laisser paraître et surtout de ne pas en parler.
Ce
ne fut que les trois mois de grossesse largement passés, que Thérèse l’annonça
à son époux qui fut très surpris de la nouvelle. Il ne s’en était pas douté une
seule minute. Mais quoi de plus normal, c’était affaire de femmes. Une crainte,
toutefois, l’avait envahi. N’avait-il pas vu mourir en couches sa précédente
épouse ? Thérèse le comprit aussi s’applique-t-elle à dissimuler les
petits malaises, désagréments du « mal joli ».
Un
premier enfant à trente-huit ans n’était pas une mince affaire. La délivrance
fut longue et douloureuse. Mais Thérèse fut largement récompensée de sa
peine lorsqu’elle reçu contre elle,
après la naissance, le 13 novembre 1797, sur les six heures du matin, une bien
jolie petite fille qui reçut les prénoms de Thérèse Austreberthe, mais
rapidement surnommée « la P’tiote ».
La
nouvelle venue reçut toutes les attentions de ses parents et surtout de sa
maman qui ne la quittait jamais des yeux. C’était « Sa Petite à elle » !!
Devant
effectuer son ouvrage, Thérèse laissait parfois
« la P’tiote » sous la surveillance de l’ainée de François.
Mais la petite Rose Elisabeth Dorothée n’avait que six ans d’écart avec sa
cadette et la charge était un peu lourde pour la fillette, surtout depuis que
celle-ci galopait partout, d’autant plus qu’il y avait aussi à surveiller,
aimée Rose Euphrasie.
Responsabilité
énorme qui incombait aux ainées qui devaient seconder la mère.
-=-=-=-=-=-=-
L’angoisse
de Thérèse augmentait à chaque réponse négative. Personne n’avait vu la
fillette.
Mais
où pouvait-elle être cette sacrée gamine ?
Thérèse
avait inspecté tous les recoins, même les plus improbables pour servir de
cachette.
A
chaque cri ou rire d’enfant, elle se retournait, espérant découvrir sa P’tiote
chérie lui sourire en découvrant ses petites quenottes, les yeux pétillant
de malice, heureuse de ses facéties.
Mais,
ce n’était jamais la sienne.
Les
recherches menèrent les pas de Thérèse près de la mare, au début de la rue des
deux mares.
Son
regard scrutait alentour.
Soudain,
elle aperçut comme un ballot de linge flotter à la surface tranquille du petit
plan d’eau. Ce paquet l’intrigua. Comment était-il arrivé là, au milieu de la
mare ?
Lancé
par quelqu’un qui voulait s’en défaire ?
S’approchant
du bord boueux, Thérèse fixait l’objet qui flottait, comme fascinée.
Soudain,
elle s’écria :
«
Non ! Mon dieu, non ! Thérèse, réponds-moi ! j’ t’en prie,
réponds ! »
Mais
la pauvre mère ne reçut aucune réponse, si ce n’étaient les coassements de
quelques grenouilles dérangées dans leur sommeil.
Les
hurlements désespérés de Thérèse attirèrent les habitants proches de la rue des
deux mares.
L’un
deux, Jean Louis Delarue se jeta dans
l’eau stagnante pour aller repêcher le « petit paquet » qu’il ramena,
avec précautions, dans ses bras comme s’il s’agissait d’un enfant endormi dont
il ne fallait pas troubler le sommeil.
Des
femmes soutenaient Thérèse qui les yeux hagards, fixant le néant, avait cessé
de hurler. Elle tremblait maintenant, claquait des dents comme envahie par un
froid intense, celui de la mort qui s’était emparé de son enfant.
Elle
fut ramenée chez elle, lentement, au rythme de ses pas trainants.
La
P’tiote fut déposée sur la table de la cuisine qu’on avait revêtue d’une couverture
pour que son bois soit plus doux à l’enfant. Deux voisines débarrassèrent le
petit corps de ses vêtements mouillés, et le revêtirent de ses plus beaux
atours.
Thérèse
regardait, absente, les deux femmes s’occuper de la petite défunte.
Pendant
ce temps, Jean Louis Delarue était parti prévenir le père de la fillette et
Marie Barbe Ferrand, la femme du Toussaint Creté, avait été déclarer au maire
l’horrible drame.
Les
évènements se précipitèrent à partir de ce moment, vécus comme dans un rêve par
Thérèse.
Un
mauvais rêve !
Après
la visite du maire, venu constater le décès, les autorités locales enquêtèrent.
S’agissait-il
d’un acte malveillant ?
S’agissait-il
d’un accident ?
L’enquête
fut brève car la famille Le Rond jouissait d’une excellente réputation.
Aucun
commentaire désobligeant des mauvaises langues qui, ce jour-là, convinrent que
Thérèse, épouse Le Rond, était une mère remarquable et une bonne et honnête
épouse.
Quant
à François, un homme courageux et pas ivrogne, ce qui était à noter, vu que
certains autres ......
Puis,
ce fut l’inhumation. A l’église d’abord, puis dans le cimetière, tout proche.
Thérèse
n’était que l’ombre d’elle-même. Blafarde. Les yeux creusés par le chagrin secs
d’avoir trop pleuré.
François
semblait désemparé. Encadré par ses deux filles ainées, il aurait bien voulu
avoir un geste pour soulager le désespoir de son épouse, mais il ne savait
comment s’y prendre.
Mais,
comment atténuer une telle peine ?
Le
temps peut-être .... ?
Oui,
il fallait compter sur le temps. Ne disait-on pas qu’il atténuait tous les
maux ?
Le
temps !
Il
ne fit malheureusement rien à l’affaire.
Thérèse
avait repris les tâches quotidiennes, comme ces automates actionnés par un
ressort qu’il fallait remonter.
Elle
s’occupait du soin de son ménage, et aussi des filles. Les autres !
Oh,
bien sûr, elle les aimait, les autres, elle ne leur aurait fait aucun mal, aux
autres.
N’étaient-elles
pas les petites de son mari ? Celles qu’elle avait vues grandir en raison
du décès de leur maman.
Oui,
mais..... Quelque chose avait changé et ce quelque chose était la mort, la mort
de « Son Enfant à elle ».
Thérèse
avait souvent pensé :
« Mais
pourquoi est-ce la mienne ? Pourquoi cela n’est-il pas arrivé à l’une des
deux autres ? »
Elle
s’en voulait aussitôt d’avoir pu avoir une telle pensée.
Et
les questions affluaient.
Pourquoi
le ciel lui avait-il accordé ce que jamais elle aurait cru possible, pour le
lui reprendre ainsi, cruellement ?
Oui,
pourquoi la sienne ?
Pourquoi ?
Une
maladie ! On accepte petit à petit l’idée de la mort, mais là, un
accident !
Elle
s’en voulut d’avoir sûrement été négligente, d’avoir manqué de surveillance.
Et, peu à peu, elle en voulut aux deux autres. Ne leur avait-elle pas confié la
P’tiote.
Toutes
ses réflexions, elle les gardait pour elle, ne voulant pas faire de peine à
François, son époux. Mais intérieurement, elle étouffait.
Comme
par une vilaine maladie, insidieuse et tenace, Thérèse fut minée, rongée....
Elle dépérit lentement, jusqu’au jour où trop alourdie de chagrin, elle dut
s’aliter. Elle était lasse de vivre......
Elle
s’éteignit le 2 thermidor an onze « (22 juillet 1803), à deux heures du
matin, laissant François, veuf pour la seconde fois, avec ses deux filles, Rose
Elisabeth Dorothée, âgée de douze ans et
Aimée Rose Euphrasie, âgée de sept ans.
Thérèse,
née Morice, épouse Le Rond, était âgée de quarante-cinq ans.
-=-=-=-=-=-=-
Qu’est
devenue cette famille suite au décès de Thérèse.
François
Le Rond quitta sûrement Saint-Aubin-d’Ecrosville, car je n’ai retrouvé aucune trace
de lui dans les registres d’Etat Civil de cette commune.
La
seule piste, un acte de décès concernant Aimée Rose Euphrasie en date du 10
mars 1823.
Cet
acte mentionne :
« ..........Aimée
Rose Euphrasie Le Rond, veuve de Pierre Dehors, vingt six ans, fille de feu
François Le Rond et feue Marie Rose Lainé, décédée le 9 mars 1823 à deux heures
après midi au domicile de son oncle Jacques Le Rond .......... »
Cette
jeune femme avait donc convolé en justes noces avec un certain Pierre Dehors.
Aucune trace de leur union à Saint-Aubin-d’Ecorsville, ni dans les communes
environnantes.
Sans
autre famille, après son veuvage, Aimée Rose Euphrasie était venue vivre chez
son oncle, Jacques Le Rond, frère de François*.
Nous
apprenons aussi que François Le Rond était décédé avant le 10 mars 1823.
Rien
sur l’aînée des filles Le Rond, Rose Elisabeth Dorothée.
v François Le Rond, né le 24 février
1763 et décédé le 30 janvier 1838, avait épousé Marie Magdeleine Lainé, sœur de
Marie Rose, première épouse de son frère
François et mère de Aimée Rose Euphrasie.
Ce texte à été
réalisé suite à la lecture de la
déclaration du
décès de Thérèse Austreberthe Le Rond,
sur une des
pages de délibérations du Conseil Municipal
de Saint-Aubin-d’Ecrosville.
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