Le
soleil prenait de la force. Dehors, les fleurs s’épanouissaient.
Jacques,
installé confortablement sur une chaise longue dans le jardin, avait fait ses
premiers pas la veille, soutenu par deux béquilles.
Il
se sentait bien, à présent.
Il
avait appris que Louise était la fille de Monsieur et Madame Blowmerry.
Monsieur Blowmerry, riche industriel, avait implanté, quelques années
auparavant, une usine dans la région.
Louise
avait un petit frère, Jules et une petite sœur, Suzon, qui avait fait ses
premiers pas, elle aussi, la veille, en même temps que Jacques, ce qui avait
suscité des fous rires en cascade.
Lorsque
le temps des cerises arriva, Jacques grimpa, sans aucune aide, cueillir celles,
les plus rouges, tout là-haut à la cime de l’arbre.
Que
la vie était douce et paisible !
Oui,
mais, Jacques pensait sans cesse à ses parents.
Que
devenaient-ils ?
Il
n’en avait pas parlé à ses bienfaiteurs, ne voulant pas les gêner. Ils avaient
tant fait pour lui. Ils lui avaient même permis d’étudier avec Louise, devant
le regard vigilant de la gouvernante. Il connaissait ses lettres à présent et
savait même écrire son prénom.
Cet
après-midi de juillet, alors qu’il regardait, songeur, l’immensité du ciel
azuré, Madame Blowmerry s’approcha de lui :
« Alors,
mon petit Jacques, tu as l’air bien songeur ? Aurais-tu un souci ?
Ne
voulant pas vexer Madame Blowmerry, Jacques répondit par la négative.
« Ne
mens pas, je vois bien que tu as souvent l’air triste. Parle-moi de toi ?
D’où viens-tu ? »
Alors
Jacques raconta, raconta...
Ses
chèvres, les champs, le ruisseau, son bon chien Gardien, et puis, et puis….
La
masure, les fromages ……
Et
encore ….
La
vitalité et la force de papa, le sourire et la tendresse de maman, la chaleur
de ce foyer aimé et aimant…
Et
pour finir, la mauvaise saison, la tristesse du visage de ses parents et la
venue de Léon …..
Madame
Blowmerry écoutait, sans dire un mot, le flux ininterrompu de paroles. Les
vannes du chagrin étaient ouvertes et une inondation de bons et mauvais
souvenirs entremêlés avait tout recouvert.
« Pourquoi ?
finit par hurler Jacques, en point final.
Madame
Blowmerry soupira et attira le petit berger contre elle. La douceur du parfum
de Madame Blowmerry calma le jeune garçon.
Tout en lui caressa les cheveux, la jeune
femme se fit rassurante :
« Vois-tu,
Jacques, tes parents ont cru bien faire. Ils ont voulu te sortir de la misère
en croyant aux belles paroles de cet escroc, sans comprendre que tu aurais
préféré être malheureux avec eux, plutôt que loin d’eux. Je crois qu’ils
doivent être désespérés. »
Puis
se levant d’un bond, elle lança :
« Viens
avec moi, nous allons leur écrire et tu signeras en bas de la page. »
Dehors
de gros flocons voletaient et la neige recouvrait déjà tout le jardin.
Dans
la cheminée du salon, devant l’âtre où brûlait un bon feu, les enfants
jouaient. Il y avait là, Louise, Jules et Suzon, mais aussi Jacques.
Monsieur
Blowmerry assis dans un confortable fauteuil fumait sa pipe en lisant un
journal. A côté de lui, Madame Blowmerry contemplait les enfants, le sourire
aux lèvres. Derrière elle, trônait un immense sapin de Noël identique à celui
de l’année précédente.
Une
servante entra et annonça d’une voix cristalline :
« Le
repas est prêt, Madame. »
Jacques
leva les yeux vers la servante au regard pétillant de bonheur et lui adressa un
large sourire.
N’était-ce
pas sa mère, là, devant lui, engagée au service de la famille Blowmerry, depuis
deux mois ?
La
vie de Jacques avait repris son cours, calme et tranquille entre la famille
Blowmerry qui l’avait accueilli comme un nouvel enfant et ses parents au
service de cette même famille.
Rassuré
sur son avenir et celui des siens, la peur qui tenaillait Jacques depuis de
nombreux mois avait disparu.
Ce
Noël-là, fut le plus merveilleux que Jacques vécût, celui du bonheur retrouvé.
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