lundi 31 octobre 2016

MONSIEUR PAUL - chapitre 1



Tous les jours, les habitants du quartier pouvaient voir Monsieur Paul faire sa promenade.
Droit, digne, s’appuyant sur une canne, il effectuait le même parcours, d’un pas calme et mesuré, sans jamais dévier du chemin qu’il s’était fixé depuis …..

Combien de temps, au fait ?
Personne n’aurait pu le dire.
D’ailleurs, quel âge pouvait bien avoir Monsieur Paul ?
Ça non plus, personne n’aurait pu le dire.

Monsieur Paul devait être là depuis toujours.
Monsieur Paul semblait ne pas avoir d’âge, malgré ses cheveux blancs.

Monsieur Paul vivait dans une grande maison, dans une belle maison. Du moins, c’était ce que l’on disait, car, personne n’était jamais entré dans la maison de Monsieur Paul. De plus, cette demeure était cachée au milieu d’un grand parc planté d’arbres, entouré de hauts murs.

Lorsque Monsieur Paul avait fini sa promenade, il franchissait la grosse et lourde grille en fer qui fermait la propriété, parcourait le parc jusqu’au perron de la maison, montait les marches en pierres blanches de celui-ci recouvertes par endroits de mousse, ouvrait la porte vitrée et pénétrait dans le hall.

La porte refermée, Monsieur Paul ôtait son manteau qu’il accrochait à la patère, rangeait sa canne et dirigeait ses pas jusqu’au salon où il s’asseyait dans son  fauteuil, placé près d’une haute fenêtre.

Dans la grande maison silencieuse, Monsieur Paul prenait alors un livre et s’immergeait dans la lecture.

Monsieur Paul n’aimait pas le bruit. Même le chant des oiseaux l’importunait. Aussi, les fenêtres de la belle maison restaient-elles hermétiquement closes.
Monsieur Paul n’aimait pas les animaux. Ni chat, ni chien n’étaient autorisés à pénétrer les lieux. Trop de bruits ! Trop de saletés ! Et puis, tous ces poils !
Monsieur Paul n’aimait pas les enfants. Trop bavards ! Trop remuants ! Trop de soucis !

Monsieur Paul n’aimait pas la vie, du moins celle du quotidien. Trop pesante ! Trop ennuyeuse ! Trop contraignante !
Monsieur Paul préférait vivre la vie de tous les personnages et héros des livres dans lesquels il se plongeait à longueur de temps.

Rien d’autre ne captivait l’attention de Monsieur Paul. Rien d’autre n’avait d’intérêt à ses yeux.

Un poète, Monsieur Paul ? Un rêveur, Monsieur Paul ?

Que s’était-il donc passé dans la vie de Monsieur Paul pour qu’il fuie le monde réel ?


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La belle propriété de Monsieur Paul, impénétrable, attisait toutes les curiosités.

Que se passait-il de si mystérieux derrière ces hauts murs ?

Alors, les commérages allaient bon train.

Monsieur Paul n’était-il pas un agent secret ? Peut-être bien un parent de James Bond, car n’avait-il pas un petit air « so british » ?

Monsieur Paul n’était-il pas un assassin en fuite, recherché par toutes les polices internationales ?

Monsieur Paul n’était-il pas un vampire ?
A ça non ! Les vampires ne sortent que la nuit, et Monsieur Paul n’effectuait-il pas sa promenade quotidienne en plein jour ? Donc, nous pouvons éliminer cette supposition.

Alors, reprenons……..

Qui était donc ce mystérieux Monsieur Paul ?


lundi 24 octobre 2016

BALADE NOCTURNE


Marina, quatorze ans, était, d’ordinaire, dynamique, sauf lorsqu’elle se sentait, un tantinet, fatiguée. Alors là, plus que molle, elle était tout à fait « ramollo » ! un vrai Chamalo fondu !
Une ado, quoi !
Dans ces cas-là, elle disait d’une voix éteinte, en soufflant, à chaque demande d’aide de sa mère :
« Désolée, maman, j’ai la flemme ! »
Ou encore
« Ah non, pas envie ! »

Alors sa mère faisait tout pour qu’elle bouge son popotin. Elle avait bon dos la crise d’ado !
La seule solution, car il y en avait bien une, c’était : le chien.

Balisto, magnifique labrador, était, à longueur de temps, tout foufou. Alors, pour le calmer, il fallait consacrer beaucoup de temps en promenades, pour le fatiguer un chouia.
Et cette tâche, indispensable, revenait automatiquement à Marina.
D’habitude, le petit-pipi du soir se faisait vers vingt-deux heures. Mais ce soir-là, Balisto renouvela sa demande vers vingt-trois heures trente.

C’étaient les vacances d’automne, alors, Marina se dévoua pour sortir son toutou préféré encore une fois. Balisto, reconnaissant, manifesta grandement sa joie en se tortillant le train arrière de droite et de gauche, tel un tortillard et en remuant la queue.
Dehors, il ne tenait pas en place, il sautait, courait, revenait en arrière. Arrivée près de la mare communale, il fit une petite pause. N’était-il pas sortir pour satisfaire quelques besoins tout à fait naturels ?
De l’autre côté de la mare, se dressait un splendide saule pleureur, éclairait par un faible rayon lunaire. Marina remarqua que les branches de l’arbre s’agitaient violemment. Pourtant, il n’y avait pas un souffle de vent. Elle regardait ce phénomène, intriguée, mais à ce moment Balisto, une branche dans la gueule, vint la solliciter pour jouer. Elle lança plusieurs fois le bout de bois que lui ramenait aussitôt l’animal. Ce jeu fatigua très vite Marina qui pensa qu’il n’était plus temps de jouer.

Poursuivant sa route, elle passa devant la grange du père Constand, un voisin. Elle perçut des bruits de voix, pourtant le lieu était désert. Elle crut apercevoir des lueurs où aucune lumière ne brillait. Dans les jardins et les champs, les plantes, tout comme le saule, effectuaient une danse, comme muées par un courant d’air qui était tout à fait inexistant.
Etrange, non ? Mais la nuit n’est-elle pas propice aux angoisses absurdes ?

Ses pas, plutôt ceux de Balisto, la conduisirent vers le cimetière. Derrière le mur de pierre, les croix des tombes se dressaient, lugubres.
Balisto, trouvant une ouverture dans une faille du mur s’était engouffré dans le cimetière. Tout à coup, paniquée, Marina, appela l’animal, doucement d’abord, comme pour ne pas gêner, puis plus fort. En vain, le labrador n’avait aucune intention d’obéir, l’aubaine était trop bonne de se défouler sans contrainte.

« Où est ce chien ? J’en ai plein le dos ! Par où est-il passé ? »

Tout en maugréant, Marina longeait le mur du cimetière pour découvrir par où le chien était passé. Elle trouva enfin. Elle s’introduisit donc, à son tour, dans le lieu, seulement éclairé par un vieux lampadaire qui, ayant vécu, ne diffusait que très peu de lumière, en clignotant. Un grésillement continuel et inquiétant annonçait l’extinction totale et définitive de l’appareil, dans des délais fort brefs.

Seule, dans ce sinistre cimetière, entourée de sépultures dont certaines étaient éventrées, elle avançait à petits pas, essayant de repérer le chien qu’elle maudissait de plus en plus, afin de lui remettre sa laisse et rentrer au plus vite.
L’horloge de la petite église égraina les douze coups de minuit.

Minuit !  Ne disait-on pas, dans certains livres, que c’était l’heure propice aux faits criminels ?

Elle stoppa, scrutant l’obscurité, tous sens en éveil. Mais ce qu’elle percevait surtout, c’étaient les battements sourds de son cœur dans ses tempes.
Tout à coup, elle sentit quelque chose lui cramponner les chevilles. Tétanisée, elle n’osait bouger, elle n’osait non plus regarder vers le sol. Elle imaginait des doigts à l’état de squelette lui serrer les chevilles dans le seul but de l’entraîner sous terre, dans le royaume des morts. Les os  et les ongles qu’elle imaginait crochus et noirs, la griffaient affreusement. Elle se sentait défaillir. Une suée l’envahit en même temps qu’elle sentait un souffle glacé dans son cou.
Des âmes errantes n’ayant pu regagner la lumière rodaient-elles autour d’elle ?
Pourquoi lui voulaient-elles du mal, à elle ?
Elle n’avait pas délibérément voulu déranger, loin de là. Ce n’était qu’à cause du chien. Ce maudit chien qu’elle ne retrouvait pas.

Emplie de terreur, voilà à présent qu’elle entendait gémir. Si elle le pouvait, elle s’enfuirait à toutes jambes laissant l’animal derrière elle, mais ses jambes, justement, ne répondaient pas à son commandement. Clouée sur place, elle allait sûrement périr, là.


Soudain, elle entendit japper et reçut sur la poitrine deux grosses pattes dont la force faillit la faire tomber à la renverse. Aussitôt après, elle fut assaillie par un grand nombre de léchouilles qui la débarbouillèrent en un rien de temps.

« Balisto, mon toutou adoré, cria-t-elle soulagée. Allons, viens, on rentre. »

Et sans demander son reste, Marina sortit en courant, laissant derrière elle, à leur triste sort,  tous les esprits errants. Qu’ils se débrouillent, ce n’était pas son affaire.

Le retour fut plus bref. Marina  avait envie de retrouver la lumière rassurante du foyer de ses parents.
Aussitôt la porte fermée, Balisto alla se coucher dans sa corbeille et s’endormit aussitôt.

« Ça va ? lui demanda sa mère, en voyant le visage un peu défait de Marina. Tout s’est bien passé ? Tu n’as eu aucun problème ?
-          Oui, ça va ! répondit l’adolescente. Tu as regardé quoi à la télé ?
-          Une émission sur les fantômes et les esprits. Certains scientifiques affirment que certaines personnes sont possédées. Ils prétendent également que certains lieux sont hantés. Si un jour, tu remarques quelque chose de bizarre, tu m’en parles ? Surtout la nuit d’Halloween, comme aujourd’hui !
-          T’inquiète pas ! je te le dirai.... mais tout va bien.
-          Ok ! Bonne nuit, ma chérie.


Marina eut bien du mal à trouver le sommeil et quand elle s’endormit ses rêves furent peuplés d’un tas d’êtres venus de l’au-delà, plus hideux les uns que les autres.

C’était, en effet, la nuit d’Halloween, et cette nuit là, ne disait-on pas que les esprits prenaient un peu l’air pour venir troubler la quiétude des humains ?

Avait-elle rêvé ou avait-elle réellement vécu l’horreur dans l’enceinte du cimetière ?

Marina préféra oublier. Il n’est pas toujours bon connaître la vérité.

Et puis, après tout, on ne sait jamais !!!!

mercredi 19 octobre 2016

DUMOLLARD, UNE ÉTRANGE AFFAIRE - première partie

Dumollard, une étrange affaire.


Le nommé Joly venait de rentrer son cheval dans l’écurie, sa journée terminée en cette fin de mai 1861, quand il entendit  tambouriner à sa porte d’une manière précitée, ainsi que des cris de terreur.
« Aidez-moi, je vous en supplie ! J’ai été attaquée ! Il est après moi !.... Il va me tuer !..... ».

Lorsque le nommé Joly ouvrit sa porte, il découvrit une femme  échevelée, les vêtements en désordre, le corps couverts de contusions et le visage éraflé. L’homme fit entrer la jeune femme et pendant qu’il prenait soin d’elle, il envoya un garçon d’écurie quérir le sieur Demichaille, le garde Champêtre de Balan.
En attendant celui-ci, la jeune femme, après avoir repris son souffle,  raconta son agression au sieur Joly avant d’en faire le récit complet dans les locaux de la gendarmerie où le garde champêtre l’accompagna  et où ils arrivèrent vers minuit. Aux forces de l’ordre, elle avait également décliné son identité.
« Je  me nomme Marie Pichon, je suis veuve depuis peu. J’ai 27 ans. »
Une bien jolie femme, cette veuve, avec son petit nez retroussé et ses grands yeux bleus.

« Vous dites avoir été abordée par un homme ?
-          Oui, à Lyon. Il m’a demandé si je connaissais un bureau de placement. Je lui ai dit que, justement, je me rendais dans celui des Blandines, rue Ecorche Bœuf. Et c’est là qu’il m’a dit qu’il cherchait une femme de gages pour sa maitresse, une dame Girard, je crois, qui avait un château près de Montluel. Est-ce que ça vous intéresse me demanda-t-il ? Et pour sûr, que je lui ai répondu, car il venait de me dire que je toucherai 250 francs par an.
-          Et vous pouvez le décrire cet homme ?
-          Bah, un homme de quarante cinq ans environ. Il portait un grand chapeau, type flambard qui lui couvert un peu les yeux. Il trainait la jambe..... et, ah oui,! il avait une grosse lèvre, comme boursoufflée !
-          Vous ne l’aviez jamais vu avant ?
-          Non, c’était la première fois que je le voyais.
-          Quels sont les faits ?
-          Bah ! On est allé chercher ma malle avec mes affaires et puis on a pris le train jusqu’à Montluel. Là, on est descendu et il m’a dit qu’on avait une bonne heure de marche jusqu’au château.
-          Cela ne vous a pas paru bizarre d’arriver ainsi en pleine nuit dans votre nouvelle place ?
-          Bah non ! Pourquoi ?
-          Quand avez-vous eu des doutes ?
-          Bah, c’est parce que le chemin était bien long et que je ne voyais pas de château. Puis, c’est surtout après qu’il a laissé ma malle dans un fossé disant qu’elle était lourde et qu’il reviendrait la chercher le lendemain. Il avait un comportèrent étrange. Il a essayé d’enlever un gros chancelas de vigne, sans succès, puis il a ramassé une grosse pierre. Il semblait nerveux.
-          Quand vous a-t-il agressée ?
-          Quand je lui ai dit que je ne voulais plus aller plus loin parce qu’il m’avait trompée. Il s’est alors retourné et avec une corde a essayé de m’étrangler. Je me suis débattue et je me suis sauvée.

Après sa déposition, la jeune femme, accompagnée de la brigade, chercha à reconnaitre les lieux où elle était passée avec son agresseur. Elle trouva enfin le champ de colza et le fossé où avait été déposée la malle, mais celle-ci n’était plus là. Le panier, le carton et le parapluie  que Marie Pichon portait et avait laissé sur le lieu de l’agression restèrent introuvables également.

Cette triste histoire se répandit bien vite dans les villages environnants. Et chacun échangeait sur l’affaire. Et chacun se souvenait de faits similaires dans les années qui avaient précédé.
Oui, des mésaventures identiques dont les victimes étaient toujours de jeunes femmes qui cherchaient une place.
Les témoignages affluèrent comme celui du Madame Clavier qui tenait l’établissement de placement des Blandines rue Ecorche Bœuf à Lyon.
« Il y a six ans environ, oui, c’est ça, en septembre 1855, Josephte Charlety avait été accostée par un homme de la campagne. Il recherchait une domestique pour ses maîtres possédant un château, près de Trévoux,  si je me souviens bien. Elle est partie avec lui le 22 septembre, mais l’attitude de l’homme l’inquiéta, alors elle s’arrêta en chemin, dans une ferme. Puis, le 11  novembre de la même année un homme est venu ici au bureau de placement. Je m’en souviens bien, c’est moi qui l’ai reçu.  Il recherchait une jeune fille à gages pour une maison bourgeoise. Je lui ai proposé Victorine Perrin, âgée de vingt-et-un ans. La pauvre, il lui a volé sa malle avec tout ce qu’elle possédait. Ses vêtements, bien sûr, mais aussi une somme de cinquante francs. Toutes ses économies ! »
La dame Clavier donna une description précise de l’homme : quarante cinq ans environ, placide, portant un chapeau, un feutre noir précisément, épaules voutées, barbe et cheveux noirs, trainant la jambe et ayant une lèvre enflée.
Puis n’y avait-il pas eu Olympe Alabert qui, en mars 1855, s’était vue proposer une place avec de très bons gages à Neuville-sur-Saône, par un homme qui semblait venir de la campagne. Elle l’avait suivi cet homme qui avait essayé de la dépouiller. Elle ne s’était pas laissée faire, avait menacé son agresseur qui avait pris la fuite.
La même mésaventure était arrivée à une nommée Marie Bourgeois, jeune fille de dix-sept ans. Le 31 octobre 1855, elle avait été abordée par un homme cherchant un bureau de placement. Quelle chance, la jeune femme cherchait un emploi. Elle avait suivi cet homme inconnu. La nuit était tombée. Ils cheminaient sur la route menant de Lyon à Strasbourg. Prise de peur, Marie Bourgeois s’était réfugiée dans une ferme, celle de Françoise Collet, épouse  Berthelier. Le lendemain, deux gendarmes prirent la déposition de la victime.
A la description de l’agresseur certains souvenirs revinrent en mémoire.
Etrange, cet homme vêtu d’une blouse bleue et d’un large chapeau, jambe trainante et lèvre enflée, n’était-ce pas le signalement de l’assassin de la femme dont le cadavre avait été retrouvé dans le bois de Tramoyes ?
Trop de coïncidences !

Mais quel était ce crime dont on se souvenait tout à coup ?

C’était justement en cette année 1855, et plus précisément le 28 février. Quatre chasseurs habitant Tramoyes, découvrirent dans la forêt de Montaverne, caché dans un taillis le cadavre nu d’une jeune femme, portant des blessures à la tête. Il fut retrouvé non loin de cette dépouille des morceaux de tissus et une paire de souliers. La mort de cette jeune femme ne devait pas remonter à plus de deux jours.
Après des jours d’enquêtes, le cadavre fut enfin identifié.
Il s’agissait d’une jeune femme, nommée Marie Baday, ayant travaillé comme domestique à la Guillotière. Elle avait quitté son emploi suite à sa rencontre avec un homme de la campagne lui ayant proposé une place très bien rétribuée dans une maison bourgeoise des environs.
Ce même jour, Marie Curt avait fait la même rencontre et avait décliné l’offre de l’homme. Son refus lui avait sauvé la vie.

En cette année 1855, un grand nombre de guet-apens avait été commis par le même homme. Heureusement beaucoup de ces victimes, par leur sang froid et leur présence d’esprit, avaient échappé à la mort.

En ce mois de mai 1861, après l’agression de Marie Pichon, la justice allait-elle enfin découvrir et arrêter l’agresseur ?

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Ce fut M. Genod, juge d’instruction au tribunal de première instance de Trévoux qui instruisit l’affaire. Pour ce faire, il se transporta sur les lieux.
Parallèlement à l’enquête officielle, une autre, celles des habitants des villages, se mettait en place. Le sieur Joly, cabaretier, François Maule, garde champêtre et le brigadier de gendarmerie, tous de Dagneux, recensèrent les mauvais sujets habitant dans le coin. Tous leurs soupçons tombèrent sur un seul et même homme, le Raymond, être en marge de la société, sournois et vivant de maraudes.
Dans le hameau du Mollard, il était peu connu car il ne fréquentait ni l’église, ni le cabaret et on ne le voyait jamais au marché.
On le savait marié, mais personne ne pouvait dire de quoi il vivait réellement, quoique .......

Une perquisition au domicile de l’homme, le 3 juin 1861, confirma toutes les suspicions. En effet, il fut découvert une multitude de vêtements de femmes dont certains avaient appartenu à Marie Baday.
L’homme fut immédiatement arrêté sur ordre du juge et transféré à Trévoux.

Une seconde perquisition, plus minutieuse celle-là trois jours plus tard, le 6 juin, permit de découvrir une quantité incroyable de malles et caisses pleines  de linges féminins.
La femme de Raymond, interrogée, dit que son mari lui avait dit avoir acheté tout cela. Elle n’avait pas insisté ayant peur de recevoir des coups. Devant ses réponses plus qu’incohérentes, elle fut également arrêtée.
Tout, dans son comportement, notait qu’elle avait, à coup sûr, quelque chose à se reprocher.

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Qui était cet homme et cette femme ?
Remontons le temps et revenons un peu en arrière.


Le « Raymond » dont il était question, était né le 21 avril 1810 à Tramoyes.
Il avait reçu le prénom de Martin, comme l’atteste son acte de naissance.
L’an mil huit cent dix le vingt deux avril après midi pardevant nous maire... son comparus pierre Dumolard agée de trente six ans natif de Longris demeurant audit tramoyes lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin né le vingt et un avril à six heures du soir de lui declarant et de marie josephte Rey son épouse auquel il a déclaré vouloir donner le nom de martin Dumolard la ditte déclaration et representation fait en presence de pierre montant age de vingt sept ans et de claude Prost age de vingt six ans tous journallier demeurant à tramoyes le père  ni le dit pierre montan ni le dit claude prost non signé le present acte de naissance......

Les parents de Martin Dumollard n’étaient pas mariés et ne convolèrent jamais en justes noces.
Son père était natif de « Longris », il faut lire de « Hongrie » et plus exactement de la ville de Pest, il se nommait Pierre Demola. Il prit le nom de « Dumolard », lorsqu’il s’installa justement dans le hameau de Mollard.
L’histoire de cet homme est assez obscure. Il aurait fuit son pays après y avoir commis un meurtre pour lequel il avait été jugé par contumace et condamné à la peine de mort. S’étant réfugié dans la région du Mont-Blanc, ce fut dans la ville de Salins qu’il rencontra Marie Josephte Rey. Le couple vint alors s’installer à Tramoyes où naquit Martin, mais aussi un autre garçon Raymond, le 13 mars 1813.
L’an mil huit cent traise le traise du mois de mars a près midi.... son comparu pierre du molard age de trante neuf ans natif de Longris demeurant au dit Tramoyes le quel nous à présenté un anfant du sexe masculin né le traize mars à quatre heures du soir de lui déclarant et de marie josephte le Rey son epouse au quel il a déclaré vouloir donné le nom de remond dumolard la ditte declaration et presentation fait en presence de pierre montan age de vingt neuf ans et de Claude Prost age de vingt neuf ans tous journalier demeurant a Tramoyes le père  ni le dit pierre montant ni le dit claude Prost non signé le present acte .....

L’enfant décéda rapidement, sans doute avant son premier anniversaire. Je n’ai pu retrouver son acte de décès.
Ce fut en souvenir de ce frère décédé et qu’il a fort peu connu, que Martin se fit appeler Raymond.

Fuyant les troupes austro-hongroises afin d’échapper à la   mort, Pierre Dumollard se refugia en Italie avec Marie Josephte, sa compagne et le jeune Martin.
Est-ce pendant ce périple que mourut le petit Raymond ?

Mais les troupes austro-hongroises envahirent l’Italie, Pierre le Hongrois fut arrêté et subit la peine de l’écartèlement, dans la  ville de Padoue, peut-être à la fin de l’automne 1814.
Cette sentence, où les bras et jambes du condamné étaient attachés par des cordes à quatre chevaux qui tiraient chacun dans une direction différente, jusqu’à démembrement totale et la mort, fut exécutée sur la place publique de la ville devant de nombreux « spectateurs » et sous les yeux de la compagne et du fils du supplicié. L’enfant, n’était alors âgé que de quatre ans. Quelles images le garçonnet garda-t-il de l’évènement ?
Que comprit-il à tout cela ?
Marie Josephte, enceinte, revint avec Martin à Tramoyes où elle fut rejetée, avant de s’installer au Hameau du Mollard.

Une petite fille, nommée Claudine naquit en la période estivale de 1815, peut-être juillet ou août.
Le bébé devait mourir neuf mois plus tard, le 8 avril 1816, à Tramoyes.
L’an mil huit cent seize le neuf du mois de avril par devant mous ..... commune de Tramoye département de l’Ain, canton de Trevoux sont comparus claude gorge ainé assisté de Etienne Didier Joseph Carnut tout cultivateur à Tramoye lesquels nous ont déclaré que Claudine Dumolard age de neuf moi fille de pierre Dumolard et marie Ray domicilié à Tramoye est décédé le huit avril à trois heures du soir....

Marie Josephte sans aucun soutien, survécut, plus qu’elle ne vécut. Les privations, elle les connut que trop bien et son fils, Martin, en subit également les épreuves.


Martin fut alors, comme beaucoup d’enfants à cette époque, placé comme berger dans une ferme. Il avait tout juste huit ans. Pour un bout de pain et un morceau de fromage ainsi qu’un peu de paille en guise de couche, il était corvéable à merci.
Dix ans plus tard, il embaucha chez le sieur Guichard, propriétaire du château de Sure à Saint-André-de-Corny où là encore il avait en charge les troupeaux de moutons.
Ce fut en cet endroit qu’il rencontra Marie-Anne Martinet qui était employée comme domestique.

Marie Anne Martinet avait vu le jour le 14 mai 1814 à Montluel Cordieux.
L’an mil huit cent quatorze le quatorze du mois de may a septe heure du matin ..... est comparu Benoit Martinet journallier resident commune de Cordieux au amaux des Bruyeres ages de quarante deux ans lequel nous a presente un enfant du sexe féminin né le quatorze may à sept heure du matin de Benoit Martinet et de Marie Bellet son epouse et a la quel nous a déclaré donner les prenoms de marianne en presence de Benoit Martinet père de lenfan et de antelme devigne......


Martin et Marie Anne se rapprochèrent-ils en raison de leurs malheurs respectifs ?
Tout ce que je peux affirmer, c’est que tous deux devinrent complices et quittèrent leur patron, non sans lui avoir dérobé quelques moutons. Puis, ils s’installèrent à Montellier où ils se marièrent  le 20 juin 1840.
L’an mil huit cent quarante le vingt neuf du mois de juin a dix heures du matin..... sont comparus Martin Mollard cultivateur demeurant a Montellier age de trente ans né le vingt un du mois d’avril mil huit cent dix fils majeur de Jean Pierre Mollard absent depuis vingt six ans et de Marie Josephte le Rey cultivatrice demeurant a Dagneux. Et marie Martinet cultivatrice demeurant à Montellier agee de vingt six ans née le quatorze du mois de mai mil huit cent quatorze fille majeur de Benoit Martinet cultivateur décédé demeurant à Cordieux et de Marie Belet decede cultivatrice demeurant à Cordieux. En presence Simon Boiteux trente neuf ans garde particulier de Mr Dethoy Montellier Joseph Martinet trente quatre ans cultivateur Montellier frere Claude Rivolet vingt neuf ans cultivateur Montellier Claude Charvet trente sept ans cultivateur Montellier.

De quoi vivait le couple ?
Constatant les nombreuses condamnations de Martin, il faut croire que le vol était leur principale source de revenus.
Car, juste après leur mariage, Martin purgea une peine d’un an de prison, puis en 1844, nouvel emprisonnement à Clairvaux pour une durée de treize mois.
En sortant de prison, Martin et son épouse vinrent habiter à Dagneux, ville dans laquelle Marie Josephte Rey, mère de Martin, était décédée le 15 avril 1842 dans le plus grand dénuement.
L’an mil huit cent quarante deux le quinze du mois d’avril a onze heure du matin.... ont comparu jean Ranurt cinquante sept ans propriétaire domicilie à Dagneux voisin de la décédée lesquels nous ont declaré que Marie Josephte Rey âgé de  soixante quatre ans journalier domicilié à Dagneux née à Salins (Montblanc) fille de Defunt georges Rey et de Jeanne Marie Aillet quant ils vivaient cultivateur domiciliés à Salin et veuve de Pierre Dumollard est decedé en cette commune au domicile de sa personne le quinze du mois d’avril à huit heures du matin....


 ................ à suivre

lundi 17 octobre 2016

HISTOIRE VRAIE N° 2



L’orchestre répétait. Tout devait être parfait. Le concert préparé n’était-il pas pour fêter l’anniversaire du Roi ?
Un homme dirigeait les musiciens, attentif, très attentif. Il se nommait Jean-Baptiste Lully. Sa réputation n’était plus à faire, certes, mais il tenait à la garder. La volonté du Roi, Louis XIV, était parole divine. Dans le royaume de France, il faisait la pluie et le beau temps. Sa volonté pouvait faire d’un de ses sujets le plus riche et le plus estimé en quelques secondes et ce même sujet pouvait l’instant d’après se retrouver enfermé dans un cachot jusqu’à la fin de sa vie.
L’oreille du maître captait toutes les imperfections, rien ne lui échappait.

Tout à coup, Lully explosa, entra dans une furie incontrôlable.

Un violoniste avait faire une fausse note. Quel scandale inqualifiable ! Et si cette fausse note était intervenue le lendemain et avait atteint l’oreille royale !

Sans hésiter un seul instant, ce chef intransigeant se dirigea vers le fautif et hurla :
" C'est toi, il n'y a pas cela dans ta partie."

Le pauvre violoniste ne bougea plus, tétanisé par la peur, car le maître était réputé pour ses violentes colères.

Hors de lui, saisissant le violon, Lully le leva et le rompit sur le dos de l’instrumentiste coupable d'avoir joué faux.

Personne dans l'orchestre ne dit mot, c'était à peine si on entendait respirer.

Lully avait souvent ce comportement coléreux et ce n’était pas la première fois qu'il brisait ainsi un instrument au cours d'une répétition.

La colère passée, la répétition achevée, il faisait appeler le violoniste, lui payait  au triple de sa valeur la perte de son instrument de travail, et, manière de s’excuser, invitait le pauvre homme à déjeuner dans la meilleure auberge.


Les luthiers de l’époque devaient beaucoup aimer Lully. Grâce à lui, leur chiffre d’affaires avait dû prospérer.

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Que devons-nous à Jean-Baptiste Lully ?

Avant l’arrivée de Lully comme musicien de la Chambre du Roi, le violon avait une très mauvaise réputation. Ce n’est pas pour rien qu’il reçut le surnom de crin-crin. Faire jouer ensemble plusieurs violons était impensable tant les sons qui sortaient de tous ces instruments étaient inaudibles, douloureux.
Lully fut le premier à mettre en place des « orchestres à cordes », travaillant la justesse des sons et également la mesure pour un ensemble parfait. Exigeant au plus haut point, il demandait un travail colossal et seuls les plus habiles instrumentistes avaient la possibilité d’être engagés.
Il fut donc celui qui réhabilita le violon, lui donnant la noblesse qu’il a aujourd’hui, alors qu’avant, tous s’entendaient à dire que les sons en étaient détestables.

Pour battre la mesure, Lully se servait d’une grosse canne avec laquelle  il battait les temps sur le seul.
Il fut le premier « batteur de mesure », celui qui, plusieurs années plus tard, sera appelé « chef d’orchestre », cet homme ou femme qui devant l’orchestre dirige pour que tous soient ensemble et respectent les mêmes nuances, la même interprétation d’un morceau de musique.



Ce jour-là, le roi n’était pas présent. Cloué au lit, la santé du monarque inquiétait la cour. Cet homme n’allait-il pas rendre l’âme très rapidement ?

Lully se mit à composer un « Te Deum ». Il dirigea cette musique, prière pour la guérison du Roi, quelques jours après dans le recueillement de la noble assistance en l’église des Feuillants de la rue Saint-Honoré de Paris.
La musique bien que solennelle avait des sonorités majestueuses enflées par l'acoustique du saint lieu.

Tous les regards des musiciens de l'orchestre étaient rivés sur leur "chef". Lully dirigea, comme à son habitude,  avec fougue et précision.

Dans le feu de l'action, enveloppé par la musique qui le transportait bien au-delà de cette église et absorbé par la direction précise de son orchestre, la canne, dans un geste maladroit du maître, s'abattit sur le pied de celui-ci.

Une horrible douleur lui monta dans la jambe, mais il poursuivit la direction de l’ouvre jusqu’à la dernière note.

La plaie que Lully s’était infligée, par maladresse, n'était pas belle. On transporta alors le maestro dans ses appartements et son médecin, demandé d'urgence, se rendit au chevet de l'illustre malade sans tarder.

Lully fut obligé de garder le lit, incapable de se tenir debout.
La plaie s'infecta, la gangrène attaqua le pauvre pied et notre grand musicien mourut quelques jours plus tard, le 22 mars 1687.


Triste fin en vérité pour cet homme à qui nous devons la création de la direction d'orchestre.

Quelle ironie du sort, car la dernière œuvre qu'il dirigea était une prière pour sauver le roi d'une mauvaise maladie. Dieu écouta cette prière, mais d'une oreille peu attentive, car il sauva le roi, certes, mais en rappelant Lully à lui.

Faute d'attention fatale, pour le pauvre musicien.

Est-ce pour cette raison que les chefs d’orchestre ont abandonné la « canne » pour la « baguette », moins dangereuse, sauf si on se la met dans l’œil, bien sûr ?



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Lully ne doit pas sa renommée à son seul talent, car bien que génie incontesté, il intrigua toute sa vie par ambition et n'hésita pas à faire emprisonner ses rivaux pour les éclipser à la cour et dans le cœur du Roi.

Fils d'un meunier florentin, doué de musique, pratiquant la guitare, le Duc de Guise le remarqua lors d'un de ses passages à Florence et ce ne fut qu'en simple page qu'il entra au service de la Duchesse de Montpensier. De là, il accéda à la Maison du Roi.

Son génie résida surtout à concilier l’exubérance italienne à la rigueur de la musique française à cette époque.



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Lully laisse derrière lui une œuvre considérable. Il collabora également à la création de ballets, très en vogue à la Cour du Roi Soleil qui grand danseur aimait être le point de mire sur scène, brillant comme l’or, lumineux comme « le soleil ».

Lully travailla aussi avec Molière, composant notamment la musique du « Bourgeois Gentilhomme ».

Un grand parmi les grands que l’on n’est pas prêts à oublier.


jeudi 13 octobre 2016

LES MYSTERES........ DES MOTS



Gouailler, voilà un mort qui racle, qui grince un peu, mais qui ne manque pas de charme.
En 1732, « gouailler » signifiait, se moquer.

Une goualeuse, vers 1830, était une chanteuse, celle qui chantait dans les rues pour quelques sous, ou dans un bouge enfumé où était vendu un alcool bon marché qui Pierre Perret appellerait « tord boyaux ».
La Goualeuse était d’ailleurs le surnom d’un des personnages des « Mystères de Paris » écrit par Eugène Sue. Et ce roman, à lui seul, plante bien de décor de misères dans les « sombres bas-fonds du Paris du début du XIXème siècle ».

Et puis, la goualante est depuis 1821, une chanson ou plutôt une complainte.
Pour exemple :
La goualante du pauvre Jean,
Musique de  Marguerite Monnot  - paroles de René Rouzaud et chantée par Edith Piaf.



Puisque nous venons  de parler des « Mystères de Paris », je ne peux m’empêcher de vous parler d’un autre personnage, le  « Chourineur ».

En voilà encore un mot plein de mystères......

« Chouriner », tuer à coups de couteau. Terme utilisé surtout dans le milieu des équarrisseurs qui égorgeaient les chevaux.
Un « chouriner » est donc celui qui tue à l’aide de son couteau.
Ce mot fut popularisé par Eugène Sue, d’ailleurs, grâce à son œuvre qui parut par épisode dans un quotidien.


Car avant il y avait le « surin », ce couteau dont on se servait comme d’une arme.
Mot qui donna : le « surineur » ou la « surineuse » dont vous imaginez le surin rouge de sang après leur horrible forfait !
Et aussi, le verbe « suriner » : tuer.

Bien évidemment, ces mots ne sont plus employés depuis bien longtemps, mais je leur trouve un charme descriptif  tel qu’à leur simple évocation, l’univers des romans du XIXème jaillit en moi.

  Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

1779 - QUE NOUS RÉSERVE CETTE ANNÉE ?



Centenaire

12 janvier 1779

« Le 5 janvier, veille du jour des Rois, est mort à Bayeux Gabriel Lefevre, âgé de 108 ans, 3 mois & 14 jours, étant né le 21 septembre 1670. Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit de ce respectable vieillard dans nos annonces de l’année 1776 n° 33, nous ajouterons seulement qu’il avoit servi dans l’infanterie & dans la cavalerie, pendant toute la guerre de la succession d’Espagne. Il a conservé, avec de grands sentiments de religion, une santé robuste & toute sa gaieté jusqu’à la fin ; & la présence d’esprit n’a disparu chez lui qu’avec la vie. »

Comme je le notais déjà dans un de mes articles de 1776, ce « vénérable vieillard » était bien né dans l’Orne à Durcet, le 21 septembre 1670. Je n’étais, toutefois, pas tout à fait sure de l’orthographe du nom de sa mère ni de celui de sa marraine.
Le vingt deux jour de septembre a été baptizé gabriel Le febvre né le jour precedent fils de louis et de jeanne Coulonche son parain gabriel Le febvre sa maraine anne  Houillourt.

Je déplorais de n’avoir pu trouver la date de son décès, et bien voilà, c’est fait : 4 janvier 1779. Et il me fallut une bonne dose de courage et de patience pour affronter, une à une, toutes les paroisses de Bayeux, afin de dénicher le document, prouvant son décès. J’ai bien failli abandonner. Cela aurait été dommage, si près du but !

Voici donc son acte d’inhumation établi à Bayeux – Paroisse Saint-Patrice :
Le mardi cinquieme jour de janvier mil sept cent soixante et dix neuf a été par nous curé de St Patrice inhume dans le cimetiere dudit lieu le corps de Gabriel lefêvre Bourgeois de Bayeux Demeurant en notre paroisse lequel age de cent huit ans trois mois douze jours decede hier muni des sacremens. Ladite inhumation faite presence de Messire Philippe le Brecque vicaire, françois liegard toillier et de richard piperel bedeau tous de notre paroisse, lesquels ont  signé avec nous.

Rien dans cet acte ne peut aider à reconstituer  sa vie familiale. Aucun nom d’épouse et aucune personne portant son nom sur l’acte pouvant, éventuellement faire penser qu’il avait eu des enfants.
Il avait été soldat. Sans doute pendant un bon laps de temps.
La mention « bourgeois de Bayeux », laisse à penser qu’il vivait dans une certaine aisance.



Remède qui aurait été efficace

30 avril 1779

« Tout le monde connoit les ravages de la petite vérole ; une personne respectable a publié depuis peu un moyen bien simple de s’en préserver : il faut après la section du cordon ombilical, que la sage femme la saisisse d’une main dans la partie attachée au ventre de l’enfant, & que de l’autre, après avoir fait la section, elle exprime toutes les liqueurs contenues dans cette partie excédente (sic), pour s’en assurer, on laissera sortir quelques goutes (sic) de sang, ensuite on fera la ligature : on pratique cette méthode en plusieurs endroits, ils ont été exempts de cette maladie. »

Puis-je émettre quelques doutes ?


Incendie à Pont-de-l’Arche

11 juin 1779

« Le nuit du 26 au 27 mai, il y a eu un incendie considérable dans le fauxbourg (sic) des champs de la ville du Pont-de-l’Arche ; il y eu 188 pieds de bâtimens (sic) remplis de fourrage, & 2 petites maisons entièrement (sic) consumés, le tout faisant partie d’une grande auberge, apartenante (sic) à un sieur Delaporte, & occupée par un nommé Hareng. Sans le secours des habitans (sic), tout le fauxbourg (sic) auroit été incendié ; le Maire de ville, qui est Lieutenant de Police, voyant les habitans (sic) fatigués, leur a fait distribuer eau-de-vie, boissons & argent, pour ne point quitter jour & nuit, vû (sic) que le feu s’est ranimé à différentes reprises. Les dames de tous états, étoient rangées en haie, depuis la riviere (sic) jusqu’au lieu embrasé, pour donner de l’eau de main en main. L’abbé Denten, vicaire de la paroisse, & le Gardien des Pénitens (sic) s’y sont distingués & ont exposé leurs jours : il y eu 8 personnes de blessées : les incendiés se recommandent aux bienfaits des personnes qui voudront bien les assister, & de les adresser à M. Cavelet ; Maire & Lieutenant de Police, au Pont-de-l’Arche ; ou à Rouen, à M. Sanson, substitut audit Bailliage,  rue du Sacre. »

Le « fauxbourg des champs », n’est autre, aujourd’hui que la place Aristide Briand, en plein cœur de Pont-de-l’Arche. Ce lieu fut rebaptisé  place  « Aristide Briand », en 1937.
Il faudra que nous nous repenchions, un jour prochain, sur la prodigieuse histoire de cette ville, car il y a beaucoup à raconter.



On recherche héritiers

2 juillet 1779

« Anne Marguerite Agnés Langlois, décédée en cette Ville le 30 janvier 1755, veuve du sieur Léon-de-Nesle, a laissé pour héritiers Jean-Baptiste langlois & Robert-François  Langlois, ses freres (sic). Comme depuis le commencement de 1757 on n’a point entendu parler de ces deux freres (sic), & que leurs héritiers ont un droit qu’ils peuvent ignorer, M. le Gingois, Doyen de MM. Les Notaires de cette Ville, les en instruira. »

Encore un héritage qui ne sera pas touché !
D’ailleurs, je ne peux rien vous dire, car mes recherches sont restées vaines !
Comment pouvait-on retrouver quelqu’un en 1779 ?
Pas de carte d’identité, pas d’immatriculation à la CPAM, pas de liste électorale, pas de photo……
Non, rien de tout cela. Uniquement une description physique sommaire qui était peu de chose sans signe particulier.
Voilà pourquoi, il était si facile de prendre l’identité de quelqu’un d’autre, surtout si ce dernier avait été absent très longtemps de son village.


Avis de naissance

2 juillet 1779

« Vendredi 21 mai, la femme Roque de la paroisse de Saint-Ouen du Pont-Audemer en Normandie, âgée de 54 ans, est accouchée d’un garçon. Madame Coignard, épouse du Lieutenant de M. le premier Chirurgien du Roi pour ladite Ville, a terminé cet accouchement avec tout le succès possible, malgré plusieurs obstacles qui pouvoient le rendre impossible ; la mere (sic) et l’enfant se portent bien. »

Cinquante quatre ans ! Je suppose que ce fut son dernier enfant. Mais combien cette femme en avait mis au monde avant ? Je ne peux vous le dire.
Je n’ai pu trouver sur cette famille que l’acte de baptême du petit.
Pont-Audemer -  paroisse Saint-Ouen :
Le samedy deux* de may mil sept cents soixante dix neuf jean Baptiste Jacques fils legitime de Jacques de Laroque et de marguerite Bouyn né d’hier a été baptisé par nous prêtre vicaire de cette paroisse soussigné son parrein Jean Cal, sa marreine marie aimée Louis catherine Delamare laquelle a déclaré ne savoir signer.
* L’acte se trouve entre le « jeudi vingtieme jour de may » et le « dimanche vingt trois de may ». Le prêtre a oublié de noter le « vingt ».
Intempéries

23 juillet 1779

« Je viens d’être témoin, M., d’un de ces événemens (sic) qui arrachent des larmes à toutes les ames (sic) sensibles. Le 9 de ce mois, sur les 5 heures du soir, il s’est formé un orage chargé de grêle, qui est  venu fondre sur la  paroisse de Tancarville, Doyenneté de S. Romain, au pays de Caux. Les grains pesoient une livre la plupart ; en moins de 15 minutes, la récolte entière a été détruite & recouverte de glaçons angulaires à la hauteur de plus de 6 pouces. Il n’y a point eu un pied de terrein (sic) dans la totalité de cette malheureuse paroisse qui n’ait éprouvé ce fléau destructeur ; de sorte que les habitans (sic) ont vu disparoitre (sic), en un quart d’heure, le fruit de leurs travaux & se trouvent par ce désastre sans aucune ressource. Les arbres fruitiers ont été ébranchés en partie, & ne laissent plus d’espérance, même pour les années prochaines. Ce fléau s’est répandu aussi sur une partie des paroisses de la Cerlangue, de saint Nicolas-de-la-Taille, de Radicatel & Saint Jean-des-Essards. »

Cerlangue, Saint-Nicolas-de-la-Taille et Saint-Jean-des-Essarts se situent, en éventail, au nord de Tancarville. Radicatel fait partie de la commune de Saint-Jean-de-Folleville.
Cet article prouve encore une fois, que de tous temps, les intempéries ont provoqué des catastrophes, réduisant à néant le travail d’une année.

Epousailles et retrouvailles…

17 septembre 1779

« On mande de Milan qu’il vient d’y arriver un de ces événemens (sic) bizarres, que toute la prudence humaine ne sçauroit (sic) prévoir. Un jeune homme, reçu dans une maison où il y avoit deux demoiselles, en ayant demandé une en mariage, essuya un refus net, dont il fut piqué, qu’il adressa ses vœux à la servante, qui, d’ailleurs, par la figure, par son caractere (sic) & par sa conduite, sembloit très-propre (sic) à le rendre heureux. Son père (sic) & sa mere (sic) consentirent avec peine à ce mariage ; mais, ayant bientôt reconnu les excellentes qualités de leur bru, ils ne l’aimerent (sic) pas moins que leur fils. Le bonheur attaché à cette tendre union, ne devoit pas être de longue durée. La jeune épouse fut attaquée d’une maladie dangereuse, pour laquelle les Medecins (sic) ordonnérent (sic) de lui appliquer des ventouses. La belle-mere (sic) qui voulut elle-même  présider à l’opération, découvrit alors sur les épaules de sa bru, un signe distinctif qui lui fit reconnoître (sic) sa propre fille, mise dès l’enfance & abandonnée dans l’hôpital de cette Ville. La surprise & la douleur dont elle fut frappée de cet aspect, ne sçauroient (sic) s’exprimer ; elle s’évanouit. Toute la famille alarmée s’empresse autour d’elle, & dès qu’elle a repris connoissance (sic), on apprend de sa bouche, à travers les sanglots & les larmers, cette fatale decouverte (sic). L’aventure pleinement vérifiée, on en instruit les Supérieurs ecclésiastiques, qui ont ordonné provisoirement la séparation du frere (sic) & de la sœur ; & on a informé ensuite la Cour de Rome de cet événement extraordinaire. »

Quelle histoire !
Une enfant abandonnée dans un hospice, sûrement dès la naissance…..
Une mère rongée de remords, face à cet abandon……
Et voilà le destin qui prend sa revanche !

J’aurais aimé en savoir un peu plus, pour retracer l’histoire de cette famille, digne de « Perdu du vue » !
Pourquoi cette petite fille a-t-elle été remise aux bons soins d’un hospice ?
Un enfant né d’un premier amour, avant mariage, et qu’il fallait évincer ?
Un enfant né d’une liaison adultérine, et qu’il fallait dissimuler ?

N’ayant pas en main ni les noms, ni les dates de naissance des deux jeunes gens, je ne peux rien vous affirmer.
Je suppose simplement que le mariage fut annulé.


Avis de décès

29 octobre 1779

« Messire André Guillaume Nicolas France, Ecuyer, Conseiller-Secrétaire du Roi, Honoraire, est mort à Rouen, en son Hôtel, rue S. Nicolas, paroisse Saint Amand, le 28 de ce mois, âgé de 72 ans.  La Société proposera difficilement à ses membres une mort plus consolante, & en même-tems (sic) plus digne de ses regrets. Ce vertueux Citoyen ne cessa de marcher, dès l’âge le plus tendre, dans les sentiers de la religion & de la vertu. Fidele (sic) à ses devoirs & supérieur à tous les événemens (sic), il montra toujours cette tranquillité d’ame (sic), fruit précieux de la paix intérieure dont il jouissoit. Ce fut sur-tout (sic) dans ces derniers momens (sic), où sa famille, abandonnée à la plus amere (sic) douleur, faisoit apercevoir ce mélange involontaire de tendresse & de crainte, qu’il tâchoit de la consoler lui-même. Il étoit doux dans ses mœurs, agréable dans son commerce, fidele (sic) à ses amis, tendre & compatissant envers les pâuvres (sic). La culture des Lettres occupa ses loisirs, & l’on remarquoit avec plaisir cette expression de bon goût qui caractérise l’homme aimable, sans affoiblir (sic) celui de l’homme de bien. Un tempérament délicat que le travail avoit épuisé, ne devoit pas résister plus long-tems (sic) à une maladie aussi longue que douloureuse. Le mal augmente, ses forces insensiblement diminuent ; enfin un assoupissement s’empare de ses sens, & Dieu, qu’il avoit fidelement (sic) servi, l’appelle à lui dans sa miséricorde, & le fait reposer du paisible sommeil des justes. »

Ci-dessous, l’acte de décès de ce seigneur :
Rouen – paroisse Saint Amand
Ce jourd’huy jeudi vingt huit octobre mil sept cents soixante dix neuf a été inhume dans le cimetiere par monsieur le curé de cette paroisse le corps de messire andré guillaume nicolas France ecuyer conseiller secretaire du Roy honoraire veuf en secondes noces de dame Leplanquois veuve de M de la houppe de Breteuil décédé hier age de soixante douze ans muni des Saints sacrements de l’Eglise presence des témoins soussignés
Signatures : Pierre Prevost – Godefroy et Marest curé de St amand.

Malgré mes recherches je n’ai rien trouvé de plus sur ce seigneur, ni sur sa seconde épouse.


La Mare du Parc en feu

31 décembre 1779

« Des personnes mal informées, débitent dans le public que M. Valentin, Curé de la paroisse de S. Sever, a empêché de sonner le tocsin pour l’incendie arrivé Dimanche dernier, 26 décembre 1779. Il arrive souvent que des voisins s’alarmant de voir des étincelles, même des flâmmes (sic) sortir des cheminées de ceux qui, dans des greniers, brûlent des bruyeres (sic) viennent demander à faire sonner, & qu’avant que les ordres soient donnés, l’on apprend qu’il n’y a eu aucun danger.
Dimanche dernier, pendant les Vêpres, le sieur Curé fut informé que le feu étoit à une cheminée près la mare du Parc, cherchant  à éviter l’épouvante à ses paroissiens assemblés en prieres (sic) il voulut être informé de l’état des choses par un exprès qu’il envoya ; 2 minutes après au plus, survint un domestique qui le pria de faire sonner au feu : le sieur Valentin lui demanda si c’étoit à une cheminée ; il lui répondit que non, que la maison étoit en feu ; aussi-tôt (sic) il quitta sa chappe (sic), entra dans la sacristie, donna des ordres au bedeau de sonner ; ce qu’il fit aussi-tôt (sic), & ne s’interrompit   que pour donner le salut ; recommença ensuite, & continua jusqu’à 7 heures du soir.»


Un incendie à la Mare du Parc à Saint-Sever. Mais quel était donc ce lieu ?
Son nom vient d’une mare qui se trouvait dans un parc donné par Henri II au prieuré de Grammont.
Fin XIXème siècle, ce terrain de la Mare du Parc se situait  à proximité du Jardin des plantes de Rouen.
Aujourd’hui, son nom a été donné à la rue longeant cet ancien terrain, rue qui aboutit dans la rue Emile Zola à Sotteville-Lès-Rouen.

Prieuré de Grammont
Le roi Henri II Plantagenêt avait donné une partie de la forêt de Rouvray, ancien parc de chasse, aux religieux de l’ordre de Grammont qui s’y installèrent entre 1154 et 1180. Les chasses incessantes gênaient les religieux, aussi le roi leur fit don, également, de son parc et des prairies environnantes, d’où son nom Notre-Dame-du Parc.
En 1770, les dix derniers religieux, 9 prêtres et un frère, furent expulsés du lieu et leurs biens furent vendus.