mercredi 28 avril 2021

HISTOIRE VRAIE – LA MAUVAISE REPUTATION DU LOUP - Chapitre 11

Les loups qui ont fait parler d’eux.......

 

La bête du Lyonnais – Dans la région de Roanne


Encore une bête qui sema la panique et fit de nombreuses victimes entre Vienne et Meyzieu, mais aussi non loin de Savigny.

Il fut, à l’époque, recensé une trentaine de décès, surtout parmi les enfants et adolescents.

 

Le même scénario que partout à cette époque, à savoir, l’attaque d’enfants isolés partis garder les bêtes.

 

La première victime fut un jeune garçon dont le corps fut retrouvé à moitié dévoré, à Luzinay, en août 1754.

Dans le même temps, deux autres enfants subirent le même effroyable sort dans les environs de Villette-sur-Vienne et de Régnié-Durette.

Afin d’arrêter ce cauchemar, le Marquis de Marcieu, gouverneur de la province, ordonna une grande battue. Il fallait débusquer l’animal et le mettre à mort avant qu’il ne fasse de nouveaux ravages.

Cette grande battue se déroula le 10 septembre et dura deux jours. Participèrent environ deux mille chasseurs provenant de vingt-six villages différents. Malheureusement, elle n’aboutit à rien. La bête resta introuvable.

Où s’était-elle retranchée ?

 

Elle resurgit en février 1855 pour le grand malheur de la population de la paroisse de Sarcey.

Il fut déploré un mort par mois jusqu’au mois d’octobre de la même année, notamment aux alentours de Savigny et de L’Arbresie.

L’hiver de cette année-là fut calme. Chacun priait pour qu’il en fût ainsi encore très longtemps.

Hélas, le 20 avril 1756, le mardi juste après Pâques, à Saint-Julien-sur-Bibost, une fillette fut attaquée et dévorée.

La bête, ce triste jour, fut aperçue..... Il fut facile d’en faire une description, quoique chacun avait la sienne !!

 

Et puis bien entendu, revenaient les vieilles légendes comme celle du loup-garou ou cette autre du loup-bérou[1].

Voici l’avis que donna, le 10 septembre 1754, le Marquis de Marcieu, concernant la situation.

 « Messieurs les officiers et les bas officiers des fusiliers et ceux des traqueurs feront tous leurs efforts pour détruire dans leur peuple le fanatisme des loups-béroux et leur prouver que ce ne sont que des loups ordinaires qui malheureusement sont accoutumés à manger de la chair humaine et quand même il se trouverait dans les bois, ce que je ne crois pas, des loups-cerviers[2], des ours et tigres, il faut leur prouver que ce ne sont que des bêtes qu’un coup de fusil tue et qu’il est nécessaire de détruire. »

 

Le curé de la paroisse de Montrottier fut le premier, en novembre 1756, à émettre l’idée qu’il pourrait s’agir d’une hyène.

 

 

 Parlons maintenant des nombreuses victimes :

Les seuls renseignements que l’on puisse avoir, se trouvent sur les actes de sépulture. Malheureusement, comme je l’ai déjà précisé, le motif du décès n’est pas toujours indiqué.


 

 Année 1754.

Quatre  victimes, au cours des mois de juillet et août 1754 :

 

·         5 juin 1754 , à Denicé, Pierre Morel âgé de cinq ans.

Ce petit garçon était le fils de Jacques Morel et de Constance Laverrière.

Son acte de sépulture nous apprend que cet enfant avait été enlevé et traîné par un loup dans les bruyères, non loin du bois de Monsieur le Marquis de Maclas, alors qu’il gardait des bestiaux avec deux de ses frères qui avaient tout fait pour le sauver. Le pauvre enfant a été presque entièrement dévoré.

 

 ·         Le 17 juillet 1754, à Villette-de-Vienne, Claudine Tardif, épouse de Julien Colin depuis le 26 août 1733.

« dévoré des betes feroces n’ayant reçu aucun sacrement agée denviron quarante cinq ans.... »

 

 ·         Le 8 août 1754, à Luzinay, François Beloud, huit ans, fils de Joachim Beloud et Jeanne Grimard.

L’acte date du 9 août :

« ....égorgé le jour d’hier sur les six heures du soir par une bête féroce... »

La mort a été attestée par Maître Jean-François Teste[3], notaire royal de la ville de Vienne.

 

 ·         Le 15 août 1754, à Regnié-Durette, Madeleine Joubert.

Fille de Claude Joubert[4] et d’Antoinette Aucoeur. Aucune indication d’âge.

En marge de l’acte :

«...... qui a été dévorée par un ours ou un loup ayant dévoré la tête, le cœur, le foie et les entrailles. »


 

Année 1755

Onze enfants morts sous les crocs de l’animal en 1755 :

 ·         Le 27 février 1755, à Savigny, département du Rhône, Anne Tricaud, âgé de quatorze ans, fille d’Antoine Tricaud, tisserand, et de Marie Bonnet.

La jeune Anne Tricaud était domestique au domaine de Monsieur Ferrand, notaire.

«  ..... a été dévorée par une beste féroce qui n’a laissé que la tête toute décharnée

 et une légère partie de ses os...... »


 ·         Le 3 avril 1755, à Savigny, Pierre Guillon, âgé de dix ans, fils de Barthélémy Guillon (Guiellan), maître maréchal, et Françoise Ferouillet[5]. Le jeune garçon était au service de Pierre Ferouillet.

Inhumé le 4 avril 1755, son acte de sépulture mentionne :

« .....dévoré la veille par une bete féroce....

 

 ·         Le 5 mai 1755, à Savigny, Marie Berchoud, âgée de treize ans, fille de Jacques Berchoud et françoise Favre, demeurant chez Jacques Lupin, employé de Monsieur le comte d’Albon.

« ..... dévoré la veille » par une beste féroce.... »

 

 ·         Le 21 juillet 1755, à L’Arbresle, Mathieu Gervais, âgé d’environ neuf ans, fils de Pierre Gervais, granger de Monsieur Berger, bougeoirs de Lyon, et de Jeanne Rochet.

« ... ayant été déviré hyer par un animal farouche qui depuis plus d’un an

ravage les terres circonvoisines ...... »

 

 ·         Le 27 juillet 1755, à Luzinay, Hélène Berquet, âgée de six ans, fille de Michel Berquet et de « deffunte » Françoise Barbrer.

« ......Egorgée le jour d’hier sur les sept heures du soir par une bête féroce.... »

 

 ·         Le 23 septembre 1755, à Saint-Just-Chaleyssin, Marie Berger, âgée de six ans, fille de Laurent Berger et de Marthe Randon. Laurent Berger a été averti du drame sur les dix heures du matin et s’est porté aussitôt dans le bois taillis où plusieurs habitants du village se trouvaient autour du petit corps.

« .... a été tuée ce matin, sur les huit heures par un loup... »

« ...  cette bête féroce l’a laissée morte après lui avoir enlevé une quisse[6].... »

 

 ·         Le 25 septembre 1755, à Bibost, Claudine L’Hospital, âgée de huit ans. Aucun renseignement concernant les parents de cette enfant. Son nom « L’hospital » indique sûrement qu’elle a été déposée dans un hospice lorsqu’elle était bébé.

« ... a étée dévorée par une manmifere..... »


 ·         Le 27 septembre 1755, à Bully, Catherine Cusset, âgée d’environ dix ans, fille de Claude Cusset et de Claudine de Sainjean dont les épousailles avaient été bénies le 25 novembre 1743 à Saint-Romain-de-Popey.

« ... pour avoir été dévorée par un loup ou par autre bête féroce..... »


 ·         Le 20 octobre 1755, à Saint-Symphorien-d’Ozon, les restes d’un enfant d’environ deux ans. L’enfant n’a pas été identifié.

Pourquoi les parents ne se sont pas manifestés ? Un mystère qui restera non élucidé.

 

 ·         Le 27 octobre 1755, à Savigny, Jean-Marie Duboy[7], âgé de treize ans, fils de Christophe et Claudine Thiver, demeurant chez Pierre Cobillion.

« .... ayant été dévoré la veille par une beste féroce..... »


  •  Le 12 novembre 1755, à Saint-Pierre-de-Chandieu, Benoist Vaché, âgé de huit ans, fils de Pierre Vaché dit Radoiron et de Elizabeth Parent, mariés le 14 janvier 1740 à Heyrieux dans le département du Rhône.

« .......dévoré par les betes fauves dans le bois....... »

Elisabeth Parent, épouse Vaché, décéda le 7 juillet 1763, son époux, Pierre, l’avait précédée d’une année, le 25 juin 1762.               

 

 

Année 1756

13 décès dus aux attaques :

 ·         Le 20 avril 1756, à Saint-Julien-sur-Bibost, Marguerite Pinet, onze ans, fille de jean François Pinet et de Jeanne Subrin, mariés le 21 janvier 1738.

La petite fille était avec ses bêtes dans un pré, lorsque deux bêtes, l’une grosse comme un bidet, au pelage tirant sur le rouge, espèce de loup avec une queue plus courte et l’autre de la taille d’un mâtin, avec le pelage blanc sous le ventre et une longue queue. Une des bêtes lui sauta au cou et l’autre sur le dos. La fillette mourut sous les crocs assassins.

Dans l’acte de sépulture, il est noté :

«...... Ces animaux ont dévoré quantités de bergers dans le voisinage, et cela depuis deux ans...... »

En marge apparaît la mention :

« Cette enfant a été dévorée par des animaux féroces. »


 ·         Le 4 mai 1756, à Bessenay, Benoît Thiver, âgé de dix ans[8].


 ·         Le 12 mai 1756, à Saint-Romain-de-Popey, Pierrette Devillard, âgée de sept ans, fille de Joseph Devillard et de Jeanne Dutel.

« ...ayant été dévorée par le loup..... »

Les parents de Pierrette s’étaient unis le 19 novembre 1748 à Saint-Romain-de-Popey.

Pierrette était née le 20 septembre 1749.

Vinrent ensuite au foyer :

  • ü  Louise, en 1751.
  • ü  Jean Baptiste, en 1753
  • ü  Jeanne, le 9 mars 1756, deux mois avant la mort tragique de sa sœur aînée.

 

Une année terriblement difficile pour cette famille, car sept mois après, le 3 décembre 1756, le père de famille, Joseph Devillard décédait à son tour. Il n’avait que quarante-six ans.

Jeanne Dutel, sa veuve, décéda vingt-neuf ans plus tard, à l’âge de soixante-deux ans. C’était le 10 septembre 1785.


 ·         Le 14 juin 1756, à Saint-Romain de Popey, Etienne Manu, âgé de six ans, fils de Claude Manu, sans mention de nom de la mère[9].

« ...ayant été dévoré par le loup..... »


 ·         Le 27 juin 1756, à Bessenay, Jean-Baptiste Chazaud, âgé de sept ans, fils de Claude Chazaud et d’Antoinette Vialan, mariés le 19 juin 1742.

« ...décédé par une mort violente causée par un loup carnassier qui l’a entrainé

dans le bois et qui lui a déchiré le visage....... »

Le petit Jean-Baptiste avait vu le jour le 21 octobre 1748. Avant et après lui d’autres enfants étaient arrivés au foyer Chazaud. Le couple, hélas, dut faire face à bien des décès de leurs petits, en bas âge.

 

  • ü  Jean Marie naquit le 8 août 1745. Il ne vécut que onze jours, jusqu’au 19 août 1745.
  • ü  Jean était né le 1er mai 1752. Il fut retiré à ses parents le 3 septembre 1753. Il avait seize mois.
  • ü  Jean Marie, né le 9 novembre 1757, eut juste le temps de pousser son premier cri.
  • ü  Jean arriva le 5 février 1759 et décéda deux semaines plus tard, le 19 février.

 Puis il y eut :

  • ü  Benoît, né le 22 mai 1755, parti à l’âge de treize ans, le 22 avril 1769.

 Deux de leurs enfants, seulement, arrivèrent à l’âge adulte :

  • ü  Benoîte, l’aînée, née le 19 mars 1743 et qui épousa Daniel Ragot, le 14 février 1764.
  • ü  Daniel, le dernier, né le 9 mai 1764 et qui convola en justes noces, le 17 février 1789, avec Marie Simeand.

 

 ·         Le 8 juillet 1756, à Saint-Just-Chaleyssin, Anne Tiron, âgée de dix ans, fille de Pierre Tiron et de Françoise Drevon, unis par le mariage le 4 février 1745.

 « ... a été tuée ce matin sur les neuf heures par un loup cervier derrière la maison

dudit Pierre Tiron et trainée par le dit loup environ une centaine de pas.... »

 

 ·         Le 14 juillet 1756, à Bessenay, Elisabeth Blanc, âgée de onze ans, fille de Pierre blanc, vigneron, et Jeanne Marie Simon mariés le 29 juin 1739.

« ...par une mort violente causée par un loup carnacier qui l’a étranglée... »

Elisabeth était née le 14 septembre 1745.


 ·         Le 22 août 1756, à Montrottier, Jean Malaval, âgé de neuf ans environ.  Aucune annotation concernant le nom des parents.

Seulement la mention :

« ...de mort violente ayant été dévoré d’un animal féroce inconnu.... »

 

 ·         Le 12 septembre 1756, à Saint-Pierre-de-Chandieu, Marie Lombard, âgée de dix ans, fille de défunt Jean Baptiste Lombard et de feue Françoise Maret qui s’étaient mariés le 13 juin 1724.

Cette enfant, née le 25 mars 1725, était donc orpheline. Rien, sur l’acte de sépulture, n’indique où elle vivait et avec qui. Elle avait sans doute trouvé refuge chez un oncle ou une tante ou encore placée comme bergère dans une ferme.

L’acte  mentionne :

« ... ayant été dévorée par la bête fauve...... »


 ·         Le 17 septembre 1756, à Luzinay, Benoît Barroh, âgé d’environ vingt-et-un mois, fils de Pierre Barroh[10] et Henriette Moussier.

 « ... égorgé le jour d’hier sur les cinq heures du soir par une bête féroce....


 ·         Le 19 novembre 1756, à Brullioles, Jean-Baptiste Bazin, âgé de quatorze ans et huit mois, fils de Jean Claude Bazin, maçon, et d’Antoinette Jacquemetton, parents unis par le mariage le 4 septembre 1736.

« ... dévoré le jour d’hier sur l’heure de midy par une bête féroce dans le bois de Pothu.... »

Jean Baptiste était né le 3 mars 1742.

 

 ·         Le 19 novembre 1756, à Saint-Pierre-de-Chandieu, Pierre Paleron, âgé de six ans, fils de Fleurant Paleron, laboureur, et de Jeanne Baconier.

 « ... ayant été dévoré par les bêtes féroces dans la forêt de Laigue...... »


 ·         Le 24 novembre 1756, à Montrottier, Anne Sarrazin, âgée de neuf ans, fille de Jean Sarrazin[11]

 « ... ayant été dévoré et mangé à moitié par les bêtes féroces ou loup ou hyène..... »

 

Ce bilan ne fait pas état des nombreuses autres victimes d’attaques qui auraient succombé sous les dents meurtrières, si elles n’avaient pas été secourues.

 Y en avait-il eu d’autres dont les corps n’ont jamais été retrouvés ?

La question restera sans réponse. 

 Tous ces enfants, proies faciles, car en ces temps anciens, les enfants étaient souvent d’une taille et d’un poids moindre qu’aujourd’hui.

 Et cette bête ? J’aurais tendance à penser qu’il en existait plusieurs.

 

 A la semaine prochaine pour un nouveau loup .....


[1] Le loup-bérou, selon la légende, est un loup qui marchait, bien droit, sur ses pattes de derrière. Son corps était recouvert de longs poils comme ceux du loup et raides comme ceux du sanglier. Ce loup pouvait s’attaquer aux êtres humains et les dévorer. La nuit on pourrait confondre un loup-bérou avec un homme.

[2] Le loup-cervier est un loup de très grande taille pouvant s’attaquer aux cervidés.

[3] Jean François Teste, né en 1721, est décédé le 4 mars 1756 à Vienne. Il était notaire royal.

[4] Il est trouvé également Jobart et Jobert

[5] Je ne peux certifier l’orthographe du nom des parents.

[6] Une cuisse.

[7] Peut-être Dubosc.

[8] Je n’ai pas trouvé l’acte de Benoît Thiver.

[9] Après recherche, il serait possible que celle-ci soit Antoinette Fontanière, née le 11 novembre 1722 et décédée à l’âge de quarante ans, le 27 janvier 1763. Le mariage a été célébré le 24 septembre 1743.

[10] Barroh ou Barroz. Aucune information concernant ce couple

[11] Aucune mention concernant le nom de la mère de la petite Anne.