mercredi 25 novembre 2020

HISTOIRE VRAIE – DANS CETTE PREMIERE MOITIE DE XIXème SIECLE - chapitre 1

 


Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

Chapitre 1

 

Ses bottes s’enfonçaient dans une gadoue lourde et collante entravant sa marche et lui procurant de fortes douleurs aux chevilles et aux mollets. Son dos le faisait souffrir. La chaleur lourde et étouffante gênait sa respiration. Il haletait. Le ciel, à l’horizon, s’assombrissait de plus en plus. Des différentes nuances de gris, il prenait peu à peu une couleur rouge. Tout à coup, un éclair zébra le ciel et des nuages rubiconds, déferla une averse de sang inondant tout alentour.

Submergé par ce flot sanguin, pris d’une angoisse incontrôlable, il poussa un hurlement bestial.

 

Louis Vergnault, au cri qu’il venait de sortir de sa gorge, s’éveilla en sursaut. Il mit un moment à reprendre ses esprits, à réaliser où il se trouvait. Progressivement, les souvenirs des derniers mois passés lui revinrent en mémoire, d’abord confusément puis de plus en plus nettement.

L’angoisse de son cauchemar ne s’estompait pas, il lui semblait même qu’elle s’amplifiait à la pensée que du lieu où il se trouvait, il ne pourrait jamais s’échapper, mais en avait-il réellement envie. Sa volonté semblait totalement anéantie.

 

Louis Vergnault se redressa, s’appuya sur ses coudes et parcourut du regard la case dans laquelle il se trouvait.

Une case. Un espace où se trouvaient, entassée, une quarantaine d’hommes dans une odeur épouvantable, provoquée par le manque d’hygiène des occupants, mais surtout par les émanations des deux tinettes qui se trouvaient à chaque bout de cette unique pièce.

 

A ses côtés, à gauche et à droite, allongés sur un ensemble de litières faites de planches, d’autres hommes, tout comme lui, les chevilles maintenues dans des bracelets de fer surmontés d’un anneau dans lequel courait, au pied de cet ensemble de litières,  une chaîne les reliant les uns aux autres.

 

Ses compagnons de misère.

Ses compagnons de bagne.

 

A entendre les ronflements, tous semblaient dormir, malgré les bruits métalliques produits à chaque mouvement.

Aucun n’avait été éveillé par le cri qu’il avait poussé, mais avait-il réellement crié ?

Ce hurlement, faisant partie de son cauchemar, avait-il réellement franchi ses lèvres ?

 

Gêné dans ses mouvements, le dos endolori, les chevilles meurtries par le fer des anneaux, Louis Vergnault se demandait dans combien de temps les gardiens viendraient sonner le réveil, afin de pouvoir enfin se mouvoir librement. Librement ?

Même si,  dernièrement arrivé, il faisait partie de la classe 3, celle qui effectuait les plus durs travaux, ceux de couper des arbres en forêt ou de tracer des routes, il aurait ainsi le sentiment d’un peu plus de liberté.

Alors, en attendant, bien qu’il se défendît de repenser au passé, son esprit vagabonda vers ce qui fut sa vie avant, se demandant pour la énième fois, à quel moment tout avait inexorablement basculé.


à suivre ..................


 

 

il y a plusieurs sortes de vinaigres....

 

Ça va tourner vinaigre !!!!

 

En voilà une expression que j’ai souvent entendue lorsque gamine, je me chamaillais avec mon frère.

Petite précision : c’était toujours lui qui commençait !!!

« Tourner vinaigre », l’équivalent de «  ça va mal tourner – mal finir ».

 

Le mot vinaigre, vient de vin, d’un « vin aigri », d’un vin aigre, d’où vinaigre.

Tout cela est d’une logique implacable.

 

Mais le mot est employé souvent hors de ce contexte, au sens figuré, bien évidemment comme dans :

Faire vinaigre :

·         Aller vite – se dépêcher.

·         Mouvement rapide de la corde à sauter dont l’opposé est « sauter à l’huile » ce qui veut dire lentement.

 

De vinaigre découle « vinaigrette »

Depuis 1303, une vinaigrette est une sauce composée de vinaigre, huile et herbes aromatiques.

Accommoder un plat « à la vinaigrette, c’est l’assaisonner comme ci-dessus exposé.

Le verbe vinaigrer, employé depuis 1680, c’est assaisonner avec du vinaigre.

 

Le vinaigrier – terme usité depuis 1493 – désigne le fabricant ou le marchand de vinaigre. A cette époque, celui-ci était un marchand ambulant. Il parcourait les rues des villes en transportant sa marchandise dans un tonneau placé dans une brouette.

 

Et puis, une dernière petite définition......  amusante.

La vinaigrette n’était pas seulement le nom donné à une sauce au vinaigre.

A partir de 1680 et au cours des années qui suivirent, pour se déplacer, le citadin prenait une vinaigrette.

Oui, oui !!

Il s’agissait alors d’une voiture, munie de brancards à l’avant et à l’arrière, et possédant deux roues.

Un mélange de la chaise à porteurs avec ses brancards et de la brouette, avec uniquement les brancards arrière et les deux roues, puisque la brouette à une roue est une invention plus moderne.

Ce nom vient-il du fait que la personne transportée se voyait  secouée de la même manière que la sauce vinaigrette pour en faire une émulsion parfaite ?

  

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 18 novembre 2020

Ne tombez pas dans le piège !!

 Alors, qu’est-ce qu’un leurre ?

 

 Vers 1202, c’était par le mot « loire » que l’on appelait un appât ou quelque chose qui avait de l’attrait, qui s’éduisait.

 Ce mot était surtout employé dans le langage de la fauconnerie, en effet, « un loire » était un morceau de tissus garni de plumes pour faire revenir l’oiseau après la chasse, sur le poing du fauconnier.

 Le temps passa, l’orthographe changea de « loire » en « leurre », et ce « leurre » nomma également l’hameçon du pêcheur imitant une mouche pour attirer le poisson.

 Depuis 1580, « Leurre » désigne aussi tout ce qui attire pour tromper, pour abuser.

 Avec le leurre, on obtient le verbe « leurrer ».

Leurrer : d’abord synonyme de « ruser » - « attirer », pour devenir, vers 1609 :  « tromper par des apparences séduisantes».

« Se leurrer », à la forme pronominale apparut vers 1637, avec comme définition : se bercer d’illusions.

 Nous trouvons aussi la forme « aleurer ou aleurrer », terme de chasse, ayant la même signification que « leurrer ».

 

Passons à un autre mot....

 « Etre déluré ».

Voilà bien une qualité !

Mais d’où vient ce terme ?

 

Il prit naissance dans le nord de la France, vers 1790 et s’orthographiait, à l’origine : « déleurré ».

Voilà, je vois que vous avez fait le lien !!

« Déleurré » : qui ne se laisse pas prendre au leurre, qui ne se laisse pas duper.

Cet adjectif est attribué surtout à une personne  à l’esprit éveillé, mais également à une personne un tantinet effrontée.

 

Alors, un conseil, soyez vigilants,  ne vous laissez pas leurrer !!


                                                                 Pour cette petite histoire autour d’un mot,

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                                                                                « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

HISTOIRE VRAIE - QUE S'ETAIT-IL PASSE CETTE NUIT-LA ? Seconde partie.

 


HISTOIRE VRAIE

Mort suspecte à Vernon

Seconde partie

 

« Que s’est-il passé dans la nuit du 10 au 11 janvier, à votre domicile ? »

Ce fut la question qu’avait posée le juge de paix à François Jean Baptiste Dejors, juste après son arrestation. Celui-ci, assis face à l’homme de loi, avait répondu d’un ton calme et détaché, comme on récite une leçon :

« Je me suis levé dans la nuit pour donner un peu d’eau sucrée à l’enfant. Sa mère dormait. Puis je me suis recouché et rendormi très rapidement. Vers les cinq heures, des cris étouffés m’ont réveillé. Ma femme disait avoir du mal à respirer. Alors, ne sachant que faire, je me suis empressé d’aller chercher les voisins.

-  Elle étouffait, dites-vous ?

-  Oui, elle peinait à respirer.

-  Et pour cause ! lança le juge de paix en sortant d’un des tiroirs de son bureau une feuille de papier dont il parcourut le texte en hochant la tête. « Et pour cause ! » répéta-t-il, plusieurs fois, avant de poursuivre :

-  Vous voyez, j’ai là, sous les yeux, le rapport de l’autopsie. Vous vous souvenez, vous étiez présent ?

François Jean Baptiste Dejors acquiesça d’un signe de tête.

« Et voilà ce qu’il dit, ce rapport. Signes d’accouchement récent, normal vous venez d’avoir une petite fille. Trace circulaire autour du cou. Face livide, bleuâtre et gonflée, lèvres violacées. Conclusion : signes de mort par asphyxie due à une strangulation avec garrot. »

 

Après sa lecture, le juge de paix reposa la feuille devant lui sur son bureau, garda le silence tout en scrutant l’homme, le mari, le présumé coupable, qui lui faisait face avant de lancer :

« Alors ? Qu’en dites-vous ? 

-  Je ne sais pas elle se sera étouffée elle-même. Elle n’allait pas bien, parlait toujours de vouloir mourir.

-  Etouffée elle-même, avec un garrot ! Garrot qui n’a pas été retrouvé, d’ailleurs. Elle se serait étranglée elle-même et vous n’auriez rien entendu, alors que vous dormiez à côté, dans le même lit !

-  J’ai le sommeil profond.

-  En effet ! Alors, dites-moi pourquoi il y a des traces sur le corps de votre épouse, comme une excoriation sous l’arcade sourcilière gauche et une autre à l’épaule gauche. Légères blessures qui prouvent qu’elle a été maintenue afin qu’elle ne se débatte pas ?

 

-=-=-=-=-=-=-=-

 

François Jean Baptiste Delors donna aux événements ayant eu lieu cette nuit-là des versions différentes, lors des interrogatoires qui eurent lieu les jours suivants.

Tout d’abord, il modifia le lieu de sa fin de nuit.

Il ne s’était pas recouché dans le lit conjugal après avoir donné à boire à l’enfant, mais avait poursuivi sa nuit dans un fauteuil.

Il modifia également l’heure, affirmant que sa femme avait été prise d’étouffement vers les deux heures du matin et non à cinq heures. A ce moment, il lui avait proposé d’aller chercher sa mère. Elle avait refusé. Trois quarts d’heure plus tard, il lui avait parlé et il n’avait pas eu de réponse.

Troublant ces changements.

 

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Le 28 juillet 1833, eut lieu le procès.

 

Les témoignages n’étaient pas réellement en faveur de l’accusé que chacun disait violent et obstiné, n’ayant épousé la demoiselle Marguerite Augustine Pointel, uniquement parce que son père possédait quelques biens.

 

Par contre l’unanimité se faisait concernant la victime. On la disait bonne, douce, respectable et laborieuse et chacun affirmait qu’elle n’était pas heureuse en ménage.

Les voisines ne se génèrent pas pour raconter ce qu’elles avaient eu en confidence, à savoir le bouillon verdâtre de la Toussaint et les scènes de plus en plus violentes.

Une d’elle expliqua :

« Et un soir, son mari lui avait lancé : « Va-t-en ! Bon débarras ! Mais avant, signe moi un papier par lequel tu me laisses tous tes biens ». Je la revois, la pauvre, elle pleurait tous les jours. »

 

L’accusé écoutait le récit des témoins, stoïque, sans laisser paraître la moindre émotion.

A chaque question du juge, il répondait, invariablement :

« Je ne l’ai pas tuée, je suis innocent ».

 

-=-=-=-=-=-=-=-

 

Dans la salle d’audience de la cour d’assises de l’Eure, en la ville d’Evreux, le silence se fit à l’entrée des jurés et des membres du tribunal.

Il était minuit et le verdict tomba.

François Jean Baptiste Dejors,

coupable d’assassinat par strangulation avec préméditation,

condamné à la peine capitale.

 

En quittant la salle d’audience, le condamné lança haut et fort :

« Non, je ne suis pas coupable. Je mourrai comme un brave. Je monterai sur l’échafaud comme le premier des hommes ! »

 

Il monta sur l’échafaud, en effet,  pour y être exécuté, le 24 septembre 1833, sur la place du Grand Carrefour à Evreux.

 

mercredi 11 novembre 2020

HISTOIRE VRAIE - QUE S'ETAIT-IL PASSE CETTE NUIT-LA ? Première partie.

 

HISTOIRE VRAIE

Mort suspecte à Vernon

 

L’adjoint au juge de paix du canton, accompagné de deux médecins, frappa à la porte du domicile de François Jean Baptiste Dejors. Lorsque ce dernier ouvrit la porte, il demanda, au nom de la loi, à entrer.

Malgré ses protestations, le locataire du lieu, sur les insistances de l’homme de loi, dut s’incliner. En maugréant, il laissa les trois hommes pénétrer dans son logis. Dans la pénombre de l’intérieur, seules deux bougies éclairaient un cercueil posé sur la grande table de la pièce à vivre. Tout autour, des femmes, voisines ou amies, veillaient la dépouille mortuaire en égrenant leur chapelet.

 

Les médecins examinèrent le cadavre de la jeune femme, pendant que l’adjoint au juge de paix déclarait :

« Certaines personnes ont émis des doutes quant aux causes du décès de votre épouse, aussi, nous allons procéder à une autopsie. »

François Jean Baptiste émit quelques signes d’impatience et de contrariété.

Que lui voulait-on ?

Lui qui souhaitait inhumer son épouse au plus vite.

Il était vrai que la hâte que ce veuf avait mis à enterrer son épouse avait surpris.

Il était vrai aussi, que chacun pouvait témoigner, et beaucoup ne s’en étaient pas privés, que le ménage n’allait pas bien fort et que la mésentente régnait entre lui et Marguerite Augustine. La médisance avait dû faire son chemin, mais là à faire une autopsie, tout de même !

François Jean Baptiste ne pouvait s’opposer à cet acte, toutefois, il demanda à y assister, ce qui lui fut autorisé.

 

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Que s’était-il passé dans la nuit du 10 au 11 janvier 1833 au domicile des époux Dejors ?

 

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François Jean Baptiste avait une réputation de grande gueule et de bagarreur. Pourtant, à le voir, il avait un visage doux.

Marguerite Augustine Pointel s’était amourachée de lui et souhaitait ardemment s’unir à lui. D’ailleurs, elle n’était pas la seule à lorgner le jeune homme.

Charles Pointel, veuf depuis dix ans et qui avait élevé seul sa fille unique, s’était d’abord opposé à ce mariage. La jeune fille insista, insista toujours et encore, si bien que Charles Pointel, céda de mauvaise grâce.

Le mariage eut lieu le mardi 15 mai 1832 à Vernon, ville de résidence de la future jeune mariée.

 

Il ne fallut pas bien longtemps à la jeune femme pour se rendre compte combien son père avait raison.

Sa vie était un enfer.

Son époux continuait à vivre en célibataire, faisant la fête, rentrant tard, dépensant l’argent du ménage en beuveries, n’hésitant pas à frapper à la moindre petite remarque.

La vie devint encore plus pénible lorsque Marguerite Augustine annonça qu’elle était enceinte.

« Un enfant ! » avait hurlé François Jean Baptiste, furieux.

 

A cette nouvelle les coups redoublèrent au point que la future maman alla se réfugier chez son père.

Mal lui en prit, car une épouse ne devait sous aucun prétexte quitter le domicile conjugal.

L’époux abandonné fit intervenir un huissier et la jeune femme dut réintégrer son foyer où les maltraitances se poursuivirent.

 

Un soir, c’était au moment de la Toussaint, les nausées avaient cloué au lit Marguerite Augustine. Son mari lui prépara un bouillon. Elle avait pris le bol à deux mains et comme le liquide était brûlant, elle soufflait dessus pour le refroidir. Ce fut ainsi qu’elle remarqua que, sur le dessus, se trouvait une poudre verdâtre. Inquiète, en montrant le récipient à son mari, elle demanda :

« Qu’est-ce qu’il y a sur le bouillon ? »

 

François Jean Baptiste entra dans une colère inqualifiable. Arrachant le bol des mains de la malade, il lança :

« Puisque tu n’aimes pas ce que je te donne à manger, tu n’auras rien d’autre ! »

 

Puis il sortit de la maison, alla vider, sur le fumier dans la cour, le contenu du bol, avant de fracasser celui-ci avec rage.

 

Marguerite Augustine, choquée, parlant en sanglotant de cette scène à une voisine qui n’osa formuler sa pensée : « N’aurait-il pas voulu l’empoisser ? »

 

 

Le ventre de Marguerite Augustine s’arrondissait au même rythme que croissait le mécontentement de François Jean Baptiste à la perspective de devenir père

 

Le  janvier 5 janvier 1833, naissait une petite fille, toute chétive, qui fut prénommée, Augustine Laure Aglaé.

Cette naissance ne rapprocha nullement les parents.    

 

 

A suivre................

 

COMME DISAIT MA GRAND-MERE !!

 

« C’est pas besef !! »

 

 
Voilà encore une expression employée par ma grand-mère !!

Expression qu’il fallait traduire par : « ce n’est pas grand-chose ! »

Mais pourquoi « besef » ?

 

Si enfant, je ne le savais pas, je suis fière, très fière, aujourd’hui de vous l’expliquer.

Besef vient de l’arabe d’Algérie, « bezzaf », signifiant « beaucoup ».

 

Le mot arriva dans notre pays, vers 1860, par l’intermédiaire de l’argot des soldats ayant servi en Afrique du Nord.

 

Petites précisions :

·         Besef : beaucoup

·         Bono besef : très bon

 

Mon arrière-grand-père, ayant fait un séjour lors de son service militaire dans les pays du Maghreb, devait utiliser ce mot.

Ce fut ainsi que via ma grand-mère et ma mère, il est arrivé jusqu’à moi.

Si je l’ai utilisée lorsque j’étais enfant, j’avoue, qu’aujourd’hui, cette expression est sortie de mon vocabulaire.

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

 

 

mercredi 4 novembre 2020

Jargon ? Vous avez dit « jargon » ?



La jolie jargonneuse jargonnait un jargon incompréhensible, 

au point que

le jargonneur qui lui faisait face, les yeux exorbités,  

n’entravait que dalle !

 

 

Le nom « jargon » désignait, à l’origine une langue étrangère, mais également le gazouillis des oiseaux.

Vers 1270, il prit le sens de langue incorrecte, celle employée plus spécialement par les malfaiteurs.

Nous trouvons d’ailleurs dans le même registre  :

Le charabia et  le baragouin, des langages incompréhensibles et, bien sûr, l’argot.

 

Jargon !

Jargonner s’orthographiait, vers 1200,  « gargonner ».

A cette même époque, lorsque le jars poussait des cris, on disait : « il jargonne !! »

 

Et puis ...

Vers 1829, apparurent  les jargonneurs et les jargonneuses dont personne, à part les initiés, ne comprenait le langage.

Ce ne fut que bien plus tard, vers 1968, que le nom « jargonnement » fit son apparition.

1566, année de l’arrivée de l’adjectif « jargonesque » et un peu plus tard deux autres adjectifs : « jargonnier » et son féminin » jargonnière ».

 

J’espère que mon jargon ne vous a pas été impénétrable !

 

Attendez !!!

Petite précision :

Un jargon est aussi une variété de diamants, dont l’appellation puise son origine dans l’ancien français « Jacunge ou jargunce », que l’on traduit par « pierre précieuse ».

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

 

NOUVELLE HISTOIRE VRAIE - CHAPITRE 12... ET LE DERNIER....

 

Nouvelle Histoire vraie


Chapitre 12

Le roman de Marie Catherine Rémy

 

 

La vie de Marie-Catherine aurait pu être des plus banales, comme celle de bien des femmes en ce début de XXème siècle, entre mari et nombreux enfants, entre lessives, repas et biberons.

 

Le destin qui se joue facétieusement de la vie des humains, en avait voulu autrement.

 

-=-=-=-=-

 

Mutzig, petite commune proche de Strasbourg.

Ce fut en ce lieu que se marièrent, le 28 septembre 1857, François Antoine Rémy et Joséphine Deprez[1].

Des enfants naquirent rapidement au foyer :

·         Marie Joséphine, le 18 août 1858

·         Marie Charlotte, le 22 mars 1864[2]

·         Joseph François, le 28 janvier 1866

·         Marie Catherine, le 1er mai 1868

·         Henri Dominique, le 9 août 1870

 

 Henri Dominique est né au début du conflit franco-prussien de 1870. La ville[3] fut en grande partie détruite, avant d’être annexée à l’Empire Allemand par le traité de Francfort, le 10 mai 1871.

 

Trois années plus tard, François Antoine Rémy[4] décéda, laissant son épouse avec, à charge, cinq enfants.

 

Quand la famille décida-t-elle de quitter Mutzig pour s’installer à Paris ?

Difficile à dire. Ce furent sans doute les enfants Rémy qui en prirent l’initiative[5].

 

-=-=-=-=-

 

Joséphine Deprez, veuve Rémy, s’installa, avec sa fille Marie Catherine, au 31 de la rue de Jussieu. Joséphine avait trouvé un emploi de lingère et sa fille l’aidait dans cette tâche.

 

Une rencontre changea radicalement le cours de leur vie.....

 

Marie Catherine fit la connaissance d’un jeune homme. Un beau parleur en vérité. Un enjôleur également...... et la voilà sous le charme.

Il était élève-architecte et avait, devant lui, un avenir brillant, d’autant plus qu’il foisonnait d’idées qui lui apporteraient, à coup sûr, renommée et fortune.

Joséphine, en mère protectrice, ne vit pas ce jeune homme avec les mêmes yeux éperdus d’amour que sa fille. Elle l’avait mise en garde, à de nombreuses reprises. Encore et encore. Encore et toujours. Aussi, quand elle avait appris que cette dernière était enceinte, elle en fut toute retournée.

« Un enfant ! Mais, il va te laisser avec ce marmot sur les bras ! Parce que tu crois qu’il va t’épouser, le beau parleur ? La belle affaire ! »

 

Le mariage était d’autant plus compromis que le jeune homme en question, Henri Désiré Landru, venait d’être appelé sous les drapeaux afin d’effectuer son temps de service militaire obligatoire.

Et pendant que le soldat Landru gravissait les échelons[6], Marie Catherine mit au monde, le 24 juin 1891, une petite fille qu’elle prénomma Angèle Marie Henriette.

Après son temps, Henri Désiré Landru fut renvoyé dans ses foyers, le 24 septembre 1893.

 

Contre toutes les prédictions de Joséphine, aussitôt libéré, les bans furent publiés. Le mariage eut lieu, à la mairie du 5ème arrondissement de Paris, le 7 octobre 1893. La petite Angèle Marie Henriette fut alors légitimée.

D’autres petits arrivèrent au foyer :

·         Le 4 mai 1894, Maurice Alexandre – 31 rue Jussieu dans le 5ème arrondissement de Paris.

·         Le 7 avril 1896, Suzanne – 11 rue Gît-le-Cœur dans le 6ème arrondissement de Paris.

·         Le 1er avril 1900, Charles Eugène – 283 rue Vaugirard dans le 15ème arrondissement de Paris.

 

 

Quatre enfants à nourrir !! L’argent commençait fortement à manquer !!

Il faut dire qu’il allait de malchance en malchance, Henry Désitré. D’élève-architecte, il s’installa à son compte, sans succès.

1900, l’année de la naissance de son second fils, il se lança dans la fabrication de bicyclettes. D’ailleurs, aucune bicyclette ne sortit jamais de cette usine, située à Soisy-sous-Montmorency.

Et encore un fiasco !!!
Alors, le sieur Landru commença à pratiquer dans les petites escroqueries.


Marie Catherine connaissait plus ou moins les frasques de son époux, la gendarmerie étant souvent venue au foyer.

D’autant plus que son Landru de mari s’absentait parfois de longs mois, mois qu’il passait à l’ombre de grands murs infranchissables[7].

Il l’avait entraînée dans ses magouilles, l’obligeant à signer des titres pour en toucher le montant. Elle avait eu peur, très peur. Ses jambes se dérobaient sous elle. Et lui, le mari, imperturbable, le regard droit, sûr de lui.

Cela lui avait valu une condamnation. Ah, elle s’en souvient de ces quelques mois à la prison de Saint-Lazare ! Elle avait eu beau dire qu’elle n’avait pu faire autrement, que c’était son mari qui l’avait obligé ! Rien à faire !

« Faux en écriture, usage de faux et recel de bien volé ! » avait conclu le juge. C’était sans appel !

 

Mis au courant des malhonnêtetés récurrentes de leur fils, les parents de Landru quittèrent Paris pour s’installer à Agen.  Début 1912, Madame Landru mère, née Flore Henriquel, décéda et Henri Désiré Landru père vint vivre chez son fils.

Il essayait de se faire tout petit, ce père, dans ce foyer où régnait la discorde. Il en avait lourd sur les épaules de chagrins, entre un fils malhonnête et sans scrupule et la lourde peine de son veuvage. Aussi, n’en pouvant plus, alors que son fils purgé une peine à la maison centrale de Loos, il s’en alla dans le Bois de Boulogne, une corde à la main. Il fut retrouvé le 27 août 1912....

 

Après le décès du père, Marie Catherine crut que son époux s’était acheté une conduite. Certes, il disparaissait toujours de nombreux jours durant, mais, ayant loué un garage, il disait avoir monté une affaire de brocante. Maurice Alexandre, leur fils aîné, l’aidait souvent à déménager des appartements de tout un bric-à-brac d’objets et de meubles. L’argent rentrait de manière très irrégulière et sans ses revenus à elle, en qualité de lingère, la famille n’aurait pas mangé tous les jours.

 

 Elle y croyait sans y croire, Marie Catherine. Elle mettait en garde son fils aîné.

« Il va t’entraîner aux  galères !! Ton père et ses combines, ça sent toujours mauvais !!!! » hurlait-elle.

 

Chaque fois, que son mari rapportait de l’argent, elle se demandait toujours d’où il venait, et si il avait été honnêtement gagné, ce à quoi elle ne croyait plus.

 

                                                                          -=-=-=-=-

 

12 avril 1919.

Le monde s’effondra pour Marie Catherine Rémy, femme Landru.

En première page de tous les journaux s’étalaient, en gros titres, le nom de son époux et ses méfaits.

La police ne tarda pas à l’arrêter, elle, Marie Catherine, et son fils aîné, Maurice qui avait souvent aidé son père dans son métier de « brocanteur ».


 

Le logement, 6 rue de Paris à Clichy-sous-Bois, fut perquisitionné. Il y fut découvert des bijoux et du linge ayant appartenu aux victimes.

Comment pouvait-elle savoir, elle ?

Son mari lui disait qu’il les avait achetés à une famille, suite au décès d’une aïeule.


Bien évidemment, elle connaissait la malhonnêteté de son époux, mais elle ne pouvait pas toujours douter. Et puis, il savait tellement être convainquant !!

 

Alors elle fut arrêtée. Maurice, également.

Marie Catherine purgea une peine d’emprisonnement à Saint-Lazare pour « recel de faux et usage de faux ».

Maurice Landru, âgé de vingt-cinq ans, écroué à la prison de La Santé, bénéficia d’un non-lieu.

 

Marie Catherine Rémy demanda le divorce qui lui fut accordé et transcrit le 3 février 1921.

 

Les enfants furent autorisés par la justice à porter le patronyme de leur mère, Rémy.

 

 

-=-=-=-=-

 

 

Cette malheureuse histoire criminelle est connue d’un grand nombre de personnes et restera dans les annales judiciaires..... 

 

Henri Désirée Landru fut exécuté le 25 février 1922 à Versailles, à 6 heures du matin.

Il avait été reconnu coupable de onze meurtres.

 

 

En 1921 à l'Hôtel Drouot, les biens de Landru furent vendus aux enchères. Le poêle dans lequel il avait brûlé ses onze victimes fut acquis pour la modique somme de 46 francs

En 1923, le musée Grévin en fit l’acquisition pour la somme de 4 200 francs.

Où est-elle maintenant ? Toujours au musée Grévin ?

Non !!

Il paraîtrait que l’animateur Laurent Ruquier, fasciné par le personnage de Landru, l’aurait rachetée.

Elle fut exposée, parait-il, à l’entrée du théâtre.

Y est-elle encore ?

 




[1] François Antoine Rémy, né à Schirmeck dans les Vosges le 31 mars 1816, avait 44 ans au jour des noces. Son épouse, Joséphine Deprez, née à Mutzig, le 5 août 1837, n’avait que 20 ans, soit 24 ans de moins que son mari.

[2] Aucune naissance trouvée entre 1858 et 1864, ce qui ne veut pas dire que le couple n’eût pas d’enfant. Toutefois, les listes de recensements de Mutzig, année 1866, ne mentionnent pas d’enfants au foyer entre  Marie Joséphine (8 ans) et Marie Charlotte (2 ans) – d’autres sont peut-être nés et décédés en bas âge.

[3] La ville de Mutzig se vit peu à peu hérissée de fortifications, les travaux durèrent de nombreuses années.

[4] Les actes d’état civil, à partir de 1871, étaient tous rédigés en Allemand.

[5] Marie Charlotte se maria à Paris le 3 septembre 1892. Henri Dominique convola le 23 mars 1895 à Vincennes.

[6] Incorporé au 87ème Régiment d’Infanterie, soldat de seconde classe en novembre 1890, il finit son temps d’armée, le 27 mars 1893, avec le grade de sergent.... et un certificat de bonne conduite.

[7] Landru fut condamné à de nombreuses reprises, entre 1902 et 1914, à des peines d’emprisonnement et des amendes, pour escroquerie et abus de confiance.