mercredi 25 janvier 2023
Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Zacharie Benjamin Leclerc - quatrième partie
Cinquième
condamné, un nommé Zacharie Benjamin Leclerc
Quatrième partie
Le verdict fut sans appel : Aucune circonstance atténuante. La peine
de mort.
Zacharie Benjamin Leclerc entendit la sentence avec une totale
indifférence.
Après cette audience du 10
février 1857, Zacharie Benjamin Leclerc fut reconduit dans sa cellule dans
l’attente du jour fatidique de son exécution.
Les dernières heures d’un
condamné, en ce 28 mars 1857.
Ce fut vers les cinq heures du
matin que le greffier vint réveiller le prisonnier qui entendit peu après les
paroles religieuses de l’abbé Nollent, vicaire de l’église Saint-Taurin.
Un fourgon cellulaire attendait
devant la prison d’Evreux pour emmener le supplicié à Conches-en-Ouche où avait
été dressée la guillotine.
A sept heures un quart, Zacharie
Benjamin fut enfermé dans la prison communale où le docteur Vivien, accompagné
du vicaire de Conches-en-Ouche vint lui rendre visite.
Une demi-heure plus tard,
toujours indifférent à ce qui se passait autour de lui, Zacharie Benjamin
demanda que lui soit apporté un petit-déjeuner.
Huit heures, le prisonnier quitta
sa geôle d’un pas ferme jusqu’au parc destiné au marché aux bestiaux. Sur le
chemin, il s’arrêta devant le calvaire et sembla prié, face à la croix.
Sur la place du marché aux
bestiaux se trouvait peu de monde, les seuls observateurs avait pris place aux
fenêtres des maisons des rues placées sur le trajet du parricide jusqu’au lieu de son supplice.
Devant l’échafaud, Zacharie
Benjamin Leclerc grimpa les quelques marches, puis stoïque, écouta, sans doute
d’une manière absente, la lecture de son acte de condamnation.
Ne connaissait-il pas déjà ce que
contenait cet écrit ?
Zacharie Benjamin semblait calme,
résigné, toutefois, au moment d’être poussé sur la bascule, il eut un mouvement
de recul qui obligea le bourreau à le maintenir fortement.
Acte de décès de Zacharie
Benjamin Leclerc
L’an 1857, le 28 du
mois de mars, à 9 heures du matin, sont comparus :
Lecat Edouard
Alexandre, greffier de la justice de paix, domicilié à Conches,
Quettier Antoine
Edouard, quarante-deux ans, huissier au palais de justice à Evreux,
Ils ont déclaré
que :
Leclerc Zacharie
Benjamin, voiturier, né à Conches le 21 janvier 1818, célibataire, fils de feux
Zacharie Joachim, cordonnier, et Marie Louise Désirée Semelaigne est décédé
aujourd’hui à Conches à 8 h 12 du matin.....
Petit supplément.....
Une personne revient souvent dans
les comptes-rendus de justice et les articles de journaux, il s’agit de la
« Femme Heudebourg ».
Qui était-elle ?
J’ai fait des recherches, bien
sûr, vous l’imaginez bien....
J’ai découvert ce qui suit :
Jacques Louis Heurtebourg qui
avait vu le jour à Conches-en-Ouche le 1797, était cordonnier, tout comme
Zacharie Joachim Leclerc. Il s’était uni en mariage à Françoise Ruel, le 1er
septembre 1818, à Conches-en-Ouche.
La femme Heurtebourg était-elle
Françoise Ruel ?
Eh bien nullement, car Françoise
Ruel était décédée le 9 Septembre 1841.
Jacques Louis Heurtebourg, devenu
veuf, avait épousé, en secondes noces, le 26 juillet 1849, toujours dans la
commune de Conches-en-Ouche, Thérèse Rose Alexandrine Roussel, née le 10
février 1816, veuve de Jean-Baptiste Victor Rolland qui, lui, était décédé le
13 août 1838.
Les événements dont je viens de
parler se déroulant en 1856 et 1857, il ne pouvait donc s’agir que de Thérèse
Rose Alexandrine Roussel, désignait dans les divers documents sous
l’appellation de
« femme Heudebourg ».
Aucune date de décès concernant
Jacques Louis Heurtebourg, pas plus que pour Thérèse Rose Alexandrine Roussel.
Concernant le premier mari de
Thérèse Rose Alexandrine Roussel, Jean Baptiste Victor Rolland, il était un
enfant des Hospices de Paris, recueilli par cette institution le 24 mars 1813,
le lendemain de sa naissance, et enregistré sous le numéro 1342. Chaudronnier,
il avait aussi exercé le métier de fondeur de cuillers.
Voilà qui termine cette histoire
dramatique de parricide.
Je vous prépare un autre
texte !!!
Qu’est-ce qu’un myrmidon ?
Myrmidon qui peut s’écrire également : mirmidon.
Myrmidon, nom d’un peuple de Thessalie dont Achille était le chef.
Thessalie :
Région de la Grèce, située au centre du pays.
Achille :
Héros légendaire de la guerre de Troie dans laquelle il
occupe une place importante. Beau, valeureux, il incarne l’idéal moral du
chevalier.
Sa mère, Thétis, tenant Achille par le talon, le plongea dans les eaux du Styx, un des fleuves des Enfers, afin que celui-ci devienne invulnérable. Ce talon, maintenu hors de l’eau, devint le point faible d’Achille, seul endroit mortel de ce héros.
Ce mot, myrmidon, repris au XVIème siècle, qualifiait une personne de petite taille.
Cette idée de petitesse fut rattachée plus tard à la valeur morale, prenant l’idée de « peu de force – peu de crédit – ridicule.... »
Un mot qui résonne comme un instrument de fanfare, mais qui n’est plus en usage aujourd’hui.
Pourtant, vous admettrez que traiter quelqu’un de « myrmidon » possède une certaine classe, bien loin des noms d’oiseaux que nous entendons à présent.
Pour cette petite
histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire
historique de la langue française » Le Robert
mercredi 18 janvier 2023
Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Zacharie Benjamin Leclerc - troisième partie
Cinquième
condamné, un nommé Zacharie Benjamin Leclerc
Troisième partie
Cour s’Assises de l’Eure.
Audience du 9 février 1857[1].
Sous la présidence de M. Nepveux.
Ministère public M. Legentil,
Procureur impérial.
Avocat commis d’office pour la
défense de l’accusé, Maître Hagot, bâtonnier.
Assis sur le banc des accusés,
Zacharie Benjamin Leclerc, né le 18 janvier 1818, voiturier.
Il est de petite taille, son
visage est très marqué par tous les excès de sa débauche.
L’enceinte de la salle d’audience
de la cour d’assises est bondée. Beaucoup de monde pour assister à ce procès. Beaucoup
de curieux. Beaucoup de personnes venant là comme au spectacle, par
distraction. Toute occasion est bonne pour passer le temps et puis, les salles
d’audience étaient chauffées !!!
-=-=-=-=-=-
Avant d’en venir aux divers
témoignages, il est procédé au rappel de
l’identité de l’accusé et aux faits ayant amené ce dernier devant la justice.
Puis, le gendarme interpellé par
Zacharie Benjamin et l’ayant accompagné jusqu’au lieu du crime, vient à la
barre afin de témoigner sur ce qu’il avait découvert dans la maison du
cordonnier, le 17 octobre 1856, vers les six heures trente.
« ... Dans une arrière-boutique
où se trouvait un lit, gisait sur le sol le corps d’un homme baignant dans son
sang. À mon arrivée, il expira. Il n’a prononcé aucune parole. »
Ce gendarme précisa :
« La poitrine du défunt
était sillonnée de plaies béantes, le muscle du bras gauche portait deux
blessures profondes et il avait une coupure à la main droite. Après examen
approfondi, il fut découvert quelques traces de pression autour du cou. Tous
ces constats ont vite amené à la conclusion qu’il ne s’agissait pas d’un
suicide. »
Défilent ensuite divers témoins
afin qu’ils éclaircissent le mobile de cet acte odieux.
En premier, Florence Scholastique
Grouard, épouse Semelagne, la belle sœur de Zacharie Benjamin :
« I’ buvaient trop, ça
c’est sûr. L’un comme l’autre. Alors i’ s’ disputaient toujours et souvent
violemment. C’ matin-là, déjà, j’avais dû intervenir pour les calmer. Mais le
soir avant 5 heures, l’ Benjamin m’avait interdit de laisser le pain à la
disposition du père. C’était pas possible ça ! J’avais pas répondu,
seulement hausser les épaules. Se disputer pour un morceau de pain !
L’Benjamin était remonté dans sa chambre. J’ pensais que tout rentrerait dans
l’ calme. J’avais ben tort !! »
La femme Heubebourg, devant les
jurés, répète ce qu’elle avait déjà dit aux gendarmes.
« C’ jour-là, le matin,
j’avais encore mis l’ père Leclerc en garde contre son fils. Mais i’ voulait
pas, l’ pauvre homme, croire que son gars pouvait lui faire du mal. »
Puis c’est au tour des sieurs
Fressart et Mirel qui déclarent avoir aperçu, avant 6 heures du soir le 17
octobre, par la fenêtre de la chambre de Zacharie Joachim, son fils, Zacharie
Benjamin, agenouillé sur le sol. Mais ni l’un ni l’autre ne peut préciser ce
qui se trouvait sur le sol. Un corps, assurément.
Ils affirment toutefois avoir
entendu le fils Leclerc menacer son père dix mois auparavant. Le ton
vindicatif, un tranchet à la main qu’il brandissait tout près du visage
paternel.
Et d’ajouter :
« Sans oublier non plus les
nombreuses injures et menaces verbales proférées à longueur de temps. »
La veuve Leroux dépose ensuite
sous serment :
« C’était au mois d’
septembre. Au début du mois. Ils étaient encore dans un état de soulerie pas
possible. J’suis arrivé à temps car l’Benjamin, hurlant comme un damné, était
vautré sur le sol et appuyait de toutes
ses forces sur un amas de draps et de couvertures. Mais d’ssous tout ça, y’
avait le Joachim ! Enfin, plus d’un mois plus tard, c’est point étouffé
qu’il est mort, mais saigné comme un porc !! »
-=-=-=-=-=-
Vingt témoins défilèrent ainsi en
ce 9 février 1857.
Tous firent les mêmes
constats :
Les ivresses,
Les querelles de plus en plus
violentes,
Les menaces,
Et puis, le dernier jour, le
passage à l’acte.
Le lendemain 10 février 1857, dès
l’ouverture de la séance, le représentant du Ministère public prit la
parole :
« Est-il possible de trouver
un motif pouvant atténuer la culpabilité de l’accusé, sachant qu’il avait déjà été
condamné par trois fois ? »
Maître Hagot fit son possible
pour défendre son client, mettant en avant l’ivrognerie du père constatée
depuis des années et la possibilité que ce dernier aurait pu, dans les vapeurs
de l’alcool, se poignarder lui-même.
Oui, Maître Hagot a essayé,
mais les jurés accepteraient-ils de
croire qu’un suicidaire s’acharne ainsi sur son corps ?
Pourtant, il y a cru, Maître
Hagot, puisqu’il avait demandé : l’acquittement tout simplement.
Le jury se retira.
Une délibération qui ne dura pas
bien longtemps.
Le verdict fut sans appel :
Aucune circonstance atténuante.
La peine de mort.
Zacharie Benjamin Leclerc
entendit la sentence avec une totale indifférence.
Embobeliner.......
Embobeliner, un verbe attesté depuis le XVIème siècle et qui, vers 1587, s’orthographiait emboubelinez. Un terme provenant de l’ancien français bobelin (1375-1380) désignant une chaussure grossière.
Embobeliner eut de nombreuses définitions :
· Au XVIème siècle : emmitoufler – harnacher - envelopper de vêtements.
· 1594 : Au sens figuré, il fut utilisé pour duper – enjôler – séduite quelqu’un par des paroles.
Quelques dérivés de ce verbe :
· Un embobelinage (fin XIXème) : Daudet introduit ce mot dans un de ses écrits.
· Un embobelineur (euse) – nom et adjectif – apparu au début du XXème siècle.
Le verbe embobeliner trouva
aussi une forme raccourcie en embobiner
avec la même signification.
1813 : enjôler – tromper par des paroles captieuses.
1881 : envelopper de vêtements ou de linge. Maupassant utilisa ce mot dans ses nouvelles.
1876 : embobiner, dérivé de bobine, prend la signification d’enrouler autour d’une bobine.
Embobiner donne un embobinage.
Et puis aussi : rembobiner qui, au XXème siècle, fut utilisé pour un fil ou un film.
Rembobiner donne rembobinage qui, à partir de 1923, devint un terme de cinéma.
Pour cette petite
histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire
historique de la langue française » Le Robert
mercredi 11 janvier 2023
Un caboulot
Aujourd’hui, ce mot qui sent la Provence désigne dans le langage populaire, un petit café plus ou moins mal famé, fréquenté par une clientèle régulière.
Dans cet endroit, le service était effectué par une caboulotière (1866).
Mais avant cet usage, lors de son origine vers 1846, que désignait ce terme ?
Il nommait un petit réduit dans une écurie où étaient parqués de jeunes animaux, afin de les protéger.
Caboulot, un mot qui a bien voyagé, puisque :
· Dans le dialecte de Belfort, on l’employait pour nommer une petite cabane ou une petite chambre.
· Dans le Bressan, on trouve aussi ce mot, pour indiquer un petit réduit ou un petit cabaret.
Mais il proviendrait de bien plus loin, ce nom, à savoir du celtique, buta, qui dans les temps celtiques lointains était une cabane, une hutte.
Mais à présent dans les temps modernes..... nous voilà à l’ombre des pins parasol d’une petite place provençale baignée de soleil, devant une boisson fraîche servie par une caboulotière.
N’entendez-vous pas les cigales ?
Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Zacharie Benjamin Leclerc - deuxième partie
Cinquième
condamné, un nommé Zacharie Benjamin Leclerc
Deuxième partie
Pourtant, les scènes au foyer paternel se multipliaient et les voisins en
étaient très inquiets. Mais malgré la vigilance de ceux-ci.....
Vers les six heures trente du soir,
en ce 17 octobre 1856, Zacharie Benjamin sortit précipitamment du domicile de
son père.
Affolé, il avait les mains et les
vêtements maculés de sang.
Il cherchait un gendarme.
Il ne tarda pas à en rencontrer
un qui le suivit jusqu’à la maison du cordonnier.
Tout le long du trajet, Zacharie
Benjamin répétait en boucle qu’étant dans sa chambre, située au-dessus de celle
de son père, il avait entendu des bruits et des appels. En fils attentionné, il
s’était précipité au rez-de-chaussée, et là, avait découvert le corps de son
père gisant dans une flaque de sang, sur le sol, au pied de son lit.
Au domicile des Leclerc, le
gendarme ne put que constater les faits. Zacharie Joachim se trouvait bien là
sur le sol et sa vie venait de le quitter. Le cadavre portait les traces de
quatre plaies béantes dans le bras gauche et une autre sous l’aisselle.
Zacharie Benjamin affirmait que
son père s’était donné la mort.
Certes, l’homme était décédé,
mais tout semblait prouver que ce n’était nullement un suicide, mais plutôt un
meurtre et les témoignages du voisinage allaient également dans ce sens.
« Le vieil homme se serait
suicidé ? commentait l’entourage. Jamais Zacharie Joachim n’en serait venu
à cet extrême !! »
En effet, c’était, comme chacun
l’attestait, un homme jovial.
Et puis, avait-on déjà vu un
suicidaire se tuer de plusieurs coups de tranchet ?
S’acharner ainsi sur sa
personne ?
Pensez donc, tous ces coups de
tranchet !!
Et comme toujours, les langues se
délièrent, malheureusement bien trop tardivement. La maréchaussée put alors
apprendre que.....
Le matin du drame, père et fils
Leclerc avaient eu une forte altercation. Comme cela se produisait très souvent
personne n’y prêta réellement attention.
Comme à chaque fois, le fils,
Zacharie Benjamin, se montra d’une extrême violence.
Sa belle-sœur, Florence
Scholastique, l’épouse de Jean Louis Selemaigne, était intervenue pour le
calmer. Mais malgré tout, le soir encore, vers les cinq heures, ce fils
colérique, se trouvait toujours dans un état de révolte extrême. La pauvre
Florence Scholastique ne savait plus comment faire pour que la situation
s’apaise.
Elle fut légèrement rassurée
quand père et fils s’étaient enfermés dans leur chambre.
Loin d’avoir repris son sang-froid,
un peu avant les six heures du soir, Zacharie Benjamin descendit au
rez-de-chaussée et alla tambouriner à la porte de la chambre paternelle. Coups-de-poing.
Coups de pied. Il hurlait : « Ouvre ! j’ te f’rai point d’mal.
J’ai prié l’ Bon Dieu ! Ouvre ! »
Pourtant, la voisine, la femme
Heurtebourg, l’avait prévenu :
« J’tez vot’ fils dehors.
C’est un mauvais sujet. J’ sais ben, c’est vot’ gars, mais il finira par vous
tuer ! »
C’était son gars, bien sûr,
alors, Zacharie Joachim tira le verrou et ouvrit sa porte.
Des témoignages, en veux-tu en
voilà, furent recueillis par la police. Tous en défaveur du fils Leclerc qui
fut immédiatement mis sous les verrous. Il niait tout en bloc, le fils Leclerc.
« Quand j’suis venu
tambouriner à la porte du père, c’était pour faire la paix, et là.... j’ l’ai
vu... C’est point moi qui l’ai tué !! »
10 novembre 1856, le journal
« Le pays », titrait :
« Un crime affreux dans l’Eure, Joachim Zacharie Leclerc fils, homme de
mœurs scandaleuses, aussi mauvais ouvrier que mauvais fils, passant tout son
temps au cabaret.......... »
Il ne restait plus, à la justice,
qu’à faire la lumière sur ce qu’il s’était passé ce soir-là.
mercredi 4 janvier 2023
Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Zacharie Benjamin Leclerc - première partie
Cinquième condamné, un nommé Zacharie Benjamin Leclerc