samedi 30 juin 2018

A VOS PLUMES ........ LA LETTRE.


Je suis un tantinet en retard dans la gestion de mon courrier, et je vous prie de m’en excuser.
Je vous avez soumis deux lettres dans le cadre de ma rubrique « A vos plumes ».

La première était une énigme et pour comprendre le texte il suffisait de lire une ligne sur deux, en commençant par la seconde.

Chère Marie,
Je vous écris de devant notre cabane et je dois vous avouer que
votre aide est requise, je ne pourrais très certainement pas tenir très longtemps
sans vous avoir à mes côtés... Les lapins sont enfin arrivés, ils pullulent,
ils sont partout! Je pense qu’ils commencent à deviner, c’est sûr qu’ils savent
que le printemps est arrivé. Les fleurs pointent du nez, mais elles ne durent pas longtemps:
si vous ne venez pas bientôt tout sera perdu! Je suis entouré
de mille fleurs, senteurs de ce début de saison, mais hélas,
je sens que la fin que nous attendons tous est encore loin; les
abeilles ne savent plus se tenir devant tant d’odeurs, se laissent aller et leurs dé-
boches risquent de nous coûter la victoire. Il se peut que cette lettre
vous arrive bien tard, mais n’ayez crainte, je doute que cette jarre pleine de miel
soit la dernière que je vous envoie. Si vous n’entendez plus parler de moi,
c’est que je me suis perdu dans les myriades d’arc-en-ciel donc ne soyez pas jalouse :
n’hésitez pas à utiliser les feux d’artifice.
J’attends de vos nouvelles.
Philippe

Astucieux ? Non ?
Rassurez-vous, je n’avais pas trouvé !


La seconde missive était envoyée par un petit toutou en vacances-garderie chez Yvonne et Benoit pendant le voyage de ses maîtres.
Il y parle de ses nouveaux compagnons chiens, chats et des trois poules, Claudine, Jeanine et  Nénette..............

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Je vous transmets aussi un autre courrier. Un courrier de remerciements. Il ne m’était pas destiné, mais je l’ai découvert, froissé, dans la corbeille à papier de mon chef de service.
Je l’ai trouvé amusant, étrange, intrigant.....
Voilà ce qu’il disait :

Mon cher vieux !
Je te remercie vivement de m’avoir permis de passer, cet été, des vacances inoubliables. La maison dont tu m’avais donné la jouissance pour un mois m’a permis de passer un séjour au plus près de la nature.
Oui. Une maison en bord de mer ! Sauf que tu avais omis de préciser qu’elle se trouvait au sommet d’une falaise abrupte, dominant la plage à plus de cent mètres.
Oui. Une maison avec parking devant pour garer la voiture, en négligeant toutefois de dire que le parking en question se situait à plus d’un kilomètre, puisque la route accédant à la propriété s’arrêtait là, laissant place à un chemin de randonnée escarpé.

Oui. Une maison avec l’eau courante, celle du petit ruisseau, non loin du parking d’ailleurs, et qui au mois d’août, époque de ma villégiature, est toujours à sec.
Oui. Une maison meublée avec goût, sauf que celle-ci avait été visitée par quelque rôdeur, malveillant et quelque peu voleur, qui n’avait laissé qu’un vieux matelas et une chaise branlante.

Je te remercie, toutefois, de m’avoir prévenu qu’il n’y avait pas l’électricité dans les lieux. Je m’étais donc, grâce à cette précision, muni du nécessaire. Mais, j’avoue que les nuits de pleine lune, par les trous dans le toit, je voyais comme en plein jour.  Grâce à cela, faute de pouvoir trouver le sommeil, j’ai pu lire de nombreuses heures. N’ayant pris que deux ouvrages, je peux, sans prétention, dire que je les connais par cœur !
Pas de réseau internet et téléphone. Mais ça, je le savais d’avance. Et en quoi un téléphone m’aurait été utile, puisque la demeure n’étant pas équipée du confort électrique, je n’aurais pu recharger la batterie.

Que dire encore, sinon, merci pour ta gentillesse ?
J’ai, grâce à toi, passé des vacances pittoresques, ne mangeant que des chips, des raviolis froids et des sandwiches, respirant l’air marin revivifiant qui traversait les pièces au travers des lézardes des murs ou par les fenêtres aux vitres cassées et attendant les averses pour faire un brin de toilette.

Grâce à ta générosité, j’ai eu bien du mal à réintégrer la civilisation matérialiste. Lâché en pleine écologie pendant quatre semaines, ma concierge a eu bien du mal à me reconnaître. Elle m’a fermement refusé l’accès à l’immeuble et devant mon insistance a appelé la gendarmerie.
Te dire combien le changement bienfaisant de cette vie au plein air devait être visible.
Ah ! Les bienfaits de la vie sauvage, il n’y a que ça de vrai !

J’oubliais de te dire aussi, que grâce à toi, j’ai vécu une autre expérience. Celle d’une nuit en cellule. Ce ne fut qu’après une douche et le rasage d’une barbe de trente jours que mon identité fut révélée au grand-jour !

Voilà ! Ce fut donc avec regret que j’ai quitté ta charmante résidence du bord de mer et repris la vie civilisée et la routine du boulot.
Surtout, si tu voulais me prêter à nouveau ta maison, je serais au regret de refuser. Je ne voudrais pas priver d’autres personnes de cette merveilleuse expérience.

Je t’envoie, mon cher vieux, toute mon inimitié, et surtout..... à jamais !!



A qui était-il adressé, ce courrier de remerciements amers ? A mon chef ?
Mystère de corbeille à papier !!!!

HISTOIRE DE LA PAGE QUI RESTE BLANCHE PAR MANQUE DE TEMPS !!


Il était une fois, un « écrivain » qui ne manquait pas d’inspiration, loin de là, mais de temps pour écrire.
Alors pas, de « Conte pour les enfants sages.... et tous les autres.... », cette semaine, sauf, si vous, petits ou grands, venaient au secours de ce pauvre écrivain, le secondant en écrivant une petite histoire.......
Qui osera ??
Merci de votre collaboration.

jeudi 28 juin 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - TOUT CELA POUR SI PEU !


Tout cela pour deux francs !

« J’ sais point comment ça a pu finir comme ça ! Tout a été très vite. Ça pour sûr ! Et tout ça pour une broutille de rin du tout ! Surtout qu’ le Séraphin, i’ m’ connait bin, pardi ! »

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La journée avait pourtant était bonne. Une journée à charger du bois, en plaisantant.
Plaisanter en travaillant, un excellent moyen pour se donner du courage et  ne pas sentir la fatigue. On s’encourage les uns les autres et surtout, on veut être à la hauteur, voire plus costaud que les autres.
Vers les cinq heures, après midi, juste avant que le jour ne s’assombrisse, toutes les bûches étaient chargées, il ne restait plus qu’à atteler les deux chevaux à la charrette. Alors, avant de se quitter, afin de sceller cette laborieuse journée et puisque juste de l’autre côté de la route se trouvait l’auberge du sieur Sauvage, il fut convenu d’aller prendre un verre.

« Salut la compagnie, lança Désiré Blanfumey en entrant.
-          Salut, Désiré, répondit l’aubergiste, alors, la journée est finie ?
-          Ah que oui ! C’est pas trop tôt ! Alors apporte-nous un pichet d’eau d’ vie pour se donner du courage pour la route !

Désiré Blanfumey, sa femme, Alphonsine Honorine Fralon, son père, Pierre Blanfumey, ainsi que Frédéric Hervieu et Jean-Baptiste Cornu, s’étaient déjà attablés lorsque l’aubergiste déposa sur la table le pichet commandé et  cinq verres.
Tous trinquèrent, puis les sieurs Blanfumey-père, Hervieu et Cornu après avoir avalé « cul- sec » la boisson alcoolisée, se levèrent.
« C’est pas l’ tout, déclara Pierre Blanfumey, mais y a d’la route d’ici à Combon, et la nuit tombe vite.
-          Les ch’vaux trouv’ront ben l’écurie. Pas b’soin pour eux d’ voir clair ! ironisa Désiré.
-          Oui, mais les femmes vont s’inquiéter. On y va, les gars !

D’Ecquetot à Combon, il y avait tout de même trois lieues. Une petite trotte, surtout que la charrette lourdement chargée demanderait beaucoup d’efforts aux chevaux.
Désiré Blanfumey et son épouse restèrent, tous deux, un peu dans l’auberge, profitant de ce moment de repos. Ce fut alors que l’aubergiste, Séraphin Elie Pierre Sauvage,  s’approcha de leur table :  « ça fait deux francs ! »

Fouillant dans sa poche, Désiré s’aperçut qu’il n’avait pas d’argent sur lui.
« C’est qu’ j’ai rin sur moi. J’ passerai d’main pour t’ payer ! »
Mais ce que l’aubergiste retint de la réponse de son client, ce fut : « J’ai rin ! »
« Comment ça, « rin » ? interrogea, incrédule, mais un tantinet agressif, l’aubergiste dont le visage virait au rouge vif.
-          Rin, j’ te dis ! J’ pass’rai d’main t’ payer et voilà tout !
-          Et voilà tout ! Parc’ que c’est môssieur qui décide. Môssieur boit, môssieur ne paye point et c’ que trouve à dire môssieur, c’est « et voilà tout » ! C’est ben trop facile ça ! Moi, j’ veux mon dû, et tout de suite !
-          Mais j’ te paierai va ! Mais demain ! répliqua Désiré Blanfumey qui ne voyait pas comment on pouvait faire une histoire pareille pour deux francs. Surtout que le Séraphin, il le connaissait et savait qu’il avait toujours réglé. Alors ?

Le ton avait progressivement monté entre l’aubergiste et le client. Les buveurs attablés avaient cessé leurs discussions et, attentifs, écoutaient.
Une querelle, ma foi, était une attraction comme une autre et surtout, elle pouvait animer les conversations pendant plusieurs jours, créant des clans « pour » et des clans « contre ». Racontars qui finissaient devant un bon verre de goutte, ça va de soi !

Il y avait donc, présent à cet instant, dans le lieu, entre autres Adjutor Pellerin, un journalier habitant la commune finissant son godet, et  la femme de l’aubergiste, Désirée Françoise Pellerin, qui avait quitté ses fourneaux et se trouvait derrière son époux. Ce fut elle, d’ailleurs, qui lança les offensives, menaçant le sieur Blanfumey de sa broche à rôtir. Ce dernier, ne souhaitant pas être embroché pour une si petite somme, prit la fuite. Cet acte de repli fut interprété comme une détermination à ne pas régler sa dette.
Alors, arrachant la broche à rôtir des mains de son épouse, Séraphin Sauvage la lança dans l’objectif d’atteindre le fuyard. Il fit mouche. En effet, l’ustensile de cuisine frappa Désiré à la nuque. Assommé, il tomba sur le sol. Sa femme se précipita pour lui porter secours, mais elle fut distancée par l’aubergiste qui, arrivant avant elle, commença à infliger à l’homme à terre de furieux coups de pied, aidé par le nommé Ajutor Pellerin qui se mit de la partie, en lançant un poids énorme sur le dos de la pauvre victime toujours à plat ventre sur le sol terreux, avant de s’en prendre à l’épouse, lui assénant grand nombre de coups de bâton.
Quelle mêlée !

Prévenu par un client, Alexis Félix  Fralon, vint à la rescousse pour séparer les combattants et surtout défendre sa fille, Alphonsine, et son gendre, Désiré Blanfumey.
Le maire d’Ecquetot ayant eu vent de l’importance du conflit, accourut également. Il écouta les deux parties adverses et constata le piteux état des époux Blanfumey. Il remarqua que dans le champ de terre labourée, à peu de distance de l’auberge, se trouvaient bien la broche à rôtir et le poids, devenus pièces à conviction.

Le pauvre Désiré Blanfumey, meurtri de partout, encore sous le choc, ne cessait de répéter en boucle :
« J’ sais point comment ça a pu finir comme ça ! Tout a été très vite. Ça pour sûr ! Et tout ça pour une broutille de rin du tout ! Surtout qu’ le Séraphin, i’ m’ connait bin, pardi ! »

Cette affaire n’en resta pas là. Elle fut portée devant les tribunaux.
Malheureusement je ne peux vous donner le verdict de la Cour. Je suppose, toutefois, que l’aubergiste fut condamné pour coups et blessures volontaires. Peine de prison ? Amende ?
A l’époque des faits, fin mars 1852, les peines étaient très lourdes. On écopait très rapidement de plusieurs mois d’emprisonnement et les amendes étaient bien plus élevées que le montant des consommations, soit, je vous le rappelle : deux francs.

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Tout de même, une question me taraude.
Comment la situation a-t-elle pu dégénérer de la sorte ?
Très difficile à dire !
Peut-être......
·         Les impayés trop fréquents, supportés par le comarçants ?
·         Les deux francs dus ? Oui, une somme importante pour l’époque. L’équivalent du salaire de plus d’une journée de travail – 12 heures quotidiennement – d’un ouvrier qualifié dans une manufacture. Un vieillard ou une femme percevait, en moyenne, 75 centimes par journée. Un enfant, entre 25 et 50 centimes, selon son âge et la besogne effectuée.
·         Une agressivité montante de  l’aubergiste saoulé à force de trinquer un peu trop avec la clientèle – ce qui faisait marcher le commerce - et surtout, à force d’évoluer du matin au soir, dans les vapeurs d’alcool.
·         Les prix qui ne cessaient de grimper, les lois sur la prévention de l’alcoolisme obligeant la fermeture des établissements, certains jours et à partir d’une certaine heure, et notamment le dimanche matin, au moment de la messe. Tout pour empêcher les braves gens de gagner leur vie honnêtement !

L’auberge du sieur Sauvage était implantée sur la route menant de Louviers au Neubourg, juste à l’entrée d’Ecquetot. Un bon emplacement, la route étant passagère les jours de marché et de foire. Et des marchés, comme des foires, il y en avait, ça pour sûr ! Alors, la clientèle défilait, surtout les « jours où il faisait soif » ou encore lorsque le mauvais temps sévissait, pour se mettre à l’abri !

Un bon emplacement, ça pour sûr !!

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Alors me direz-vous ?
Bah ! Pas grand-chose en fait......
Sauf que .....

Désiré Blanfumey se remit des coups qu’il avait reçus. Il décéda quarante ans après l’évènement à Ecquetot, le 30 décembre 1893.
Son épouse, Alphonsine Honorine Fralon l’avait devancé, car elle mourut le 18 février 1892.

Quant à Séraphin Elie Pierre Sauvage, né à Crestot le 27 décembre 1817, il décéda bien jeune à Ecquetot, puisqu’il n’avait que quarante-quatre ans lorsqu’il ferma les yeux, le 23 décembre 1861. Sur son acte de décès aucune mention de profession. Etait-ce un oubli de l’agent administratif ? Le sieur Sauvage avait-il été incarcéré plusieurs années et venait-il d’être libéré ? Mystère !

Voilà, c’était encore un cancan !!!
En voulez-vous d’autres ? Oui ? Il suffit de demander.......


Petit cancan,
tiré d’une délibération du Conseil municipal
d’Ecquetot, en date du 25 mars 1852.
   

Avez-vous un bottin chez vous ?


Le bottin tombé dans l’oubli.

Avec l’informatique, le « bottin » n’est plus utilisé. Il a, pourtant, été bien utile pendant des siècles. Oui, je le répète, « pendant des siècles » !!!
Il existait donc une multitude de bottins, mais ceux consultés le plus souvent furent incontestablement, les « bottins des abonnés au téléphone », édités chaque année, par département.

Pourquoi ces registres nominatifs se nommaient-ils « bottins » ?
De quelle origine provient ce mot ?

Ne vous torturez pas le cerveau, tout comme moi avant de l’apprendre, vous ne trouverez pas !
Mais avant de tout vous révéler, je vais vous raconter une histoire..... J’adore raconter des histoires !

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Il est parfois des destins fabuleux.
Ce fut le cas pour le petit Sébastien qui naquit le 17 décembre 1764 à Grimonviller dans le département de Meurthe-et-Moselle et qui entra très jeune au séminaire. Ce fut ainsi qu’il devint prêtre.
1789, La Révolution grondait et éclata !
Sébastien, devenu aumônier des députés de la Haute-Marne, participa à la Fête de la Fédération, et signa, lors de ce grand rassemblement, « la constitution civile du clergé ». Il fut alors nommé curé constitutionnel. Puis, renonçant, peu de temps après, à la prêtrise, il occupa des postes administratifs de plus en plus élevés, en Alsace et Lorraine.
Il grimpa tous les échelons, Sébastien !
Sa réputation devint immense, connu surtout pour être un statisticien brillant.
Mais il ne s’arrêta pas là, car sa fonction de statisticien, justement, l’amena à créer la « Société du commerce en 1796 » après avoir réalisé et fait publier un « Annuaire statistique du département du Bas-Rhin de l’an VII à l’an IX ».
Je ne vais pas vous énumérer tout ce que Sébastien publia comme annuaires, trop long, trop fastidieux......
Mais je peux vous affirmer que, de 1918 à 1853, Sébastien diffusa, annuellement, « L’almanach du commerce de Paris et des principales villes du monde »...... Quel boulot !

Une tête, ce Sébastien ! Un travailleur acharné !!
Sébastien ?   Sébastien comment ?
Sébastien BOTTIN !!!

Malgré son travail et sa réputation, à sa mort, Sébastien Bottin était criblé de dettes.
Vous le trouverez au « Père-Lachaise » où, maintenant et depuis le 28 mars 1853, il repose en paix.   

Je suis certaine, que maintenant, lorsque vous feuilletterez un vieil annuaire téléphonique, vous aurez une petite pensée pour Sébastien.
Merci pour lui !

jeudi 21 juin 2018

BAS LES PATTES !


Nom d’un chien !

« Patault » était le nom propre donné à un chien en 1690.
Ce chien devait être gros et gras, car quelques années plus tard, le mot désigna un chien bien gras, bien nourri.

Mais ce mot remonte bien plus loin dans le temps (1485), car utilisé à la fois comme nom et adjectif, composé de « patte » et du suffixe « aud », il signifiait « à grosses pattes ».
Le sens de « lourdaud, maladroit » que nous lui connaissons aujourd’hui, qualifiant une personne, est donc très proche de celui de 1612 et provient de l’observation d’un « bon gros toutou maladroit encombré par son poids et ses grosses pattounes » !

Saviez-vous qu’un pataud pouvait se déplacer pataudement ?
Avec ce dernier mot, c’est la langue qui risque d’être pataude !

Un autre mot.......  ayant la même racine, « patauger » !
Un mot que tous les enfants adorent.... au sens propre..... mais beaucoup moins les mamans qui doivent laver les vêtements « sales » !
Nous retrouvons donc dans ce mot « patte » auquel s’ajoute « auge » !
« Pataucher » est assurément une variante de « patouiller » !

Utilisé à partir du milieu du XVIIème siècle, « patauger » signifie « marcher dans la boue ou dans un terrain détrempé ».
Il prit un sens figuré vers 1738, celui de « ne pas arriver à se dépêtrer d’une situation difficile ».

Alors, comme toujours, découle toute une ribambelle de dérivés :
·         Un pataugement (1855) qui devint un pataugeage (1881)
·         Un pataugeur, celui qui s’emmêle les pinceaux au cours d’un discours et finit par dire n’importe quoi !!
·         Un pataugis (1930), la matière molle dans laquelle on patauge !!
·         Une pataugeoire, petit bassin empli d’eau où les petits pataugent et éclaboussant partout ! Le bonheur !
·         Pataugas, était, dans les années 1950, une marque de chaussures de marche robustes mais souples.

Donc pour bien patauger dans le pataugis, n’oubliez pas de mettre vos pataugas !

                 Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


HISTOIRE DE VILLAGE - NON LOIN D'EVREUX.


Trahi par son fils.


« Non, je n’ veux point m’ marier ! hurlait Pierre Pinel.
-          Fallait pas m’engrosser ! répliqua sèchement Marie Clotilde Cauvin.
-          C’est ta faute ! Moi, j’y suis pour rien !
-          Ça, c’est la meilleure ! Monsieur veut ben profiter, mais pas assumer les conséquences !

C’était vraiment mal parti. Les deux futurs parents s’affrontaient, se renvoyant la faute face à une grossesse non désirée.
Pierre Pinel, comme un animal pris au piège, se débattait, refusant l’emprisonnement marital que cet enfant allait engendrer. Il se sentait trop jeune pour assumer une telle charge, avait envie de profiter de la vie.
Marie Clotilde Cauvin, elle, refusait d’être une fille-mère, celle qu’on risquait de montrer du doigt, car si  être enceinte avant mariage était toléré, se voir abandonnée, et élever seule un enfant l’étaient beaucoup moins. Elle ne voulait pas passer pour une « Marie couche-toi là ! ».
Elle avait sa fierté.

« Moi, j’ai ben, l’ temps de m’ marier ! s’entêtait le jeune homme.
-          Et le p’tiot, t’en fais quoi ? rétorqua la future mère.
-          C’ que tu veux !

Marie Clotilde Cauvin n’allait  pas se laisser faire. Le mariage, de grès ou de force, elle l’obtiendrait. C’est qu’elle avait du caractère, Marie Clotilde !

Acte de naissance – 7 novembre 1793 – Lieurey (27).
Aujourd’hui dix sept du mois Brumaire l’an second de la République française une et indivisible à huit heures du matin par devant moi..... commune de Lieurey.... Est comparu dans la salle de la maison commune de ce lieu Jean Benoît Cauvin marchand âgé de vingt huit ans lequel était assisté de jean Baptiste Cauvin marchand âgé de vingt trois ans et de gabriel Querey Baretamier age de trente ans a déclaré à moi dit officier public que Marie Clotilde Roussel âgée de vingt huit ans son epouse en legitime mariage est accouchée d’aujourd’hui dans sa maison située dans cette commune section de la chapelle d’un enfant du sexe feminin qui m’a presenté et auquel il a donné par l’organe de Jean Baptiste Cauvin et de Rose Roussel les prenoms de Marie Clotilde D’après cette declaration que les citoyens Cauvin et querey ont certifié conforme à la verité et la representation qui m’a été faites de l’enfant denommé, j’ai en vertu des pouvoirs qui m’ont été delegué redigé le present acte.........

« auquel il a donné par l’organe de Jean Baptiste Cauvin et de Rose Roussel les prenoms de Marie Clotilde ». Que veut dire cette phrase extraite de l’acte ci-dessus et que je découvre pour la première fois. Le père était-il aphone ? Le père était-il muet ? Muet ! Mais il exerçait le métier de marchand, peu compatible avec cet handicap !
Fille de Jean Benoist Cauvin et Marie Clotilde Roussel, Marie-Clotilde, aînée d’une fratrie de six enfants, toutes des filles, avait secondé sa mère toute son enfance.
C’est ainsi qu’elle avait dû s’occuper de :

Marie Anne, arrivée deux années après sa naissance, le 13 octobre 1795.
Acte de naissance – octobre 1795 – Lieurey.
Ce jourd’huy vingt un vendémiaire L’an quatrieme de la republique un et indivisible en la maison commune de Lieurey s’est presenté Le citoyen Jean Benois cauvin marchand age de trente ans Lequel etoit assisté de Jean Le françois toillier age de vingt sept ans Et de Rosse Missuit agée de vingt quatre ans touts domicilliez dans cette commune Nous onts Declaré que ce jour Deux heure du matin que la femme dudit Cauvin Etoit acouchée D’un enfants du sex feminin quil Nous a presente ets Né en ligitimme Mariage de Marie Clotilde roussel sonts epouze agée de trente ans quil Nonme sonts ditte enfants par l’organne de claude Benois Cauvin et de Marie anne Roussel les prenoms de Marie anne Daprès cette declaration que lers themoins onts déclaré à moy........

Toujours la même phrase concernant la déclaration du prénom de l’enfant par « l’organe » de Claude Benoît Cauvin. Cela me semble étrange. Jean Benoît Cauvin aurait-il un défaut d’élocution très prononcé ?
Parfois certains problèmes de santé apparaissent sur les listes de recensement, mais nous sommes en 1795, pas encore de recensement.

Marie Victoire, qui rejoignit la famille, deux ans après la seconde naissance, le 21 novembre 1797.
Acte de naissance – novembre 1797 – Lieurey.
Ce jourd’huy premier frimaire an sixieme de la Republique française une et indivisible sont comparus au bureau municipal de ce lieu Le citoyen jean Benoit Cauvin marchand agé de trente deux ans Lequel était assisté des citoyens jacques alexandre Cauvin cultivateur agé de trente quatre ans Et marie anne Cauvin agee de vingt six ans tous domicilliés dans cette commune nous ont declaré que cejourd’huy à sept heures du matin que la femme du dit jean Benoist cauvin étoit acouchée d’un enfant du sexe feminin quil nous nous (deux fois dans le texte) a presenté Et née en Legitime mariage de marie Clotilde Roussel son Epouse agée de trente un ans quil nomme son dit enfant des prenoms de Marie Victoire daprés cette declaration a eté dresse l’acte...........

La « mention spéciale » n’apparait pas, et n’apparaitra plus sur les actes qui suivront. L’énigme ne sera donc pas résolue ! 

Rosalie, suivit le 23 janvier 1800.
Acte de naissance – janvier 1800 – Lieurey.
Ce jourd’hui quatre pluviose an huit de la Republique française une et indivisible à neuf heures du matin par devant moi..... commune de Lieuray..... s’est présenté au Bureau municipal dudit Lieurey le citoyen Jean Benoit Cauvin marchand cultivateur age de trente six ans lequel etoit assisté des citoyens Jean Baptiste Clouët toillier age de vingt quatre ans Et marie anne Victoire mulot agee de vingt trois ans tous domicilies dans la susditte commune de Lieurey lesquels mont declaré que le jour d’hier cinq heures du soir que la femme du dit Jean Benoit Cauvin étoit accouché dun enfant du sexe feminin quil nous a presenté et né en legitime mariage de marie Clotilde Roussel son epouze age de trente six ans quil nomme son dit Enfant du prenom de Rosalie........

Juillet 1801, nouvelle naissance. Encore une fille ? Non ! Cette fois ce furent DEUX filles : Françoise Honorine et Adélaïde Aimée
Actes de naissance – juillet 1801 – Lieurey.
Du neuf thermidor an neuf de la Republique française – acte de naissance de françoise honorine Cauvin nee le neuf thermidor à onze heures du matin fille de Jean Benois Cauvin age de trente sept ans et de marie Clotilde Roussel agee de trente sept ans unis en mariage Premier temoin pierre bernard Le Casble âgé de vingt six ans demeurant à Epagne. Second temoin Victoire françoise harand âgé de vingt cinq ans demeurant à Lieurey, sur la declaration a nous faite par jean Benois Cauvin père de Lenfant.....

Du neuf thermidor an neuf de la Republique française – acte de naissance de adélaide aimée Cauvin nee le neuf thermidor à onze heures du matin fille de Jean Benois Cauvin age de trente sept ans et de marie Clotilde Roussel agee de trente sept ans unis en mariage Premier temoin pierre martin Clouet age de vingt un an demeurant à Lieuray. Second temoin marie therese harang age de vingt trois ans demeurant à Lieuray, sur la declaration à nous faite par jean benois Cauvin père de lenfant......

De ces deux petites jumelles, une seule survécut, car Françoise Honorine devait décéder le 4 vendémiaire an 10, alors qu’elle n’avait que sept semaines.
Acte de décès – vendemiaire an X – Lieurey.
Du quatre vendemiaire an dix de la republique française acte de deces de françoise honorine Cauvin fille de jean Benoit Cauvin et de marie clotilde Roussel decede le quatre vendemiaire a six heures du matin âgé de sept semaines né a Lieuray departement de Leure demeurant à Lieuray sur la declaration à nous faite par Jean Benoits Cauvin père de la decedee en presence de Victor furet age de quarante cinq ans et de françois Charles duval age de trente quatre ans domiciliee à Lieuray........


Henriette Séraphine, fut la dernière. Elle mit un peu de temps avant de naître. Les parents espéraient-ils, enfin, un petit gars ? Alors, ce fut raté ! Encore une fille !
Acte de naissance – 11 octobre 1810 – Lieurey.
Du douze octobre mil huit cent dix Pardevant nous...... Commune de Lieurey....... est comparu Jean Benoist Cauvin cultivateur âgé de quarante cinq ans Demeurant a Lieurey Lequel nous a Presente un enfant Du sexe feminin ne de la nuit derniere sur les onze heures et demie  de lui declarant et de marie Clotilde Roussel sa femme, auquel il a declaré vouloir donner les prenoms henriette seraphine Les dites declarations et presentations faite en presence de Pierre Desrües cultivateur âgé de trente six ans et de Pierre Martin Clouet armurier âgé de trente ans Proche voisin du declarant demeurant lun et lautre à Lieurey.......


Voilà pourquoi, à plus de trente ans, Marie Clotilde n’avait pas souhaité se marier, ni avoir d’enfants.
La vie de couple de ses parents, les grossesses et accouchements successifs de sa mère, lui avaient donné à réfléchir.
Oui, mais aujourd’hui, la situation avait changé. Elle avait rencontré ce freluquet de Pierre Pinel, s’était laissée séduire par sa belle tournure et son air effronté et elle en attendait un enfant. En fait, rien de bien exceptionnel !


Pierre Pinel était le fils de Charles Pinel et de Marie Elisabeth Barbé (Barbey).
Ses parents s’étaient unis le 2 septembre 1794, à Rostes. (Saint-Léger-sur Rôtes – 27)
Acte de mariage – septembre 1794 – Rostes.
Cejourd’hui seizieme jour fructidor lan six de la republique française a dix heures du matin par devant moy agent municipal de la commune de Roste canton rural de Bernay Sont comparut pour contracter leur mariage Charles pinel fils de feu jean et de Catherine Legendre agée de vingt trois ans originaire de cette commune et y demeurant deune part et marie et Elisabeht Barbey fille de  feu pierre et de marie des fresne originaire de la commune de plasnes et y demeurante agée de vingt deux ans lesquel on de claré seprendre Mutuellement pour et poux en presences et de consentement de Catherine Legendre agée de cinquante six ans dudit et Charles Baudouün ami dudit journaillier de la commune de Roste et jean Carpentier cultivateur aussi de la commune de Toste et Marie Desfresne mere de la dite et jacques Barbey oncle de ladite et Jean du Vallet Baupere de la dite domicillie en la commune de plasne.......
Vous trouverez une orthographe très fantaisiste concernant tous les actes établis à Rôtes.

Les enfants ne manquèrent pas non plus au foyer des nouveaux mariés.

Marie Pinel, le 27 nivose an VIII – Rostes
Ce jourhuy vingt huitieme jour nivosse huitieme annez de la republique française...... est comparu charles pinel cultivateur domicilié de la commune de Roste lequel assiste de charles Baudouïn domicilie dans la commune de Roste canton rural de Bernay âgé de quarante ans et de marie Daufraine de la commune de plasne canton de Bernay agée de cinquante ans lesquel on declarée a moy jean Baudouiin agent municipal.... que Marie Barbé est a couché de hier a six heur du matin dans sa maison section de leglise d’un enfans fumel auquel il ondonner Le prenom de marie d’apres cette declaration que les citoyen tesmoins mon certifiée conforme a la verité et a la Representation qui ma eté faite de lanfans de nome jay en verue des pouvoir qu’il me sont deleyez redigé le present acte.......

Emilie Pinel, le 15 floréal an X – Rostes.
Du quinzieme jour de floreal an dix de la Republique française en la commune de Rostes acte de naissance de Emilie née le même jour à six heures du matin – fille de charles pinel cultivateur asgé de vingt sept ans et de marie Barbey filleuse asgée de vingt six ans, les père et mere de cette commune village de l’eglise – premier temoin pierre pinel cultivateur âge de vingt cinq ans demeurant à Rostes a déclaré ne savoir signé  - second temoin émilie chanue âgé de vingt ans demeurant aussi a la commune de Rostes, sur la declaration à nous faite par charles pinel pere dudit enfans.......

Charles Pinel, le 20 messidor an XI – Rostes.
Du vingt messidor an onze de la republique française ala mairie de Rôtes – acte de naissance de Charle pinel sexe masculin né le vingt de ce mois a la maison paternelle à trois heures du matin fils de charlle pinel cultivateur demeurant a Rostes et de marie Elissabethe Barbé son epousse demeurant avecque Luy – premier temoin Glaude Roussel cultivateur demeurant à Rôtes – second temoin pierre pinel ausy cultivateur demeurant à Rôtes, tous deux de l’âge requis, sur la declaration à nous faites par Charles pinel perre de Lanfant.
Je vous avais prévenu.... l’orthographe ce n’est pas trop ça... quoique pour les noms propres, il n’y a pas de faute ! « Glaude », il faut lire, bien sûr, « Claude ».

Pierre Pinel, le 14 mai 1806,- Rostes. Celui qui fit parler de lui par la suite. Il y a toujours un enfant dans les familles qui prend un chemin différent. Pour la famille Pinel, ce fut Pierre !
Ce jourd’hui quinze mai mil huit cent six par devant nous maire de la commune de Rôstes Canton et arrondissement de Bernay.......... est comparu Charles Pinel âgé de trente un ans cultivateur demeurant à Rôstes lequelle nous a presenté un enfant du sexe masculin né le quatorze de ce mois à cinq heures du matin de lui declarant et de Marie Elisabeth Barbey agé de trente ans son epouze auquel il a declaré vouloir donner les prenoms de pierre les dites declaration et presentation faite en presence de Guillaume Goubert âgé de vingt un an journallier domicilié en cette dite commune et de jean carpentier age de quarante cinq ans cultivateur demeurant a la même commune et ont les père et temoins signé avec nous le present acte de naissance.......

Rose Pinel, le 5 mai 1808 – Rostes.
Ce jourd’hui cinq mai mil huit cents huit par devant nous maire.... est comparu Charles Pinel âgé de trente huit ans cultivateur demeurant à La commune de Rostes lequel nous à presenté un Enfant Du sexe feminin né ce jourd’huy cinq mai à deux heures du matin de lui Declarant et de Marie Elisabeth Barbey son epouze Et aux quels il a Déclaré Vouloir donner les prenoms de Rose Les dites Déclarations et presentations faite en presence de Jean Baudouin age de soixante deux ans cultivateur Demeurant à Rôstes Et de Jean Carpentier agé de quarante huit ans aussy cultivateur Demeurant à la meme Commune Lesquels ont les père et témoins signé avec nous le present acte de naissance........

Alphonce Valentin, le 11 avril 1810 – Rostes.
Ce jourd’hui onze avril mil huit cents dix pardevant nous Maire...... commune de Rôstes.... Est comparu Charles Pinel agé de quarante ans cultivateur demeurant à la commune de Rostes lequele nous a presenté un Enfant de sexe masculin né ce jourd’huy à cinq heures du matin de Lui declarent et de marie Elisabeth Barbey son epouse Et auquelle il a declaré vouloir donner les prenoms de alphonce Valentin Lesditte Declarations et presentations faitte En presence de Jean Baudouin agé de soixante quatre ans cultivateur Demeurant à la commune de Roste et de Jean Carpentier agé de cinquante deux ans aussi cultivateur demeurant audit Rôstes et onts les père et temoins signé avec nous le present acte de naissance......


Charles Pinel était décédé le 6 janvier 1813, trois années après la naissance de son dernier enfant.   

Acte de décès – janvier 1813 – Rostes.
Ce jourd’huy six janvier mil huit cent treize par devant nous maire...... de la commune de Rôstes.... sont comparu Jean Carpentier agé de cinquante huit ans et jean Baudouin age de soixante six ans voisins, tous deux cultivateur domicilié à la commune de Rostes lesquelles nous pont déclaré que cejourd’huy six janvier est décédé Charles Pinel agé de trente six ans cultivateur domicilié à la commune de Rostes En sa maison section de Leglise et ont les Declarant signé avec nous le present acte......



Pierre avait donc sept ans au moment du décès de son père. J’imagine les difficultés financières et la détresse de Marie Elisabeth Barbey devant gagner de quoi nourrir la famille. Les enfants durent être placés ou gagner de quoi assumer, au moins, leur nourriture. Pierre fut donc livré à lui-même et cette liberté, dans son enfance, avait fait de lui un jeune homme indépendant souhaitant profiter de la vie et surtout avec l’idée, en grandissant, de ne jamais se mettre de chaines aux chevilles.
D’ailleurs, Marie Clotilde n’avait été, pour lui, qu’un moment d’amusement, rien de plus. Il n’en était nullement             amoureux.

Sous la pression, voire les menaces, familiales et notamment du père de la pauvre Marie Clotilde, Pierre Pinel fut trainé, le 28 décembre 1826, devant monsieur le maire et monsieur le curé pour prononcer le « oui » fatidique sans lequel rien ne se serait passé.
Ah ! si seulement il avait été possible de prévoir l’avenir !

Acte de mariage – décembre 1826 – Lieurey.
L’an mil huit cent vingt six le huit decembre à huit heures du soir par devant nous ...... commune de Lieurey arrondissement de pont audemer departement de l’Eure..... sont comparus Pierre Pinel age de vingt ans journalier demeurant en la commune de Rotes departement de l’Eure né au même lieu le quatorze mai mil huit cent six fils mineur de Charles Pinel decedé en ladite commune de Rotes le six janvier mil huit cent treize et de marie Elisabeth Barbé fileuse demeurant en ladite commune de Rostes ci presente et consentente d’une part et marie Clotilde Cauvin servante agée de trente trois ans demeurant en ladite commune de Rotes et domiciliée en celle de Lieurey née au même lieu le sept  novembre mil sept cent quatre vingt treize (17 brumaire an 2) fille majeure de Jean Benoist Cauvin fabricant et de marie Clotilde Roussel demeurant audit Lieurey ci presents et consentant d’autre part...... En presence  de Pierre Barbes âge de cinquante trois ans toilier demeurant en la commune de Plâne oncle du futur, Pierre Eustache Roussel age de  cinquante cinq ans debitant de tabac, jean nicolas Goslain age de vingt six ans aubergiste et de Constant Quercy age de vingt huit ans epicier, ces trois derniers demeurant en la dite commune de Lieurey non parents des epoux........


Quand le moment de la délivrance arriva, quinze jours après les épousailles, le 13 janvier 1827, les nouveaux mariés ne vivaient pas sous le même toit.
Je suppose que Marie Clotilde demeurait toujours chez « ses maitres » puisqu’elle était domestique.

Ce fut une petite fille, prénommée Marie Anne.
Acte de naissance – janvier 1827 - Lieurey.
L’an mil huit cent vingt sept le treize janvier à onze heures du matin pardevant nous maire du bourg et commune de Lieurey.... est comparu Pierre Pinel âgé de vingt ans, journalier, demeurant en la commune de rotes, département de l’Eure, lequel nous a presenté un enfant de sexe feminin ne en cette commune le onze de ce mois  à onze heures du soir de lui declarant et de marie Clotilde Cauvin son epouse agee de trente trois ans et auquel il a declaré vouloir donner les prenoms de marie anne, les dites presentation et declaration faites en presence de Jean Benoist Cauvin âgé de soixante deux ans fabricant et de Pierre Eustache Roussel âgé de cinquante cinq ans débitant de tabac l’un et l’autre demeurant à Lieuray, temoins qui ont signé avec nous, après lecture, le père ayant declaré ne savoir signer.......


Est-ce juste après l’arrivée du bébé que les parents s’installèrent ensemble ? Rien pour le dire.
Ce que j’appris sur le peu de documents concernant cette affaire, c’est-à-dire quasiment rien, c’était que les voisins attestèrent que les querelles conjugales étaient fréquentes.
Ça, on le conçoit facilement !
Ces deux là auraient mieux fait de s’éviter !

Les années passèrent au cours desquelles il y eu notamment la pandémie de choléra morbus.
Marie Clotilde, femme courageuse et travailleuse, s’occupa de ses parents contaminés comme beaucoup d’autres et que, malheureusement, la maladie emporta.
1832. Une terrible année !

Acte de décès -  Jean Benoist Cauvin – 21 mai 1831 – Lieurey.  
L’an mil huit cent trente deux le vingt et un mai a dix heures du matin Devant nous.... maire de la commune de Lieurey..... sont comparus jacques philippe Cauvin âgé de vingt sept ans cultivateur Cousin du décédé et Pierre Jacques Leroy cordonnier age de quarante trois ans non parent du décédé lun et lautre demeurant à Lieurey Lesquels nous ont declaré que cejourd’hui à huit heures du matin Jean Benoist Cauvin âgé de soixante sept ans Demeurant à Lieurey né au même lieu le vingt sept septembre mil sept cent soixante quatre de anger Cauvin et de madeleine Mainnel non existant est décédé en son domicile susdite commune de Lieurey hameau de la Cauviniere........

Acte de décès – Marie Clotilde Roussel – 6 juillet 1832 – Lieurey.
L’an mil huit cent trente deux le six juillet a deux heures apres midi Devant nous..... maire de la commune de Lieurey..... sont comparus françois taillebois age de vingt cinq ans journalier Gendre de la decedee demeurant en la commune du Theil moltent et Pierre jacques Leroy cordonnier age de quarante trois ans, non parent à la décédée demeurant à Lieurey lesquels nous ont déclaré que cejourd’hui à onze heures du matin marie Clotilde Roussel veuve de Jean Benoist Cauvin âgée soixante sept ans fileuse demeurant à Lieurey née en la commune de Saint Victor d’Epreville le trois juillet mil sept cent soixante cinq de feu jean et feue marguerite Vy est décédée en son domicile sis en la commune de Lieurey hameau de la Cauviniere.......


L’horreur de la maladie. Tous ces morts ensevelis à la hâte et sur lesquels était jetée de la chaux vive.
Pour ceux qui avaient résisté, pour ceux qui avaient été épargnés, j’imagine le bonheur ressenti d’être toujours en vie !
Est-ce pour cette raison que le couple se rapprocha ?
Sûrement, car après cet épisode dramatique, toute querelle semblait dérisoire.
De cette trêve pacifique, un petit garçon naquit, le 17 mars 1834.

Acte de naissance – mars 1834 – Giverville.
L’an mil huit cent trente quatre le six sept mars à huit heures du matin pardevant nous maire...... de la commune de Giverville.........est comparu pierre Pinel âgé  de trente quatre ans journalier domicilié en cette commune lequel nous a presenté un enfant du sexe masculin né d’hier a trois heures du soir de lui declarant et de marie Clotilde Cauvin son epouse et auquel il a declaré vouloir donner les prenoms de Pierre Désir alexandre, les dites déclaration et presentation faites en presence de Louis Bretteville  fils cultivateur age de trente quatre ans et david Verson cultivateur agé de quarante deux ans L’un et l’autre domiciliés en cette commune et ont les père et temoins signé avec nous le present acte de naissance après que lecture leur en a été faite......



François Désir Alexandre n’eut pas le plaisir de voir ses parents s’aimer bien longtemps, car petit à petit, les reproches, les disputes et les coups fusèrent de nouveau dans le quotidien des époux Pinel.

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Le jour de Noël, 25 décembre 1836, les habitants de la ville de Giverville étaient sous le choc. Un corps venait d’être retrouvé dans l’eau, en partie prise par les glaces, de la mare communale.
Accident ? Suicide ?
Toutes les hypothèses circulèrent, jusqu’au moment où l’on découvrit que le corps était recouvert de contusions.
S’agissait-il d’un meurtre ? Tout semblait le prouver.

Qui était la pauvre victime ?
Il s’agissait d’une femme. Il s’agissait de la femme Pinel, Marie Clotilde Cauvin.

Acte de décès –  décembre 1836 – Giverville.
L’an mil huit cent trente six le vingt six decembre a quatre heures du soir... se sont presentés Thomas Lefevre garde champêtre et françois Georges Duhamel cultivateur tous deux de l’age requis par la loi et domiciliés en cette commune Lesquels nous ont declaré que marie clotilde cauvin agee de quarante quarte ans fille de feu jean Benoit et de feue marie clotilde Roussel l’un et l’autre decedes en la commune de Lieuray epouse de Pierre Pinel est decedee d’hier à sept heure du matin en son domicile en cette commune........


Pierre Pinel affichait une triste mine, voulant montrer, sans doute, comme le disaient certains, qu’il était affligé par cette disparition, alors qu’il était de notoriété publique que le couple ne s’entendait pas, que les disputes et désaccords étaient constants et que Pierre Pinel se montrait parfois violent face aux reproches continuels de son épouse.

L’autopsie démontra que la défunte n’avait pas seulement été battue, mais qu’elle avait été étranglée, avant d’être immergée dans l’eau de la mare.

Le mari fut entendu par la maréchaussée afin de faire toute la lumière sur ce drame et de découvrir le coupable. Pierre Pinel ne nia pas que son couple n’allait pas bien. Pas bien ! C’était loin de la vérité !
Mais, il nia être coupable de cet acte odieux.

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Lors du procès dans la salle d’audience de Palais de Justice d’Evreux, en ce 22 juillet 1837, les voisins vinrent témoigner.

Et tous étaient d’accord pour affirmer :
« Pour sûr, la Marie Clotilde ne se laissait pas faire. Elle avait son caractère, mais le Pierre y allait parfois fort afin de faire taire son épouse. »

Les deux enfants du couple, Marie Anne âgée de dix ans et le petit Pierre Désir Alexandre de tout juste trois ans furent entendus.
Pierre Désir Alexandre ne semblait nullement intimidé, il regardait partout avec de grands yeux étonnés.
Le juge lui demanda   son prénom, son âge et où il demeurait. L’enfant répondit simplement.
Puis, il poursuivit ses questions :
« Tu sais qui est le monsieur assis là-bas ?
-          Oui, c’est mon papa !
-          Sais-tu où est ta maman ?
-          Oui, elle est morte !
-          Tu sais ce qui s’est passé ?

Et contre toute attente, l’enfant d’une voix calme, sans aucune émotion, répondit :
« C’est papa qui a tué maman ! »

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Dans sa cellule, dans la prison d’Evreux, Pierre Pinel, enchaîné, attendait le jour de son exécution.

Ce jour-là, à midi, sur la place du Grand Carrefour d’Evreux, il y avait foule.
« L’exécuteur des hautes œuvres », Monsieur Amand, attendait sur l’échafaud, près de la guillotine qui avait été dressée la veille. Accompagné d’un prêtre tenant un crucifix, le condamné arriva, tête nue, la chemise entrouverte, les mains attachées dans le dos. Ce fut en chancelant qu’il gravit les quelques marches le menant au supplice.
Ce 15 septembre 1837 fut le dernier jour de Pierre Pinel.

Acte de décès – septembre 1837 – Evreux.
L’an mil huit cent trente sept le seize septembre quatre heures de releves à Evreux en l’hôtel de Ville, devant nous soussignés.... sont comparus les sieurs pierre Delamare commissaire de police âgé de soixante ans et pierre modeste augustin cordonnier âgé de soixante trois ans demeurant tous deux en cette ville rues ferrée et de Crône – lesquels nous ont declaré que Pierre aimé Pinel filassier, natif de Rostes âgé d’environ trente ans fils de feu Charles Pinel et de Marie Elisabeth Barbey, veuf de marie Clotilde Cauvin est decedé place du grand carrefour le jourd’hier a midi ; d’après cette déclaration........

-          Pour écrire cette nouvelle, je me suis appuyée sur
un article découvert dans le « Journal de Rouen »
-          Je me suis également engloutie dans les
« Archives départementales de l’Eure ».