mardi 29 septembre 2015

1765 - PREMIERE PARTIE




Verdure

11 janvier 1765

« Le sieur Daoût, Jardinier à S. Aignan-sur-Ry, avertit le Public qu’on trouvera chez lui de la Hêtriche, plante dont l’usage est pour faire des palissades, salles & cabinet de verdure, pour l’ornement des Jardins : La durée de son verd (sic) lui a fait donner, depuis plusieurs années, la préférence sur la Charmille. Elle peut contribuer aussi à l’embellissement des Parcs & Avenues, son bois venant fort droit & l’écorce très-lice (sic), produit un assez bel effet. Le prix est de 6 livres le mille, pris sur les lieux. L’emploi qui en a été fait aux Palissades en banquette du Jardin Royal de l’Académie de cette Ville, fera connoitre aux personnes qui en souhaiteront, l’avantage de cette Plante. On pourra s’adresser au sieur Daoût, son frère, Jardinier aux Faux-bourg S. Sever. (sic) »


Il était de bon ton, à cette époque, de posséder des jardins somptueux, comportant de petites loges de verdure abritant du regard, des théâtres de verdure ou encore des labyrinthes.
Pour cela les charmilles étaient  fort prisées car ayant souvent la caractéristique de ne pas être dégarnies en hiver.
Quant à la « Hêtriche », je suppose qu’il s’agissait de « hêtraie ». En ce qui concerne cet arbre, le hêtre,  il était d’usage pour obtenir des buissons, de couper de tronc régulièrement, ainsi des branches repoussaient sur celui-ci, à la base près des racines, composant un bosquet.

Saint-Aignan-sur-Ry est une commune du département de Seine-Maritime, se situant au nord de Ry et de Vascoeuil.


Emprunt de livres

Le 25 janvier 1765

« Un nommé de la Londe, dont on ignore l’état & la demeure, prit le 15 Novembre 1763, dans la Bibliothèque de MM. Les Avocats de Normandie, le premier volume du Coutumier général, & il en donna son récépissé, on présume que s’il n’a pas encore rendu son livre, c’est uniquement par oubli, car sans doute il n’en a pas besoin ; il voudra donc bien avoir la bonté de le faire remettre chez M. Bourienne, Bibliothécaire, rue S. Jean, qui lui rendra son récépissé.
On a pris encore dans la même bibliothèque, le second volume du Dictionnaire des Domaines, mais on n’en a point donné de récépissé ; celui qui l’a pris est instamment prié de le faire remettre au plutôt (sic) chez M. Bourienne ; car ce livre est du nombre de ceux dont on a besoin très-souvent. (sic) »


Des indélicats qui partent avec les livres ! Il est vrai qu’il ne devait pas y avoir de fiche de lecteur établie en bonne et due forme, et pas d’ordinateur pour enregistrer les données. Voilà ce qui explique qu’il a fallu autant de temps pour s’apercevoir de l’absence des ouvrages.
Je ne suis, malheureusement, pas en capacité de vous conter le dénouement de ces affaires.
Aucun article dans les feuilles suivantes de ce journal.



Curieux !

25 janvier 1765

« Un Hermaphrodite né à Grenoble, élevé d’abord dans l’état de fille &  sous le nom d’Anne Grandjean, puis obligé par son Directeur de prendre l’état & les habits d’homme, & marié en cette qualité sous le nom de Jean-Baptiste Grandjean, va s’établir à Lyon avec sa compagne & y vit paisiblement pendant trois années. Au bout de ce tems (sic), une fille de Grenoble qui connoissoit l’état de Grandjean, se trouvant à Lyon, publie qu’il est hermaphrodite. Il est décreté  (sic) de prise-de-corps &  mis en prison. Sur le raport (sic) des Chirurgiens qui le déclarent hermaphrodite tenant plus de la femme que de l’homme, la Senéchaussée (sic) lui fait son procès, & il est comdamné, comme profanateur du Sacrement de Mariage, à être attaché pendant trois jours au carcan, à être fouetté par la main du Bourreau, & au bannissement à perpétuité. Sur l’appel de cette sentence en la Cour du Parlement de Paris, par Arrêt rendu en la Chambre de la Tournelle le 10 Janvier. Son mariage a été déclaré abusif, la Sentence de Lyon infirmée, & l’Accusé mis hors de Cour, avec injonction de prendre les habits de femme, & défense de hanter la fille avec laquelle il vivoit & autres personnes du même sexe. Reste à  sçavoir (sic) qu’il ne pourroit pas se marier à présent comme femme. M. Vermeil, Avocat, qui s’étoit chargé de sa défense, a donné dans cette Cause curieuse un Mémoire très-bien (sic) écrit, très-bien (sic) fait : on le trouve chez les libraires. »


Le fait ci-dessus a fait grand bruit à l’époque et un livre relatant les débats du procès fut édité.

Voilà ce que j’ai pu dénicher :

« PROCÈS D'UN HERMAPHRODITE VERMEIL (François Michel).
Mémoire pour Anne Grandjean, connue sous le nom de Jean-Baptiste Grandjean.
Accusé & Appelant. Contre Monsieur le Procureur général, Accusateur & Intimé.
Question: Un Hermaphrodite qui a épousé une fille, peut-il être réputé profanateur du Sacrement de mariage, quand la nature qui le trompoit, l'appelloit à l'état de mari ?
Paris, Imprimerie de Louis Cellot, 1765 ».

 François Michel Vermeil était l’avocat chargé de la défense en appel de l’accusé(e).
Charges retenues contre l’accusé(e) : Profanation du mariage.

Vous trouverez ci-dessous quelques extraits de ce réquisitoire.
Vous pouvez également commander le livre sur internet, si vous le souhaitez.
Mais, pour cela, il vous faudra débourser la modique somme de 1800 € !!


Né(e) "ni homme ni femme", baptisé(e) Anne et habillé(e) en fille, puis à la puberté devenu(e) Jean-Baptiste suite à son inclination pour le genre féminin, il/elle prend l'habit d'homme suivant les conseils de son père et de son confesseur (!).
A l’âge de 26 ans, il/elle épouse Françoise Lambert à Chambéry. Son émancipation est annoncée à Grenoble et il/elle accède au statut d'homme avec la plénitude des droits civiques. Quelques années après, alors qu’il/elle vit à Lyon avec son épouse, une connaissance d'enfance informe celle-ci de l'état d'hermaphrodite de son mari. Sur avis de son confesseur, elle saisit le tribunal de Lyon, qui, après enquête, désigne Anne/Jean-Baptiste Grandjean comme étant de sexe féminin et le condamne au fouet et au cachot. Mais la sentence est infirmée grâce à la défense de l’avocat qui établit que l’accusé "étant dans la bonne foi, il n’y avait point eu de profanation du sacrement de mariage, et conséquemment point de délit". Le mariage est néanmoins déclaré nul et Anne/Jean-Baptiste contraint(e) de reprendre l'habit de femme, avec défense de hanter Françoise Lambert, et de ne contracter aucun mariage.

Page 15 de ce livre, nous trouvons la description physique de Grandjean :
 « Un mélange des deux sexes dans la même imperfection.
L’Accusé n’a point de barbe, mais il a les jambes velues, & plusieurs autres parties du corps, qui ne sont point celles ordinairement chez les femmes. Il a de la gorge plus qu’un homme n’en a communément ; mais elle n’est point délicate & sensible aux coups, comme celle des femmes, …
Ses mamelons, si l’on consulte leur grosseur, appartiennent au sexe féminin ; mais on n’y voit point ce cercle d’un rouge obscur au milieu duquel, ils se trouvent placés chez les femmes.
Sa voix n’est, à proprement parler, ni celle d’une femme, ni celle d’un homme ; c’est celle d’un enfant mâle qui arrive à l’adolescence, & qui dans une espèce d’enrouement rend des sons tantôt graves, tantôt aigus.»

Emplois

1er février 1765

« On voudroit un domestique de 35 à 40 ans, sage & fidèle, & à qui on puisse confier les clefs des caves, qui soit en état d’avoir les yeux sur les autres domestiques, qui sçache (sic) faire quelques comptes, accommoder la perruque, &c. (sic) c’est pour la campagne, où il pourra jouir du plaisir de la chasse s’il aime ; on exige des répondans (sic) de ses vie & mœurs. S’adresser au Bureau d’Avis. »

Comme toujours, il est recherché le « mouton à cinq pattes » !
Sage : ne courant pas les filles !
Fidèle à ses maîtres, comme un chien obéissant !
Honnête,  à qui on peut confier la clef des caves, sans qu’il ne s’autorise à boire une goutte du vin entreposé.
Surveillant les  autres ! Un peu mouchard, alors.
Faire les comptes, en ne dépensant que le strict minimum pour la domesticité, bien évidemment !
Sachant accommoder la perruque ! Bien sûr pour économiser la dépense d’un barbier.
Quelqu’un de polyvalent, en tout cas, et quelle polyvalence !

Et en plus, il faut montrer « patte blanche », en exhibant de bons certificats !

Rien sur le salaire donné en échange d’une telle charge, sans aucun doute une misère, mais il a surement été avancé que l’homme recruté serait logé, nourri et blanchi……. Un maigre salaire pour des journées de labeur de combien d’heures ? Jusqu’à plus de douze heures, voir plus les jours de réception ou de grand ménage, et sept jours sur sept, sans repos, sans CP ni RTT, inconnus à cette époque !



Médecine

1er février 1765  - Ulcères et maladies vénériennes

« Le sieur Nicole, Chirurgien ordinaire du Roi demeurant à Paris, rue du Batoir, guérit toutes sortes d’ulcères de quelques espèces & dans telle partie que ce soit ; il guérit aussi radicalement toutes maladies vénériennes, quelques invétérées qu’elles soient, & ce par une méthode nouvelle où le mercure n’entre pour rien, & qui n’assujettit point le Malade ; il prie les personnes qui lui écriront d’affranchir leurs Lettres. »

De tout temps la recherche médicale alla bon train. On s’en aperçoit au fil des pages des journaux par le nombre incroyable de remèdes proposés.
Ce sieur Nicole, en qualité de « Chirurgien ordinaire du Roi », avait la renommée suffisante pour être pris très au sérieux.
Quant au mercure, entrant dans la composition de beaucoup de remèdes, il n’était pas sans inconvénient pour le malade. Annoncer que le traitement ne comportait pas de mercure devait être alors très rassurant.


15 février 1765 – le mal de Saint-Gilles

« Question sur une maladie singulière dont plusieurs enfants sont affectés dans le pays d’auge.
La maladie dont il s’agit, est appelée par le vulgaire (mal de Saint Gilles). Voici en quoi elle consiste :
Ce sont des vapeurs convulsives qui attaquent les Enfans (sic), particulièrement ceux qui, après une petite vérole ou après une péripneumonie maligne, se croyent (sic) en état de jouir d’une heureuse convalescence. On se plaint d’abord d’un engourdissement dans les jambes & quelquefois d’une légère Céphalagie (sic) , l’on tombe tout-à-coup par terre sans connoissance comme si l’on étoit endormi, peu après l’on se réveille subitement, on ouvre les yeux, on semble fixer un objet, l’on grince les dents, on ouvre la bouche avec fureur & et l’on veut déchirer avec les dents & les ongles ceux dontoin est environné.  L’accès qui dure souvent une demi-heure, tantôt plus, tantôt moins, n’est qu’un composé d’une tranquillité léthargique & d’une espèce de rage mordante, qui se succèdent très-rapidement (sic) l’une à l’autre ; le poux (sic) du malade est presque le même que dans l’état de santé, il est seulement un peu concentré & ferré. Une pâleur subite annonce le commencement & la fin de l’accès. Son milieu est marqué par une rougeur excessive qui enflamme toute la face ; il survient très-rarement (sic) dans le sommeil de la nuit. Les malades dorment bien, mangent avec apétit (sic), même avec avidité. Ils disent que dans l’accès leur connoissance n’est qu’à demi perdue, qu’une multitude de flammes de feu passe devant leurs yeux, qu’au milieu de ces flammes ils voyent (sic) une grande bête noire, qui veut les dévorer. L’accès est à peine fini qu’ils se plaignent d’une chaleur insuportable (sic) dans l’estomac, & qu’ils demandent de l’eau pour la calmer. Mais leur soif est très-difficile (sic) à éteindre. Trois ou quatre pots d’eau par jour ne sont pas toujours suffisans (sic) pour les rassasier. Lorsqu’ils sont assez prompts pour boire deux ou trois verres d’eau avant l’invasion de l’accès, ils le préviennent & l’arrêtent. L’éxercice (sic) & la dissipation paroissent aussi être deux préservatifs assurés contre l’accès. L’ennui et le chagrin en accélérent (sic) le retour, de sorte que ceux qui ne sçavent (sic) pas se dissiper sont tourmentés presque sans relâche ; dans l’espace d’un jour, ils sont obligés de suporter (sic) quatorze & même quinze accès plus violens (sic) les uns que les autres. Ce qu’il y a de singulier, c’est que ces accès sont susceptibles de différentes variations. Tantôt ils sont semblables à ceux que l’on a décrits ci-devant ; tantôt ils ne consistent que dans une aparence (sic) d’évanouissement, accompagné quelquefois d’une roideur universelle dans tous les membres, & le plus souvent d’un mouvement convulsif dans les nerfs ; mais alors le visage & la bouche sont parfaitement tranquilles, les yeux sont fermés, comme si le malade dormoit, sa respiration est très-souvent (sic) dans l’état naturel, comme son poux (sic), & quelquefois est fort gênée. Il est à remarquer que dans ces accès  qui n’affectent point la bouche ; le Malade ne se plaint de voir ni feu ni bête, il dit que sa connoissance est davantage aliénée, & qu’après l’accès il est beaucoup plus fatigué. Le peuple ne semble point s’effrayer de ce mal. Il prétend qu’en se recommandant à Dieu & à Saint Gilles, en faisant dire des Messes & une neuvaine, la guérison est certaine. Plusieurs enfans (sic) ont été, dit-on, guéris seulement avec ces remèdes spirituels ; mais leur guérison n’a point été prompte. D’autres qui ont fait usage des calmans (sic) & des antipasmodiques (sic), ont eu l’avantage de voir diminuer tous les mouvemens (sic) convulsifs, il ne leur est resté qu’une disposition naturelle à la mélancolie, & un sentiment si délicat, que le plus léger chagrin les faisoit tomber dans une vapeur momentanée. Cependant quelques-uns d’entr’eux (sic) ont montré des symptômes épileptiques, comme le ronflement, l’écume à la bouche & l’agitation des bras sur la poitrine. On a observé que la plûpart (sic) des malades se plaignent de maux dans l’estomac & dans le ventre, & que de tems en tems (sic) il leur survient une diarrhée passagère, laquelle produit des digestions glaireuses et sanguinolentes.
On demande quelle est la nature & la cause de cette Maladie, & quels en doivent être les remèdes. »


Rien sur la « Maladie de Saint Gilles », malgré de nombreuses recherches.

Alors, j’ai appelé « Saint Gilles » à mon secours et j’ai appris qu’il était le patron des mendiants, des personnes souffrant d’un cancer, d’épilepsie et de maladies mentales, des personnes handicapées. On l’invoque également pour estomper la peur du noir et de la nuit.
Vous voyez, mes recherches n’ont rien apporté de bien folichon !!
Alors, si quelquefois vous pouvez m’éclairer sur le sujet, n’hésitez pas à vous servir de ce blog.

Par contre « céphalagie », ainsi écrit dans le texte, comporte une faute d’orthographe, car il s’agit en réalité de « céphalalgie », synonyme de céphalée, migraine, maux de tête.



Commerce

8 février 1765

« Le Sieur Halbout, tenant le Café du Commerce, rue des Charrettes, vis-à-vis la rue Encrière, tient magasin, en gros & en détail, d’Eau-de-vie d’Hendaye, fine, pure & sans anis, à juste prix. Ledit sieur se charge d’en faire passer des barils aux personnes qui résident dans les différentes villes, bourgs & campagnes, au moyen de l’expédition qu’il en fera faire pour leur compte du lieu d’Hendaye ; il prie les personnes qui lui écriront, de vouloir bien affranchir les lettres. Elle se vend, prise dans le magasin, 45 sols la bouteille : il vend aussi toutes formes de liqueurs. »


L’eau de vie d’Hendaye, créée par Jean Darmore, est mentionnée pour la première fois en 1658.
Plus exactement une liqueur, elle est le produit de la raffinerie de l’alcool soumis à une seconde distillation, auquel il était ajouté un sirop.
Son bouquet lui vient du fenouil distillé avec l’alcool

Cette liqueur est toujours commercialisée, aujourd’hui.
Attention, à boire avec modération !!


Vols

1er mars 1765

« Le 18 de ce mois, des voleurs trouvèrent le moyen d’entrer dans l’église de Sahurs, près la Bouille, & de forcer un coffre où il y avoit environ 15 livres ; après cet exploit, voulant en forcer un second, la peur selon toute aparence (sic) les saisit, ils prirent la fuite, & laissèrent en bas environ 6 livres en monnoie. »

Des voleurs se sauvant au moindre bruit, pris de remords sans aucun doute de voler dans un saint lieu, et qui, de plus, laissent une partie du butin. Un vol qui ne leur a rapporté que 9 livres !

La commune de Sahurs se situe sur la rive droite de la Seine, en bordure de la forêt de Roumare. Son nom est mentionné vers 1024, sous l’orthographe « Salhus ».

L’église Saint-Sauveur où s’est produit le vol, est l’ancienne chapelle du château de Sahurs démoli en 1781.
Cette église fut construite au XIème siècle, mais ne reste de cette époque qu’un chevet circulaire et une partie de la nef.



Spectacles

15 mars 1765

« Les Comédiens de cette Ville se disposent à donner demain samedi « le siège de Calais », Tragédie de M. du Belloy ; jamais Tragédie n’a eu plus de succès au théâtre français, les premières & secondes loges sont louées jusqu’à la clôture prochaine de leur théâtre. Cet ouvrage a mérité à l’Auteur la première médaille promise aux Auteurs Dramatiques, elle lui a été envoyée & remise par le premier Gentilhomme de la Chambre, Samedi dernier, 9 du présent mois ; elle represente (sic) d’un côté le buste du Roi, & sur le revers Apollon couronnant de lauriers un cahier roulé. Sa Majesté a joint à cette faveur celle d’une gratification de mille écus à l’auteur, & la permission de lui dédier sa pièce ; elle a déjà été representée (sic) deux fois à la Cour, & la Reine la demande pour la troisième fois jeudi prochain 21 du courant. Comme le principal objet de cette Tragédie est l’amour des Bourgeois pour le Roi de France, ce motif intéressant pour le peuple lui a fait désirer de voir cette pièce, qu’on a été obligé de donner gratis au public de Paris mardi 12 du courant ; on en continue les representations (sic), & la moitié de la rue de la Comédie française est remplie à deux heures pour avoir des billets de parterre les jours qu’on la represente (sic). »


Pierre-Laurent de Belloy, dit Dormont de Belloy, (de son vrai nom Pierre-Laurent Buirette), comédien et auteur dramatique française, a vu le jour le 17 novembre 1727 à Saint-Flour.
Fils d’un receveur général des tabacs de Saint-Flour, il se rendit à Paris avec son père alors qu’il n’avait que cinq ans. La destinée voulut que son père décédât dans la capitale. Il fut alors confié à son oncle, avocat, qui le destinait à une carrière juridique.
Refusant cette orientation professionnelle, car souhaitant être comédien, Pierre-Laurent s’engagea, contre l’avis de son oncle, dans une troupe de théâtre et, peu à peu, s’adonna à l’écriture.
Dormont de Belloy est surtout connu pour sa tragédie patriotique « le siège de Calais » qui remporta un réel succès en 1765.
Pierre-Laurent de Belloy décéda à Paris, le 5 mars 1775.

Son ancienne demeure, au 7 rue de Belloy, dans le 16ème arrondissement de la Capitale, est aujourd'hui devenue un hôtel.

dimanche 27 septembre 2015

JUSTIN - Chapitre 3



 
Après quelques nuits de terreur, protégé par ses couvertures, Justin finit par s’armer de courage.
Doucement à l’écoute du plus petit bruit, il descendit, une à une, les marches qui menaient au rez-de-chaussée. Il se dirigea lentement,  retenant son souffle, vers le salon.
La lune projetait sa pâle lumière blafarde par la fenêtre et  éclairait le piano d’une manière inquiétante.

« C’est un signe, pensa Justin, le fantôme doit être là. »

Et son cœur se mit à cogner si fort dans sa poitrine que les battements résonnaient dans ses oreilles. Son souffle était court. Ses jambes tremblaient.
Une furieuse envie de fuir le prit, mais il resta un instant immobile, pétrifié.
Petit à petit, il se raisonna et reprit son calme.

« Les fantômes, ça n’existent pas ! Les fantômes,  ça  n’existent pas ! Les fantômes, ça  n’existent pas ! »

Il poursuivit sa marche vers le majestueux  instrument en  répétant cette phrase comme une litanie.
Tout à coup, il s’immobilisa. Les bruits inexplicables avaient repris et ils venaient bien du piano.

« Ah ! te voilà enfin !  dit une petite voix, enflée par la caisse de résonance de l’instrument. Tu en as mis du temps à me trouver. »

Sortant de son effroi, l’enfant articula difficilement :
« Qui es-tu ? Que veux-tu ? »


Après un long silence, pendant lequel Justin avait peine à respirer, apparut de derrière le piano une minuscule petite souris d’un gris argenté parsemé de poils blancs, aux longues moustaches majestueuses, aux yeux noirs pétillants de malice, aux oreilles arrondies et transparentes. Son corps avait une jolie rondeur et se terminait par une longue queue fine et rose.
Chose curieuse, elle portait sur le bout de son nez un lorgnon attestant qu’elle avait la vue un peu basse, et entre ses pattes de devant aux petites mains fines, elle tenait un livre.

L’enfant se frotta les yeux. Etait-il en train de rêver ? Il alla même jusqu’à se pincer, ce qui lui fit mal bien entendu, puisqu’il était éveillé.

Revenu de sa surprise, Justin lança furieux :
« Une souris !! Une souris qui parle !! Ce n’est pas possible, ça n’existe pas ! Tu n’es qu’une simple souris et tu finiras croquée par le chat ou dans un piège, car toutes les souris finissent ainsi. »

Heureux de sa tirade, il  inspira profondément.

« Tu as raison, Justin, malheureusement beaucoup de souris se laissent prendre de la sorte… Les chats sont nos pires ennemis et les pièges nous laissent peu de chances… »

Comment une souris pouvait-elle parler ?
C’était impensable !

L’enfant ne s’en laisserait pas conter, c’était-une-chose-qui-ne-pouvait-pas-exister …..




Devant l’air perplexe de l’enfant, la souris avait marqué un point, aussi elle poursuivit :

« Je ne suis pas n’importe quelle souris, dans mon pays j’ai un grade de « grand dignitaire ». Je suis donc un émissaire très âgé, possédant une grande expérience et je suis venu pour toi. 

-        Les souris ne parlent pas, répétait sans cesse le garçonnet, totalement hermétique au discours de cet étrange animal.

- Mais arrête un peu, ne nies pas l’évidence… Je parle … La gente des souris est très réglementée. Il y a les souris communes, certes, celles qui ne parlent pas aux humains et qui sont nos émissaires. Présentes dans tous les foyers, elles font régulièrement des rapports à notre Haute Administration qui en fonction des besoins, voire des urgences,  délègue des agents. C’est ainsi, par exemple, que nous sommes au courant lorsqu’un enfant perd une dent …

A cet exemple Justin arrêta sa monotone litanie et se mit à écouter, sans en avoir vraiment l’air, on a sa fierté tout de même.

La souris poursuivait son explication tout en observant, mine de rien, l’attitude de l’enfant, ce qui était, il faut le dire, une marque de grande professionnalisation.

-                 …. Dans la nuit qui suit cet événement, un agent est délégué pour venir récupérer la dent tombée et un autre pour déposer une petite pièce ou un cadeau. Nos agents font également des rapports lorsqu’un enfant est capricieux ou difficile. Dans ce cas également un agent spécialisé est envoyé pour faire une enquête plus approfondie et aider l’enfant à mieux grandir. C’est ton cas et c’est pour cela que …..


-  Je n’ai besoin de personne ! lança le gamin, coupant la parole  à son interlocuteur, tu peux rentrer chez toi. Une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas !!!

-  Attends un peu s’il te plait …..

- Non, je n’ai pas à attendre. Une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas !!! Je n’ai pas besoin de toi, ni de personne. Je retourne me coucher.

Et sans un « bonne nuit » qui aurait été fort poli, Justin regagna sa chambre et se coucha, mais il n’éteignit pas la lumière cette nuit-là encore.

Il dormit mal. Il rêva d'une souris. Il rêva d'une multitude de petites souris remplissant une multitude de rapports et envoyant des ordres de mission à des agents délégués afin de résoudre grand nombre de problèmes.
Il y avait des souris rapportant des centaines de dents. Il y avait des souris emportant des centaines de pièces. Il y avait des souris muettes souriantes. Il y avait des souris qui parlaient un langage incompréhensif en remuant leurs moustaches.
La ronde nocturne incessante de ces petits rongeurs donna au petit dormeur une telle  migraine qu’il dut garder le lit toute la journée suivant sa première rencontre avec la-petite-souris-qui-parlait-alors-qu’une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas.

A ne pas en douter, c’est la maîtresse d’école de Justin qui dut fortement apprécier cette journée sans le terrible garnement.

Toute cette journée, entre deux sommeils tourmentés par son horrible mal de tête, l’enfant réfléchit à son aventure….

Etait-il le jouet de son imagination ?
Cette petite souris était-elle réelle ?

 Entre crédulité et scepticisme, l’enfant ne savait que penser.
 Il n’osait pas plus en parler à Papa et Maman, très inquiets pour l’instant de l’état de leur enfant. Vous imaginez, si en plus, Justin leur parlait de la-petite-souris-qui-parlait-alors-qu’une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas !