Ce fut le 10 septembre 1874, non loin de
Norwich – comté de Norfolk au Royaume-Uni.
Première
partie : l’accident
Dès
le lendemain de la catastrophe, les journaux titraient :
« Une
collision épouvantable a eu lieu hier soir sur le Great-Eastern railway, à
Thorpe, près de Norwich. Il y a eu 15 morts et 30 blessés.
Une affreuse collision frontale entre deux trains.
Comment un tel accident pouvait-il arriver ?
Le train postal quitta la gare de Yarmouth à 20 h 40.
L’express de 17 h avait quitté Norwich Thorpe à 21 h 30 et se
dirigeait vers Yarmouth.
Comme à chaque fois, le train postal devait emprunter une ligne
secondaire, celle de Brundall, afin de laisser la voie libre à l’express.
Mais, ce soir-là, rien ne fonctionna comme prévu.
Un face-à-face inévitable entre deux monstres de métal lancés l’un
vers l’autre à une vitesse de plus de 60 kms/heure.
Le choc fut effroyable, les machines dressées l’une contre
l’autre, accrochées l’une à l’autre dans un amas métallique enflammé, les
wagons à leur suite mis en pièces. L’immense fracas résonna dans la nuit naissante,
alertant les habitants de Thorpe qui se précipitèrent vers la voie ferrée,
guidés par des lueurs d’incendie.
Le spectacle était apocalyptique, sous une pluie diluvienne, des
flammes embrasaient les machines et de la vapeur s’échappaient dans un bruit
assourdissant des locomotives, des hurlements sortaient de dessous les wagons
encastrés les uns dans les autres, des rescapés erraient hagard recherchant désespérément
leurs proches, essayant d’être utiles.
Des secours arrivèrent de Norwich. Médecins, chirurgiens,
secouristes et gens de bonne volonté
prêtèrent main forte. La scène du sinistre fut éclairée par des feux qui,
en raison de la météo, ne prodiguaient qu’une faible lumière.
Malgré les efforts de tous, certains blessés ne purent être
secourus qu’après trois heures d’efforts soutenus. Trois longues heures
d’angoisses et de souffrance.
Une chance dans cette catastrophe. A une centaine mètres près,
les deux convois se seraient percutés sur un pont et les wagons auraient été
précipités dans l’eau de la rivière. Assurément, il y aurait eu encore plus de
victimes.
Parmi les victimes de cet effroyable accident se
trouvaient :
·
M. et Mme Hacey de Norwich
·
Le sergent
Ward
·
Le sergent-major Cassel de la milice de West-Norfolk
·
Mme Lincoln, servante.
·
M. Womack, tailleur.
·
Mme Gilding et son enfant.
·
Betts, employé de la compagnie, sa femme et son
enfant.
·
M. Page
·
D’autres voyageurs qui n’avaient pas encore été
identifiés
Et bien sûr :
·
Les mécaniciens et chauffeurs qui se trouvaient sur
les deux locomotives.
Beaucoup de blessés graves dont les deux chefs de train pour
lesquels le pronostic vital était engagé.
Il fut annoncé quinze, puis vingt, puis vingt-quatre victimes.
Ce dernier chiffre fut révélé dans un petit article de « l’Echo de Londres » publié quelques
jours plus tard.
Celui-ci disait :
« On raconte qu’un Français, M. Delvigne, se trouvait dans
le train de Norwich lors de l’affreux accident arrivé récemment près de Thorpe.
Il eut le bonheur d’échapper à la mort et ne reçut aucune blessure, mais il devint
fou sur-le-champ, prit sa course devant lui, fut arrêté comme aliéné et enfermé
dans une maison de santé à Norwich, d’où il s’échappa. On ne savait plus ce
qu’il était devenu, lorsque, mardi dernier, son corps a été retrouvé dans la
rivière. C’est la vingt-quatrième victime qui aura dû la mort à la catastrophe
de Thorpe. »