jeudi 27 août 2020

NOUVELLE HISTOIRE VRAIE - CHAPITRE 3


 

Nouvelle Histoire vraie

Chapitre 3

 

Le Roman de Marie-Angélique Guillin Pelletier

 Une vie qui commença le 15 avril  1863, au lieu-dit la Basse Closerie dans la commune de Bellavilliers dans l’orne.

A la mairie, ce jour-là,  Henri Constantin Pelletier, propriétaire-cultivateur, était venu déclarer la naissance de sa fille, Marie-Angélique Désirée dont sa femme, Marie Louise Bothereau venait d’accoucher.

Marie Louise était gantière et bien sûr, sa fille, Marie-Angélique suivant l’apprentissage de sa mère, devint elle-même gantière.

 La jeune fille rencontra un garçon….. logique et banal…. Mais pourquoi se maria-t-elle si tôt ?

En effet, elle n’avait que seize ans[1], le 15 avril 1880 lorsqu’elle convola avec Celestin Guillin, âgé de vingt-un ans.

Par amour, sans doute.

 

Les jeunes époux eurent deux enfants :

·         Adrien Achille qui naquit à Paris dans le 14ème arrondissement, le 5 janvier 1884

·         Angèle[2]….

 

Un premier malheur dans la vie de Marie Angélique Désirée Guillin, née Pelletier, fut le décès de son mari, le 15 février 1886 à Eperrais dans l’Orne, au domicile parental.

Célestin Guillin n’avait que vingt-sept ans.

Sur l’acte de décès, il est noté :

« Epoux de Pelletier Marie Angélique, 23 ans, domicile supposé à Paris »

Et concernant le défunt :

« décédé à son domicile de la Girondière à Eperrais »

 

Les époux vivaient-ils séparément ?

 

L’année 1912 fut une année des plus noires.

 

Le fils de Marie Angélique veuve Guillin, Adrien Achille[3], avait épousé, le  22 août 1908 dans la mairie du 5ème arrondissement de Paris, une demoiselle Louise Blanche Chenal.

Le 24 juin de l’année suivante naissait un petit Roger Adrien Léon.

 

1912 !!

·         Décès de Louise Blanche Chenal épouse Guillin, le 7 juillet, rue du Faubourg Saint-Antoine. Teinturière – 28 ans.

·         Décès de Adrien (Charles) Achille, le 3 décembre – au 48 boulevard de Bercy à Paris.[4]  Relieur – 28 ans.

 

En 1912, Marie Angélique Désirée Pelletier, veuve Guillin, habitait à Melun, Seine-et-Marne où elle était domestique chez un vieux monsieur qui, lui aussi, vint à mourir, laissant toutefois à sa fidèle domestique un legs de 20 000 francs. Une sacrée somme pour l’époque. Le temps de voir venir……

 

Alors, un jour de désœuvrement, cherchant à redonner un  sens à sa vie, lasse de tous ces deuils, elle décida de « refaire sa vie ».

Et pourquoi pas !

Et pourquoi pas…… les petites annonces dans le journal ?

 

Et voilà que cette dame, Marie Angélique, aperçut un petit encadré : un monsieur cherchait « l’âme sœur ».

 

Il ne fallut pas longtemps pour qu’une rencontre fût orchestrée et voilà Marie Angélique Désirée toute ragaillardie, racontant à ses voisins  son « coup de foudre » pour un homme charmant.

 

« Vous vous rendez compte ? Quelle chance j’ai eu !! Et grâce à une simple petite annonce !! »

 

 

Curieuse et bavarde, Marie Angélique Désirée, jusqu’à mettre son nez partout, ce qui n’était pas du goût de son nouvel amoureux.

Un jour, dans la maison de Vernouillet, s’étonnant qu’une porte restât  continuellement fermée à clef, elle en demanda la raison.

N’ayant aucune réponse, elle s’avisa de jeter un coup d’œil....... par le trou de la serrure.

« Petite effrontée !! s’écria le locataire du lieu, s’efforçant de garder son calme.

 

Qu’avait-elle aperçu par le trou de la serrure ?

Une chambre en désordre, avec sur le lit, des vêtements, un monceau de vêtements …… de femme.

Bien évidemment, elle voulut savoir à qui appartenait tout ce linge.

Ce fut après avoir lourdement insisté qu’elle reçut la réponse suivante :

« C’était la chambre de ma sœur. Elle a habité ici quelque temps et n’a pas encore débarrassé le lieu de toutes ses affaires. »

 

Marie Angélique avait raconté cette anecdote à ses voisines qui, même si elles rirent avec elle, soupçonnèrent quelque embrouille là-dessous.

Mais la femme                 amoureuse qu’était devenue, à présent, la veuve Guillin, ne vit rien de plus par le trou de la serrure que ce que son amant lui affirmait.

 

Paris mi-juillet 1915, les deux nouveaux tourtereaux visitaient ensemble leur futur nid d’amour à Vernouillet.

 

Paris fin juillet, Marie Angélique Désirée Pelletier, veuve Guillin, faisait des projets et notamment celui de quitter son logement, rue Crozatier, pour s’installer avec son nouvel amour dans une petite maison de Vernouillet.

 A la même époque, Marie Angélique envoyait un petit mot à sa fille, Angèle, lui promettant de lui écrire plus longuement après son emménagement.

 

Puis, plus de nouvelle.

 

Angèle, surprise, inquiète, puis angoissée, se rendit à Vernouillet, à l’adresse que lui avait donnée sa mère. Un monsieur la reçut lui affirmant qu’il ne connaissait point de Madame Guillin.

 

Personne, à partir du début août 1915, n’entendit plus parler de la dame Pelletier, veuve Guillin.

 

Quelques semaines plus tard, sous le nom de Monsieur Dupont, le séducteur chercha un autre domicile, son regard se tourna vers la ville de Gambais…..

 



[1] Lorsqu’une jeune fille se mariait très jeunes, c’était, souvent, en raison d’une naissance annoncée. Aucun enfant reconnu par le mariage, aucune naissance d’enfant dans les mois qui suivirent cette union. La jeune fille était-elle enceinte et fit-elle une fausse couche ? Impossible à dire.

[2] Aucune information sur la fillette. Est-elle née avant ou après son frère ? Rien pour le préciser.

[3] Sur l’acte de naissance le prénom est : Adrien Achille. Sur les actes de mariage et décès, le jeune homme est prénommé Adrien Charles.

[4] Aucune mention sur l’origine des deux décès.

Le jeu de gôt.......

 

De « de gôt » à « dégoter », il y a peu et « dégoter » pris, en 1740, le sens (en raison du mouvement du caillou ou de la balle dans le jeu) de « déplacer », puis vers 1757, de « chasser d’un poste » avec l’idée sournoise, toutefois, de chasser pour prendre la place….. comme le caillou du jeu……..

 

 

Pas toujours facile de dégoter……

Ce verbe serait normand et viendrait de la déformation du mot « cote », trou ou rond sur le sol dans lequel  les enfants poussaient un caillou ou une balle, en « gôt ».

Le gagnant de ce jeu « de gôt » était celui qui avait placé son caillou dans le cercle en délogeant  les cailloux des autres joueurs.

Ce n’est qu’en 1846, que dans un sens plus familier, plus moderne également, il fut employé pour « dénicher – trouver ».

« Dégoter », d’origine normande ?

Pour en avoir confirmation, car en effet ma grand-mère normande employait ce verbe, je me suis plongée dans « Le parler Normand » de Francis Yard.

Que dit ce dictionnaire ?

Tout d’abord, le verbe normand prend deux « T » et il possède plusieurs définitions.

1.       Se dit pour « trouver – retrouver – découvrir ». Sens que je lui connais depuis toujours.

2.       Se dit pour « surpasser  - prédominer – être supérieur ». Sens proche de « chasser quelqu’un de son poste  pour prendre sa place ».


Mais plus étrange encore:

3.       Se dit pour  « Voler  - dérober ». Ah !! j’en reste pantoise !!!

4.       Se dit à quelqu’un pour le féliciter d’être bien vêtu, d’être élégant :

« T’as un biau costeume, i dégotte » (tu as un beau costume, tu es élégant).

Là aussi, je suis des plus étonnées !!!

 

 

Comme quoi, pas facile les mots, cela explique les nombreux quiproquos……

 

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

 

 

jeudi 20 août 2020

DINGUER !!!

 

Dinguer .....

 

Un verbe qui, par son radical « din » ou « ding », scande le balancement d’une cloche, dont nous connaissons la variante « dand » que nous retrouvons dans « dandiner ».

 

« Dinguer », en 1540, possédait le sens de « vaguer »... sans doute pour « faire des vagues », « onduler ».....

Puis ensuite, vers le début du XIXème siècle, il s’employa pour « tomber – s’effondrer » (peut-être à force d’osciller....)

D’où l’expression, en 1833 :

« Envoyer dinguer » : repousser violemment.

 

« Dinguer », c’est aussi « valdinguer ».

En 1894, on ne valsait pas, on « valdinguait ».

 

Maintenant, dérivons avec les dérivés...

« Valdinguer » : faire sa valise, partir.

Voilà pourquoi, lorsque l’on voulait valdinguer dans une autre ville, dans un autre pays, outre le passeport réglementaire, on préparait son valdingue dans lequel on plaçait quelques effets personnels. Vous avez compris, un valdingue était une valise....

 

Mais revenons au sens premier... ding-dong.    

A partir de 1916, une personne dont les idées allaient de-ci – de-là, était nommée ou qualifiée de « dingue ».

Elle divaguait, cette pauvre personne... tiens, tiens, cela nous ramener au verbe « vaguer »....

Quelqu’un de dingue peut aussi se voir attribuer les qualificatifs de « fou » ou « cinglé » que, pour ma part, je n’aime pas du tout.

Je préfère le terme, moins agressif, apparu en 1907, de « dingo » orthographié aussi « dingot ».

 

Il y a également un autre mot, « une dinguerie », apparu en 1966..... une dinguerie est une action (ou un caractère) jugée un peu dingue.

·         Jugée, par qui ? Par quelqu’un de plus « dingot » sans doute !

·         Jugée, à partir de quel critère ? Nous voilà revenus aux normes et à la normale...

 

Etre « dingot » peut, tout simplement, vouloir dire «  être original ».

Dans ce cas, beaucoup d’entre nous, moi la première, le sommes un peu, beaucoup, passionnément...... à la folie.... !!!!

Pas de tout !!! Alors là, quelqu’un de « pas de tout  dingot », c’est d’une tristesse !!!!

 

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

NOUVELLE HISTOIRE VRAIE - CHAPITRE 2

 

 

Le Roman de Thérèse Laborde-Line – Turan

 

Thérèse Laborde-Line avait emménagé, depuis le mois d’avril 1914, dans un petit appartement au premier étage du 95 rue Patay, dans le  13ème arrondissement de Paris.

Elle se sentait bien seule.

Heureusement, elle pouvait toujours tailler une petite bavette avec la concierge de l’immeuble, madame Tréborel[1]. Il faut bien passer le temps…..

Il y avait aussi Madame Rozière, la gérante du dépôt de vin avec qui elle bavardait aussi de temps à autre.

Oui, mais tout cela n’y faisait rien, Thérèse Turan, veuve Laborde-Line souffrait de solitude.

 

Une veuve bien agréable et à la jolie tournure.

Ne disait-on pas d’elle, qu’elle portait bien son âge, malgré la cinquantaine approchante ?

Sa petite taille, ses cheveux bruns légèrement crêpés, son teint hâlé, son visage agréable et son corsage bien rempli faisaient que bien des hommes se retournaient sur son passage. 

Et puis, elle ne souhaitait pas, Thérèse, finir sa vie seule.

Ne pouvait-elle pas, encore à son âge, rendre un homme heureux ?

 

C’en était fini de cette solitude.

Depuis son installation à Paris, 72 rue des Gobelins, avec son fils,

Depuis le départ de son fils qui avait convolé le 19 février 1914, avec Adrienne Marie Louise Giroud, puis sa mutation à Nancy,

Et enfin, depuis son emménagement, dans le petit appartement  de la rue  Patay, elle avait fait le point sur sa vie et tout lui était revenu en mémoire, et cela depuis le jour de sa naissance.

 

Sa naissance !!! Elle avait vu le jour le 12 août 1868 à Chacornus, non loin de Buenos-Aires, en Argentine[2].

La mort de son père, le 7 septembre 1880 à Lay-Lamidou (Pyrénées Atlantique).

Son mariage avec Adrien Laborde-Line à Oleron-Sainte-Marie dans les Pyrénées, en juin 1886.

L’auberge familiale où il n’y avait aucun jour de repos.

La naissance de son petit, baptisé Vincent Laurent, dans  cette même auberge, le 22 octobre 1887. Un fils qu’elle n’avait pas vu grandir, tant la besogne était lourde.

Sa séparation d’avec Adrien, son époux et le décès de celui-ci[3].

Sa venue à Paris avec son fils et son installation rue des Gobelins. Ses multiples différends avec ce fils.

 

La vie était ainsi faite…

Avait-elle échoué dans cette vie ?

Elle ne pouvait le dire.

Un regret, assurément, celui d’avoir vu son fils partir au moment de la mobilisation générale d’août, sans avoir pu le serrer dans ses bras. Le voir, encore partir sous les drapeaux après avoir déjà effectué son service armé obligatoire d’octobre 1908 à septembre 1910, mais cette fois, face aux obus ennemis.

Le reverrait-elle ?

Si un malheur devait arriver, sa bru la préviendrait-elle ?

 

« Faut pas penser à tout ça, Madame Laborde, ça va vous ronger les sangs, lui répétait la concierge de l’immeuble. Y’a assez de malheur comme ça ! Et puis, vot’ fils, il est au télégraphe, il est pas en première ligne. »

 

Alors, comme  ses moyens fondaient comme neige au soleil, Thérèse Turan décida de chercher un emploi. Ce fut ainsi, qu’en consultant les annonces du « Petit Journal »,  son regard fut attiré par un petit encadré.

Un monsieur[4], esseulé lui aussi, chercher à rencontrer une dame……

« Pourquoi pas ! » pensa la veuve Laborde-line.

Elle répondit à l’annonce, courant mai, et début juin 1915, une rencontre, en tout bien tout honneur, fut programmée.

 

« C’est un monsieur très bien, sous tout rapport, affirma Thérèse Turan à sa concierge. J’ai l’impression d’avoir retrouvé mes vingt ans. Et prévenant avec ça, si vous saviez….. »

Et avec un sourire éclatant de bonheur, elle ajouta : « Nous allons nous mettre en ménage, en attendant les papiers que je dois demander en Argentine, pour que nous puissions nous marier. Nous allons nous installer dans une petite maison à la campagne. Je vous donnerai ma nouvelle adresse. »

 

Madame Tréborel s’étonna toutefois de cette précipitation et osa conseiller :

« Déjà ! Vous ne pensez pas que c’est un peu tôt, non ? »

 

Thérèse Turan, tout à son nouveau bonheur, haussa les épaules, pensant que cette réflexion n’était que jalousie de femme.

 

Et Thérèse Turan quitta son petit logement de la rue Patay. Le 15  juillet 1915, une voiture vint prendre tous ses meubles et effets.

Madame Rosière, dans son commerce de vin, fut étonnée que Thérèse ne fût pas venue la saluer avant son départ, elles avaient tant discuté de nombreuses fois.

« Les gens sont ainsi, pensa-t-elle, lorsqu’ils n’ont plus besoin de nous……. »

 

Vincent Laurent Laborde-Line trouva étrange de ne pas recevoir de réponse à ses lettres et de ne pas avoir eu un avis de réception de la somme de deux cents francs qu’il avait fait parvenir à sa mère, la sachant plus ou moins dans le besoin.

« Elle m’en veut encore », s’était-il dit avec une pointe de regret.

Et il ne chercha pas plus avant.

 

Le mystère du silence de Thérèse Laborde-Line, née Turan, depuis fin juin 1915, trouva son explication quelques année plus tard, au printemps 1919, dans la petite ville de Vernouillet.

 



[1] Dans certains journaux de l’époque la concierge de l’immeuble est aussi nommée : Thécharel…..

[2] Thérèse Turan avait vu le jour en Argentine. Je n’ai pu découvrir pourquoi ses parents, Jean Turan et Madeleine Laborde,  tous deux originaires du sud-ouest de la France, étaient allés dans ce pays. Avaient-ils émigrés comme beaucoup d’Européens à cette époque, espérant trouver en Amérique du Sud une vie meilleure ?

[3] Malgré des heures de recherches, je ne peux donner aucune information sur la date et le lieu du décès de Adrien Laborde-line.

[4] Aucun nom concernant le monsieur de cette annonce.

jeudi 13 août 2020

HISTOIRE VRAIE ........

 


Nouvelle Histoire vraie

Chapitre 1

 

Le Roman de Jeanne Jamast

 

Jeanne était aux anges. Jamais, elle n’aurait cru retrouver l’amour !!!

Etait-ce, enfin, la fin de tous ses soucis, de cette solitude qui lui pèsait tant ?

 

En ce mois de février 1914, il faisait un froid sec, mais le soleil, au rendez-vous, donnait envie de flâner. Jeanne avait laissé ses pas la guider vers le jardin du Luxembourg et là, s’était assise sur un banc.

Un monsieur, fort bien mis, lui avait demandé si cela la gênait qu’il s’assoit sur le   banc qu’elle occupait.

« Nullement ! avait-elle répondu et le monsieur distingué s’était alors installé et avait ouvert un journal qu’il parcourait nonchalamment. Enfin, il faisait semblant de lire tout en observant sa voisine.

La conversation ne mit pas longtemps à s’engager entre ces deux personnes assises sur le même banc.

 

« C’est un monsieur fort comme il faut et plein de charme, avait-elle expliqué, pleine d’enthousiasme, le soir même à sa sœur, Philomène. Il est commis des postes et n’a pas eu de chance dans la vie. Il est divorcé et a deux fillettes. Au fait, je ne t’ai pas encore dit son nom. Il se nomme Raymond Diard. »

Bien sûr, Philomène ne pouvait qu’être heureuse de voir sa sœur sourire de nouveau, elle l’avait tant vu pleurer !

 

Natives toutes deux de Fresne-en-Tardenois dans l’Aisne, leurs parents Pierre Henry, dit Remy, Jamast et Philomène Bernauche étant décédés, elles s’étaient rapprochées l’une de l’autre. Philomène, en sa qualité de « grande sœur », avait un regard protecteur sur sa cadette.

 

Entendant les deux jeunes femmes discuter, Georges Meyer-Friedman, l’époux de Philomène s’exclama :

«  Trop poli pour être honnête assurément, ce Raymond Diard !

-       Oh toi ! avait rétorqué Philomène, tu vois le mal partout. Moi, je suis certaine que c’est un honnête homme. Tu ne vas pas lui enlever ses espérances.

 

 

Jeanne Jamast avait vu le jour le 11 mai 1875 à Fresne-en-Tardenois.

Tout comme sa mère, Philomène Bernauche, elle était couturière.

Le 3 juin 1897, elle avait mis au monde un garçon, issu d’une liaison qu’elle avait eue  avec Marie Martial Jules Cuchet.

La naissance du bébé fut déclarée à la mairie de Paris 4ème arrondissement par Marie Bernheim, la sage-femme ayant aidé à la naissance, au domicile de la jeune maman, 51 rue Saint-Louis à Paris.

L’enfant ne fut reconnu par ses parents que le 31 octobre 1898 et légitimé par mariage le 12 mars 1904.

En effet, à cette date, Marie Martial Jules Cuchet, né le 22 juin 1864 à Limoges dans la Haute-Vienne, voyageur de commerce demeurant 115, rue Lafayette à Paris et Jeanne Jamast avaient convolé en justes noces.

Un bonheur bien bref, puisque en 1910[1], Marie Martial Jules Cuchet décéda, laissant esseulée la jeune veuve dont le fils n’avait que treize ans.

La vie avait continué….. Jeanne Jamast n’avait pas eu d’autre choix que de faire face. Une seule consolation, son fils, Georges Antoine, dit André, un brave garçon qui en ce début d’année 1914 travaillait comme commis-vendeur en lingerie.

Bien sûr, elle n’était pas sans ressource, car elle possédait une clientèle fidèle, ainsi qu’un petit pécule d’économie d’un montant de 5 000 francs.

 

 

Malgré les mises en garde et les réticences de son beau-frère, Jeanne Jamast, veuve Cuchet, poursuivit sa relation avec le nommé Raymond Diard. Celui-ci loua alors une petite maison, près de Chantilly, à La-Chaussée-Gouvieux. Une date pour le mariage fut fixée.

Mais les projets se virent bousculer en raison de la déclaration de guerre en août 1914.

 

Ce fut quelque temps plus tard que Raymond Diard dut s’absenter, sans en préciser la raison. Mais  où se trouvait-il[2] ?

Jeanne en profita pour faire un peu de rangement et dans une malle appartenant à son futur, elle découvrit l’inconcevable.

 

Des papiers et des carnets. Un livret de famille sans aucune mention de divorce.

Raymond Diard …… ce n’était même pas son nom !!!

Et puis des courriers de femmes……. Des lettres enflammées. Il avait donc des maîtresses !!

Et par-dessus tout cela, une autre déception….. elle  s’aperçut que celui qu’elle croyait sincère et honnête avait vider tous ses comptes. En totalité 5 000 francs. Toutes ses économies !!

Tous ses rêves de bonheur retrouvés tombaient d’un seul coup !

 

Jeanne Jamast prit ses affaires et s’en retourna vivre chez sa sœur.

Il n’était plus question qu’elle restât un instant de plus dans cette maison qu’elle pensait être celle « du bonheur retrouvé ».

 

Devant la mine déconfite et les larmes de sa belle-sœur, Georges Meyer-Friedman ne se priva pas de railler :

« Je t’avais prévenue ! Trop gentil pour être honnête ! Maintenant, il ne te reste plus que tes yeux pour pleurer ! Ah, les femmes et leurs désirs d’amour ! Tu as tiré le gros lot assurément ! Un escroc ! Un aigrefin ! Une chance, il aurait pu te tuer……. »

Jeanne Jamast avait compris. Délestée de tout son argent, elle se méfierait, à l’avenir, ça elle pouvait le jurer !

 

 

Mais Jeanne Jamast ne voulait pas en rester là. Elle voulait comprendre.

Aussi commença-t-elle à suivre celui qui était pour elle, Raymond Diard.

Jeanne manqua-t-elle de discrétion ? Assurément.

Pour ne pas être pris au dépourvu, le sieur Diard se présenta de lui-même au domicile de son ex-conquête, en fait celui des Meyer-Friedman, après avoir échafaudé une histoire vraisemblable le faisant passer, lui, pour la victime.

 

Oui, il n’était pas encore divorcé….un mensonge pour ne pas  l’effrayer….. Le divorce ne devrait pas tarder, encore quelques semaines de patience.

Et ça avait marché, car après une colère bien  légitime en raison des événements, Jeanne céda.

D’autant plus que quelques jours plus tard, cet homme, fort habile, revint, et cette fois, accompagné de deux fillettes âgées de dix et onze ans[3].

Ses filles. Ses amours !!!

 

Comment résister aux excuses enjôleuses ?

Comment ne pas poser un regard aimant sur les deux charmantes fillettes ?

 

Et l’idylle reprit de plus bel, et afin de prouver sa sincérité, en décembre 1914, Raymond Diard loua une maison, à Vernouillet, sous le nom de « Cuchet ».

Seule condition, et pas des moindres, Jeanne devait couper définitivement les ponts avec sa sœur et son beau-frère.

« Tu comprends, avait-il expliqué à Jeanne, ils ne m’aiment pas et cette animosité rejaillira sur le bonheur de notre foyer ! »

Bah voyons !!!!

 

Pour visiter le futur nid d’amour, accompagné de Jeanne et de son fils, ce fut en train que Raymond Diard se rendit à Vernouillet……..

Ce dernier épisode concernant Jeanne Jamast, veuve Cuchet, se passa un samedi de février 1915, dans cette ville…..

La jeune femme et son fils  disparurent ce jour-là…….

 

Le lundi suivant, ce fut seul que Raymond Diard revint à Paris où il ne tarda pas à négocier des titres et déposer les meubles de la veuve Cuchet dans un entrepôt de Clichy[4].

 

 

Un peu plus tard, en 1915, cet homme, Raymond Diard, plus que louche, devint, sous le nom de Lucien Frémyet, locataire d’un appartement non loin de la gare de l’Est à Paris.

 



[1] Cette date apparait sur divers documents, mais aucune confirmation du jour, du mois et voire de l’année. Mes recherches  sur Paris et Limoges se sont révélées infructueuses.

[2] Cet homme, que nous appelleront donc Diard,  n’en étant pas à sa première escroquerie dut répondre à quinze plaintes. Quinze plaintes pour  la somme de 35 600 francs ! Mazette !!

Il fut alors condamné à quarante-huit mois de prison par défaut et mille francs d’amende.

Peine de prison qu’il ne fit pas…

[3] Encore une manigance. Le soi-disant père avait « emprunté » les deux fillettes. A qui ? Comment ? Pour quelle rémunération ?

[4] La totalité des meubles fut retrouvée en 1919.