Les loups qui ont fait parler d’eux.......
La bête du Gévaudan – chapitre 6
Les louvetiers du royaume - 3
Début juin 1765, le
« loup » courait toujours, le « loup » tuait toujours.
Pourtant, l’étau semblait se
resserrer autour de lui. Il apparaissait de plus en plus probable que son
repaire se trouvait sur le Mont Mouchet où un certain Antoine Chastel,
à la sombre réputation de meneur de loups, vivait retranché........
Les d’Enneval bien qu’ayant
dépensé beaucoup d’énergie, se rendant sur place après chaque attaque et
analysant la « scène de crime » avec minutie, n’obtinrent pas plus de
résultat que le capitaine Duhamel.
Un fiasco des plus complets !!!
Sur la route, en direction du
Gévaudan, Monsieur Antoine de Beauterne, avec son fils cadet, huit capitaines
de la garde royale, six gardes-chasse mis à disposition par le prince de Condé,
le duc d’Orléans et le duc de Penthièvre, des domestiques et valets de limiers
accompagnant des chiens de la louveterie royale, au nombre de quatre.
C’était le 8 juin 1765.
L’équipage, au grand complet, arriva le 16 juin 1765 à Clermont-Ferrand.
Ce jour-là même, les d’Enneval
chassant la bête infernale, la débusquèrent près de Julianges. Elle était, là,
à portée des tirs des fusils, mais elle rebroussa chemin et les chasseurs
perdirent sa trace
Messieurs Antoine de Beauterne
arrivèrent à Saint-Flour, le 20 juin
1765. Ils étaient attendus au Malzieu par Martin d’Enneval, dans la soirée du
samedi 22 juin.
Il était convenu que les deux louvetiers
unissent leurs connaissances en matière de chasse pour terrasser cette bête du
Gévaudan.
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Qui est François Antoine de
Beauterne, dit Monsieur Antoine ?
Né en 1695, à
Saint-Germain-en-Laye, il hérita, de son père, la charge de porte-arquebuse du
roi.
« Lieutenant commissionné
des chasses du roi », il avait également la charge de garde des « magasins des
poudres royales », des fusils du roi, et des armes de guerre.
Fils de Jean-Marc
Antoine, Seigneur de Champeaux, faisant partie de la noblesse, il avait
l’oreille attentive du roi.
Autre avantage et pas des
moindres, François Antoine, cet homme d’environ soixante-dix ans, était bon et
simple, aussi, dès son arrivée, il sut attirer à lui l’admiration de la
population qui lui apporta son aide.
-=-=-=-
D’Enneval et Antoine, les deux
chasseurs de grande renommée, travaillèrent donc de concert à la destruction de
l’animal, bien que n’ayant pas les mêmes stratégies. En effet, Monsieur
Antoine, contrairement à Monsieur d’Enneval, préférait les affûts
et les appâts.
De désaccord en
désaccord entre les deux louvetiers et en raison de ceux-ci, les d'Enneval,
père et fils, reçurent l’ordre du roi de retourner dans leur Normandie. Aussi
quittèrent-ils le pays du Gévaudan le 28 juillet. Malgré leur échec, le roi Louis XV leur octroya une pension
annuelle de trois-cent-cinquante livres. Outre cette somme rondelette, leur
expédition infructueuse coûta au royaume de France, trois-mille-six-cents
livres.
Juillet 1765, la bête avait déjà
tué pas loin de quatre-vingts personnes.
François de Beauterne écrivit,
cinq semaines après son arrivée en Gévaudan :
« .. J’ai exercé depuis
cinquante ans toutes sortes de chasses tant en France et en Allemagne qu’au
Piémont et dans les Pyrénées ; et je n’ai jamais vu de pays pareil à
celui-là et aussi difficile... »
Il était vrai que le climat y
était particulièrement difficile et le
terrain très tourmenté.
Septembre 1765, plus de
quatre-vingts personnes avaient trouvé la mort sous les crocs de la bête,
cinquante autres avaient été blessées.
Devant l’impatience du roi, devant
les sarcasmes de la presse étrangère (Allemagne, Angleterre, Espagne....),
François Antoine, de plus en plus amer et désespéré de n’avoir pu faire mieux
que ses prédécesseurs, devait faire vite, d’autant plus que l’automne arrivait
avec ses brouillards épais et ses jours raccourcis, suivi de l’hiver aux neiges
abondantes, à la froidure excessive. L’animal devait donc être abattu sans
tarder.
Louis XV, malgré tout, accepta
d’envoyer douze chiens supplémentaires.
Le 20 septembre 1765, quarante
tireurs de Langeac vinrent prêter main forte à François Antoine.
21 Septembre.
Quelle est cette rumeur ?
Une rumeur qui enflait et se
confirma dans les faits : la bête venait d’être abattue par François
Antoine, dans le Velay à une vingtaine de kilomètres du Besset, à Sainte-Marie-des-Chazes.
Le scepticisme régnait.
Pourquoi à cet endroit, alors que
depuis des mois, l’animal rôdait du côté de Besseyre, Venteuges, Servières,
Julianges ?.......
Le doute envahissait la
population. Cela semblait trop beau, trop rapide après tous ces mois de chasses
infructueuses. Et puis, ce loup était accompagné d’une femelle et de deux jeunes,
alors que « la bête » poursuivie depuis tout ce temps, était un loup
solitaire...... Alors ?
Un chirurgien de la ville de
Clermont, le docteur Jaladon, fut chargé d’autopsier la bête et de l’embaumer,
afin qu’elle puisse voyager jusqu’à Versailles pour être présentée au monarque
qui venait d’être prévenu de sa destruction, et d’être exposée en divers
endroits.
Voilà un extrait du compte-rendu
du docteur Jaladon :
« C’est un loup carnassier.
On a trouvé dans son corps des os de mouton et des morceaux d’étoffe
rouge ; les muscles de son cou sont énormes et indiquent une force
exceptionnelle. Ses côtes sont disposées de façon que l’animal avait la faculté
de se plier de la tête à la queue. Ses yeux sont étincelants et il n’était
guère possible de soutenir leur regard. En un mot, son aspect est celui d’une
bête terrible ! »
« A la mâchoire supérieure,
dix-huit dents, à savoir six incisives, deux défensives (les crocs) et dix
molaires. A la mâchoire inférieure, vingt-deux dents, à savoir, six incisives,
deux défensives et quatorze molaires. »
« Hauteur trente-deux pouces,
longueur cinq pieds sept pouces et demi, grosseur du corps trois pieds, un
poids de cent-trente livres.... »
La bête a été mise à mort !!!
Sa dépouille embaumée à la va-vite
supporta mal le voyage. Exposée à la vue d’un large public, celui-ci ne put
l’approcher tant elle dégageait une odeur de pourriture indescriptible.
François Antoine de Beauterne
quitta le Gevaudan, le 3 novembre 1765. Il arriva à son domicile de
Fontainebleau, le 11 novembre.
Le roi de France l’accueillit
chaleureusement en personne et le décora de la Croix de Saint-Louis, tout en le
gratifiant également d’une pension annuelle conséquente. François Antoine eut
droit de placer, dans ses armoiries, l’effigie de « la bête du
Gévaudan ».
Sans vouloir être mesquine, les
vingt semaines de la présence de François Antoine de Beauterne coûtèrent
14 060 livres auxquelles il fallait ajouter les achats de chevaux et de
fourrage. Un total qui se monta à 17 000 livres.
Sans oublier la récompense d’un
montant de 9 600 livres que François Antoine partagea équitablement entre
ses gardes.
Et tout cela pour la sécurité de
la population du Gévaudan...... tranquillité de courte durée car de nouvelles
attaques eurent lieu dès la fin octobre 1765, mais là, Versailles s’y
désintéressa totalement.
A suivre
.........