jeudi 27 juillet 2023

Un crime des plus horribles ! - Introduction

 


A l’assassin que la brigade de gendarmerie venait d’arrêter, il fut demandé :

« Pourquoi avez-vous fait ça ? Quel mobile vous a poussé ? »

 

Celui-ci répondit, étonné de cette question :

«Eh bien quoi ! C’était pour voler. Il faut bien vivre. J’avais besoin de voler pour vivre ! »

 

C’était au début du printemps 1898 dans un bourg de l’Eure.

Voici l’horrible histoire.....

Il y a « mail » et « mail », il ne faut pas s’emmêler !

 

 

Le premier mail que je vais évoquer, remonte bien avant l’arrivée de l’informatique, car il était déjà utilisé vers.... 1080 !

·         Mail, du latin malleus, désignant un marteau ou un maillet.

Mais, au-delà de ce marteau, le joueur de mail, en 1636, utilisait un maillet à long manche pour pousser une boule en bois sur un parcours parsemé d’embûches.







À partir de ce jeu de plein air, un mail désigna, quelques décennies plus tard, une promenade publique (avec peut-être, ici et là, quelques joueurs de mail en exercice), généralement située en bordure d’un fleuve ou un cours d’eau.

 







En 1803, toutefois, le mail reprit son sens originel pour nommer un gros marteau de carrier.

Et puis, à partir de ce mail, la déclinaison des mots suivants :

·         Un maillet :

o   En 1190 : un heurtoir.

o   En 1230 : un marteau en bois.

o   En 1306 : une arme contondante.

·         Mailleter (1350), verbe transitif :

o   Se servir d’un maillet.

·         Un mailletage (1771) :

o   Action de mailleter.

·         Un mailleton (1551) :

o   Sorte de maillet.

·         Une mailloche (1409) :

o   Gros maillet de bois, mais également baguette (1873), terminée par une balle en peau ou en laine, utilisée dans les orchestres à percussion (xylophone – métallophone – timbales – grosse caisse ....) et dont l’usage donne le verbe, maillocher.

 




Et bien sûr, il y a le mail, bien plus récent, emprunté au verbe anglais to mail (poster) et qui arrive sur la messagerie électronique, en deux clics.

 




Des mails, en veux-tu en voilà ! À vous de ne pas vous fourvoyer !

 

Sur un mail, un joueur de mail, un maillet à la main pense tout à coup qu’il a oublié son mail chez un ami. Afin de récupérer l’objet, ce joueur de mail maile aussitôt un mail à cet ami.

Quelle histoire !

 

 

   Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 19 juillet 2023

La destinée de Charles Nicolas Valentin Chauvet - Huitième partie

 Qu’est-il advenu de Marie Éloïse Chauvet, veuve Julien, épouse Brard ?

 

Une fiche d’écrou de Rouen donne les renseignements suivants :

 

Femme Brard Marie Éloïse Chauvet

Fille de Nicolas Charles et de Marie Rose                

Delahais

Née à Bocasse Val Martin le 7 avril 1825

Demeurant à Déville-lès-Rouen

Ménagère

 

Entrée le 23 octobre 1876

50 ans

1 m 53 – cheveux châtains – yeux gris

 

Mariée à Alexandre Brard

Deux enfants

Non vaccinée

Catholique

 

Dans un sac :

·         3 chemises – 3 jupons – 1 pantalon noir

·         1 robe popeline noire

·         2 paires de bas de couleur

·         2 paires de bas coton blanc

·         Des chaussons et sabots

·         1 tablier cotonnette

·         1 tablier gris laine

 

Inscrite le 23 octobre 1876 au greffe de la maison de justice de Rouen par Leroux, gendarme à pied, par ordre du procureur général de Rouen, le 21 octobre 1876.

 

Accusée d’empoisonnement.

 

La cour d’appel de Rouen chambre des mises en accusation.

Sortie le 21 novembre 1876 pour être conduite à la maison d’arrêt de cette ville.

 

Rien d’autre !

 

 

Marie Éloïse Chauvet fut graciée le 1876.

Un article dans un journal l’atteste.

 

Un autre journaliste écrivit que le 3 mars 1877, elle fut condamnée aux travaux forcés.

Mais là, aucune fiche dans les divers bagnes.

Ne fut-elle pas, tout simplement, condamnée à la prison à perpétuité ?

À Rouen ?

Dans un autre établissement ?

Le mystère demeure.

 

Une autre énigme : Que sont devenues les filles de Marie Éloïse Chauvet ?

 

L’aînée n’avait pas témoigné au procès de sa mère, ni à celui de son beau-père.

 

Dans le cas de problèmes de justice, les membres de la famille d’un condamné ne restaient jamais dans la même ville, la même région.

Trop lourd à porter.

 

Et puis, Marie Éloïse Chauvet avait eu deux filles et en se mariant (si elles se marièrent), elles changèrent de nom.....

Difficile alors de les retrouver.

 

Une bien triste affaire que celle de Marie Éloïse Chauvet qui, par cupidité, avait en fait, tout perdu.

 

A bientôt pour une autre affaire criminelle......

La gadoue

 


Petula Clarck interprétait, en 1966, une chanson dont nous devons les paroles à Serge Gainsbourg et qui avait ce titre, la gadoue, succès repris par Jane Birkin.

 

Du mois de septembre au mois d'août, faudrait des bottes de caoutchouc
Pour patauger dans la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh ! La gadoue, la gadoue !
Une à une les gouttes d'eau me dégoulinent dans le dos
Nous pataugeons dans la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh ! La gadoue, la gadoue !

Vivons un peu sous le ciel gris-bleu d'amour et d'eau de pluie et puis
Mettons en marche les essuie-glaces et rentrons à Paris

Ca nous changera pas d'ici, nous garderons nos parapluies
Nous retrouverons la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh ! La gadoue, la gadoue !

Il fait un temps abominable, heureusement tu as ton imperméable
Et ça n'empêche pas la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh ! La gadoue, la gadoue !
Il fallait venir jusqu'ici pour jouer les amoureux transis
Et patauger dans la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh ! La gadoue, la gadoue !

Vivons un peu sous le ciel gris-bleu d'amour et d'eau de pluie et puis
Mettons en marche les essuie-glaces et rentrons à Paris

L'année prochaine nous irons dans un pays où il fait beau
Et nous oublierons la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh ! La gadoue, la gadoue !

 

 

Les plus anciens d‘entre vous ont encore en mémoire paroles et musique.

Mais au-delà du parapluie indispensable en temps de pluies, il est également nécessaire de se munir de bottes en caoutchouc.

 

 

Si la gadoue a existé avant l’apparition des premiers Hommes, le terme gadoue, lui, arriva dans le langage, seulement vers 1561.

Mais avant, les différentes peuplades pataugeaient dans quoi ?

Avant, il existait, bien évidemment, un autre mot.

 





Gadoue ?

L’origine du mot est toutefois obscure, j’oserai même dire que cette origine est boueuse.

 

·         Nom féminin dérivé de gade, nom désignant la boue.

ou

·         Rapprochement entre :

Gué : boue

Et

Doué : fossé ou encore canal pour l’écoulement des eaux.

Ce rapprochement aurait alors donné le mot, gadouille.

Le temps ayant fait son œuvre évolutive, et voilà qu’apparut, gadoue.

 

Le dictionnaire donne la définition suivante :

·         Gadoue : mélange de matières fécales et d’immondices, employé autrefois comme engrais.

Mais aussi, terre détrempée.

 

Ce mot a également qualifié « une femme malpropre » - pourquoi ce mot fut attribué seulement aux femmes !! Là je m’insurge !! – ou encore une prostituée (1857). La totale !!!!

 

La gadoue, terre détrempée, bourbier dans lequel on s’enlise et qui fut à l’origine de beaucoup d’accidents ou encore de défaites lors de batailles, telles Azincourt (1415), Waterloo (1815).... et sans doute bien d’autres.




 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

 « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 12 juillet 2023

La destinée de Charles Nicolas Valentin Chauvet - Septième partie

 


Aussitôt le jugement aboutissant à sa condamnation à la peine de mort, Marie Éloïse Chauvet demanda audience aux magistrats.

Pour quelle raison ?

Pour préciser que, bien évidemment, elle avait mis le poison dans la nourriture de son père, mais qu’elle ne l’aurait pas fait, si son époux Alexandre Frédéric Brard, ne lui avait pas procuré les dits poisons, à savoir, l’acide chlorhydrique et l’arsenic.

 

De ce fait, cet époux n’avait-il donc pas été la main armée de ce meurtre ?

N’était-il pas complice de ce parricide ?

 

Ce revirement était-il une manœuvre demandée par son avocat ?

 

Et voilà, en ce 28 février 1877, Alexandre Frédéric Brard assis sur le banc des accusés de la cour d’assises de Rouen, face à ses juges.

Brun et de haute stature, il avait une attitude humble et modeste et un regard vif et expressif. Il répondit aux questions d’une voix claire.

 

Alexandre Brard expliqua  qu’il avait épousé Marie Éloïse Chauvet le 16 mai 1870 et qu’il vivait en bonne intelligence avec son beau-père. Il ne cacha pas que l’argent manquait souvent dans son foyer et que son épouse attendait le décès de son père afin de pouvoir hériter.

Elle évoquait souvent cette disparition qui tardait à venir et pensait, de ce fait, à donner un petit coup de pouce au destin.

Il avoua s’être lui-même procurer les deux poisons, mais sans croire que son épouse pourrait s’en servir.

« Ils étaient là, en haut d’un placard. J’ les avais apportés pour avoir la paix, mais je ne pensais pas que Marie s’en servirait. Pour moi, c’était paroles en l’air.

-          Pourtant, vous avez demandé à plusieurs personnes de se charger de faire disparaître votre beau-père. Des témoins l’ont confirmé, comme M. Michel[1]... qui tient le Mont-de-Pitié où vous laissiez régulièrement divers objets en gage. Votre femme avait aussi contacté un de vos cousins éloignés, vivant à Fontaine-le-Bourg, lui proposant de l’argent pour faire le coup.

-          Je pensais que tout cela était paroles en l’air..... j’ voulais la paix, que les plaintes de ma femme s’arrêtent. J’ voulais qu’elle se taise et j’ pensais qu’avec les poisons, là, à portée de main.....

-          Mais sans le poison que vous avez apporté dans votre maison, ce désir de voir disparaître Monsieur Chauvet père ne serait resté que paroles à l’air, justement....

 

Louise Julien, la dernière fille de Marie Éloïse Chauvet, belle-fille de l’accusé, vint témoigner à la barre, elle dit simplement :

« Le père Chauvet, il était pas toujours de bonne humeur. La femme Brard ne l’aimait pas et souhaitait sa mort. C’est elle qui menait le ménage !»

 

Un témoignage bref dont les paroles révélèrent un total détachement vis-à-vis de son grand-père et aussi de sa mère qu’elle nomma « femme Brard ». La dernière phrase « c’est elle qui menait le ménage » n’était-elle pas une manière d’innocenter son beau-père qui face à sa mère n’avait pas droit au chapitre ?

Montrait-elle aussi, Louise, que le ménage de sa mère et son beau-père n’allait pas vraiment bien ?

 

Monsieur Chrétien, substitut du procureur général, réclama au jury une condamnation exemplaire.

Maître Henri Vermont, avocat de l’accusé, plaida l’acquittement.

Chacun sa mission.

 

Alexandre Frédéric Brard fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.

 

-=-=-=-=-=-

 

Deux documents donnent quelques renseignements supplémentaires concernant Alexandre Brard :

·         la fiche individuelle du registre d’écrou de Rouen

·         la fiche de bagne

 

Commençons pas la fiche du registre d’écrou. Elle nous apprend :

 

Brard Alexandre Frédéric

Fils de Victor et Clémence Ancourt

Né le 3 janvier 1841

Domicilié à Déville-lès-Rouen

Charpentier

37 ans – 1 m 73 – cheveux châtain – front découvert – yeux gris.

Une tache de rousseur sur le nez – une cicatrice annulaire de la main droite – une cicatrice poignet gauche.

 

Entré le 25 janvier 1877.

Ce jour-là, il était vêtu de :

Un chapeau de soie – un pardessus en drap bleu – un gilet de velours noir pointillé de vert – un pantalon de drap gris – une chemise en toile - une cravate noire – des bottes.

 

Il est noté que le 25 janvier 1877, il avait été remis par le sieur Pinguet, gendarme.

« Remis », comme un objet....

 

Puis les mentions suivantes :

Accusé d’empoisonnement.

Condamné le 28 février par arrêt de la cour d’assises 76 aux travaux forcés à perpétuité.

Transféré à la prison de Rouen.

 

Prenons connaissance de la fiche de bagne, à présent :

 

Condamné au bagne en Nouvelle-Calédonie.

Embarqué sur le Navarin en octobre 1877.

Matricule 9512

 

Brard Alexandre Frédéric

Ecroué n° 3651

Fils de Simon Victor et Clémence Marie Rose Hancourt

Né à Mesnil-Panneville (76), le 8 janvier 1841

36 ans

Domicilié à Déville-lès-Rouen

Charpentier

Condamné le 28 février 1877 par les assises de Rouen pour complicité d’empoisonnement aux travaux forcés à perpétuité.

Rejet au pourvoi le 23 mai 1877

Ecroué le 11 avril 1877

 

Autres mentions :

1 m 75 – cheveux bruns – yeux gris – visage ovale – teint frais.

Signe sur la joue gauche et sur la droite – une cicatrice au-dessous du téton gauche – une grande cicatrice sur le bras droit.

Marié à Héloïse Chauvet

Catholique.

Illettré.

 

 

En ce qui concerne l’état-civil, ce n’est pas très rigoureux.

Peu précis également la taille du condamné.

Quant aux signes particuliers, ils ne sont absolument pas identiques.

Alexandre Brard avait donc fait appel, puisqu’il y avait eu « rejet au pourvoi ».

 

Dernier renseignement concernant Alexandre Frédéric Brard :

Décédé le 18 janvier 1899.

 

 

 

 



[1] Dans le compte-rendu du procès du Journal de Rouen, il n’est mentionné que le prénom « Michel », sans nom de famille.