Première partie : Que
s’était-il passé en ce 27 août
1881 ?
Que s’était-il passé, au numéro
48 de la rue du cimetière à Sotteville-lès-Rouen, le 27 août 1881 ?
Attroupés devant le débit de
boisson nouvellement construit et tenu par le couple Alavoine, les voisins se
posaient cette question, surtout depuis que la maréchaussée avait pénétré les
lieux.
Si la police s’était déplacée,
l’affaire devait être grave.
Les commentaires allaient donc
bon train d’autant plus que les informations qui circulaient étaient
contradictoires.
« C’est qu’il y aurait eu le
feu ! affirma une femme qui semblait bien renseignée. C’est l’ père
Delmotte qui m’ la dit. C’est lui qui a éteint les flammes.
— Et l’Emilie ? Où c’est
qu’elle elle ? s’inquiéta une autre.
— I’ paraîtrait qu’elle est passée,
lui répondit son voisin, la casquette à la main en signe de respect devant le
mort supposée de la pauvre femme.
— Oh ! s’exclamèrent les commères
autour de lui.
— Morte ! s’exclama une
vieille femme au visage buriné et creusé de nombreuses rides. Fallait s’y
attendre, avec toutes ces querelles à longueur de temps. C’est que l’ Félix,
c’était point un tendre. Et en plus, i’ buvait bin plus que d’ raison !
— L’ commerce marchait pas fort, à
c’ qu’on dit !!
— Avec un pareil patron, plus à
courir le jupon, qu’à travailler. La pauvre Emilie, elle en a vu des vertes et
des pas mûres[1]
Et blablabla et re-blablabla.....
Les vannes des commérages étaient
ouvertes, produisant un déferlement de
commérages parcourait la foule. C’était à celui ou celle qui en dirait
le plus...... jusqu’à ce que le silence
se fit, devant deux gendarmes sortant du débit de boissons, encadrant le patron,
Félix Alavoine, qui arborait une mine déconfite.
Une figure de coupable ou de
victime ?
Mais avant, pour comprendre le
présent, il faut se replonger dans les années qui ont précédé l’événement de ce
mois d’août 1881.
[1] Expression normande. Par « des vertes et des pas mûres », il faut entendre « de toutes les couleurs ».