jeudi 30 juillet 2020

NOUVELLE HISTOIRE VRAIE


HISTOIRE VRAIE


Avant de débuter cette nouvelle « histoire vraie », je souhaiterais vous poser une question :

Quels liens existent entre :

·         Jeanne-Marie CUCHET JAMAST – couturière -   Née le 11 mai 1875 - Fresnes-en-Tardenois (Aisne).
·       Thérèse LABORDE-LINE - Née le 12 août 1868 - Chascomus (Argentine ).
·         Marie-Angélique GUILLIN PELLETIER - Née le 15 avril 1863 - Bellavilliers (Orne).
·         Berthe-Anna Heon –  Née en 1860 – Le Havre ( Seine-Maritime).
·         Anne COLLOMB,  dactylo,   Née en 1872.
·         Andrée-Anne BABELAY -   domestique - Née en 1898.
·         Célestine BUISSON LACOSTE - femme de ménage.
·         Louise-Joséphine JAUME -  couturière -  Née en 1879.
·         Anne-Marie PASCAL - Née le 5 novembre 1880 – Toulouse ( Haute-Garonne ).
·         Marie-Thérèse MARCHADIER - Née le 27 octobre 1881 - Bordeaux ( Gironde ).
·         André CUCHET, fils de Jeanne Marie Cuchet – né le 3 juin 1897 – Paris 4ème.

 
Il vous faudra patienter jusqu’à la semaine prochaine pour connaitre la réponse et en apprendre un peu plus sur ces 10 femmes et ce jeune homme.


Greluche et greluchon



 


Greluchon, en 1725, était le nom donné à un saint imaginaire.
Dans le Berry, par exemple, on invoquait Saint-Greluchon pour remédier à des problèmes de stérilité, car ce saint, en ce domaine, avait d’immenses pouvoirs, disait-on.

« Greluchon », mot issu de « grelot »..... ? ! ......

Quittons le domaine des cieux, et redescendons sur terre pour nous rendre sur les boulevards..... et plus exactement dans les « théâtres des boulevards », pour assister à un vaudeville.
Dans cette pièce, il y a une femme. Belle, bien évidemment, et avec un charme fou.
Cette femme vit dans un appartement somptueux offert par  son amant, un homme d’âge certain ou encore d’un certain âge,  mais qui a les moyens.
Cette femme n’a d’autre besogne que d’attendre, tout le jour, l’homme qui subvient à ses besoins et d’être agréable et belle.
Et puis, il y a un troisième personnage, un homme jeune et beau mais non-fortuné qui rend visite à la belle femme..... Uniquement, lorsque l’autre monsieur, le plus âgé, est absent.
Logique !
Ce troisième personnage est appelé communément, « greluchon ».

« Greluchon » donne au féminin « greluche ». Cette dernière étant une femme de mœurs légères.
Dans le langage normand, une greluche désigne une jeune fille un peu sotte.
Etait-ce pour cela que mon papa m’appelait ainsi, avec beaucoup de tendresse toutefois, lorsque petite fille, je venais de faire une sottise, ce qui, d’ailleurs, était rarissime.


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert 

mercredi 22 juillet 2020

HISTOIRE VRAIE - SOUVENIR D’ENFANCE




Je vous soumets, aujourd’hui, un texte que j’ai écrit pour un concours de nouvelles, dont le thème était « DIX ».
Je n’ai pas eu le prix, même pas celui du « sourire ». Et pourtant !!!
Dommage !!

Mais est-ce que cela a réellement de l’importance ?
Au moins, j’ai osé !!!!
Oserais-je à nouveau..... Pas sûr !!


Alors, qu’en pensez-vous ?
Ai-je réussi à vous amuser ?
Et....... Je certifie que tous les personnages sont VRAIS..... Je les ai tous connus !!!!


Espiègleries des années 1910

« Dix ! »
En clamant victorieusement ce nombre, Madeleine se retourna et regarda alentour.
« Vous êtes cachées ? »
Aucune réponse.
Peut-être bien qu’en tendant l’oreille, il lui aurait été possible d’entendre quelques rires étouffés, mais la petite fille était bien trop absorbée. Ne devait-elle pas découvrir la cachette de ses sœurs ?
« Vous êtes où ? »
Aucune réponse.
Mais ce jeu n’avait-il pas pour règle de ne piper mot ?
Et les deux aînées de Madeleine se gardaient bien de ne pas bouger, de ne pas broncher, afin d’être un peu tranquilles, tout en surveillant leur petite sœur dont elles avaient la garde, lorsqu’il n’y avait pas classe.

Germaine, dix ans et Yvonne huit ans, devaient toujours avoir l’œil sur leur cadette, Madeleine, cinq ans, fillette espiègle et pleine de malice.
Pas de place dans la maison trop exiguë. Pour jouer, par tous les temps, c’était dehors, dans la cour ou dans un des bâtiments servant de remise.

Leur terrain de jeu de prédilection se situait autour de l’église Saint-Hilaire, à Rouen.
Lieu privilégié, avec vue plongeante sur la ligne de chemin de fer donnant tout loisir de regarder passer les trains de voyageurs et de marchandises en provenance de Paris et se dirigeant vers Le Havre. Les fillettes comptaient le nombre de wagons. Pour Madeleine, tous les trains n’avaient que dix wagons. Au-delà de dix, les nombres prenaient des voies tellement chaotiques qu’il était plus prudent qu’elle s’arrêtât à la première dizaine.

Et puis il y avait l’église Saint-Hilaire, formidable espace de jeux. L’endroit possédait de nombreux avantages. Celui, notamment, de leur offrir un abri sec en temps de pluie, et frais l’été en temps de canicule.
L’extérieur, mais surtout l’intérieur de cet édifice religieux, recélaient un nombre impressionnant de coins et recoins leur permettant de s’adonner à leur jeu préféré, le jeu de cache-cache.
C’était le plus souvent, Madeleine qui collait, appuyée contre un mur, les yeux fermés, comptant à haute voix : un – deux – trois...... jusqu’à dix, ne sachant, pour l’instant quels  étaient les nombres suivant.
Les parties de cache-cache se passaient fréquemment dans l’église, sauf lorsque Monsieur le Curé découvrait les fillettes dissimulées sous l’autel de la Vierge ou dans le confessionnal. Ce comportement n’était pas acceptable. Si tous les enfants fréquentant le catéchisme de sa paroisse en faisaient autant, l’église perdrait de sa quiétude, devenant cour de récréation.
Malgré son attitude faussement fâchée, Monsieur le Curé regardait avec bienveillance, celles qu’il appelait « ses enfants » et qui représentaient la vie, ici bas.


L’épicerie-café familiale, rue Martainville, à proximité du lieu sacré, présentait un avantage. Il ne fallait pas beaucoup de temps pour s’y rendre en cas d’une petite faim, d’une envie de gourmandise ou pour aller chercher un jouet.
Ah ! Ces envies de gourmandises ! Le ravitaillement en revenait à la petite Madeleine.
Et elle avait la tactique.
Elle passait par la porte donnant dans l’épicerie déclenchant un « drelin enroué », annonciateur de clientèle. Alors la petite voix flûtée lançait :
« C’est moi ! Je viens chercher ma poupée ! » 
La gamine allait, en effet, chercher sa poupée puis ressortait, pour revenir quelque temps après.
Même scénario.
« C’est moi !  Je rapporte ma poupée. »
Les prétextes divers et variés ne manquaient pas. Madeleine possédait une imagination débordante.
Une fois, deux fois, trois fois...... dix fois, certains jours, le manège se reproduisait et, à chaque voyage, juste avant d’ouvrir la porte vers l’extérieur déclenchant la clochette chevrotante, la petite main de Madeleine plongeait dans un des bocaux exposés sur le comptoir, ces grands bocaux en verre où se trouvaient les bonbons tant convoités.....
Larcins partagés et dégustés dans l’ombre protectrice du clocher de l’église Saint-Hilaire ou à l’intérieur, sous le regard protecteur des Saints au sourire figé pour l’éternité.
N’était-ce pas qu’un tout petit  pêché de gourmandise ? Pêché véniel que tout enfant confessait à monsieur le curé et qui était pardonné après un Pater et dix Ave.

Les sucreries donnaient la pépie....
Comment se désaltérer sans retourner à la maison ?
Madeleine, les lèvres et la langue sirupeuses d’avoir englouti un trop plein de bonbons dérobés, se posait la question. Tout à coup, elle se leva et devant le regard étonné de ses deux aînées, se dirigea vers le bénitier, à gauche juste en entrant, puis sur la pointe de ses pieds aux dix petits orteils, plongea ses deux mains aux dix doigts étroitement serrés, afin d’en faire une coupelle, les immergea dans le liquide, puis les retirant doucement pour ne pas perdre une seule goutte de cette boisson désaltérante, but avec délectation cette eau bénite ainsi recueillie.

« Ah !!  s’écrièrent Germaine et Yvonne avec une grimace de dégoût. Tu vas être malade !
-          Bah ! C’est pas sale, c’est de l’eau ! Et pis, j’avais soif ! rétorqua la gamine en s’essuyant la bouche d’un revers de manche.

D’ailleurs, en effet, pourquoi aurait-elle été malade ? L’eau n’avait-elle pas été bénie ?

Quelques décennies plus tard, alors que Madeleine, devenue Grand-mère approchait les soixante-dix ans, elle racontait encore et toujours, les diverses fois, où assoiffée, elle s’était abreuvée à l’eau du bénitier de l’église Saint-Hilaire à Rouen.
Pendant ce récit d’antan, nous, ses petits-enfants, pouvions apercevoir, dans les yeux de notre aïeule, l’éclair malicieux de dix millions d’étoiles, étoiles réfléchissantes des rires et facéties de son enfance.

Qui était cette « péronnelle » ?


 

Quelle péronnelle !!

Une expression qu’utilisait souvent ma grand-mère pour qualifier une bêcheuse, une prétentieuse, une fille voulant « péter plus haut que son ... »
Mon aïeule assumait le dernier mot, que je n’ai pas, ci-dessus, osé préciser.

Mais qu’en est-il réellement de ce mot, féminin exclusivement ?
Péronnelle était l’héroïne célèbre, d’une chanson non moins célèbre du XVème siècle disant ceci :


                AV'VOUS POINT VU LA PÉRONNELLE
                QUE LES GENS D'ARMES ONT EMMENÉE ?
                ILS L'ONT HABILLÉE COMME UN PAGE :
                C'EST POUR PASSER LE DAUPHINÉ.

                ELLE AVAIT TROIS MIGNONS DE FRÈRES
                QUI LA SONT ALLÉS POURCHASSER.
                TANT L'ONT CHERCHÉE QUE L'ON TROUVÉE
                À LA FONTAINE D'UN VERT PRÉ.



                EH ! DIEU VOUS GARD', LA PÉRONNELLE !
                VOUS EN VOULEZ POINT RETOURNER ?
                - NON POINT, NON POINT, NON MES BEAUX FRÈRES
                JAMAIS EN FRANCE N'ENTRERAI !

                RECOMMANDEZ-MOI À MON PÈRE
                ET À MA MÈRE, S'IL VOUS PLAÎT.
                ET À MA SŒUR LA CATHERINE,
                QU'ELLE NE FASSE PAS COMME MOI.[1]



Vous chantiez, j’en suis fort aise
Et bien dansez maintenant !!
disait la fourmi, et elle avait bien raison, car après « avoir chanté Péronnelle », l’air devint tellement dansant, qu’après 1654, la « péronnelle » devint un air à danser.
Mais pas que.... « chanter la péronnelle », c’était aussi : dire des sottises.

Mais, tout dérive, surtout les mots, nous l’avons constaté à maintes reprises, et notre Péronnelle qui déjà, dans la chanson, était une femme acariâtre, donna son nom aux jeunes filles ou femmes sottes et bavardes.
D’ailleurs les verbes « pérorer » ou « péroner » étaient utilsés, dans les siècles passés, pour « bavarder ».

Une péronnelle est aussi une toupie, d’où son association avec la désignation d’une « jeune fille écervelée ».
Petite question : Pourquoi toujours des filles ? Il y a bien aussi des garçons écervelés, stupides et parlant à tort et à travers, surtout lorsqu’ils s’adressent aux filles !!

Péronnelle... Ce mot a vieilli et s’est adouci. Notre bavarde, un tantinet idiote et écervelée, devint une femme ennuyeuse.

Pour ma grand-mère, vers 1970, c’était une femme  qui voulait péter......
Vous connaissez la suite, inutile de préciser.

-=-=-=-=-

Péronnelle ou Perronnelle, diminutif de Perronne, prénom féminin dont le masculin est Perron, variante  de Pierre.
Péronnelle est également une variante de Pétronille.

D’ailleurs parlant de Pétronille, il existe une chanson dont le refrain dit :
Pétronille tu sens la menthe
Tu sens la pastille de menthe
Tu sens la menthe empastillée
Entortillée dans du papier
Papier papier papier mâché

Là encore, je ne prends pas de responsabilités, je vous laisse découvrir les paroles des couplets...........


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



[1]  Je n’ai pu découvrir les autres couplets, expliquant, dans le menu, toute l’affaire concernant Péronnelle et faisant d’elle une mauvaise femme, acariâtre et  condamnable.

jeudi 16 juillet 2020

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES

LES EMPOISONNEUSES

L'AFFAIRE LACOSTE




Chapitre 10   -  VERDICT


Ce fut ensuite  le moment des plaidoiries, à commencer par l’avocat de Joseph Meilhan, Maître  Canteloup.
Comment pouvait-il définir son client, Joseph Meilhan ?
Comme un brave homme, apprécié de beaucoup de personnes, au regard des bons certificats délivrés par la commune, mais pas seulement, délivrés également par le recteur de Cahors.
Bien évidemment, il lui avait été reproché cet avortement, celui de la fille Lescure
.
Mais quelles preuves pouvait-on apporter ?
Aucune !!
N’avait-on pas dit que M. Lescure, le père de la jeune fille en question, l’avait mis à la porte de son auberge ?
Mais pour aller le rechercher avec mille excuses quelques jours plus tard.
N’était-ce pas la preuve de sa non-implication dans cet acte ?
Et qui avait recueilli Meilhan lorsqu’il s’était retrouvé à la rue ? Monsieur le curé !
Cet homme de Dieu, même par bonté d’âme, aurait-il donné asile à un avorteur ? Non, assurément !

Pour en venir à l’accusation d’homicide par empoisonnement, l’avocat mit en avant le flou le plus total qui entourait cette mort.
Rien ne disait qu’il y avait eu empoisonnement intentionnel et criminel, mais que la vérité tanguait plutôt vers une imprudence de dosage dans le traitement que prenait, de sa propre initiative, Monsieur Lacoste. Les témoignages avaient révélé, avec certitude, que le défunt s’auto-médicamentait.
alors, le verre de vin, soi-disant bu avec Meilhan, n’avait aucune valeur assassine !!
Si Meilhan avait voulu faire boire un verre de vin additionné d’arsenic à son ami, l’aurait-il fait un jour de foire, en plein midi, dans la salle bondée du cabaret du village ?
C’était insensé !!

Ne reprochait-on pas également à Meilhan d’être allé rendre visite à la veuve le jour même du décès de Lacoste. D’avoir dîné à sa table.
Mais si Meilhan ne s’était pas rendu au domicile du défunt, la rumeur publique n’aurait-elle pas crié, hurlé même, que cet « assassin », en raison de son ignoble geste, n’avait pas voulu  rendre le dernier hommage dû à son ami.

Maître Canteloup acheva par :
« Non seulement, Meilhan n’est pas coupable, mais il est innocent des faits qui lui sont reprochés !!! »
Quelle belle analyse !!


Ce fut alors que Maître Alem-Rousseau, défenseur de madame veuve Lacoste, prit la parole.
Toutefois, avant de plaider, il souhaita poser quelques questions à Monsieur Navarre. Ce dernier eut d’ailleurs bien du mal à atteindre la barre, tant le public était innombrable.
N’était-ce pas à la fin de cette séance que le verdict serait rendu ?

Maître Alem-Rousseau souhaitait que le témoin Navarre, présent aux derniers moments de vie de Lacoste, relatât ce qu’il avait vu et entendu.
« C’est bien simple, expliqua M. Navarre d’une voix forte et claire, Lacoste a tendu une main vers sa femme, lui demandant d’approcher et lui a donné des instructions sur la gestion de ses biens, les bons et mauvais payeurs, ceux à qui il n’était pas souhaitable de donner de l’herbe[1]. Je n’ai pas tout entendu, parce qu’il parlait bas. Madame Lacoste prenait des notes sur un carnet. Lacoste a aussi évoqué ses dispositions testamentaires. Il avait l’air très en confiance, très apaisé. » 

Voilà bien un témoignage en faveur de l’accusée.

Ce fut ensuite un grand moment d’éloquence ! Et ce fut quelque chose, toutes les personnes présentes purent le certifier !!.....
En voilà les grandes lignes, car, parole prise, l’avocat ne la lâcha pas et cela dura, dura, dura ..... des heures !!!

Les auditeurs attentifs, repartirent vers le passé, celui de la naissance d’Euphémie Vergès dans une famille de paysans, peu fortunée.
Son père, Bernard Vergès, maire de Mazerolles, possédait quelques terres qu’il cultivait.
En 1839, au moment des négociations de mariage de sa fille avec Lacoste, il avait était convenu que la future épousée, apporterait, en plus de sa renommée sans tache, une dote de 20 000 francs. D’ailleurs, Henry Lacoste, qui n’avait pas encore hérité de son frère,  le richissime de la famille, ne possédait en tout que 45 000 francs.
Ce n’était donc pas pour sa fortune que Euphémie Vergès avait accepté ce mariage.
Mais, certains avait avancé qu’elle comptait bien sur l’argent de son beau-frère.
Faux !!
Juste avant les noces, en 1841, Philibert Lacoste avait légué, par voie testamentaire, tous ses biens à un jeune homme qui était, selon ce qu’on disait, son fils.
Et puis, Philibert n’avait-il pas menacé son frère, Henry, de le déshériter si il se remariait ?
Euphémie était au courant de cette menace, toute verbale d’ailleurs.

Non, aucune animosité de la part de la jeune mariée qui se dévouait pour son mari, un vieillard maladif. Et chacun de constater ce parfait dévouement, dénué  d’hypocrisie.
Et ce ne furent que calomnies, les dires prétendant que Lacoste était malheureux. N’affirmait-il pas, lui-même, qu’il avait une « petite femme merveilleuse ».

Puis ce fut le décès brutal !
Euphémie Lacoste aurait pu quitter Riguepeu, s’enfuir avec l’argent, loin, très loin, et vivre à sa manière.
Elle aurait eu de quoi !
Mais, elle n’en fit rien.
Elle séjournait de temps à autre à Tarbes, revenant toujours à Riguepeu.
Elle vivait sans excès, comme une femme aisée de la campagne, sans plus.
Elle s’occupait des affaires de feu son mari, devenues    siennes, avec beaucoup d’attention.

Vint alors l’accusation, celle qui faisait d’elle une empoisonneuse, une meurtrière, une « veuve noire ». Elle en fut meurtrie, demandant l’exhumation du corps afin de prouver sa bonne foi.
A la découverte d’arsenic dans le corps de son mari défunt, ce fut l’incompréhension, l’anéantissement. Un gouffre s’ouvrait à ses pieds.

Là encore, elle aurait pu fuir, mais elle n’en fit rien !
Pourquoi l’aurait-elle fait ?
Elle se savait innocente !

L’angoisse au ventre, elle avait subi les pires calomnies, les pires accusations.
Elle était devenue, aux yeux des autres, de ceux qui du vivant de Henry Lacoste la saluaient avec respect, un monstre hideux avide d’argent.
Injures, mensonges, diffamations. Euphémie avait tout subi.

Dans le box des accusés, au fil des audiences, il avait été découvert l’utilisation abusive de remèdes secrets. Et que contenaient ces remèdes ?
De l’arsenic !

Oui, Henry Lacoste prenait, de lui-même, ces remèdes !
Henry Lacoste s’est lui-même empoisonné !
Henry Lacoste s’est lui-même donné la mort !

Mais quelle  différence pouvait-on faire entre arsenic-remède et arsenic-poison ?
Les experts n’avaient-ils pas expliqué que tout était « affaire de dosage » ?

Et Joseph Meilhan dans cette affaire.
Veuve, Euphémie Lacoste dînait souvent avec lui.
Tous deux faisaient des promenades en discutant.
Où était le mal ?

Oui, mais les habitants de Riguepeu voyaient d’un mauvais œil cette amitié entre cette jeune femme et cet instituteur septuagénaire.
Mais, cette complicité n’était pas nouvelle ! N’avaient-ils pas, ensemble, aidé le pauvre Lacoste à passer de vie à trépas ? (Mais cette dernière affirmation restait encore à démontrer... à prouver....)

Et comme il fallait alimenter les médisances, et que la jeune femme souhaitait se remarier, il fut question d’un homme, jeune celui-là !! Et qui passait ses nuits auprès de cette veuve dévergondée aux mœurs dégradées.
Il était pourtant bien légitime que cette femme d’une vingtaine d’années songeât à prendre époux, et cette fois, un époux de son âge et à son goût.
Mais, « on » ne le voyait pas ainsi. Veuve elle était devenue, veuve toute de noire vêtue, elle devait rester, repliée sur son chagrin qui se devait éternel.
Et pourquoi pas l’enfermement dans un couvent ?

L’accusation reposait uniquement sur le fait que :
Madame Lacoste aurait tué son mari parce qu’elle ne lui avait pas  donné d’héritier et craignait, de ce fait, être déshéritée. D’autant plus que son époux distribuait allégrement promesses d’argent à celles qui le feraient père.


Il aurait été possible à Maître Alem-Rousseau de poursuivre ainsi, encore et encore, sur bien des points anodins que les débats avaient soulevés, tel le mariage des Lacoste qui n’aurait pas été béni par l’Eglise.
En voilà encore une histoire qui n’avait rien à voir avec l’affaire, mais avait provoqué des polémiques à n’en plus finir.

« Encore une accusation sans fondement pour « faire de la peine » à l’accusée, avait lancé le défenseur de Mme veuve Lacoste.

Alors, pour calmer les esprits sur ce chapitre, l’avocat avait expliqué que M. Lacoste, athée, avait eu des réticences pour un tel mariage. Mais, pour satisfaire la famille de sa future, il avait fléchi. Ce fut l’abbé Rey, un ami de la famille Vergès qui avait béni l’union.
Dans quelle paroisse ?
Dans aucune, M. Lacoste refusant de passer le seuil d’une église, la cérémonie s’était déroulée dans une petite chambre, non loin de la cathédrale de Tarbes.....

Une plaidoirie qui s’acheva enfin et que maître Alem-Rousseau conclut par la demande, pure et simple, de l’acquittement de madame Lacoste.

L’avocat était épuisé. Les traits tirés de son visage, les cernes noirs sous ses yeux l’attestaient.
Avait-il convaincu ?

Le 14 juillet 1844 – Dernière audience.
Le président de séance demanda à madame Lacoste et à monsieur Meilhan, si ils avaient quelque chose à dire avant de clore définitivement les débats.
Réponse négative des deux accusés.

Alors, une dernière fois, cet homme de Haute Justice retraça les grandes lignes du procès.

12 h 30                 -  les membres du jury entrèrent en délibération.
13 h                       -  les membres du jury pénétrèrent à nouveau dans la salle d’audience, et le chef du jury prononça d’une voix forte et monocorde afin que chacun puisse entendre clairement :
«  Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les Hommes, la déclaration du jury sur toutes les questions : NON. »

Un brouhaha survola la salle.
Quelques applaudissements.
Quelques désapprobations.
La sonnette du Président arrêta difficilement tout ce bruit.
Le calme revenu, le président prononça l’ordonnance d’acquittement.


Une heure plus tard, ce fut en calèche que Madame Veuve Lacoste rejoignit sa demeure de Riguepeu où son père l’attendait
Tandis que Meilhan s’éloignait d’un pas calme, entouré de ses fidèles amis dont le capitaine Mothes.


Je ne pourrais vous dire exactement ce que devinrent Euphémie Lacoste et Joseph Meilhan.
Sauf toutefois que Euphémie se remaria avec un certain Armand Taurias qui, en peu de temps, dilapida toute sa fortune.
Madame Euphémie Taurias, veuve Lacoste, née Vergès, décéda en 1854, lors d’une épidémie de choléra.

-=-=-=-=-

Décevant de ne pas connaître la « vraie fin de l’histoire ».
Meilhan viva-t-il de ses rentes ? Alla-t-il vivre chez son fils ? Quand décéda-t-il ?
Quant à Euphémie, elle se remaria, mais où et quand ? Eut-elle des enfants ?

Peut-être, au détour d’un écrit, les réponses jailliront d’elles-mêmes.....


[1]  Donner de l’herbe : louer des prés.

Besoin d'évasion gastronomique ?



Et si on se faisait un petit restau ?


Alors, que souhaiteriez-vous manger ?
En fonction de vos envies, mais aussi de votre appétit.

Si vous êtes affamés, je vous propose de commencer par un restaurant.

Bah, allez-vous me dire, nous n’allons tout de même pas « manger la boutique » !

Non, non !
D’autant plus que cette expression,  chère à ma grand-mère, indique que les dépenses étant plus importantes que les recettes, la faillite guette.
 
D’ailleurs, en parlant de « recette », justement, un restaurant est (était devrais-je dire, mais pourquoi ne pas le remettre au goût du jour), « un bouillon reconstituant fait de jus de viande concentré », comme l’indiquait Jean de la Fontaine (celui des Fables), en 1666.

Tellement reconstituant, ce mets, que vers 1750, son nom devint synonyme de « réconfort ».

D’année en année, le mot « restaurant » fut attribué à la partie d’un établissement où étaient servis des repas, et cela, vers 1862.

Alors, c’est parti pour la commande !
« Garçon, s’il vous plait ..... »

Et nous voilà restaurés et dans une forme sans pareille, après avoir avalé ce restaurant, fort restaurant, dans ce petit restaurant sympathique. 


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert