mercredi 26 février 2020

Un mot peu flatteur.



Quelle godiche !!

Godiche !
Un mot qui est d’abord un nom avant d’être employé, aussi, comme adjectif.
Il puise son origine de :
·         Gode                    : niaisement maladroit, puis stupide.
·         Godet – godon                : poltron.

Nous trouvons également « Godichon ». En 1752, il a la même signification que « godiche ».
Un godichon peut se mettre en ménage avec une godichonne.
Par contre…. « Godiche » est toujours au féminin et, de ce fait, attribué uniquement à la gente féminine.
Bah voyons !!

Dans la même idée, nous avons aussi :
·         Un gourd et une gourde – homme et femme se trouvent réunis – qui depuis 1886 est une personne niaise et stupide.
Un nom qui est utilisé aussi comme adjectif qualificatif : il ou elle est gourde (1895).
Et puisque nous voilà dans les termes flatteurs, voici quelques dérivés argotiques et péjoratifs :

·         Une gourdasse
·         Un gordiflot

Dans le dictionnaire du « Parler Normand », nous retrouvons, avec une orthographe légèrement différente, le nom masculin : un gourdiflos.
Association entre « Gourd » et « godiche », ce mot se traduit par : un sot niais et engourdi.
La totale !

Un nom à mémoriser si vous souhaitez insulter quelqu’un sans que cette personne ne connaisse la portée de l’injure.

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES



LES EMPOISONNEUSES

L'AFFAIRE LAFARGE




Chapitre 18

Audience du 12 septembre 1840, 13 h 30, reprise de l’audition des témoins......
Encore et toujours ........
Et puis les experts, ceux de Paris, bien évidemment !!

De moins en moins de monde parmi les auditeurs. Il était vrai que les témoignages étaient de moins en moins intéressants n’évoquant, encore et toujours, que les paquets de poudre d’arsenic achetés et passés de main en main et de la petite boite que marie Lafarge  tenait toujours dans sa poche et contenant, selon elle, de la poudre de gomme.
Les débats devenaient confus et s’enlisaient, sans apporter aucun fait réel et vérifiable.

Marie Capelle-Lafarge, toujours souffrante, était accompagnée par son médecin, Monsieur Ventépou. Son visage pâle, aux trais tirés, aux yeux cernés, montrait une immense fatigue.

Un temps interminable fut occupé par les témoignages de Emma Poutier, M. Fleygnat et M. Tournadou.

Débat tournant autour des paquets de poudre d’arsenic, au nombre de deux, et de la petite boîte appartenant à Marie Lafarge.
Tout cela n’était pas bien clair !!
·         L’un avait eu connaissance de deux paquets.
·         L’autre d’un seul paquet et de la petite boite.
·         Quant à Emma Poutier, elle n’avait vu que la petite boite, celle qu’elle savait se trouver dans la poche de Marie Lafarge qui contenait de la poudre de gomme qu’utilisait sa maîtresse pour son usage personnel.
Pour clore le litige qui tourna surtout autour de la petite boite, le contenu de celle-ci fut soumis à l’examen des experts.

Puis la ronde des témoins reprit. Entra dans la danse ......

M. Angelby, quarante-six ans, agriculteur, demeurant à Voutezac.
C’était en causant avec M. Lafaurie, juste après le mariage de Charles Lafarge qu’il avait appris que le couple arrivait au Glandier. La jeune épousée, toujours selon les dires de  M. Lafaurie, était une femme très riche, mais le ménage n’était pas bien assorti. Il avait su, aussi, que cette femme en aimait un autre et qu’elle l’avait même écrit à son époux. Ce fut alors que M. Lafaurie lui avait dit : « A la place de M. Lafarge, je la laisserais partir de peur qu’elle me joue un mauvais tour. » Cette conversation avait retourné le sieur Angelby qui en avait parlé à M. Sirey.

Jean Portier, trente-huit ans, demeurant à Chauffailles.
Alfred lui avait dit que M. Lafarge allait mieux, mais qu’il avait trop de monde autour de lui. Le jour de la mort du pauvre Lafarge, Alfred avait prévenu le charpentier pour préparer rapidement la bière. C’était sur l’ordre de madame, avait-il précisé.
Puis, le 15 janvier, c’était Mme Lafarge-mère qui lui avait fait demander, par le forgeron, François Leussève, dit Bonhomme, de venir au Glandier.
C’était pour lui faire forcer la serrure d’un petit secrétaire en bois de noyer qui se trouvait dans la chambre de l’épouse de feu M. Lafarge. Il avait dû se servir d’un ciseau et d’un marteau pour arriver à bout de la serrure. Il avait ensuite ôté tous les papiers qui étaient dans le tiroir et les avait remis à Mme Lafarge-mère.
Il avait su que cette opération avait été préméditée, car Marie Lafarge avait été envoyée à l’autre bout de la demeure.

Avant de clore l’audience, le retour des experts qui confirmèrent que le contenu de la petite boite se révéla être de la poudre d’arsenic. Une boite qui contenait selon Marie Capelle de la poudre de gomme  qu’elle prenait régulièrement.
Une boite, surtout, qui avait passé de main en main avant d’arriver devant les juges.
Une boite, surtout, dont Marie Lafarge, si elle avait été coupable, aurait pu se débarrasser depuis bien longtemps.

L’audience fut levée à 18 h 30 dans un silence lourd, accablant.
Dehors, il faisait nuit.
L’orage grondait au loin.



Audience du 14 septembre 1840


Une audience très attendue.
M. Orfila déposait en sa qualité d’expert, développant avec emphase[1], les recherches auxquelles il s’était livré avec ses confrères.

Après l’exhumation du corps du défunt Charles Lafarge et les nombreuses analyses, il n’y avait aucun doute possible :
Le corps contenait de l’arsenic !!!
M. Ollivier d’Angers et M. Bussy déclarèrent se joindre à l’opinion du sieur Orfila.




Je ne voudrais pas mettre en doute la parole des experts que ce soit les premiers comme les seconds, d’autant plus que la « toxicologie médico-légale » n’en était qu’à ses balbutiements.
Une chose est certaine, et je regarde cela du côté « humain »....
Il en était d’une question d’honneur que les experts, nouvellement mandatés, ne pouvaient que confirmer l’incompétence des procédés des précédents experts, en annonçant que leurs pratiques à eux, à la pointe du progrès, étaient plus fiables, d’où le résultat positif d’arsenic découvert dans le corps du défunt et les divers flacons.


Reprise de l’audience à 13 h 30.

L’auditoire est comble. La fin du procès étant proche, le verdict ne tarderait pas à tomber.
Quelques témoins, encore, mais très peu......

M. Antoine Roque
Il avait des affaires d’intérêt à Régler avec M. Lafarge.
Mme Lafarge, alors maîtresse de ses actions lui donna complète satisfaction, répondant à tous les billets de son mari. Elle savait que les billets étaient faux, mais elle ne voulait pas que la mémoire de son mari fût souillée. Le montant de ses billets s’élevait à 30 000 francs, et ils étaient signés du nom de Lafarge et certains de Barbier, Barbier alias Denis.

M. Bonaventure Brossard, banquier à Tulle.
Il précisa  qu’il avait un effet de 3 800 francs, signé Carmon au profit de Barbier et négocié par M. Lafarge. Il connaissait Barbier, l’ayant vu lors d’une audience. Ce jour-là, il lui avait demandé qui était ce Carmon. Il lui avait répondu qu’il n’en savait rien. Il avait signé le document sur l’ordre de M. Lafarge. Un autre billet endossé par Barbier et signé de plusieurs autres personnes dont un M. Eyssartier d’Uzerche. Après enquête ce M. Eyssartier était un enfant de douze ans.     

M. Rigoneau, négociant à Limoges.
Charles Lafarge avait négocié avec lui sur la dot de son épouse. Beaucoup des billets à ordre étaient signés Barbier et Foucault. Il avait fait des recherches sur ces endosseurs. Ils n’étaient pas connus. Il avait même fait un signalement au Procureur du Roi.

M. Dufour, curé de Villers-Hellon.
Un témoin de moralité sur la personne de Marie Fortunée Capelle qu’il dit être pieuse, charitable et désintéressée.

M. Etienne Gonnet, huissier à Allasac.
Sur la route de Voutezac à Allasac, il avait rencontré un homme à cheval portant deux paniers de regain et qui lui avait dit : « Vous ne savez pas ce que je porte là ? Ce sont les intestins de M. Lafarge. Arrivé derrière lui, à bonne distance, un gendarme à pied conduisant son cheval par la bride.  Tous deux avaient parcouru un chemin fort long, s’étant perdus. Ils étaient épuisés.
Il rapporta, également, qu’un jour M. Buffières, le père, lui avait demandé un délai au sujet d’une affaire qu’il avait contre lui et la famille Lafarge. Il lui avait demandé s’il possédait quelques moyens de s’acquitter. La réponse de M. Buffières-père fut : « Si Mme Lafarge est coupable, nous pourrons obtenir quelques indemnités. Elle sera peut-être obligée de payer nos cautionnements ».

Cette personne concluait l’audition des témoins.

A cinq heures et demie du soir, dans la salle toujours comble, il fut fait de la place pour que tous les experts – les premiers et les seconds[2] -  puissent venir expliquer leurs différents procédés.
L’audience fut levée à six heures un quart.
Dehors, le ciel déversait des trombes d’eau, retenant le public dans la salle des pas perdus du tribunal, dans un silence qui en disait long sur les pensées de chacun.

Marie Capelle-Lafarge ne s’était pas effondrée face aux constats des experts. Digne et calme, elle avait rejoint sa cellule.



[1] Je ferai grâce aux lecteurs de tous les termes techniques et des méthodes pratiquées qui n’ont, à vrai dire, aucune importance, si ce n’est dans le résultat obtenu.
[2] Pour plus d’informations sur les discours d’expertises, vous reporter au « Journal de Rouen » du 18 septembre 1840 – page 3.

mercredi 19 février 2020

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSE


L'AFFAIRE LAFARGE



Chapitre 17

Audience du 9 septembre 1840, reprise de l’audition des témoins......
Encore et toujours ........
Et puis les experts, les nouveaux experts, bien évidemment !!
 

Huit heures trente du matin, les premiers témoins étaient déjà entendus.

·         Mme Buffières, sœur de Charles Lafarge.
·         Antoinette Bedoch, femme Poutier, tante par alliance de Marie Capelle.
·         Amélie Materre, cousine germaine de Charles Lafarge.
Toutes les trois eurent le même discours, calqué, mettant Marie en faute.

M. Léon Buffières, beau-frère de Charles Lafarge.
Il parla des 25 000 francs en possession de Charles Lafarge dont il avait laissé une partie à Paris. Lorsqu’il était revenu au Glandier,  il n’avait sur lui que 2 900 ou 3 900 francs, pas plus.
Si il se souvenait bien, les sommes avaient été dispatchées :
·         10 000 francs restés à Paris.
·         4 000 francs versés à quelqu’un dont il ignorait le nom.
·         2 000 francs, encore à quelqu’un d’autre.
·         Une somme avait été transférée à Clermont.
Léon Buffières ne connaissait pas la raison de tous ces versements.
Charles, son beau-frère, lui avait aussi demandé de faire analyser le gâteau qu’il avait reçu, car celui-ci lui avait fait beaucoup de mal.

Puis les experts réapparurent  par la voix de M. Dubois qui précisa que les résultats des analyses, toujours en cours, ne pourraient pas être connus avant le lendemain, voire le surlendemain.
Devant le ton exaspéré du président de séance qui souhaitait voir cette affaire rapidement jugée, M. Dubois accepta de faire le nécessaire au plus vite, pour la fin de la journée.

Reprise des audiences.

M. Fleygniat, médecin juge de paix du canton de Vigoix, cousin germain de Charles Lafarge.
Il avait vu son cousin, Charles, le 8 janvier au Glandier, à son arrivée de Paris. Il allait bien, juste une légère entorse. Ce fut après avoir mangé une truffe, au repas du soir, qu’il avait été pris de vomissements. Il ajouta :
« Je suis revenu au Glandier, le 3 janvier. Je ne l’ai pas trouvé bien. Ce fut alors que Mme Buffières me prit à part et me dit qu’elle croyait qu’il était empoisonné et que leurs soupçons étaient dirigés sur sa belle-sœur, Marie ».

M. Antoine Saint-Pastour, médecin-vétérinaire à Pompadour.
« Le 23 janvier, lorsque j’avais vu, M. Lafarge, son état était désespéré. Le malade était à l’agonie. Son épouse était empressée auprès de lui. Elle avait l’air profondément peinée, des larmes coulaient de ses yeux. Mon confrère, le docteur Brinet me demanda ce que je pensais de tout cela. Je lui ai répondu : « C’est un homme mort. Il ne vivra pas vingt-quatre heures. » Charles Lafarge avait tous les symptômes d’une gastro-entérite. »
Antoine de Saint-Pastour précisa qu’il était surtout vétérinaire, mais qu’il avait fait des études de médecine. Concernant justement  la gastro-entérite, les symptômes étaient les mêmes chez les humains et chez les animaux.

Lorsque le Président de séance demanda à ce témoin si il aurait pu s’agir d’un empoisonnement, celui-ci répondit que cela aurait pu, effectivement, mais que dans ce cas, il fallait attendre le rapport des chimistes.

M. Chassain, directeur des diligences à Uzerche.
Après le décès de Charles Lafarge, il avait vu quatre personnes à cheval qui demandaient une place pour la diligence de Paris. Parmi ces personnes, il avait reconnu Clémentine Serva.

M. Bonnelye.
Le 1er février, il avait rencontré M. Denis au haras de Pompadour. Bien sûr, il fut question de la mort de Charles Lafarge. M. Denis, lui avait dit alors :
« Vous ne savez pas, ce qu’il y a de fort là-dedans, c’est que le public ignore que je suis marié et qu’on dit que je l’ai empoisonné de concert avec sa femme pour me marier ensuite avec elle. »

Anna Brun, vingt-cinq ans, s’occupant de peinture.
C’était sur la demande de Madame Lafarge qu’Anna Brun était venue dans les premiers jours de novembre au Glandier. Mme Lafarge souhaitait qu’elle fasse un portrait d’elle. Le 14 décembre, Madame Lafarge avait envoyé le portrait achevé à son mari dans une boite où était des marrons et des gâteaux.
M. Lafarge avait répondu qu’il avait bien reçu le paquet et, dans sa lettre, avait notifié qu’il souffrait de migraines. Elle avait observé que Madame Lafarge en était très anxieuse, craignant le pire.
Anna Brun avait aussi parlé de la pellicule blanche sur le dessus des laits de poule, du pot contenant une poudre blanche dans le tiroir de la commode.
Par contre, concernant les gâteaux elle n’a aucun souvenir si ceux-ci avaient été placés dans une boite, elle-même déposée dans la caisse.......

A 18 heures 30, la séance fut levée et remise au 11 septembre.

Les auditeurs quittèrent la salle, ils étaient toujours aussi nombreux, mais beaucoup plus silencieux, concentrés sur les questions et les réponses.
Tout n’allait-il pas se jouer au cours des prochains jours ?


Audience du 11 septembre
Incidents – lettres anonymes – suite des auditions des témoins – suite des expertises.

Le président, M. de Barny, conseiller à la Cour Royale de Limoges, se plaint du « trop-plein » de lettres anonymes que recevait l’accusée, Marie Capelle-Lafarge.
A cette remarque, maître Paillet avoua en recevoir deux à trois par jours et ne plus les ouvrir.
Après cette petite introduction, les auditions furent reprises, à commencer par :

M. Parant, domestique de l’hôtel du 79, rue Sainte-Anne à Paris.
Il expliqua qu’il avait jeté « LE » gâteau et la boite dans laquelle il était  posé, après être resté sept à huit jours sur la commode de la chambre.
Monsieur Lafarge avait quitté l’hôtel le 1er janvier et comme la chambre était retenue, il avait fait le ménage.

Attention, c’est là que tout va s’embrouiller.
Pour le domestique, Parant, le gâteau posé sur la commode se trouvait dans une boite.
Pour M. Buffières, beau-frère du défunt, le gâteau avait été déposé directement sur la commode.

Comme pour les marrons, plusieurs versions !
Les marrons, étaient-ils placés sur le dessus de la caisse ?
Les marrons, avaient-ils été glissés dans les espaces vides de la caisse, pour caller les objets ?

La caisse ?
Avait-elle était cloutée et ficelée ?
Avait-elle plusieurs crochets pour la maintenir fermée ?

M. Parant ajouta une précision concernant cette caisse, justement. Elle était munie de charnières et fermée avec des crochets. Charles Lafarge avait même dit, en la voyant :
« Elle ne sera pas difficile à ouvrir, elle l’a déjà été à la diligence. »

En effet, à la visite de l’octroi, le commis de la diligence avait procédé à l’ouverture de ladite caisse, pour en vérifier le contenu[1], en se servant d’un marteau et d’un ciseau.
 
Rebondissement !!!
Cette affaire, décidément, réserva bien des surprises tout au long du procès !

Mademoiselle Anna Brun découvrit, épinglée dans le dos de son châle un billet d’avertissement, portant ces mots : « Si tu parles contre M.... tu es morte ! »

Ce ne pouvait être qu’une personne qui se trouvait dans le palais de justice, au même moment qu’elle.
Mais qui ?
Ce ne pouvait être que quelqu’un qui soutenait la cause de l’accusée, car le « M... » ne pouvait que désigner « Marie » Lafarge.
La cour, les jurés et les personnes présentes montrèrent leur indignation devant un tel procédé d’intimidation.
Et l’affaire en resta là !!
La déposition de la demoiselle Anna Brun se poursuivit.
Ce fut ainsi que chacun apprit que Mademoiselle Brun avait envoyé, le 24 mars 1840, une lettre à Marie Lafarge afin qu’elle daigne lui régler la somme promise pour le petit portrait qu’elle avait fait d’elle.
A ce jour de septembre 1840, elle était toujours en attente de son dû.

Et voilà remis sur le devant des auditions, la caisse et « le ou les » gâteau (x) !

Madame Chassain, directrice de la voiture d’Uzerche.
Elle déclara que la caisse adressée par madame Lafarge était scellée de plusieurs cachets de cire,  sans pouvoir en dire exactement le nombre. Elle n’avait pas fait attention.

Un pâtissier, dont le nom ne fut pas mentionné, vint à la barre et précisa qu’un gâteau contenant de la crème ou de la marmelade ne pouvait se maintenir pendant plusieurs jours en gardant une croûte dure. D’autant plus que le voyage l’apportant à Paris, avait duré quatre jours.

Monsieur Parant revint à la barre.
Il maintint que le gâteau contenait bien de la marmelade[2] et que la croûte était dure et croustillante.

Les experts à présent, représentés par Monsieur Dubois.
Confirmation des expertises.
·         Le lait de poule qui n’était plus liquide (cela allait de soit depuis le temps), contenait de l’arsenic. Tellement d’arsenic que la dose aurait pu empoisonner dix personnes.
Cette réflexion soulevant des frémissements d’horreur dans la salle d’audience.
·         L’eau gommée contenait de l’arsenic, en petite quantité toutefois.
·         L’eau panée, contenait.... oui ! De l’arsenic !
·         L’eau sucrée contenait ..... Non ! Elle ne contenait pas d’arsenic.
·         Le petit pot pris dans le tiroir de la commode contenait bien, de la poudre d’arsenic pure.
·         La mort-aux-rats découverte dans la chambre de Charles Lafarge ne contenait ni arsenic, ni bicarbonate de soude.

La séance fut levée et reportée au lendemain neuf heures.
Il ne restait plus à entendre que quinze témoins et le rapport définitif des chimistes de Paris, Monsieur Orfila et ses collègues.

Mais le lendemain matin, 12 septembre, elle fut reportée en début d’après-midi, Marie Lafarge gravement souffrante n’avait pu se lever.



[1] A l’entrée des villes, certains produits étaient taxés.
[2] Tiens, tiens, n’était-ce pas de la crème épaisse d’une hauteur de deux doigts ?

EN VOILA ENCORE UN MOT !!


GOURD – GOURDE

Voilà un adjectif qui apparut vers 1112.
Il puise son origine du latin « gurdus » signifiant :  lourd – grossier.
Qui, par la suite, en gallo romain est employé pour : immobilisé par le froid.
 
Vers 1112, « gourd » s’applique à ce qui est engourdi.
Vers 1342, sa signification se rapproche de son origine latine puisqu’il est employé pour : lourd grossier.
Vers 1498, quelqu’un de gourd est maladroit.

Bien évidemment, il en découle quantité de dérivés comme :
·         Gourdement :
Au XVe siècle, il prend le sens de « beaucoup » en évoquant la richesse.
·         Engourdi – en parlant du corps humain :
Vers 1260 : privé en partie de sa mobilité.
Vers 1555 : être au ralenti
« Engourdi » a supplanté « gourd », en ce qui concerne un membre du corps humain.
·         Engourdissement ( nom - 1539)
·         Engourdissante (adjectif)
·         Dégourdir (1442)
Verbe donnant le participe passé « dégourdi » : vif – prompt.
Ou encore en parlant de l’eau (1694) : chauffer légèrement.

Ma grand-mère faisait une flambée dans la cuisinière pour « dégourdir » l’air, lorsqu’il faisait un peu frais dans la maison. J’avoue employer encore ce mot, bien que plus usité.

·         Un dégourdi (1782) est une pièce de céramique soumise à une première cuisson, mais également une cuisson légère pour ôter l’excès d’eau dans une pâte de porcelaine (1844).

Vers 1150, le verbe « dégourdir » est aussi employé pour « manger vite et goulûment ».


J’espère que tout cela ne vous a pas trop engourdi le cerveau !!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



mercredi 12 février 2020

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D’EMPOISONNEUSES


LES EMPOISONNEUSES

L'AFFAIRE LAFARGE




Chapitre 17

Le 7 septembre, reprise de l’audition des témoins......

Marie Raymond, épouse Poutier, âgée de vingt-six ans.
Elle ne fit que répéter ce qu’elle avait entendu de la voix de Marie, la servante de peine, et d’Alfred, le valet de chambre, tous deux domestiques au Glandier.

Marie Delon, femme Bonnet, sage-femme à Uzerche.
Elle avait souvent soigné Charles Lafarge pour des crises nerveuses, mais elle n’était pas intervenue lors de sa fatale maladie.

Jean Garaud, scieur de long.
Il avait appris par Bardon, le valet d’écurie, que Marie Lafarge avait demandé qu’on achète de la poudre d’arsenic.


[1]Et de tous ces témoignages, ressortait une histoire bien étrange......
Le paquet de poudre d’arsenic acheté avait été remis à Alfred, le valet de chambre, qui l’avait donné à Clémentine Servat, servante au Glandier, qui l’avait déposé dans un vieux chapeau de feutre, avant d’être enterré dans le jardin.
Le paquet avait été extrait de sa cachette lors de l’enquête en janvier 1840, mais là, après analyse, ce paquet ne contenait pas le poison recherché, mais simplement du bicarbonate de soude.

Et le chapeau, il a peut-être eu un rôle essentiel dans l’affaire.
Voilà pourquoi.
Devant l’affaiblissement de Charles Lafarge, et pour éliminer le « mauvais sang »,  coupable de cet état, le médecin posa sur le cou du malade quelques sangsues.
Lorsque celles-ci furent enlevées, pour arrêter le sang, il fut appliqué de la bourre de feutre, prise à l’intérieur du vieux chapeau de feutre dans lequel avait été déposé, préalablement, le sac de poudre d’arsenic.


Fut appelé, ensuite, Gabriel Gilbert Coinchon-Beaufort, âgé de soixante-trois ans, propriétaire à Saint-Pourcin, dans l’Allier.

Pourquoi fut-il appelé à témoigner ? Lui-même se posait la question.
Il n’avait rien à voir avec cette affaire, si ce n’était qu’il connaissait le défunt et qu’il aurait sans doute voulu ne pas le rencontrer.
Gabriel Gilbert Coinchon-Beaufort avait été le beau-père de Charles Lafarge. Voilà pourquoi, il était face aux juges.
Alors, il expliqua qu’il n’avait rien contre Charles Lafarge et ne pouvait dire que ce qu’il avait vu pendant les dix-huit mois qu’avait duré le mariage de sa fille.
Charles Lafarge avait des crises nerveuses, le laissant pendant de longues heures, froid et raide, la salive aux coins de la bouche.
Il avait appris que les affaires de son gendre n’étaient pas fleurissantes, loin de là, et qu’il était au bord de la faillite. Lorsqu’il osa lui en parler, il s’était mis en colère, hurlant :
« Si je connaissais la personne qui vous a mis au courant de mes affaires, je la tuerais. »
Il évoqua aussi cette très violente dispute qu’il avait entendue, entre sa fille et sa belle-mère, lors du seul séjour prolongé qu’il avait fait au Glandier.

Il conclut en disant que sa fille n’avait pas été heureuse dans ce ménage.


Revenons un peu sur ce premier mariage.
Il avait eu lieu le 15 décembre 1834 à Saint-Pourçain-sur-Sioule dans l’Allier.
La future, Marguerite Félicie Coinchon-Beaufort, née le 14 mai 1806, avait 28 ans.
Elle devait décéder le 30 juillet 1835 à Beyssac.
Rien sur la rencontre des deux jeunes gens, ni sur les causes du décès de la jeune femme.
Etait-ce un mariage arrangé ?

Quant à Mme Lafarge-mère, visiblement, elle n’était pas la « douce belle-mère » qu’elle se disait être.
Une dispute qui en rappelle une autre, celle avec Marie Capelle-Lafarge.


Et les gâteaux envoyés ? Qui les avaient faits ?

Marie Mathieu, quarante-cinq ans, cuisinière chez les Lafarge avait tout expliqué lorsqu’elle fut appelée à témoigner.
Elle n’était en fonction chez les Lafarge que depuis un mois, environ, lorsque Mme Lafarge-mère vint dans sa cuisine, disant qu’elle souhaitait faire des gâteaux, afin de les envoyer à son fils. Assurément, il serait heureux en les recevant, de savoir que c’était une tendre attention maternelle.
Mme Lafarge-mère en réalisa vingt-quatre. Quelques-uns furent mangés aussitôt sortis du four. Personne n’avait été malade.
Il s’agissait de gâteaux avec une couche de crème solide, d’une épaisseur de deux doigts.
Vers 16 heures, quelques-uns furent placés dans une boite et à 21 heures expédiés à Paris.

Marie Mathieu expliqua, également,  qu’Alfred avait, avant la préparation des gâteaux, préparé une pâte dans laquelle il avait mélangé de la poudre d’arsenic afin d’attirer les rats et ainsi de les détruire.
En janvier, Alfred avait également effectué la même préparation, sur la demande de Charles Lafarge, qui était dérangé la nuit par les mouvements de ces rongeurs. La mixture avait été déposée dans la chambre de Charles Lafarge, non loin du lit de ce dernier, justement.

Jean Bardon, dix-neuf ans, domestique à Saint-Yrieux.
Il confirma que lui et Alfred avaient enterré, dans le jardin, un paquet de poudre d’arsenic préalablement déposé dans un chapeau, pour qu’aucun accident ne se produise, avait-il précisé. Le lendemain, avec le Juge de paix, le paquet avait été déterré.
Jean Bardon en vint à parler de Denis qui n’aimait pas Mme Lafarge-jeune et souhaitait la voir « coupée en quatre ». Denis lui avait dit qu’il serait bientôt le maître et qu’il le mettrait à la porte.
Il certifia avoir mangé un gâteau sans avoir été malade par la suite.

Jean Montezan, vingt-huit ans, tuilier au Glandier.
Concernant Denis, il réitéra les dires de Jean Bardon.
Ce fut lui qui fut chargé de déposer la boite, clouée et ficelée, contenant les gâteaux, à Uzerche à la diligence de six heures du soir. Une lettre écrite de la main de Mme Lafarge-mère partait, elle, par la poste.

François Hallapeau, chef de bureau aux Messageries Générales
Dans la nuit du 15 au 16 décembre, comme le confirme un bordereau, une caisse était partie d’Uzerche, de la part de Mme Lafarge pour M. Lafarge, rue Sainte-Anne à Paris.
Ce fut M. Lafarge qui vint récupérer l’envoi, dès son arrivée à Paris.


Félix Buffière, vingt-six ans, commis de nouveauté – 110 rue Montmartre à Paris.
Le 19 décembre, expliqua-t-il, Charles Lafarge lui avait demandé de venir le voir car il était malade. Il souffrait de coliques, mais pas de vomissements. Il lui avait parlé d’un gâteau qu’il avait reçu, il lui en proposa un morceau, mais « il ne l’avait pas séduit ». D’ailleurs Charles Lafarge lui avait précisé : « Il n’est guère bon ! ».
Félix Buffière décrit le gâteau qui ne correspondait nullement, ni par sa forme ni par son aspect, à ceux qui avaient été expédiés. Un seul grand et non quatre ou cinq petits.

Jean Saby, dit Magneux, vingt-six ans, régisseur à Excideuil.
Deux ou trois jours après son retour de Paris, Charles Lafarge lui avait dit être malade. Des maux de tête et d’estomac et ne pouvant garder aucune nourriture. Il lui avait expliqué que ses malaises étaient sûrement dus à la fatigue du voyage.

Clémentine Servat, femme de chambre de Marie Capelle-Lafarge, vingt-trois ans.
Elle estimait beaucoup sa maîtresse et n’avait pas voulu la quitter dans le malheur qui l’accablait à présent, aussi depuis son arrestation partageait-elle son sort, enfermée avec elle dans sa geôle.
Concernant la poudre d’arsenic, elle précisa qu’il en fut acheté par trois fois.
·         Après le départ de Monsieur Lafarge.
·         Une autre fois, un paquet remis par Alfred à M. Lafarge.
·         Puis une troisième fois, un autre paquet acheté par Denis et remis à Madame par Denis lui-même.
Clémentine précisa :
«  Je savais, par Monsieur Lafarge lui-même, que cette poudre était dangereuse, alors j’ai eu peur et j’ai placé le paquet dans un vieux chapeau qui se trouvait sur une étagère dans une chambre. Le chapeau ne servait plus. Pour les gâteaux, ils avaient été faits par Madame Lafarge-mère. C’était des petits choux carrés qui s’arrondissaient avec la cuisson. Les gâteaux avaient été mis dans une caisse avec plusieurs autres choses : des socques, un portrait, un foulard. Mademoiselle Brun conseilla de remplir les vides avec des marrons. Les gâteaux étaient entortillés dans un morceau de papier. Il n’y avait pas un seul grand gâteau, mais seulement des petits


Comment quatre ou cinq petits gâteaux, partis d’Uzerche, étaient-ils devenus un seul et grand gâteau à leur arrivée à Paris ?
Le chapeau se trouvait, au premier étage, dans une antichambre dont une porte donnait sur le palier et une autre dans la chambre de Charles Lafarge.


Alfred Moutardier, ancien valet de Chambre de Charles Lafarge, dix-neuf ans.
Il ne fit que répéter ce que les précédents témoins avaient affirmé, ajoutant toutefois que Denis avait lancé, haut et fort :
« Il faut que Madame soit sciée en quatre morceaux et si elle ne veut pas monter à l’échafaud, je me charge bien de l’y faire monter, moi ! »
Alfred Moutardier était entré au service de Charles Lafarge quinze jours après son mariage avec Marie Capelle. C’était lui qui avait préparé la mort-aux-rats et son maître avait vérifié, et la poudre et la pâte faite avec celle-ci.


Oui, mais la pâte, faite de sucre, de beurre et d’un peu de farine, retrouvée, ne contenait pas d’arsenic, pourtant le paquet remis était censé en contenir. Ce même paquet, d’ailleurs, qui avait été enterré, puis déterré et dont le contenu, une fois analysé, se révéla être du bicarbonate de soude !


Gabriel Dupuis, cordonnier à Uzerche, quarante-cinq ans.
Il avait vu Charles Lafarge le 5 janvier. Ce jour-là, il lui avait dit qu’il lui réglerait une partie de ce qu’il lui devait, car il était revenu de Paris avec 26 000[2] francs qui étaient dans sa valise. Il fut très étonné d’apprendre qu’il avait succombé le 14 janvier. Clémentine, qui lui avait annoncé la triste nouvelle, lui avait dit que lorsque Monsieur Lafarge était revenu de Paris, il allait bien et qu’il avait même fait, le soir, une promenade avec sa femme avant d’aller se mettre au lit.


Ce fut sur le témoignage du cordonnier Dupuis que s’acheva l’audience, avec plus d’interrogations que d’éclaircissements, tant les témoignages semblaient contradictoires.



[1] Je me suis permise quelques commentaires (mis dans des encadrés), afin d’essayer d’éclairer le lecteur......
[2] Uniquement la somme de 3 900 francs dans la valise, alors qu’il avait fait un emprunt de 26 000 francs.