mercredi 27 septembre 2023

Un crime des plus horribles - Chapitre 9 – Le châtiment



Les jurés sortirent et aussitôt un brouhaha enfla dans la salle d’audience, chacun échangeant en attendant la décision finale. Certains hommes allèrent se dégourdir les jambes dans le hall d’entrée ou fumer dans la rue devant le Palais de justice. Mais très vite tous reprirent leur place et le silence se fit de nouveau car il ne fallut aux jurés qu’une heure un quart pour délibérer.


Le verdict fut clair et précis.

Alphonse Caillard fut reconnu coupable.

Aucune circonstance atténuante ne fut retenue.

 

La Cour condamna Caillard à la peine capitale.

 

Le public présent accueillit cette sentence avec des cris de joie.

 

Les manifestations d’allégresse furent interrompues rapidement par la résonnance du marteau actionné par le Président demandant impérativement et immédiatement le silence.

Dans un calme, soudain redevenu pesant, le Président s’adressant au condamné  lui demanda :

«  Avez-vous des observations à préciser ?

— Non, monsieur le Juge », répondit celui-ci.

 

Pendant que le public quittait la salle d’audience commentant les diverses phases de ce procès, Caillard, lui, signa une demande de pourvoi avant de regagner sa geôle.

 

Condamné à mort le 9 juillet 1898, Caillard vit son pourvoi en cassation refusé.


 

La date de son exécution à Evreux fut arrêtée au 19 août 1898.


La veille, la guillotine fut montée avenue de Cambolle à Evreux[1] par le bourreau en exercice, Louis Deibler, et son aide.

Ordinairement ce genre d’événement, heureusement peu fréquent[2], se déroulait sur le Pré du Bel-ébat, mais en raison de la foire annuelle, la mort programmée de l’assassin de Nassandres dut être déplacée en un autre lieu dans Evreux.

Comme toujours, malgré l’heure matinale, beaucoup de badauds pour voir tomber la tête de l’auteur de cet horrible massacre.

 

Encadré par des hommes de Justice, de gendarmes et d’un prêtre, Alphonse Caillard monta sur l’échafaud quelques minutes après 5 heures du matin. A 5 heures 18 minutes, le couperet tomba.

Alphonse Caillard n’était plus de ce monde.

Acte de décès d’Alphonse Caillard :

L’an mil huit cent quatre vingt dix huit, le 19 août à 2 heures du soir sont comparus, Charles Hivin, 38 ans et Yves Marie Legall, 56 ans, employés d’administration, domiciliés 32 rue Joséphine à Evreux.....

Aujourd’hui, à 5 heures 18 minutes du matin, Alphonse Caillard, ouvrier d’usine, domicilié à Lisieux (Calvados), célibataire, né le 16 mars 1871 à la Madeleine-de-Nonancourt (Eure), fils de Alphonse Désiré Caillard et Eléonore Euphrasie Bonneville est décédé à Evreux, avenue de Cambolle......

 

Juste avant de quitter la prison, Alphonse Caillard avait fait un dernier aveu :

«  C’est moi.... Ourville-la-bien-Tournée... C’est moi qui ai tué les époux Nicolas, le 15 février 1895... C’est moi qui ai mis le feu.... »

 

Etait-ce pour soulager sa conscience avant de mourir ?

Etait-ce par bravade ?

Je ne pourrais le dire.

        



[1] Aujourd’hui, cette avenue porte le nom de : Avenue Maréchal Foch.

[2] A cette date, à Evreux, et cela depuis cinquante ans, l’exécution de Caillard était la dix-septième.

Pourquoi dit-on : « Tant pis » ?

 




Pis
, adverbe et adjectif, avant de devenir un nom masculin à partir du XIIème siècle.

Pis, issu du latin pejus – neutre du comparatif – qui a donné pire.

 

Avant la fin du XIIème siècle, pis est employé dans le langage littéraire comme comparatif de mal que nous retrouvons dans :

 

·         Qui pis est – 1450-1465 -                            : ce qui est plus grave.

·         Aller de mal en pis – 1245 -                        : allez de plus en plus mal, jusqu’au pire.

·         Mettre les choses au pis – 1714)                 : Imaginer le pire.

·         Au pis aller – fin du XVème siècle -            : En supposant que les choses aillent le plus mal  

                                                                       possible.

Cette dernière expression a donné le nom : un pis-aller, nommant un objet ou une personne à laquelle on a recours faute de mieux.

 

Pis   >     Pire

Les deux termes ont la même origine, celle du latin pejor.

 

Pire, superlatif de mauvais (malus), attesté dans notre langage à partir de 1155.

Nous trouvons ce terme dans les locutions suivantes :

·         Pour le meilleur et pour le pire (dans ce cas, il faut prendre le meilleur et laisser le pire).

·         Politique du pire.

 

De pire découlent :

  • ·          Empirer – XIIIème siècle           : plus pire que le pire – aggraver.
  • ·         Un empirement                           : une dégradation, une aggravation (mot plus usité de nos                                                                   jours).

 

Ma grand-mère disait « Tant pire », pour exprimer l’idée de :

  • ·         Tant que ce n’est pas pire.
  • ·         Dommage.

 Ce n’était pas une faute de langage, car dans le parler normand, cette expression existe bien, comme l’atteste mon dictionnaire regroupant toutes les expressions de la région normande.

 

Et puis, pour terminer, ne pas confondre pis et pis.

Un pis, du latin pectus celui-ci, désigne la poitrine ou encore le cœur et dans le domaine agricole, la mamelle d’une bête laitière (1180), comme celui de la vache.

  

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

 

 


mercredi 20 septembre 2023

Un crime des plus horribles - Chapitre 8 – Le jugement

 

Le procès d’Alphonse Caillard, ouvrier de filature, auteur des crimes de Nassandres en mars 1898, eut lieu le vendredi 8 juillet 1898, à la Cour d’assises de l’Eure.

Ce jour-là, les abords du palais de justice furent envahis dès le matin par une foule de curieux.

Le service d’ordre était assuré par un piquet du 28ème régiment d’infanterie, renforcé par des gendarmes[1].

Dans la salle d’audience, la tribune du fond, occupée essentiellement par des dames, était comble.

L’audience fut ouverte à 11 heures.

·         Président : Monsieur Lecaisne, Conseiller à la Cour de Rouen

·         Ministère public représenté par Monsieur le Procureur général Rack.

·     



La défense de Caillard était assurée par Maître Cobrat du Barreau de Paris, secrétaire de Maître Poincaré.

 

Dans le box des accusés, Alphonse Caillard, court et banal, vêtu d’un complet de drap foncé, figure longue, regard sombre, traits durs, taille moyenne, cheveux noirs coupés ras, fine moustache noire[2],  semblait absent, comme étranger à tout ce qui se passait autour de lui.

 

 

Le Président commença par énoncer l’état civil, la jeunesse de délinquance, les antécédents judiciaires de l’accusé avant d’en venir aux faits pour lesquels il comparaissait.

Il fit également mention des soupçons qui planaient sur le double meurtre d’Ouville-la-bien-Tournée pour lequel Caillard, soupçonné d’en être l’auteur, avait été acquitté faute de preuve.


 



Les faits qui amenaient Caillard devant ses juges étaient l’horrible assassinat à Nassandres de six personnes dont trois enfants. L’accusé avait d’ailleurs reconnu en être responsable lors de son arrestation en mars 1898 par le gendarme Mariette.








Revenait, à présent, à la Justice de déterminer s’il y avait eu préméditation et si l’accusé pouvait bénéficier d’éventuelles circonstances atténuantes.

 

 

 

Quarante deux témoins devaient comparaître au cours du procès. Que des témoins à charge !

 

Parmi ceux-ci, vinrent déposer à la barre :

·         Le docteur Halbout qui avait procéder à l’autopsie des victimes

·         Monsieur Benestier qui venu faire quelques travaux de jardinage avait découvert les corps de la famille Leblond.

·         Jules Levieux, commis de l’armurerie de Lisieux dans laquelle l’accusé avait acheté les six cartouches. Ce jeune commis avait précisé que le client avait demandé « des cartouches efficaces et tirant loin ».

·         Monsieur Picard, l’armurier de Brionne, dont la vitrine avait été facturée et à qui il avait été dérobé dans la nuit du 27 mars, deux fusils de chasse Lefaucheux, une carabine Flobert et deux revolvers.

·         Monsieur Blot, cultivateur au Petit-Launay, à qui Caillard avait emprunté une brouette.

·         Le jeune commis de ferme de monsieur Blot, André Mesnil, qui avait accompagné Caillard jusqu’à la gare et avait reçu de sa part, pour sa peine, six sous.

·         L’employé des chemins de fer qui avait délivré un billet de train pour Lisieux.

·         Un ancien camarade d’atelier de l’accusé qui relata que ce dernier lui avait dit un jour : « Si je tenais un bonhomme ou une bonne femme entre mes mains, je lui retournerai la peau du ventre à l’envers pour avoir son magot ».

·         Louise Chevalier, maîtresse de Caillard, portant dans ses bras un jeune enfant[3], expliqua que son amant avait emprunté cinq francs à sa sœur chez qui elle vivait avec son enfant[4]. Ce jour-là, il était parti pour chercher du travail, mais elle n’avait pas connaissance du lieu où il se renbdait, ni de ses réelles intentions.

·         Marie Chevalier, sœur de Louise, qui confirma les dires de sa sœur aînée.

·         Un filateur du nom de Guillemin qui avait vu, le soir des meurtres, un individu rôder autour de la maison des Leblond.

·         Monsieur Douis, cordier, qui se rendant dans son herbage derrière le vieux Château de Brionne, avait aperçu un individu suspect près de sa grange dans laquelle il avait découvert un paquet ensanglanté.

·         Monsieur Levillain, Juge de paix de Brionne. Il avait trouvé une carabine abandonnée dans un fossé, non loin du lieu des crimes. Celle-ci fut, peu après, identifiée comme celle volée dans le magasin de monsieur Picard.

 

Et bien d’autres, mais aucun en la faveur d’Alphonse Caillard qui resta tout au long de ces témoignages muet et indifférent.

 

Le président prit alors la parole pour ajouter :

« Vous avez tué de sang-froid toutes ces personnes, allant jusqu’à une mise en scène macabre. N’avez-vous pas pris le temps après avoir égorgé la petite Jeanne de placer ses mains sur sa poitrine et de déposer sur celles-ci la clef de la porte de la maison ? »


 

Le Ministère public demanda pour cet homme reconnu vindicatif, querelleur, violent, calculateur, au passé judiciaire très lourd et qui ne montrait aucun regret, la peine capitale.

 

Maître Cobart, jeune et éloquent, défendit son client de son mieux, précisant :

« Mon client est malade, un examen médical s’impose[5], le crime n’est pas seulement atroce, abominable, il est encore d’une bêtise, d’une invraisemblance qui suffiraient à démontrer m’irresponsabilité et l’inconscience de celui qui l’a commis. »

 

À ce moment, Alphonse Caillard se mit à pleurer, demanda pardon et implora l’indulgence du Jury qui se retira pour délibérer.

 

 



[1] Information donnée par le journal « Gil-Blas », en date du 9 juillet 1898.

[2] Journal « l’express du Midi » en date du 9 juillet 1898.

[3] Il s’agissait sûrement d’Arthurine Alice Caillard, fille naturelle de Lucie Adèle Louise Chevalier, reconnue par son père Alphonse Caillard, née à Lisieux le 1er octobre 1897, au 7 rue d’Orival à Lisieux.

[4] Un logement de deux pièces, rue d’Orival à Lisieux, dans la maison nommée « maison Bourgoin, dont le loyer mensuel se montait à dix francs.

[5] Lors de son incarcération, un examen médical avait démontré que Caillard n’avait jamais donné de signes de folie, malgré quelques simulations auxquelles il se livrait régulièrement.

Un lampion.....

 


....... Celui du 14 juillet ou de toute autre fête !

 

De l’italien lampione = grosse lanterne.

 

Le lampion désigna, au cours des siècles divers types de lampes !

·         Lanterne de bateau (1510)

·         Grosse lampe (1510)

·         Godet rempli d’huile avec une mèche (1690)

·         Lanterne vénitienne en papier plié (1750)

 

Ces lampions pouvaient être fixes, attachés à des mas ou des cordes traversant des rues, ou mobiles suspendus à une perche portée par des personnes en procession.

 

Une expression « sur l’air des lampions » nomme un cri en trois syllabes, scandé sur une même note.

 

Un lampion était aussi le nom donné à un tricorne militaire en forme de lampe à huile.

 

Ces militaires, coiffés de lampions, défilaient-ils sur l’air des lampions en portant des lampions ?

Si quelques écrits racontent ce genre d’événement, je ne les ai pas encore découverts.

 



   Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert