mercredi 31 mai 2023
La destinée de Charles Nicolas Valentin Chauvet - Première partie
Ce poupon grandit et entra en
apprentissage chez un menuisier. C’était qu’il était déjà très habile de ses
mains. Pendant les périodes creuses, comme il en était fréquent dans les
campagnes, il exerçait aussi le métier de tisserand.
Au hasard de la vie, des
rencontres sur les marchés et des divers déplacements occasionnés par ses
travaux, ce jeune homme rencontra, à plusieurs reprises, une jeune fille qu’il
trouva fort à son goût.
Tellement à son goût qu’elle
finit par hanter ses pensées.
Elle se nommait Marie[1].
Couturière, elle vivait dans le village voisin, Le Bocasse, avec sa mère veuve
depuis le 23 février 1811.
Les sentiments des deux jeunes
gens s’avérant partagés, ils s’unirent le 8 août 1821. La cérémonie eut lieu
dans la commune de résidence de la jeune femme, au Bocasse.
Il fallut attendre plus de trois
années au jeune couple pour avoir un premier enfant. Ce fut une fille qui
poussa son premier cri le 7 avril 1825.
Une fille ! Bien sûr,
Charles Nicolas Valentin aurait préféré un garçon, mais qu’importait, ce garçon
arriverait plus tard...
Cette nouvelle-née, prénommée
Marie Eloïse, fut la seule enfant du couple.
Elle grandit dans l’amour
attentif de ses parents, choyée comme peu d’enfants l’étaient à cette époque.
Vous arrive-t-il d’âtre schlass (schlasse) ?
Voilà un adjectif – qui fut aussi un nom en 1873 - qui mérite quelques explications.
Comme adjectif, il apparut dans notre langage en 1916.
Ce terme, orthographie en 1883, slasse, est emprunté à l’allemand schlaff avec la signification de : fatigué, mou.
·
Je suis schlass !
·
Je suis raplapla !
·
Je suis H.S. (Hors service) !
·
Je suis flapi !
En revenant en arrière dans le temps, en 1873, un slaze désignait un homme ivre.
Et si nous creusons un peu plus, un schlass, en 1932, puisant son origine dans le terme anglais slasker, devint une arme blanche.
·
To slash (au
XVIème siècle) : entailler – trancher – balafrer.
Mais,
le verbe to slash pourrait trouver un
lien avec l’ancien français esclachier,
pour : briser en morceaux – éclater.
Les
mots voyagent colportés d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre, et beaucoup
ont une origine antique identique.
Et puis, il y a aussi ..........
Alors attention prudente :
Ne jamais croiser un schlass muni d’un schlass, surtout si vous êtes schlass(e).
Pour
cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert
mercredi 24 mai 2023
Un gougnafier
Ce nom – masculin - attesté depuis 1899 est d’origine incertaine.
Il pourrait toutefois être rapproché de gougniafiasse : goinfre.
De toute façon, c’est un dérivé de goule ou gueule.
Alors pourquoi un gougnafier est-il un bon à rien, un rustre, un goujat ?
Mystère de la langue française.
Peut-être, si on considère qu’un bon à rien est celui qui est nourri à ne rien faire de bon, qui se goinfre, sans gagner réellement sa croûte ?
Serait-ce une piste ?
Bon à rien !
Marcel Pagnol, lui, faisait dire à un de ses personnages dans le
Schpountz (1938) : Tu n'es pas bon à rien, tu es mauvais
à tout.
Une nuance difficile à saisir !!
Pour
cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert
L’aubergiste de Sotteville-lès-Rouen - Epilogue : Une nouvelle vie loin de la France
Marie Anaïs Thomassin avait vu le
jour à Bierné dans la Meuse, le 14 juin 1848.
Elle avait été condamnée à quatre
mois de prison pour vol, mais surtout condamnée à la relégation.
Suite au jugement en date du 25
janvier 1887, elle avait embarqué, le 16 mars 1888, sur le bâtiment Nantes Le Havre, direction la
Nouvelle-Calédonie où elle débarqua, sur l’île des Pins, le 9 juin 1888.
Un caractère rebelle, Marie
Anaïs, car dès son arrivée elle fut condamnée à huit jours sans salaire pour
querelle.
Sa fiche de bagne décrit cette
femme ainsi :
Marie Anaïs - Matricule 106.
Mesurant 1 m 457 –
cheveux noirs – yeux marrons – nez court – bouche moyenne – visage ovale –
teint coloré.
Cicatrices : œil
gauche – tempe – dos – cuisses.
Tâche sur la cuisse
droite.
Fille de Jean
Thomassin et Marie Louise Pauline Dematus, elle était l’épouse d’un certain
Ernest Piller[1] qui
avait obtenu le divorce en 1893.
Avant cette condamnation, Marie
Anaïs avait donc épousé, le 11 septembre 1875, Ernest Francis Pillaire, né le
15 juillet 1849 à Reims, fils de Jean Baptiste Pillaire et de Marie Victorine
Naudé.
En raison des événements et de la
relégation de son épouse, Ernest Francis avait obtenu le divorce. Jugé au tribunal civil de Reims le 21 juillet
1892 et transcrit sur les registres de mariage le 2 novembre 1893.
Comment Marie Anaïs a-t-elle rencontré Félix Joseph Alavoine ?
Tout simplement parce que l’un et l’autre demeuraient à Tendéa près de La Foa.
Parler de la France. Parler de
son vécu. Voilà qui pouvait rapprocher !
Et le rapprochement s’opéra
puisque, le 4 octobre 1897, Félix Joseph Alavoine et Marie Anaïs Thomassin se
marièrent.
Félix Joseph Alavoine décéda le
premier, le 3 juin 1905. Marie Anaïs Thomassin le suivit de très près
puisqu’elle s’éteignit le 23 juin de la même année.
Et sur le continent, quelles
nouvelles ?
Que sont devenus les enfants d’Athanase
Bénard et d’Émilie Adélaïde Sénéchal ?
Athanase
Bernard Bénard
Né le 24 août 1857 à Sotteville-lès-Rouen,
il épousa, le 28 avril 1880, la demoiselle Marie Mathilde Tétard. La cérémonie
eut lieu à Rouen.
Six années plus tard, le 30
octobre 1866, Athanas Bernard décéda à l’âge de vingt-neuf ans.
Ernestine
Palmyre Bénard
Née à Sotteville-lès-Rouen, le 18
novembre 1892, elle avait trouvé refuge chez son frère aîné, en raison des tragiques
événements familiaux.
Elle épousa le 26 janvier 1884,
Jean Marie François Tronel.
Le 3 décembre 1892, elle
s’éteignit à l’âge de vingt-huit ans.
Louis
Alexandre Bénard
Né le 2 juin 1866 à
Sotteville-lès-Rouen, Louis Alexandre avait été vivre, après le décès de sa
mère, chez son frère aîné, Athanase Bernard.
Plus de trace de lui ensuite....
Avait-il quitté la région ?
Que sont devenus les enfants de
Félix Joseph Alavoine et Elise Désirée Picard ?
Ernest
Félix Alavoine
Né le 22 avril 1873 à
Saint-Pierre-Lès-Elbeuf, Ernest Félix épousa le 2 juin 1900, à
Caudebec-lès-Elbeuf, Françoise Céline Acher.
Pas de date de décès le
concernant.
Elise
Albertine Alavoine
Née à Caudebec-lès-Elbeuf le 12
juin 1875, elle se maria dans cette même commune, le 25 septembre 1897, avec Charles
Eugène Boff.
Pas de date de décès la
concernant.
Une même mention sur les actes d’état-civil
de mariages des enfants Alavoine :
«.... le père,
Félix Joseph Alavoine (absent) - interdit suivant jugement rendu par la cour
d’assises de Rouen en date du vingt-deux novembre mil-huit-cent-quatre-vingt-un.... ».
Dans l’acte de mariage d’Ernest
Félix Alavoine, le renseignement suivant :
La date de décès d’Alexandre
Félix Alavoine, père de Félix Joseph, le 22 janvier 1899 à Elbeuf.
Toutes ces familles (Bénard,
Alavoine, Sénéchal, Picard....) ont certainement beaucoup souffert du meurtre
commis par Félix Joseph Alavoine.
Des vies brisées.....
mercredi 17 mai 2023
L’aubergiste de Sotteville-lès-Rouen - Treizième partie : Le verdict
Les jurés quittèrent leur box afin
de délibérer sur le sort de l’accusé.
Le condamner ?
L’acquitter ?
La salle d’audience se vida
lentement des personnes venues en grand nombre entendre les débats dans un
brouhaha de commentaires. Parmi les personnes présentes quelques voisins
habitant le quartier du cimetière à Sotteville-lès-Rouen, les membres de la
famille de la victime et de celle de l’accusé. Tous heureux de pouvoir se
dégourdir les jambes dans l’attente du jugement, en espérant toutefois qu’ils
ne devraient pas arpenter trop longtemps la salle des pas perdus du palais de
justice.
Mais pour que justice soit faite,
il fallait donner aux jurés le temps nécessaire à leurs débats.
Lorsque ceux-ci revinrent dans la
salle d’audience, le public avait déjà repris place.
À ce moment, le premier juré
annonça la sentence que chacun pressentait :
Sur les questions posées, il fut
répondu :
Oui, sans
circonstances atténuantes.
Sauf toutefois en ce
qui concernait l’attentat à la pudeur.
Alavoine était
condamné à la peine de mort.
En entendant l’arrêt de la cour,
le condamné resta de marbre.
Il était onze heures du soir,
lorsque la salle d’audience du palais de justice se vida à nouveau, mais cette
fois, pas le moindre commentaire, seulement le bruit des pas et le froissement
des étoffes.
Un mois plus tard, le 24 décembre
1881, le journal La Liberté notait en
page 3 :
Condamnation à mort –
rejet de pourvoi.
La Cour de cassation
a rejeté hier le pourvoi de Félix Joseph Alavoine, condamné à la peine de mort
par arrêt de la cour d’assises de la Seine-inférieure du 22 novembre, pour
crime d’assassinat.
Le 27 décembre 1881, les lecteurs
du journal Le Rappel pouvaient lire
ces quelques lignes :
Nouvelles
judiciaires.
Dans son audience d’hier, la Cour de cassation,
présidée par M. le président Barbier, a rejeté le pourvoi de Félix Joseph
Alavoine, condamné à la peine de mort par la Cour d’assises de la
Seine-Inférieure, le 22 novembre dernier, pour assassinat.
Le même article se retrouvait
dans divers autres journaux, comme Le
Temps, le 24 décembre 1881 – La
Petite Presse, le 25 décembre 1881 ......
Le 23 février 1882, alors que
Félix Joseph attendait au fond de sa cellule de la prison de Bonne-nouvelle, la
date fatidique de son exécution, il apprit qu’il était gracié et que sa peine
était commue en emprisonnement à vie. Il serait déporté au bagne.
Félix Joseph Alavoine venait
d’avoir la vie sauve, mais la vie au bagne jusqu’à sa mort n’avait rien de
réjouissant.
La fiche de bagne
d’Alavoine donne les renseignements suivants :
Condamné le 22
novembre 1881 par la cour d’assises de Seine-Inférieure pour homicide
volontaire et incendie volontaire
Par décret du 23 février
1882, le président de la République a commué la peine de mort en celle de
travaux forcés à perpétuité.
Écroué au dépôt le 6
avril 1882.
Embarqué le 10 mai
1882 sur le Fontenay à destination de la Nouvelle-Calédonie.
Puis également ce qui suit :
Félix Joseph Alavoine mesurait
1.71 mètre, avait le visage ovale, le teint coloré, les cheveux et les yeux
châtains, le nez moyen et la bouche également, un menton à fossette.
Il portait une cicatrice à la
joue gauche, une autre au-dessus de l’oreille droite et une troisième sur le
bras droit.
Ces deux bras portaient des
tatouages, mais aucune précision les concernant.
Félix Joseph fut effilocheur. Sa
tâche consistait à effilocher des déchets de laines ou de chiffons destinés à faire
de la pâte à papier.
Par la suite, il devint
concessionnaire, un privilège donnait aux bagnards ayant déjà purgé une peine
d’au moins dix à quinze années et ayant eu une bonne conduite.
Concessionnaire ? La
possibilité à un bagnard de pouvoir exploiter à son compte une parcelle de
terre ou d’exercer un métier hors de l’enceinte du bagne.
Alavoine, lui, disposa d’une
terre à Fonwhary, le 22 novembre 1891.
Un peu de liberté retrouvée.
Une guitoune
Un mot provenant de guitour, nom masculin ayant pris naissance en 1838, suite à un emprunt à l’arabe maghrébin gitun désignant une tente.
Et, en effet, dans l’argot miliaire des troupes d’Algérie, ce mot devenu une guitoune nommait une tente de campement.
Par la suite, quelque cinquante années plus tard, ce terme, qui n’avait pas quitté le domaine de l’armée, fut donné à un abri de tranchée.
Au milieu du XXème siècle, la guitoune reprenant son orthographe et son usage initiaux, se retrouva dans les campings, abri de toile de vacances.
Aujourd’hui, ce nom féminin n’est plus en usage, et si parfois personnellement, je l’utilise encore, c’est pour l’attribuer à une cabane un peu délabrée servant de cachette aux jeux des enfants.
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert