jeudi 30 août 2018

Des mots toujours des mots..... j’en ai à revendre !!




En cette fin de mois d’août, alors que se profile à l’horizon la rentrée automnale, pensant comme beaucoup, que la fraîcheur venant, il va falloir penser à remettre une « petite laine », j’ai fait du tri dans mon armoire.

Alors là ! Que de frusques !

 « Frusque » de « frusquin ».  Origine incertaine, mais, car il y a toujours un « mais », ce mot viendrait, peut-être, d’un adjectif utilisé vers 1360, « frisque » qualifiant un individu « pimpant », bien mis. « Frisque », mot étant, lui-même,  l’altération d’un autre adjectif « fresche », ancien féminin de frais.
Mais..... Il serait peut-être également issu ce « frusquin », de l’italien « frisco » provenant de « frustulum » - en latin – désignant des morceaux : pièces de vêtement, pièces d’outillage, pièces de monnaie......

Que peut-on tirer de tout cela ?
·         Un homme bien  frisque attire le regard.
·         L’air devient frais et la température fresche.
Petite parenthèse : le mot « fresche » (de frusquin désignant des morceaux dont des pièces de monnaies) est employé en argot pour désigner l’argent.
·         Mon armoire contient un frusquin pêle-mêle qu’il faut que je range : pulls, jeans, chemises, gilets et saint-frusquin....
Ce saint-frusquin-là n’a rien de religieux, depuis 1740, il se place à la fin d’une énumération non achevée, prenant la signification de notre usuel « Etc.. ».

Les frusques, nom féminin pluriel, datent de 1790. Pas celles rangées de mon armoire, non !
C’est un mot argot désignant les habits, mais pas des habits neufs, loin de là, mais plutôt des hardes.


Harde !
Depuis 1480, se dit de l’ensemble des effets personnels, quel que soit leur état.
Vers 1771, à l’usage et avec l’usure, ces hardes prirent l’apparence de pauvres vêtements usagés, voire en lambeaux.

Heureusement, je n’en suis pas encore là avec mes frusques.

Prenant de l’âge, moi qui marche tout le temps pieds nus, je pense que je vais enfin m’acheter des pantoufles !


Des pantoufles !
1480 – Chaussures à semelle épaisse et à haut talon portées par les élégantes.
1490 – Chaussons souples placés à l’intérieur des chaussures.

Petite question : Les élégantes mettaient-elles des pantoufles dans leurs pantoufles ?

Vers 1800, la pantoufle devint le symbole de la bourgeoisie tranquille, selon Baudelaire.

Mais aussi le symbole de la bêtise. (Rien à voir avec Baudelaire)
·         « Raisonner pantoufle » : bavarder sans suite
·         « Raisonner comme une pantoufle » : raisonner comme un pied.
De là, vous vous en doutez, l’expression : « Etre bête comme ses pieds ».

Alors, si vous n’avez pas encore la migraine, je peux ajouter :
·         Un pantouflier ou une pantouflière (1765) est une personne qui fabrique et/ou vend des pantoufles.
Une activité donnée souvent, par l’intermédiaire d’un fabricant, aux XVIIIème et XIXème siècles, aux personnes purgeant une peine d’emprisonnement.
·         Pantoufler(1676) : Parler sans arrêt
·         Pantouflard(e) : nom et adjectif. Individu aimant être peinard et se la couler douce.

Un pantouflard, pantouflier, pantoufle pour vendre ses pantoufles.

Ils ne sont pas « baths », ces mots ?
Bath !?
Nous verrons ce mot la semaine prochaine !
Patience ! Patience !

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 - Villettes



Chapitre 3  


La révolution a engendré de nouvelles idées.
Entre Ancien Régime et République, ce nouveau monde était bien fragile.

Chapitre 3

Mais, les idées étaient tenaces et s’incrustèrent dans les esprits.
Les citoyens se sentaient tous « frères » et demandaient à avoir, tous, les mêmes droits.
« Liberté – égalité – fraternité »

Ce que Jean Baptiste Signol n’aurait jamais cru, c’était que ces idées avaient aussi germé dans la tête de ses deux derniers fils, Jean Jacques Philippe et Louis Germain.
Plusieurs fois, des querelles avaient éclaté dans sa propre maison, notamment avec Jean Jacques Philippe qui étaient le plus acharné.

« Sors d’ chez-moi ! avait, un jour, crié le père, hors de lui, désignant d’un doigt rageur et autoritaire, la porte de son logis. J’ suis encore maître chez moi ! »

Dans ces cas-là, de plus en plus fréquents, épouse et mère, Marie Marthe restait en retrait, priant la Vierge avec ferveur pour que père et fils n’en viennent pas aux mains.

Possédant tous deux le même caractère fort, le même entêtement, ils s’étaient toujours affrontés. Une rivalité d’hommes qui avait grandi avec les centimètres que prenait chaque année Jean Jacques Philippe, qui, à présent, se sentait l’égal du père, même si il le respectait.
Le fils, Jean Jacques Philippe disait ne plus avoir d’ordre à recevoir. Il était capable de mener seul sa vie. Et puis, que connaissait-il, ce père vieillissant, aux désirs d’un peuple en mouvement vers la construction d’une nouvelle société plus équitable.
Le père, Jean Baptiste, voulant rester le patriarche de sa tribu, ne cédait rien !
Marie Marthe Pelletier vivait très mal la situation. Elle avait beaucoup de tendresse pour cet homme avec qui elle avait passé de longues années, se soutenant l’un l’autre pour affronter les écueils de la vie qui furent, hélas, trop nombreux. Elle se sentait usée et souhaitait finir sa vie paisiblement. Mais, elle aimait ses petits, devenus adultes, et peut-être plus particulièrement Jean Jacques Philippe avec son caractère rebelle, mais rêveur, n’acceptant aucune contrainte. Elle comprenait son besoin d’indépendance, de liberté d’autant plus qu’étant née fille, elle avait dû sa vie durant obéir et se soumettre, malgré cette envie, au fond d’elle-même, de ruer dans les brancards.
Cette flamme-là, elle l’avait transmise à Jean Jacques Philippe. Elle se reconnaissait en lui.
Oui, la vie allait changer. Marie Marthe le sentait bien. Même si les femmes étaient exclues de ces discussions d’hommes, elles en échangeaient entre elles, au marché, au lavoir et au hasard d’une rencontre.
Oui, une nouvelle ère était en marche, c’était une évidence, mais ce changement n’apporterait sûrement pas que du bon. Marie Marthe en avait le pressentiment.
Que pouvait-elle faire contre ça ?
Que pouvait faire son époux ?
Rien, ni lui, ni elle.
A leur âge, ce n’était même pas la peine qu’ils usèrent leurs dernières forces dans ce combat qui n’était pas le leur.



........ à suivre ......


jeudi 23 août 2018

Cool Raoul !! Ne te fais pas de bile !


Connaissez-vous tous ces mots ?

Je suis plongée dans la lecture  d’un roman....  Rien de bien étonnant en cela, me direz-vous !!
Certes, mais le héros de ce roman est un « gars de la rue de la Gaité », un vrai Parigot dont le vocabulaire m’a fait penser aux paroles de certaines chansons de Maurice Chevalier (1888 – 1972) chanteur, acteur, écrivain, parolier...... et de surplus, un « gars de Menilmontant », un quartier bien typique de Paris. De « Ménilmuche » comme Maurice Chevalier se plaisait tant à le dire avec fierté !

Ne pas se faire de mousse 
Il ne s’agit pas dans cette expression de « la petite mousse », nom donné à la bière.
« Mousse » est la dénomination argotique désignant les cheveux.
Ne pas se faire de mousse, c’est ne pas se faire de cheveux, sous-entendu, des cheveux blancs !
Pourtant, quand on se fait des cheveux blancs, c’est en raison d’un grand nombre de soucis. Enfin, c’est ce qui se dit !
Mais quand on se trouve dans des situations extrêmes, ne s’arrache-t-on pas les cheveux ?
Alors ? Cheveux blancs ou tête chauve ?

Se turlupiner
Ce verbe vient de « turlupin », nom et adjectif, nommant et qualifiant un comédien de foire, un personnage blagueur voire un mauvais plaisant (1653).
Au théâtre, en 1879, un turlupin était un mauvais acteur !
« Turlupiner quelqu’un », dans les  années 1610,  revenait à faire des plaisanteries de mauvais goût. Ce verbe prit après la Révolution Française, le sens de « tourmenter quelqu’un ». Pas sympa !!
Donc, je récapitule : Un turlupin turlupine son entourage par des turlupinages.
Par extension, se turlupiner, n’est autre que « se tourmenter », « se faire du souci ».

Quand on ne se fait pas de mousse, on ne se turlupine pas non plus !

Etre peinard (pénard)
Comme le dit si bien Georges Brassens dans « Les copains d’abord » :
Non, ce n'était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en pèr' peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord

Ce Père peinard-là devint un homme paisible  depuis 1881, mais avant ?
Si vous l’observez, ce peinard, découle de peine. Pas paisible la peine pourtant, non ?
1549, un vieux peinard avait des prétentions amoureuses pas réellement en rapport avec son âge.
1610, le ridicule prit le dessus, un peinard, qu’il soit jeune ou vieux, avait la réputation d’être un idiot ridicule.
Tout évolue, braves gens !
Le peinard de 1883, redevint un vieillard, mais souffreteux, affaibli..... Et de ce fait, ne bougeant plus beaucoup, il passait son temps bien tranquillement dans son fauteuil.
Le voilà peinard....  tranquille quoi !
En père peinard..... En père tranquille !

Le paisible Père-peinard ne se fait jamais de mousse, ni ne se turlupine... ça vous l’avez compris, bien évidemment !

Ils ne sont pas « bath »,    tous ces mots ?
Bath ! Tiens, tiens.....

Attendez !
Je vais vous faire saliver un peu, car je vous expliquerai ce mot, la semaine prochaine.
Et pour me faire pardonner de ne pas poursuivre, il y aura, aussi et encore, d’autres mots et expressions.

A bientôt !
Bonne semaine !

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 Villettes... dans l'Eure



Chapitre 2


La vie reprit son cours.
Jean Baptiste, ne pouvant pas s’occuper seul de son ménage, se remaria le 30 avril 1744.
Dans la petite église de Villettes, les cloches qui, deux mois plus tôt, teintaient lugubrement, carillonnaient à toute volée, annonçant au village entier, le nouveau bonheur de Jean Baptiste Signol, uni en ce jour à Marie Marthe Pelletier.
Et des petits, le couple en eu une ribambelle !
Marie Marguerite, le 19 janvier 1745. Mais, cette petite ne vécut que quinze jours. Elle fut inhumée le 2 février 1745.
Un dur moment où devant ce destin qui s’acharnait, Jean Baptiste crut à une malédiction.
Toutefois, Marie Marthe, d’une constitution robuste, se remit rapidement de ses couches.
Alors, arrivèrent au foyer :
·         Baptiste, le 21 novembre 1746.
·         Michel, deux ans plus tard, le 22 octobre 1748.
·         Marie Véronique Victoire, une fille, bien membrée, aussi robuste que ses frères, le 3 juillet 1851.
·         Jean Jacques Philippe, le 10 mars 1756.
·         Louis Germain, le petit dernier, le 21 mai 1758.
Cinq !
Quatre garçons et une fille !
Une fille, tout de même, qui combla son père qui en avait perdues deux dès leur naissance.
Tous les cinq participaient aux travaux de la ferme.
Pas de fainéants !
La soupe, ça se gagne !

Les années passèrent.
Les enfants se marièrent et quittèrent le nid.
Ainsi va la vie !

-=-=-=-=-=-=-=-


A présent, Jean Baptiste se déplaçait difficilement, mais cela ne l’empêchait pas de faire son ouvrage, sauf qu’il lui fallait plus de temps.
Près de lui, Marie Marthe Pelletier, en épouse attentive, supportait toujours les bougonnements et les colères de son époux.

« Un brave homme, tout de même », pensait-elle, en le regardant avec une certaine tendresse.

Oui, un brave homme qui, vieillissant, ne comprenait pas toutes ces rumeurs qui affirmaient qu’un nouveau monde était en marche, que la vie allait changer, que les terres étaient à ceux qui les cultivaient, et que tous ces « ci-devant nobles » étaient des propre-à-rien et le roi un tyran.
Lui, Jean Baptiste avait toujours travaillé et il en était fier.
Et puis, à son âge, tout ça !............

« Des révoltes, bah, j’en ai bin vues dans ma vie. Qu’est-ce que ça a changé ? Rin ! Les pauvres sont toujours pauvres. Les riches plus riches encore !
-          T’as rin compris, citoyen ! C’est point une révolte qui disent, c’est une révolution, et ça c’est qu’qu’ chose !

Jean Baptiste regarda ce blanc-bec qu’il avait vu quasiment naître et qui, il y avait peu de temps, tétait encore sa mère. Et le voilà, qui à présent, lui donnait du « citoyen » à tout-va !
Et en plus, il osait lui dire, à lui Jean Baptiste Signol, qui en avait vu depuis sa naissance et qui savait ce qu’était la vie, la vraie, celle que l’on gagne durement à la sueur du front et à la force des bras, qu’il ne comprenait rien !
Quel culot !

Mais, il dut admettre, le vieux Signol que c’était bien une révolution, car ces jeunes ne respectaient plus les anciens. Ce monde avait effectivement perdu la tête.
Il ne  croyait pas si bien penser, le pauvre Jean Baptiste, qui raconta tout cela à son épouse le soir, devant son bol de soupe.
Marie Marthe Pelletier que tout cela dépassait, écoutait haussant les épaules en signe d’impuissance.
« Que veux-tu, mon pauvre homme, c’est la jeunesse d’aujourd’hui !
-          Citoyen ! T’imagines-toi ? M’appeler ainsi. Tiens, bah maint’nant, j’ vas t’appeler citoyenne.
-          Tu sais, moi, j’ m’en moque un peu. Du moment qu’ t’es là avec moi à manger la soupe !
-          Et ça parle, et ça discute, même le curé, il a plus son mot à dire. L’église, à c’t heure, on y dit plus la messe, non, on y discute et reçoit des ordres. Et puis y s’ font appeler « sans culotte » ! T’imagine, toi ?
-          « Sans culotte » ! s’exclama Marie Marthe, c’est-y qu’ils vont cul à l’air ?
-          Bah non, ils portent des pantalons !
-          Ah ! Et puis, si ça leur fait plaisir, conclut Marie Marthe, mais, quand ils auront faim, tu verras, mon homme, comme à chaque fois, i’  r’prendront la charrue, va !


A suivre ...............................


jeudi 16 août 2018

Avez-vous dans votre entourage, un rodomont ?




Ce nom commun qui peut aussi être employé comme adjectif fut, jadis, un nom propre, celui attribué au roi d’Alger, personnage brave, mais également fier et insolent, issu d’un roman chevaleresque écrit à la fin du XVème siècle par Matteo Maria Boiardo : « Roland amoureux ».

Bien sûr, cela ne vous dit rien, je suppose. Rassurez-vous, je viens, moi-même, de le découvrir.

Voilà pourquoi on désigna, depuis lors, les fanfarons aux allures méprisantes, faisant étalage d’actes de bravoure dont ils n’étaient nullement les auteurs, par le nom de ce personnage imaginaire.
Un vantard, dirait-on aussi.
Imaginez donc un vantard rodomont ! Double peine pour celui qui doit le supporter !!

Une rodomontade est donc l’attitude d’une prétention à la limite du ridicule de ce grotesque rodomont.
 Rodomont...... Rodomontade..... Quels mots « ronflants » !  Pas facile à prononcer non plus !

Pourquoi Molière, dans la scène de la leçon de philosophie du « Bourgeois gentilhomme », n’a-t-il pas utilisé ces deux mots ?
J’imagine, aisément, le maître de philosophie expliquer la manière de prononcer :
« La voix « O » se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas, « O ».... L’ouverture de la bouche fait juste comme un petit rond qui représente le « O ».......  « Ro.... do..... mont..... »
Et Monsieur Jourdain de répéter : « Ro...Ro... do...  do...... do....... mont....... Ro-do-mont !
Puis battant des mains comme un enfant découvrant le monde, s’exclamer :
« Vive la science ! ...... Ah la belle chose que de savoir quelque chose ....... Que n’ai-je étudié plus tôt pour savoir tout cela....... »

Monsieur Molière, vous qui aviez la science de la description des  personnages et situations ridicules, revenez s’il vous plait....... Vous avez oublié de mettre en scènes quelques rodomonts...... et je crois que vous ne manquerez pas d’ouvrage !!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



mercredi 15 août 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 ....... VILLETTES DANS L'EURE


Mil sept cent quatre-vingt douze......

    
Situé dans l’Eure, Villettes était un petit village comme beaucoup d’autres où l’on vivait tranquillement, presque retranché du monde.
Oh, bien sûr, ce n’était pas le paradis.
Comme partout, on y subissait les caprices du temps faisant des années aux récoltes abondantes et d’autres où la famine épuisait les forces morales et physiques. Ces années-là, les plus faibles rejoignaient les anciens qui reposaient dans le petit cimetière.
C’était ainsi depuis la nuit des temps, et se révolter n’aurait rien changé.

Comme beaucoup d’autres avant lui et bien d’autres après, Jean Baptiste Signol avait vu le jour à Villettes.
Il y avait reçu le baptême dans la petite église. Jour de joie qui annonçait la venue d’un enfant et pour l’accueillir comme il se devait, les cloches carillonnèrent à toute volée.
Ce fut également dans cette même petite église qu’il épousa, le 21 février 1743, Marie Ducy, et les cloches, ce jour-là encore, résonnèrent avec allégresse.
L’église, en ce temps-là, était le lieu de rassemblement du village.
On s’y retrouvait le dimanche matin et les jours de fêtes religieuses pour célébrer le « Très Haut » et lui demander protection et soutien.
On s’y retrouvait pour les moments de joie, baptêmes et mariages.
On s’y retrouvait pour les derniers hommages à ceux  qui avaient parcouru un bout de chemin avec soi.
Joies, chagrins, se partageaient là, et Monsieur le Curé, humble maître des lieux, soutenait du mieux possible chaque âme vivant dans sa paroisse.
Le rôle de ce saint-homme ne se bornait pas qu’à cela, il était un peu la « gazette », annonçant au cours des offices les évènements concernant non seulement le village, mais ceux des villages environnants, surtout si les habitants de ceux-ci étaient dans le besoin suite à une catastrophe. Il y a toujours plus nécessiteux que soi.
Charité chrétienne oblige !
Pour les nouvelles, il y avait aussi l’estaminet du cabaretier, dans lequel s’arrêtaient les rouliers et colporteurs. En ce lieu sentant la sueur et le mauvais alcool, les nouvelles circulaient, souvent déformées au gré de l’humeur du conteur. Il fallait bien garder l’attention de l’auditoire !
En ce lieu, donc, on parlait aussi politique, ce qui faisait que souvent les esprits s’échauffaient, déclenchant des bagarres.
« Dehors ! hurlait alors le cabaretier craignant voir son commerce ruiné. Allez régler ça dehors ! »

Jean Baptiste Signol, lui, écoutait comme tout à chacun, mais tout à son nouveau rôle d’époux, ce qui l’inquiétait, lui, c’était l’avenir, le sien, mais aussi celui de son épouse Marie et du petit qui allait naître prochainement. Jean Baptiste était d’autant plus inquiet que la santé de la future maman était fragile.

Les inquiétudes de Jean Baptiste se révélèrent fondées. Le 28 janvier 1744, au foyer, naquit une petite fille baptisée Marie Elisabeth. Chétive, elle n’eut pas la force de téter. Deux jours après sa venue au monde, le 30 janvier 1744, elle fut portée en terre.
Marie Ducy savait pourtant que beaucoup de bébés mouraient peu après leur naissance. La vie était ainsi faite ! Mais, elle n’aurait jamais cru que cela pouvait lui arriver. Lorsqu’elle avait annoncé sa grossesse à son époux, elle resplendissait de bonheur, et malgré les nausées et malaises, elle se montra vaillante à l’ouvrage, cousant et tricotant le soir devant l’âtre en chantonnant.
L’accouchement avait été difficile. La matrone avait dû faire intervenir le médecin.
Epuisée à présent, Marie, alitée, voyait tous ses rêves lui échapper. Le berceau vide avait été enlevé, mais il lui restait la souffrance, celle physique de son ventre meurtri et de ses seins pesant de lait inutile, de ses mains et bras vides cherchant l’enfant défunt, de son cœur brisé de la perte de ce premier petit, prometteur de bonheur et de tendresse.
S’alimentant de moins en moins, Marie Ducy déclina.

Revêtu du même costume que l’an dernier, Jean Baptiste Signol se retrouva dans la petite église. Triste anniversaire que ce 22 février 1744, où il se retrouvait veuf.
Marie Ducy avait rejoint leur petite Elisabeth, ce fut ce que monsieur le curé, les mains jointes, dit, à la fin de la cérémonie :
« Elles sont maintenant réunies au Royaume des Cieux ! »
Bien triste consolation !
Jean Baptiste, lui, ne se retrouvait-il pas seul, sur cette terre ?

mercredi 8 août 2018

Voulez-vous un conseil ?


Méfiez-vous des mots !


Oui, méfiez-vous des mots. C’est un conseil que je vous donne.
En effet, ils ne disent pas toujours ce que l’on pense !

Tenez, par exemple.
Etre coquet ou coquette ? C’est être bien mis, avec goût, n’est-ce pas ?
Concernant une demeure, elle est qualifiée de « coquette », lorsqu’elle est bien décorée, agréable.

Alors...... Reprenons ce mot.
Vous me suivez ? Alors, allons-y .........

« Coquet – coquette » apparut au début du XVIIème et n’était autre que le diminutif de coq.
Ce gallinacé, appelé « coquerino », en 1339.
Vous savez, ce volatile qui, au sommet du fumier, pousse des cocoricos retentissants lorsque les premières lueurs du jour apparaissent. En fait, le coq est le premier réveil matin......
On parlait, à cette même époque, d’une femme coquette pour désigner une commère bavarde et polissonne, voire une mauvaise langue.
Un coquet était, lui, un séducteur se montrant sous son meilleur jour, pour attirer le regard des femmes.
Vous voyez bien, là, la relation avec notre coq de village, se pavanant dans la basse-cour en poussant des cris de satisfaction..........

Un siècle plus tard, notre coquette devient une intrigante frivole, arborant au coin de la lèvre cette mouche nommée « la coquette ». Artifice posé là, pour attirer le regard sur des lèvres effectuant des moues provocatrices.

Par extension :
·         Faire sa coquette : essayer de plaire d’une manière effervescente.
·         Faire des coquetteries : flirter.
·         Coqueter : se pavaner


Pour plaire, la coquette, coquettement vêtue et maquillée, sans oublier la coquette au coin de la lèvre supérieure, coquette et attise l’attention des coquets.
Et puis, lorsque deux coquets se rencontrent, on peut assister à un « combat de coqs » !
On se croirait dans une basse-cour ! Non, tout simplement à la cour de roi.

Excusez-moi, mais je vais passer du coq à l’âne ......
Savez-vous que le mot « coq » fut prolifique en d’autres mots de la même origine ?
Par exemple :
·         Une coquelourde était une personne niaise, en 1328, pour devenir en 1539, une anémone pulsatile. Un coquelicot, dénommé « coquelicoq » en 1545. Son nom vient de la déformation du cri du coq, « cocorico ». Sa couleur ne rappelle-t-elle pas la couleur rouge vif de la crête de cette volaille ?
·         Coqueluche, maladie atteignant les poumons et dont la toux persistante rappelle le chant du coq.

Je peux aussi vous dire que l’on peut aussi être malade d’amour .....
Pourquoi ?
Quand on est la « coqueluche de .... » ou encore quand on « prend la coqueluche pour quelqu’un »......

Je pense que nous reviendrons sur ce mot « coq », très riche et surprenant dans son évolution, mais en attendant ne « coquetez » pas trop, on ne sait jamais qui on rencontre !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert




HISTOIRE DE VILLAGE - Histoire d'eau......


A l’eau ! A l’eau !

L’eau est précieuse. Sans elle, pas de vie possible.
Dans notre pays, aujourd’hui, il n’y a qu’à tourner le robinet pour qu’elle jaillisse et coule à volonté.

Mais, il n’en a pas toujours été ainsi, car dans les villages de campagne, l’eau n’est arrivée dans les maisons qu’après la Seconde Guerre Mondiale.
Avant, elle était tirée à la pompe ou au puits.

Remontons encore le temps jusqu’à la fin du XIXème siècle et arrêtons-nous sur le plateau du Neubourg.
Aucun cours d’eau.
Pour le ravitaillement en eau, pour les bêtes[1], les gens, les besoins quotidiens et la lessive, des citernes, recueillant l’eau pluviale, et des mares.
Des mares, justement, il y en avait, dans chaque village, un grand nombre et de tailles différentes.
Des mares communes, certaines réservées aux bêtes, d’autres pour la lessive, d’autres encore pour le quotidien de la population.
Des mares privées sur les terres des plus grosses propriétés, qui, parfois, étaient mises à disposition par le propriétaire, à ses proches voisins.

Cette eau indispensable à tous devait être protégée de toute pollution, aussi les maires prenaient les dispositions qui s’imposaient.
Pour preuve, ci-dessous, un arrêté municipal publié et affiché en décembre 1892.


Police Municipale
Arrêté concernant l’écoulement des eaux ménagères et des purins sur la voie publique.
...................
Considérant que les eaux ménagères et les purins emportés par les eaux pluviales des dépôts de fumier, boues et immondices formés dans les cours, salissent la voie publique et sort entraînés dans les mares communes et particulières ; qu’il importe de préserver les chemins et les mares, en général de l’influence insalubre de ces divers écoulements, arrête :
Article 1
Il est interdit aux propriétaires ou fermiers de la commune d’Ecquetot de laisser écouler hors de leurs propriétés et sur la voie publique, les purins et en général les eaux sales.
Article 2
Les contraventions aux dispositions qui précèdent seront constatées par des procès- verbaux et poursuivies conformément aux lois.

Le présent arrêté sera publié et affiché aux lieux accoutumés.
Fait à la mairie d’Ecquetot, le 22 décembre 1892.


Les articles de cet arrêté en disent long sur les fermes de cette époque.
Le tas de fumier qui trônait au milieu de la cour, non loin de la maison d’habitation et des bâtiments de la ferme. Ce fumier composé en grande partie de la paille souillée provenant des étables, sur lequel on venait déverser le contenu des seaux de nuit ou des pots de chambre et qui dégorgeait un liquide noirâtre et nauséabond dégoulinant sur le sol de terre battue jusqu’au chemin traversant le village.
Quel bouillon de culture grouillant de bactéries !
Quelle odeur alléchante !
Certes, c’était ainsi et personne n’y prêtait attention.
Oui, mais ces souillures, ingurgitées avec l’eau, provoquaient des dysenteries, maladie responsable d’une mortalité importante, notamment chez les jeunes enfants[2], les vieillards et les personnes fragiles.

Monsieur le garde-champêtre, en poste à cette époque, eut donc la charge de surveiller et de verbaliser......

Arrêté municipal trouvé dans
les registres de délibérations d’Ecquetot.


[1] J’ai noté, intentionnellement, les bêtes avant les hommes, car dans mes fermes elles étaient une priorité.
[2] En effet, il n’était pas rare que le lait des biberons, par souci d’économie, soit coupé avec l’eau puisée dans la mare.

vendredi 3 août 2018

CARAMBOLER


Avez-vous déjà carambolé ?

Au moment de la Révolution Française, « Caramboler » s’écrivait avec deux « L ».
Assurément, ce mot a été raccourci par la guillotine......

Ce Mot, employé en botanique bien avant les évènements de 1789, désignait un fruit rond et orange :
·         Carambolas (1602)
·         Carambole  (1610)

Très vite, en raison de la similitude dans la forme et la couleur, le mot fut attribué à la boule de billard (1792).
Cette « boule-carambole » roulant sur le tapis du billard, poussée habillement par les joueurs, devait marquer des points en touchant d’autres boules. D’ailleurs, un des coups les meilleurs consistait à en toucher deux en même temps ! Et dans ce cas précis, le terme technique utilisé était « caramboler », c'est-à-dire, « heurter ».

Le temps passa, les boules roulèrent de plus belle....... Vinrent les automobiles..... Et il arrive, parfois, que ces automobiles se percutent en chaîne, notamment par temps verglacé ou par grand brouillard......
Une, deux, trois voitures, voire plus...... quel carambolage !

Mais vous le savez, les mots évoluent, et notamment lorsque l’argot s’en empare.
En 1900, le mot subit sa première transformation pour devenir « un carambouillage », puis, une seconde en 1918, le raccourcissant en « carambouille ». Les deux mots ayant le même sens, celui d’escroquerie.
Y avait-il à cette époque, sur les marchés, un grand nombre de « vols à la carambole » ? Entendez par là, « vols à l’étalage » !!

Et bien sûr pas de nom sans verbe.
Un malfaiteur carambolait, après avoir effectué quelques vols à la carambole. Quelle carambouille !!!

Au secours Monsieur Décodeur !
Un malfaiteur se rendait coupable d’escroquerie, après avoir effectué quelques vols à l’étalage !
Une carambouille étant l’action malhonnête de vendre une marchandise, non payée !

Mais je vous rassure, personne n’est capable d’une action aussi frauduleuse !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert