lundi 31 août 2015

L'APPRENTISSAGE - seconde partie



La pièce apparut dans une extrême pénombre et il fallut à Jacques un temps d’adaptation pour distinguer ce qu’elle contenait.

Sous une légère couche de poussière, les objets semblaient ensommeillés  dans le calme des lieux. Jacques eut l’impression de profaner un sanctuaire et resta un moment sur le seuil, indécis. Il avait, croyait-il, transgressé un interdit et se sentait en faute.

Se ressaisissant, il fit quelques pas et se trouva au centre de la pièce. Au fond, il distingua une lourde armoire aux portes sculptées qu’éclairait un pâle rayon de lumière provenant d’une petite lucarne. A l’intérieur de ce meuble imposant, Jacques découvrit des robes de femme et du linge de maison brodé aux initiales entrelacés « C-P » : Clarisse – Palmyre.
Il s’agissait là du trousseau que sa tante, comme toutes les jeunes filles de l’époque, avait brodé de ses mains avant son mariage.
Il caressa d’une main timide les draps aux ourlets ajourés, les serviettes et nappes aux broderies fines et régulières, les chemises de nuit et de jour marquées au fil rouge, au point de croix du « C » de Clarisse.

En un instant, il revit sa mère et sa tante cousant dans le jardin, le dimanche après-midi, tout en surveillant la marmaille remuante et braillante, en discutant calmement et chantant de concert les derniers refrains à la mode.

Se retournant, son pied heurta un objet. Il se pencha, le ramassa et découvrit une petite barque taillée dans un morceau de bois. Il se souvint, il y avait de cela quelques années, d’une journée au bord du ruisseau. Quelle journée !!!

L’oncle Palmyre avait réalisé plusieurs navires du même modèle pour tous les garçons. Avec ses frères et ses cousins, ils avaient donc décidé d’organiser une course avec les petits bateaux sur le petit cours d’eau en bas de la propriété.

Quels éclats de rires !

Les frêles embarcations ballottées par les eaux se prirent dans les roseaux et les herbes couvrant le fond du lit. Pour les récupérer, tous se jetèrent à l’eau.
De retour, trempés, voire détrempés, mais heureux de ce bon moment partagé, quelle volée chacun prit par sa mère respective.

« Vous auriez pu vous noyer !  »
« Quelle imprudence ! »
« Ils vont attraper la mort ! »

Les deux belles-sœurs furieuses, renchérissaient l’une l’autre sur les conséquences d’une pareille épopée, tout en déshabillant, séchant et frictionnant leurs progénitures.
Les garçons, quant à eux, gardaient le profil bas, mais se regardaient en coin, le sourire aux lèvres.


Jacques ouvrit alors une boite qui dévoila un enchevêtrement de guirlandes dorées, de boules en verre richement ornées et de petites pinces en métal emprisonnant encore pour la plupart de petites bougies à demi-fondues.
Décorations du dernier Noël en commun avant l’épidémie qui avait décimé la population et qui emporta ses deux cousins, sa petite cousine Henriette et sa tante ; mais aussi deux de ses petits frères, les jumeaux Albert et Léonce.

Après la messe de minuit et le retour dans la nuit froide sur le chemin recouvert de neige, ils s’étaient tous réunis autour d’un immense sapin scintillant, sur le bout des branches duquel les petites bougies brillaient d’une flamme vacillante.

Quelques petits cadeaux, modestes certes, mais chacun avait reçu le sien.

Moment festif, réunissant la famille encore composée de tous ses membres.
Les jumeaux venaient de naître. Maman était aux anges. Les poupons étaient si beaux et en parfaite santé.
La petite Henriette avait même fait ses premiers pas, ce soir-là, en cherchant à atteindre les guirlandes.

Son père et l’oncle Palmyre, beaux-frères, s’entendaient à merveille et aucune jalousie ne venait assombrir l’entente des deux belles-sœurs, mères comblées malgré les multiples grossesses et les aléas de la vie. Il fallait faire face et elles savaient le faire, sans montrer ni leur fatigue, ni leurs soucis, même si quelque fois, les larmes envahissaient leurs yeux.

Refermant la boite, son regard se porta sur un gros livre à la couverture rouge. Jacques s’en empara et avant de le feuilleter, souffla dessus pour en faire s’envoler la poussière.

« Robinson Crusoé, lut Jacques à haute voix, Daniel De Foé… »

Il connaissait bien cette histoire. C’était le livre préféré de tante Clarisse. Elle en lisait parfois des extraits. Les enfants s’asseyaient alors par terre autour d’elle, attentifs, passionnés.

L’esprit de Jacques vagabonda alors vers ces contrées lointaines où vivaient des hommes dits « sauvages », vivant à demi-nus et à ces caravanes de chameaux chargés de marchandises, traversant le désert.


Soulevant le couvercle d’un coffre, il aperçut un automate sur son socle. Il représentait un petit violoniste. Jacques remonta le mécanisme à l’aide de la petite clef placée sur le socle. Le bras du petit musicien se mit à bouger d’un mouvement répétitif, accompagné de  quelques notes de musique.

Du vivant de tante Clarisse, cet objet trônait sur le dessus de la cheminée. Il était interdit d’y toucher, seule tante Clarisse avait le droit de remonter délicatement le système, devant les yeux émerveillés des enfants. Mais il fallait, par une conduite exemplaire, mériter cette petite attraction.

Au fond du coffre, Jacques découvrit une partition de musique.

« Jean Sébastien Bach », lit-il, et sa voix prit une ampleur inattendue dans le grenier vide.
« C’est vrai, se souvint-il tout haut. Tante Clarisse jouait du piano. Il lui arrivait même de jouer sur l’orgue de l’église lors des différentes cérémonies, tels baptêmes et mariages. Les enterrements étaient silencieux. Pas de musique ce jour-là ! »

Il revit les doigts agiles de sa tante courir sur le clavier et le regard empli de fierté de l’oncle Palmyre.


Les yeux de Jacques se posèrent alors sur un chapeau de paille. Il le reconnut tout de suite. Clarisse le portait l’été lorsque, tous, dans le verger, sous les rayons ardents du soleil, ils cueillaient les fruits. La cueillette, certaines années, était abondante. Quels maux de ventre également lorsque la gourmandise faisait manger, plus que de raison, les fruits juteux et sucrés.

Les jours suivant, dans la cuisine, flottait une agréable odeur et les pots en verre se remplissaient de superbes confitures, pour agrémenter les desserts tout au long de l’hiver. Les tartines de confiture encore tiède faisaient alors d’excellents goûters pris sous les arbres ou la tonnelle, non loin du logis.

C’était là où tout prenait sa réelle dimension entre « cousins-cousines ». Les filles faisaient bande à part, jouant avec leurs poupées de chiffon ou de porcelaine, préparant de succulents repas dans des dînettes richement décorées. Les garçons grimpaient aux arbres, construisaient arcs et lance-pierres, toujours en quête d’aventures, ou pêchaient des grenouilles dans la mare.


Jacques se sentit soudain submergeait par tant de souvenirs. L’envie de fuir le prit et il sortit du grenier en courant, refermant rapidement le local dont il suspendit la clef au clou qu’elle n’aurait jamais dû quitter.


-=-=-=-=-=-


Jacques s’allongea sur son lit et s’endormit. Mais son sommeil fut agité. Présent et passé se mêlaient avec les bons et les mauvais moments. Lorsqu’il s’éveilla, la nuit avait envahi sa petite chambre. Il descendit à tâtons dans la cuisine, alluma une chandelle et fit un feu dans la cheminée.

Quelle heure était-il ? Son oncle ne devrait pas tarder.

Lui dirait-il sa visite du grenier ? Il ne savait pas. Il verrait bien le moment venu.

Tard dans la nuit, l’oncle Palmyre rentra. Il fut étonné de trouver son neveu assis au bout de la table, l’air songeur.

« Pas couché, fils ? » lança-t-il. « Tu vas être fatigué pour reprendre la besogne demain. »

Pendant que Palmyre accrochait son chapeau et retirait sa veste, Jacques dit timidement :

« Dimanche prochain, est-ce que je pourrais me rendre chez mes parents ? Cela fait longtemps que je n’ai pas eu de nouvelle. »

Palmyre se retourna et avec un grand sourire répondit :

« Tu as raison, fils, c’est une bonne idée ! »

Puis, il ajouta :

« Et si tu le veux bien, je t’accompagnerai, le chemin semblera moins long ainsi. Et puis, cela fait bien longtemps que je n’ai pas embrassé ma sœur. »

mardi 25 août 2015

CONCLUSION DU SUJET DE L'ETE



1936…. Une année à retenir, car ce fut à partir de cette date que les Français purent bénéficier de leur semaine de congés payés !
Une semaine ! Les plus anciens furent sans doute désœuvrés, pendez donc, avoir du temps pour soi, sans aller pointer à l’usine ! Il ne fallait pas le perdre ce temps qu’on venait de leur offrir. Une semaine, ça passe si vite et  il y avait tant à faire : bricolage, jardinage, …. Et puis, tous ces parents qui ne vivaient pas tout près et à qui on allait pouvoir, enfin, faire une petite visite !
Combien se payèrent ce luxe de prendre le train et d’aller voir la mer, et pour la première fois, se tremper les pieds dans l’eau …. Oh, qu’elle est froide !
Les congés payés changèrent la vie : repos, dépaysement, voyages ……

Les enfants, scolarisés, avaient des vacances, mais dans la première moitié du XXème siècle, et même un peu au-delà, ils étaient embauchés pour aider aux travaux de la maison ou aux travaux des champs.
Les vacances chez les grands-parents furent de tout temps la destination privilégiée des bambins.
Que de souvenirs avec les cousins et les cousines !!

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Vous n’avez pas osé me conter vos vacances, même pas en quelques lignes.
Ni celles de votre jeune âge, ni celle de mère de famille (ou père de famille) devant gérer leurs « chères têtes blondes » et surtout leur trouver des occupations vous permettant de prendre, à vous, un peu de repos. Pas facile !
« Vivement que l’école reprenne ! », phrase prononcée par la quasi-totalité des parents, est souvent  une phrase qui en dit long…..
Vous n’avez pas, non plus osé décrire un lieu idyllique découvert. Lieu dont vous rêviez depuis des années, voyage imaginé pendant de longues années enfin réalisé ou encore à entreprendre.
Mais, même si vous n’êtes pas partis, cela arrive aussi, vous avez sûrement utilisé vos vacances à
·       Bricoler, car vous aimez cela,
·       lire car, c’est un moyen d’évasion,
·       rêvasser en vous prélassant dans un transat, profitant du soleil, quand il daigne se montrer….

Oui, « vacances » n’est pas obligatoirement synonyme de « voyages » et « partir en vacances »  n’implique pas systématiquement aller loin.

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Quand je pense aux vacances, me revient en mémoire ce merveilleux film : « les vacances de Monsieur Hulot », un réel chef-d’œuvre cinématographique.

Si vous ne l’avez jamais vu, je vous encourage vivement à le découvrir.

Ce film, tourné au début des années 1950, relate les vacances de Monsieur Hulot, au bord de la mer, dans une petite pension de famille. Monsieur Hulot est maladroit et,  de ce fait, nous assistons à une succession de gags très juteux.
Un témoignage aussi, très réel, des premières vacances à la mer.


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Et pourquoi ne pas vous replonger dans le roman de Jules Verne, « Deux ans de vacances ».
Livre d’aventure mettant en scène un groupe de jeunes garçons  prenant la mer sur le Sloughi et se retrouvant naufragés sur une île déserte du Pacifique.
Quelles vacances en effet ! Mais ne seraient-elles pas dans l’air du temps ?
A mon avis, assurément, cela ne déplairait pas à certains, adeptes du sensationnel, de l’inédit, du retour à la nature, et d’une quête du dépassement de soi.

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J’espère que vous avez, malgré votre manque de confidences, passé d’excellentes vacances.
Je vous souhaite une bonne rentrée, en espérant que vous oserez échanger avec moi en toute simplicité, tout au long des prochains.
Je mets, prochainement, sur ce blog, le sujet de Septembre.


mercredi 19 août 2015

AIMEZ-VOUS ALLER A LA "GRIBOUILLETTE" ?



 
Avant de me répondre, je suppose que vous souhaitez  savoir ce que cela signifie.

« Aller à la gribouillette, au Moyen-âge, c’était aller au hasard, au petit bonheur, au gré de sa volonté….

Le verbe « gribouiller » est d’une originaire incertaine, mais, en 1611, il avait le même sens que « gargouiller » en parlant des intestins.
Peu avant 1700, on utilise ce mot pour désigner « écrire ou peindre d’une manière confuse », que nous retrouvons dans :
griffonner : Ecrire 
barbouiller : Peindre


Quel gribouillis !

Aujourd’hui, nous utilisons cette interjection, lorsque nous avons devant les yeux un écrit ou un dessin quelque peu confus et illisible.
Gribouillis était employé par Rabelais, en 1532, pour parler du Diable.
On peut aussi rapprocher « gribouillis » du mot « gribouri » qui est un revenant.

Gribouille se vit attribuer, avant 1522, à une personne sotte et naïve.
Nous retrouvons d’ailleurs ce terme dans le titre d’un roman « la sœur de Gribouille » écrit par la Comtesse de Ségur en 1862. Gribouille dont le prénom est Babylas, âgé de 16 ans, est d’une sottise affligeante, et ses actes, souvent absurdes, donneront bien du souci à sa sœur, Caroline, qui doit prendre soin de son jeune frère après le décès de leurs parents.

Pour en revenir à « gribouillette », en 1690, il s’agissait d’un jeu consistant à se saisir d’un objet jeté au milieu des joueurs.
Ce devait être une sacrée pagaille !!!

  Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mardi 18 août 2015

QUE DIT LA GAZETTE EN CE PREMIER TRIMESTRE 1772 ?



Au loup !

27 Décembre 1771

« Le 14 de ce mois, vers les 5 heures du soir, un loup furieux est entré au Village de Nidorge, Paroisse de Charleville, près Boulay ; ce loup s’est jeté sur un petit garçon, et l’a fortement mordu au col ; la mère de cet enfant étant survenue, le loup s’est jetté (ainsi dans le texte) sur elle, l’a renversée par terre, lui a presque entièrement déchiré le visage ; et lui a brisé la mâchoire inférieure, de manière qu’elle étoit pendante sur son sein ; le mouchoir de cette malheureuse étant tombé, le lui a déchiré et s’est enfui avec, ce qui fait soupçonner qu’il étoit enragé. Ce fait nous a été écrit par le curé du lieu ; on nous a assuré que deux jours avant cet évènement, un autre loup, ou peut être le même, avoit attaqué un homme dans le village de la Basse-jute-Cour, près de Thionville, qu’il avoit brisé et mis en pièces la tête de ce malheureux, et qu’un cavalier ayant couru à son secours, cette bête lui avoit arraché le poignet. »

Quel carnage digne d’un scénario de film d’horreur ! Mais, ce n’est pas fini car ……

3 janvier 1772

« Le loup enragé dont nous avons parlé dans notre précédente Feuille, a été tué à Aboncourt, à quatre lieues de Metz. Ayant attaqué le nommé Pierre Tritz, Tisserand de ce Village, cet homme lui tendit les deux bras pour parer sa tête à qui l’animal en vouloit, pendant ce combat qui dura quelques minutes, Pierre Tritz eut l’adresse de saisir le loup par les oreilles et de le terrasser ; il posa son genou sur le cou de l’animal et tenant d’une main sa tête apuyée (ainsi dans le texte) sur terre, il tira son couteau de l’autre, et en donna un coup dans le ventre de cette bête furieuse. Le loup blessé fit des efforts si violens (ainsi dans le texte)  qu’il s’échapa (ainsi dans le texte) des mains de ce brave homme, et s’enfuit quelques pas ; mais il lui reprit un accès de rage, il retourna sur l’homme, et le combat recommença ; Pierre Tritz eut le courage et le bonheur de terrasser une seconde fois l’animal qu’il fit enfin périr à force de coups de couteau ; le vainqueur eut les bras et les mains percés et déchirés de morsures, et il est parti pour Saint Hubert.
On ne peut trop admirer le courage et la fermeté de cet homme, qui a probablement sauvé bien des personnes par cette belle action. Il est clair que jusqu’à ce jour les moyens employés pour détruire ces animaux voraces, ont été insuffisans (ainsi dans le texte), il est vrai que ça étoit l’ouvrage de quelques particuliers, pleins de zèle pour l’humanité : un moyen aisé de parvenir à ce but mériteroit bien être cherché par ces sociétés mêmes qui éclairent les Villes de leurs  lumières, et un prix pour chose semblable, seroit à coup sur mieux placé que pour une foule d’autres objets. L’Homme sensible souffre de voir l’Habitant de Campagne exposé à ces malheurs, lui dont la vie et les travaux sont si précieux. »

C’est bien connu, la faim fait sortir le loup du bois et surtout en hiver lorsque le petit gibier fait défaut à ces carnassiers. Alors, le loup s’approche des villages, rode autour des fermes, s’attaque au petit bétail.
Mais il est vrai qu’il ne s’en prend que rarement aux hommes, sauf dans l’éventualité qu’il soit enragé.

De tous temps, le loup a fait peur et son hurlement lugubre dans la nuit, portant à des kilomètres à la ronde, de mémoire d’homme, depuis la nuit des temps, n’annonçait que misère et même, disaient les anciens, une guerre prochaine.


Au XVIIIème siècle, les chasses aux loups furent rendues obligatoires tous les trois ou quatre mois, selon les régions. Des groupes d’hommes composés de rabatteurs et de chasseurs, ces derniers utilisant leur propre arme qui de plus en plus performante pouvait atteindre une bête à une distance de cent mètres, étaient formés dans les villes.
La Révolution Française supprima les louveteries, mais une loi du 10 messidor an V, fixa le montant des primes remises à ceux qui apporteraient un animal abattu, à condition que la dépouille de celui-ci soit entière.
Le montant de ces primes s’élevait à :
  • Pour un loup                          40 F
  • Pour un louveteau                  20 F
  • Pour une louve pleine            50 F

Et la prime suprême : 150 F pour un loup enragé ayant mordu des hommes ou des enfants. Critère sûrement difficile à établir, sauf en cas de témoins visuels de l’abattage du carnivore après morsure.
Au début du XIXème siècle, on estimait le nombre de loups, sur le territoire français, à environ cinq à sept mille. En 1860, cette population était encore abondante.
A la fin du XIXème siècle, la présence des loups n’est plus signalée que dans la moitié des départements français.

Les évènements se sont déroulés en Moselle, à l’est de Metz.
Il s’agit de Nidange et non Nidorge. Quant au village d’Aboncourt, il  se trouve bien à 4 lieues de Metz, entre Villers & Hombourg.
Le blessé a bien été transporté dans la Commune de Saint-Hubert.
Quel hommage pour ce valeureux homme, Saint-Hubert étant le patron des chasseurs !

Je n’ai pas, par contre trouvé Le Village de la Basse-jute-Cour. Etait-ce un lieu-dit ?


De bien longues vies

7 février 1772

« Il y a, dans la province de Bretagne, deux hommes qui vivent depuis plus d’un siècle. Le nommé Ropers, mercier au bourg de Prat, paroisse de l’Evêché de Tréguier, est âgé de 106 ans. Il va à pieds au marché voisin, à la distance de 2 ou 3 lieues, avec une charge de 12 à 15 livres. Dans le bourg de Saint Mathieu, paroisse de Ploumoguer, près Brest, il y a un vieillard qui passe dans le pays pour avoir plus de 130 ans, et dont il est difficile de vérifier l’âge, parce qu’on ne trouve pas son extrait baptistaire ; mais on juge par différens (ainsi dans le texte) actes authentiques, qu’il a au moins 110 ans ».

106 ans  et bon pied, bon œil ! Un réel exploit.

Prat se situe au Sud de Tréguier dans les Côtes d’Armor.
On trouve Saint-Mathieu au sud de Ploumoguer dans le Finistère, là-bas tout là-bas sur une pointe balayée par le vent.


21 février 1772

« Le nommé Jean Boudet, Fermier de la terre de Mailhot, en Albigeois, est âgé de cent sept ans. Cet homme se nourrit depuis dix ans, d’oignons cruds (ainsi dans le texte) et de millet. Sa boisson est de l’eau pure. Son frère puiné est mort, il y a dix-huit mois, âgé de cent trois ans. »

Une bonne hygiène de vie n’est-elle pas essentiel pour bien grandir, bien vivre et bien vieillir !

Il s’agit de la ville de Mailhoc, au nord-ouest d’Albi.


13 mars 1772

« Il n’y a peut-être point d’exemple d’une postérité aussi nombreuse que celle du nommé Daniel Chappon, mort vers la fin du mois de septembre dernier, à Montbrun, en Dauphiné, à l’âge d’environ 88 ans. Il avoit 114 tant enfans que petits-enfans et arrières-petits-enfans (enfans écrit ainsi dans le texte), tous vivants. 69 de ses fils ou arrières-petits-fils, outre ses gendres, assistèrent à son enterrement, ainsi que 150 parens (ainsi dans le texte) en ligne collatérale. »

Tous vivants !  Quel exploit quand on connait les  conditions de vie avant la Révolution Française de 1789. Quand on sait que beaucoup mouraient lors d’un accident ou suite à des épidémies. Une simple rougeole, une scarlatine et voilà une famille, un village décimés…. Et  je ne vous parle pas de la peste ou du choléra !

Si nous regardons le tableau ci-dessous, nous constatons que l’espérance de vie ne dépasse pas 30 ans au XVIIIème siècle. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de vieillards, loin de là, car le calcul prend en compte la mortalité infantile qui était très importante, beaucoup d’enfants mourant au cours des premiers mois de leur vie et un grand nombre avant d’avoir atteint l’âge de 10 ans.
Concernant le décès des femmes, la mortalité en couches en était la principale cause.


Espérance de vie
homme
femme

Espérance de vie
homme
femme
au Moyen âge
14 ans


1750 - 1759
27.1
28.7
au XVème siècle
19 ans


1760 - 1769
26.4
29.6
au XVIIème siècle
26 ans


1770 - 1779
28.2
29.6
1740 - 1749
23.8
25.7

1780 - 1789
27.5
28.1


Le nom exact du lieu est Montbrun-les-Bains, dans le Dauphiné.


Catastrophes

24 février 1772


« On mande d’Honfleur, que la nuit du 26 du mois dernier, à cinq heures du matin, on entendit du côté de la montagne, appelée la Côte de Grâce, un bruit semblable à celui du tonnerre, qui dura environ une minute. On ne s’aperçut d’aucune commotion. Lorsque le jour parut, on fut étonné de voir qu’une partie de cette montagne s’étoit détachée sur sa longueur de quatre cens (ainsi dans le texte) toises, et que le terrein (ainsi dans le texte) s’étoit affaissé. Aux deux extrémités où la montagne s’est détachée, on remarque un léger affaissement, d’environ un pouce, qui va par gradation jusqu’au centre, dont la profondeur est de plus de 60 pieds. Le grand chemin d’Honfleur à Caen, et les masures situées entre cette montagne et le rivage de la mer, portent des marques d’ébranlement. Dans plusieurs endroits, le terrein (ainsi dans le texte) s’est affaissé de douze à quinze pieds ; dans d’autres, il s’est élevé de quelques pieds, et dans quelques uns il est sorti des roches qui se sont brisées en plusieurs morceaux ; les arbres ont été renversés ; une maison située sur une des masures a été culbutée ; enfin, tout ce terrein (ainsi dans le texte) ne présente aujourd’hui qu’un amas de ruines. Le bord du rivage le long de la falaise, n’a souffert aucune altération ; mais à la distance de vingt, trente et quarante toises du bord de la falaise, il s’est élevé des monticules de sables, et dans des endroits où il y avait des roches et des cailloux, le rivage s’est élevé de son niveau depuis dix jusqu’à plus de vingt pieds sur trois cens (ainsi dans le texte) toises de longueur et dix à douze de largeur. On a observé qu’un pareil évènement avoit eu lieu en 1615, après un tremblement de terre. Heureusement il n’a péri personne dans  ce bouleversement, et la Ville d’Honfleur n’a souffert aucun dommage. »


La chapelle Notre-Dame-de-Grâce fut construite au XVIIème siècle par les marins et bourgeois honfleurois, sur les restes d'un sanctuaire fondé au XIème siècle par Richard II. Elle marque  le point de départ de la côte de Grâce qui va de Honfleur à Trouville. Elle se trouve à 2,5 kms du centre ville de Honfleur, au début du plateau cauchois, à 90 mètres au dessus du niveau de la mer. L'intérieur se compose d'une petite nef, richement colorée.

Je n’ai malheureusement rien trouvé sur le tremblement de terre de 1615. Peut-être que par la suite, un heureux hasard me permettra d’en apprendre plus et ainsi pouvoir vous transmettre l’information.

Une partie de la montagne s’était détachée sur 400 toises.
Une toise = 6 pieds ce qui donne : (30 cm X 6) x 400  =  72000 cm…. 720 mètres.



14 février 1772

« On mande de Morlaix, en Bretagne, qu’il n’y a presque pas de jours qu’on y entende des coups de tonnerre plus ou moins forts. Le 24 du mois dernier, entre quatre et cinq heures du soir, il parut sur la Ville un nuage si épais, qu’il déroba presqu’entièrement la lumière. Il fut accompagné d’un coup de vent furieux que la frayeur fit prendre pour une secousse de tremblement de terre. Sept ou huit minutes après, il partit du nuage un coup de tonnerre dont l’éclat fit trembler les maisons, et la foudre alla frapper la tour qui couronne le clocher de l’église de Saint Martin. Elle fut renversée et la flèche, qui étoit en pierre de taille, détruisit, par sa chute, toute la nef. L’Eglise parut, pendant quelques instans (ainsi dans le texte), toute en feu. Il n’y a eu cependant qu’une seule personne écrasée ; deux autres qui étoient restées sous les décombres, en ont été heureusement retirées et n’ont eu que des meurtrissures. »


Il s’agit bien là de la ville de Saint-Martin près de Morlaix.
L’église de Saint-Martin a été construite en 1485, elle fut en effet deux fois touchée par la foudre, la première  fois en 1751, puis comme le relate l’article ci-dessus, en 1771.
Saint Martin n’est actuellement plus une commune, mais un quartier de Morlaix.





28 février 1772

« On entend parler, depuis quelques tems (ainsi dans le texte) que de désastres de toute espèce ; et l’on vient d’aprendre (ainsi dans le texte) de Doulens en Picardie, que le 16 de ce mois, il y a eu une inondation causée par la pluie et la fonte des neiges qui ont fait grossir les rivières d’Hautie et de Grouche. Elles sont sorties de leur lit, et les eaux ont emporté des grains, des bestiaux et même des bâtimens (ainsi dans le texte) ; elles sont montées dans la ville, auprès de laquelle les deux rivières se joignent, jusqu’à huit pieds six pouces au-dessus de leur lit ordinaire, et se sont repandues dans tous les quartiers. Beaucoup de murs de jardins en ont été renversés, et l’on a été obligé d’étayer la plupart des maisons, mais heureusement personne n’a péri. »


Petit rappel 
Pied :
Unité de longueur correspondant à la longueur d'un pied humain, soit environ trente  
centimètres. Il est  divisé en 12 pouces
Pouce :
Difficile à établir, car sa valeur dimensionnelle varia au cours des époques et selon les
régions ou pays, mais ce qui est sûr, c’est qu’il représente le douzième du pied.
Toise :
Unité de longueur correspondant à six pieds.

Donc, si on considère que le niveau de la rivière avait monté de 8 pieds – six pouces, par rapport à son cours normal, cela donne après conversion : 255 centimètres ou 2.55 mètres !!!

L’ Authie, fleuve côtier, long de 103 kilomètres, qui se jette dans la  Manche.
La Grouche, rivière affluent de la rive droite de L’Authie. 



Médecine

6 mars 1772

« On sçait (ainsi dans le texte) que les pierres s’engendrent dans différentes parties du corps ; voici une nouvelle preuve de cette vérité. Guillaume Shaw, Serrurier à Hockley, près Dunstable, en Angleterre, portoit depuis quelque-tems, (ainsi dans le texte) une loupe à la joue gauche. Fatigué par le poids et la grandeur de cette loupe, il se détermina à l’extirpation, qui fut faite par un Chirurgien de Wallbrook. L’un et l’autre furent très étonnés après l’opération de voir que cette loupe ne contenoit que du gravier et des cailloux, comme si c’était un gésier d’oiseau. »

Curieux ! Mais Guillaume Shaw n’avait-il pas reçu un caillou sur cette joue ou n’était-il pas tombé sur du gravier quelques temps auparavant, ce qui expliquerait cette découverte ?
Ceci dit, nous ne le saurons jamais, mais j’avoue que la conclusion de l’article comparant cette loupe à un « gésier d’oiseau », sans être poétique, est fort bien trouvée.

Dunstable est une ville située à 50 kms de Londres. Petite précision, au XIXème siècle on y produisait des chapeaux de paille. Les chapeaux de paille, je pensais qu’ils provenaient d’Italie….. et, qu’en Angleterre, ce ne pouvait être que les parapluies !


Passons à ce nouvel article qui me parait fort curieux.

« Il est mort à Colombin en Bretagne, dans le mois de novembre dernier, une fille âgée de 50 ans, qui étoit sujette à une maladie bien extraordinaire ; elle dormoit huit ou quinze jours de suite sans prendre aucune nourriture, et lorsqu’elle étoit éveillée, elle restoit huit ou quinze jours sans pouvoir parler.»


Cette femme n’était-elle pas atteinte de narcolepsie, maladie neurologique rare, qui fait que les malades s’endorment, comme cela brutalement, à n’importe quel moment, sans avoir la capacité de résister au sommeil. Cette maladie n’était, bien évidemment, pas diagnostiquée en 1772. Elle faisait encore partie des « phénomènes étranges ».

De nos jours, cette maladie toucherait une personne sur 2000, soit autant que la sclérose en plaque.
Elle apparait, généralement, à l’adolescence.