mercredi 29 avril 2015

ET ON DIRA CE QU'ON VOUDRA .......




Lorsqu’elle ouvrit la porte, Marie Anne C, ne dit pas un mot, n’afficha aucune émotion. Elle s’effaça, tout simplement, pour laisser entrer cet homme, Jean Pierre F, qu’elle avait pourtant eu des difficultés à reconnaitre, tant il avait changé.
Jean Pierre pénétra dans la pièce pauvrement meublée et uniquement éclairée par les flammes de l’âtre.
Toujours silencieux, il alla se placer devant le feu pour se réchauffer. La route avait été longue, dans la froidure de l’hiver, les étapes nombreuses faites d’un simple bol de soupe et d’un morceau de pain et d’un repos nocturne souvent sur un peu de paille dans une grange, quand ce n’état pas dans un fourré sur le bord du chemin, pour se protéger de la morsure des rafales d’un vent glacial. Il attendait, là, profitant de la chaleur bienfaisante, un geste, une parole qui lui aurait fait penser qu’il était le bienvenu. Mais rien !

Marie Anne le regardait, un peu à la dérobée, essayant de retrouver une expression familière dans son attitude, lui rappelant celui qui était parti dix années auparavant.
Les épaules plus basses, le dos légèrement voûté attestaient du passage des ans. Les bras à la forte musculature due aux multiples charges portées lorsqu’il était scieur de long. N’était-ce pas ce qui l’avait attirée chez lui, cette force incroyable qui lui faisait déplacer des troncs d’arbre avec une aisance surnaturelle.
Il avait vieilli, semblait épuisé. Son visage, amaigri, accentuait la longueur de celui-ci où apparaissait encore plus volumineux un nez déjà très fort. Sa chevelure ébouriffée et sa barbe de plusieurs jours étaient, à présent, grisonnantes.

L’homme, immobile, sentait sur lui le regard scrutateur de Marie Anne. Il acceptait cet examen comme une approche, une nouvelle découverte. Son absence n’avait-elle pas été une cassure ? Et quelle cassure ?
Puis, Jean Pierre perçut des bruits de vaisselle, le claquement du couvercle du coffre où était rangé le pain. Il sentit une main se poser sur son bras, l’invitant à prendre place à table pour se restaurer. Ce n’était pas un festin, plutôt une collation faite de pain, de fromage, arrosée d’un verre de vin, mais dans la chaleur de son foyer retrouvé, elle représentait le pardon et l’acceptation de son retour.

Marie Anne, debout près du foyer, ne participait que du regard à ce frugal repas, habituée, comme toutes les épouses et mères à ne pas s’asseoir à table, mais à servir.

Jean Pierre savourait cet instant, ne mangeant pas plus que nécessaire malgré la faim qui le tenaillait. Il rassembla les miettes de pain éparses sur la table dans le creux de sa main, puis les lança dans sa bouche grande ouverte. Dans ces temps de misère, il n’était pas concevable de gâcher, surtout que ce pain avait, pour lui, en ce jour, un goût de brioche.
Alors, Jean Pierre se leva et fit face à Marie Anne.

C’était la première fois qu’il l’observait depuis son retour. Sa silhouette s’était alourdie, mais son visage n’avait pas changé. Peut-être une ou deux rides, au coin des lèvres et sur le front. Non, son visage était le même. Il reflétait la paix et la bonté et les yeux qui le regardaient n’avaient aucune nuance de reproches.

Il esquissa un timide sourire. Il aurait voulu lui parler, la remercier, mais les mots ne vinrent pas. Les dix années qu’il venait de vivre ne lui avaient pas appris à s’exprimer, au contraire. Pendant ce temps, pour survivre, il avait fait profil bas et gardé le silence. Et puis, ce n’était pas dans sa nature ses fadaises, ces étalages de sentiments.

Face à lui, Marie Anne ne vit que ce regard bleu dont la couleur, lui sembla-t-il, avait pâli. Elle perçut le faible sourire comme un remerciement, mais ne lui répondit pas. Elle non plus ne s’était jamais épanchée. Montrer ses sentiments n’était-il pas faiblesse et dans la vie, il fallait être fort. Elle pouvait l’attester, elle qui avait dû faire face pendant ces dix années. Elle avait travaillé, ah ça oui ! Elle n’avait pas écouté le qu’en-dira-t-on, non plus. Elle s’était murée dans le silence, avait fermé les oreilles aux méchancetés, n’effectuant sa besogne que dans le seul but de gagner de quoi subsister. Peu importait ce que pensaient les autres, et aujourd’hui que son homme était revenu, elle ferait de même, quoiqu’on dise !
N’avait-il pas payé sa faute par dix années de bagne à Brest ?
Ne s’était-il pas repenti de ce méfait qui n’avait été qu’un moment d’égarement face aux difficultés de la vie ?
Et puis, il n’avait tué personne !
Alors, Marie Anne, soutenant toujours le regard bleu de son époux, ouvrit les bras.

Jean Pierre n’attendait qu’un geste, celui-là ! Timidement, il s’approcha, comme un jeune amoureux aux premiers émois, et enlaça celle qui par ce geste venait de lui signifier qu’elle souhaitait reprendre, avec lui, une vie commune[1].





[1] Jean Pierre F et Marie Anne C s’étaient mariés le 11 octobre 1822, alors qu’ils avaient tous deux passé la quarantaine. Quatre ans plus tard, en 1826, Jean Pierre F se voyait condamné à dix ans de bagne qu’il purgea à Brest, pour « vol d’argent dans une maison habitée, avec effraction ». Il fut libéré fin décembre 1835. Ils finirent tous deux leur vie à Louviers, Jean Pierre le 14 mars 1853, à son domicile dans le quartier de la Villette à Louviers et Marie Anne, le 8 mai 1860, chez Rose Marguerite Bethencourt, veuve Langlois, 14 rue des oiseaux à Louviers.

dimanche 26 avril 2015

A PROPOS DU CONTE "ANDANTINO, LE PETIT ESCARGOT"




Il y a quelques années, j’animais, un atelier musical dans une école primaire, classe CE1-CE2.

Découverte des sons, des rythmes, mais surtout, la mise en place tout au long de l’année d’une petite comédie musicale. Celle-ci était, bien entendu, jouée fin juin, devant les parents, mais aussi à tous ceux qui voulaient venir écouter.
Moment convivial achevant, agréablement, l’année scolaire.

J’ai donc écrit le conte que j’ai mis en scène et agrémenté de chants et musiques de mon cru.
Xylophones, petite percussion et flûtes mis à disposition des enfants ont permis à ceux-ci de découvrir la pratique de ces petits instruments.

Je n’ai, malheureusement, fait aucun enregistrement de ce spectacle.
Reste aujourd’hui, le conte qui, j’espère, vous a amusé, les partitions et les paroles des chansons.
Peut-être, un jour, aurai-je le courage d’enregistrer tout cela et de faire un CD.

Je vous soumets quelques textes ci-dessous, dont un, qui a beaucoup amusé les spectateurs, celui des « escargots et escargottes », en deux groupes face à face, se moquant les uns des autres.


refrain



Escargottes
Nous sommes les escargottes
Merveilleuses et bellottes

Escargots
Nous sommes les escargots
Très costauds



couplet 1
Escargottes
Nous sommes plus attrayantes, plus intelligentes
Vous êtes peut-être costauds, mais pas du cerveau

Escargots
Vous ne savez que parler de votre beauté
Quand on vous voit minauder, ça nous fait marrer



couplet 2
Escargottes
Vous vous croyez séduisants, être des Don Juan
Pour ce très grand séducteur, pas vraiment flatteur

Escargots
Même si vos petits défauts, se voient un peu trop
Nous pourrions les oublier, si vous nous souriez



couplet 2
Escargottes
Vous n’avez pas plus d’idées qu’un gros tas de fumier
Rien de plus dans l’ ciboulot, qu’une noix de coco

Escargots
On veut bien vous pardonner votre méchanceté
Si vous nous donnez, tantôt, un petit bécot    




Escargottes
Ohhh !!!


Et puis, ce chant, duo entre Mégo et Andantino : « le moral dans les chaussettes »

            Mégo
Hello
Andantino
Que fais-tu ?
A quoi penses-tu ?
Tu as l’air de marcher
A côté de ta coquille

Andantino
Je suis un pauvre escargot
Dans sa coquille ramollo
A zéro pour la tension
Je vais faire une dépression
Plein de questions dans le cerveau
Je suis au bout du rouleau

De me voir ainsi banni,
Par toute la colonie
La coquille mal en point
Supportant ce lourd chagrin
Je me sens mal dans ma tête
Le moral dans les chaussettes

Mégo
Ami
Pas de souci
Ce n’est rien
Tout va très bien
Car tu peux,
C’est sérieux,
Compter sur mon amitié

Ou encore, cette déclaration, bien timide de la tendre Griotte, dans ce texte intitulé, « la chanson de Griotte »

Depuis toutes ces années,
Je t’avais bien remarqué.
Timidement, en rougissant,
Je te regardais
Le cœur battant, tout en craignant
De dévoiler mon secret.

Afin de pouvoir t’aider,
Je veux être à tes côtés.
J’affronterais, tous les dangers
Si tu veux bien m’emmener

Tu souhaites t’éloigner,
Pensant être rejeté.
Je te suivrai, dans la forêt
Que l’on dit hantée.
Les enchanteurs, jeteurs de sorts,
Nous en sortirons vainqueurs


Dernièrement, j’ai rencontré, par hasard, une jeune fille….. le temps passe vite…… elle se souvenait avoir participé à ce spectacle.
Quel bonheur d’apprendre que ce fut pour elle un bon souvenir.
Quel bonheur pour moi, d’avoir pu faire partager, à tous ces enfants, ma passion de la musique et du spectacle.

mercredi 22 avril 2015

VOUS AVEZ DIT "PIED" ?




Prenons un mot, comme cela. Par exemple : PIED
Vous savez, tous, ce qu’est un « pied ». D’ailleurs, ordinairement, nous, les humains, nous en avons deux, sans lesquels nous ne pourrions marcher.
Mais, autrefois, le "pied" était une unité de mesure qui correspondait à environ 33 cm.

Ce mot « pied », nom commun, apparaît pourtant dans de multiples expressions.

En voici quelques-unes :

Partir du pied droit ou Partir du  bon pied - (Se lever du bon pied) - (1758)
Démarrer la journée  de bonne humeur.

Tout le contraire de :

Se lever du pied gauche - Assez récent puisque apparue vers le milieu du XXème siècle
Cette expression montre bien la valeur néfaste attachée  au côté gauche.
En effet, les Romains interprétaient certains signes, comme le vol des oiseaux, pour en interpréter des présages. Si les oiseaux venaient de la gauche (senestre en latin), c’était de «sinistre augure ».
Voilà pourquoi, poser par terre en se levant, le pied gauche en premier ne présage rien de bon pour la journée.

Etre sur un pied d’égalité - (1753)
Se trouver au même niveau, sans différence, sans avantager une des parties

Prendre quelque chose au pied de la lettre - (1611)
Prendre les choses au premier degré, sans humour.

Prendre son pied ou avoir son pied
Je vous vois sourire…. Et bien non !  Cette expression, très ancienne, voulait dire, à son origine : Avoir sa part du butin.
Bien sûr, parfois certaine locution dérive un peu ……

Sauter à pieds joints
L’expression s’emploie au figuré depuis le milieu de XVIIIème siècle et avait la même signification que  « ne savoir sur quel pied danser » (1611)
Ne savoir quoi décider, comment réagir.

Avoir bon pied, bon œil - (1527)
Etre en bonne santé, et même, en très bonne santé. « Frais comme un gardon » !
Etre sur pied
De nouveau debout, suite à une période de maladie  ayant contraint à rester alité.

Mettre les pieds dans le plat - (1808)
Autrefois ne plus garder la mesure – puis, commettre une grosse bévue, faire une gaffe. Arriver, sans finesse avec de gros sabots. Manquer de délicatesse.

Etre à   pied ou Etre mis à pied - (1869)
Etre renvoyé de son emploi pour un temps déterminée ou définitivement.

Avoir le pied marin
Bien se tenir sur un navire en mer, même par gros temps, et par extension retrouver son équilibre en n’importe quelle situation.

Ne pas se moucher du pied - (1611)
Quelqu’un « qui ne se mouche pas du pied » est quelqu’un de prétentieux, qui a de hautes  prétentions, souvent non justifiées
.
Mettre pied à terre - (1200)
Descendre de cheval ou d’une autre monture.

Mettre un pied quelque part - (1538)
Arriver dans un lieu, dans l’intention d’y revenir souvent, voir définitivement. Etre connu d’un lieu pour y revenir.

Retomber sur ses pieds - (1685)
S’y retrouver en n’importe quelles circonstances. Rétablir une situation mal engagée.

Avoir pied - (1671)
Pouvoir se tenir debout sur le fond, dans l’eau.
Le contraire de « lâcher pied » (couler)

Trouver chaussure à son pied - (1606)
Trouver ce qui convient, et notamment trouver le conjoint idéal.

De pied ferme - (1587)
Attendre quelqu’un avec détermination. Un peu sur la défensive.

Partir les pieds devant - (1450)
Cette expression, voulant dire mourir, viendrait du fait que la plupart des enfants naissant en arrivant la tête la première, il sembla logique que l’on parte « en sens opposé », soit les pieds devant. Un petit clin d’œil, sans doute. Un petit trait d’humour.
A notre époque, les blessés transportés sur les civières, sont déplacés ta tête en avant, afin que le second brancardier puisse surveiller le patient.
Un décédé est sorti les pieds devant, son état ne nécessitant plus aucune surveillance.    

Avoir un pied dans la tombe - (1845)
Cette expression ne présage rien de bon. Assurément, il y a de grandes présomptions pour la suite soit, l’expression citée juste au-dessus.:

Faire un pied de nez
Un pied-de-nez est une grimace qui consiste à appuyer un pouce sur le nez et accrocher l'autre main sur le petit doigt de la première
(1648) Etre mortifié (1648),  – puis (1898), se moquer de quelqu’un qu’un.

Vivre sur un  grand pied  - (1869)
Mener grand train de maison, faire de grandes dépenses, souvent déraisonnables, et surtout pas en relation avec ses revenus.

Etre sur le pied de guerreXIXème siècle
Etre prêt à accomplir des tâches très difficiles.

Au pied levé - (1549)
Effectuer quelque chose sans préparation.



Je ne peux terminer ce chapitre sans un petit « pied-de-nez » :

Dans un pied-à-terre de plain-pied, aux tapisseries en pied-de-poule, vivait un pied-plat,  venu de bien loin, qui suite à un croche-pied qu’un va-nu-pieds, quelque peu  casse-pieds, lui avait fait, s’était cassé le cou-de-pied. Suite à cet accident, il alla à cloche-pied, pendant un certain temps. Ce qui n’était pas le pied ! Il dut, pour se soulager faire l’achat d’un chauffe-pieds.