mardi 11 septembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 Villettes

Chapitre 5



Jean Jacques Philippe se sentit mal à l’aise tout à coup. L’énervement et la colère de son père allaient sûrement redoubler lorsqu’il apprendrait la raison de sa venue.
Il réfléchissait à la manière d’orienter calmement la conversation. Ce fut sa mère qui lui donna le temps nécessaire à la réflexion.
« Tins, vins prendre un bol de soupe ! dit-elle en posant un troisième bol sur la table, et v’nez tous deux pendant qu’ c’est chaud. »

Père et fils, face à face, se lorgnaient du coin de l’œil.
« Moi, j’ te dis, qu’une soupe comme ça, jamais la république ell’ en f’ra !! Hein, la mère ?

Marie Marthe hocha la tête en signe d’approbation.
Avait-elle réussi à détendre l’atmosphère ?
Même si c’était le cas, elle, elle se sentait mal, très mal.
Un pressentiment, là, au creux de l’estomac........

« Bon, bah c’est pas l’ tout ! T’es tout de même pas v’nu pour manger la soupe ! Pas vrai ! Moi, j’ le sais. J’ai entendu, va, toutes vos manigances pour affamer l’ pauv’ peuple !

Jean Jacques Philippe regarda son père et essaya de garder son calme.
« D’ quelles manigances, tu parles ?
-          J’ai entendu les gens comm’ moi. Il parait qu’il faut donner d’ nos réserves de blé, d’avoine et d’foin. Dis-le, non de dieu !
-          On réquisitionne, mais on vous donne d’ l’argent pour ça !
-          Bah voyons, pour sûr. Un prix d’ misère....
-          C’est pour la patrie, pour nos soldats. On laisse à chacun d’ quoi vivre !
-          Ah, la belle affaire ! Moi j’ te dis c’est du vol !

Le silence se fit avant que.....
« Et pis, reprit le fils, c’est point tout !
-          Tu veux ma ch’mise aussi, c’est ça ?
-          Les soldats ont besoin d’ chevaux.
-          Quoi ? Tu s’rais ti pas en train d’ me dire que tu vas m’ prendre ma bête ?

Marie Marthe s’était levée, prête à défaillir, en voyant son homme se dresser précipitamment, renversant le banc sur lequel il était assis. Maintenant, les deux hommes, père et fils, rouges de colère, se faisaient face.
« Jamais, vociférait Jean Baptiste, en s’approchant de son fils, jamais, tu m’entends. Tu m’ prendras pas mon ch’val. »

Jean Baptiste, le dos à la cheminée, avançait les poings menaçants. Voulant parer les coups, Jean Jacques Philippe tendit les bras. Ses mains arrêtèrent son père dans son élan, et, celui-ci, déséquilibré, bascula en arrière.
La tête du vieil homme heurta un des chenets.......

Un moment saisit, mère et fils ne purent bouger. Tous deux savaient qu’il n’y avait plus rien à faire.
D’une voix blanche, tout en regardant la tâche rouge qui s’étalait sur le sol de terre battue, Jean Jacques Philippe murmura :
« J’ai pas voulu ça, non ! »
Puis il regarda sa mère les yeux pleins de larmes.

« Sauv’ té, mon fils, sauv’ té ! J’ dirai rin ! répondit Marie Marthe. 

Dans le noir profond de la nuit sans lune, Jean Jacques Philippe s’enfuit de la maison, courant au hasard, ne sachant où diriger sa course.



......... à suivre ..............

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