mercredi 27 septembre 2017

Il faut toujours réfléchir avant d’agir ! Le procès.




Les débats sur cette sombre affaire débutèrent à la cour d’assises de Rouen, sous la présidence de Monsieur Nepveur.
La première audience fut consacrée au vol, avec parution de Cadet Voisin et des filles publiques, au cours de laquelle Olivier Gainche fut entendu  comme témoin.


Le lendemain, 29 mars 1838,
Olivier Guinche devait répondre de l’accusation de l’assassinat de Jacques Mallet.

Les informations furent relatées aux jurés et personnes présentes dans la salle d’audience. En voici quelques extraits, afin de nous remettre dans le contexte.

« Le deux décembre dernier un homme d’assez mauvaise apparence s’est présenté pour déposer plainte pour vol....... »

Ça, nous l’avons vu, sauf que là, Gainche est qualifié de « homme d’assez mauvaise apparence ».

« Une instruction fut suivie contre lui et il a été renvoyé devant la cour d’assises comme prévenu de l’assassinat du sieur Mallet ».

Les deux affaires, plainte pour vol et assassinat de Mallet, aux yeux de la justice, relevaient d’une seule et même affaire. Et pour cause, l’enquête policière avait révélé que le mobile du crime était bel et bien le vol d’une forte somme en écus.

« Arrestation des présumés voleurs des 4000 francs. Cadet Voisin, homme de la plus infâme renommée. Les filles Sophie Labiche, Reine Lepage, vivant habituellement dans les plus ignobles repaires de débauche. »

Vous remarquerez que les mots et qualificatifs étaient choisis avec minutie et recherche, afin de mettre les accusés au niveau moral le plus bas. Il s’agissait, aussi, avec l’usage de ces termes, de faire frémir la « bonne société », histoire de faire réagir la salle. Une mise en scène qui avait fait ses preuves.
Les accusés étaient toujours laids, ignobles. Le côté noir, celui du diable. Pas de nuance !

« Longtemps Cadet Voisin a échappé à tous les mandats de justice ; mais enfin, il fut arrêté sur le boulevard du Mont-Riboudet, lieu assez ordinaire de ses exploits et de ceux des filles Labiche et Lepage. Il a comparu hier avec celles-ci, à la barre de la cour d’assises. Ecrasés autant par l’énormité des preuves que par leur horrible moralité, ils ont été condamnés à sept ans de réclusion et au carcan. »


A noter que les individus nommés ci-dessus n’ont pas été arrêtés suite à enquête policière, mais du fait de la dénonciation d’un autre malfaiteur et criminel, j’ai nommé le sieur Gainche !

« Olivier Gainche qui a témoigné au cours de la séance d’hier, comparait aujourd’hui, afin de répondre devant le jury d’une accusation d’assassinat. »


En ce 29 mars 1838, il y avait donc foule au palais de justice de Rouen.
Les débats sous la présidence de Monsieur Nepveur s’annonçaient houleux.
Dans le box des accusés, Olivier Gainche, terrassier de métier, né à Loudéac, âgé de trente trois ans, demeurant à Bolbec au moment des faits, homme « d’une laideur repoussante », était défendu par Maitre Destigny.
Maitre Justin assurait la fonction d’avocat général.



Quelques témoins vinrent déposer à la barre. Grâce à eux, les faits et gestes du présumé coupable, les jours précédents la mort du sieur Mallet, furent reconstitués.

Le 24 novembre 1837, Olivier Gainche, recherché pour vol de blé, se rendit à Fécamp afin de faire viser son passeport, pour se rendre à Rouen. Dans la nuit, il revint à Bolbec, à son domicile.
Pourquoi ?
Pour y prendre quelques objets comme des pelotes de fil, des aiguilles et un dé à coudre. Etrange !
Que complotait-il ?
Dans la journée du 25 novembre, personne ne le vit, si ce ne fut vers les cinq heures du soir, rôder non loin de la maison de Jacques Mallet dont il semblait observer les  moindres mouvements.

Plusieurs marchands de Fécamp témoignèrent l’avoir vu, le dimanche 26 novembre. Gainche s’était procuré chez certains d’entre eux, des habits et des chaussures.

Un de ces marchands s’était étonné de le voir régler tous ses achets aussi aisément.
« Oui, Monsieur l’ juge, le Gainche qui jamais n’avait d’argent, dépensa une fortune en écus. Les pièces étaient couvertes de terre. Ça m’a surpris. »

A la reconstitution de la liste de tous les achats effectués, il fut constaté que le montant s’en élevait à quatre vingt francs.

Ce qui surprit également, c’était l’apparence de leur client.
« Gainche avait l’air exténué, hagard. De plus, il était crotté des pieds à la tête. J’lui ai même demandé si il n’avait pas eu des ennuis. Non qui m’a répondu, je viens de me lever. »

Le juge demanda alors à l’accusé :
« Où vous étiez-vous procuré l’argent que vous avez dépensé, le 26 novembre à Fécamp ? »
Gainche réitéra la version donnée lors de son premier interrogatoire.
Il avait volé cet argent à un voyageur endormi sur le bord de la route.
Oui, mais là, il y avait un petit problème. Les dates ne correspondaient pas. Le soi-disant vol, sur le chemin, ne s’était-il pas produit le 27 novembre ?

Un nommé Toussaint fut entendu. Cet homme avait rencontré Olivier Gainche, faisant bombance, dans une auberge.
«  Quatre cents francs, monsieur l’juge ! Oui, quatre cents francs ! Une sacrée somme, non de d’là ! C’est ce que le Guinche, il a dépensé !
-          Vous lui avez demandé d’où venait tout cet argent ?
-           Pour sûr ! Il m’a répondu : « Où j’les ai ramassé, on les prenait pas une à une, on les prenait à pleine main ! » J’ai pesé le sac que le Gainche il trainait. Il pesait ben ses cinquante livres. Ça pour sûr, y en avait d’ l’argent !
-          Il vous a dit combien contenant le sac ?
-          Oui, cinq mille francs. Et le compte y était, M’sieur l’juge. Vous pouvez compter aussi ben qu’ moi. Cinq mille francs en écus, ça fait ben cinquante livres !
-          Gainche ne vous a rien dit de plus ?
-          Quand il commençait à être bien saoul, il racontait en riant, à qui voulait l’entendre,  une étrange histoire. C’était un voleur qui dérobait de l’argent enfoui dans le sol d’une laiterie.

Mais, cette fable, n’était-elle pas réalité ?

Autre fable, celle du voyageur volé. Aucune plainte n’avait été enregistrée.
Si ce voyageur existait, si il avait bien été dépossédé d’une pareille somme, ne se serait-il pas présenté dans une gendarmerie pour demander justice ?

Monsieur Justin, substitut de Monsieur le procureur général releva, dans sa plaidoirie tous les mensonges, enfonçant l’accusé que maitre Destigny eut beaucoup de mal à défendre.
La cause était entendue. Trop de preuves !

La délibération du jury fut brève.
Coupable !
Gainche fut condamné à la peine capitale.
En entendant le verdict qui le condamnait à mort, avec une froide indifférente, Olivier Gainche lança :
« Je suis condamné à mort véritablement, mais je ne demande pas de grâce, qu’on me guillotine tout de suite. »

Gainche fit, malgré tout, appel à ce jugement, comme l’annonçait le Journal de Rouen du 3 avril 1838.
« Guinche qui avait déclaré à l’audience de la cour d’assises ne pas vouloir se pourvoir contre l’arrêt qui l’a condamné à la peine de mort, et qui, plus d’une fois depuis, avait manifesté la même intention, a néanmoins passé hier une déclaration de pourvoir. »

Le 26 mai 1838, matin de son exécution, Olivier Gainche fut réveillé à cinq heures. Il lui fut notifié que son pouvoir étant rejeté et que la sentence allait être mise à exécution.
Guinche s’écria alors :
« Tant mieux ! Il y a assez de temps qu’on me fait souffrir ! »
Monsieur l’abbé Maccarian accompagna Gainche jusqu’au lieu du supplice.


Journal de Rouen, 26 mai 1838

« Ainsi que nous l’avons annoncé, Guinche a été exécuté hier matin, à sept heures et demie, sur la place Bonne Nouvelle où la veille à minuit, on dansait, et où l’on dansa encore le soir.
Quoique l’heure du supplice eût été avancée, la foule, obéissant à l’ignoble instinct qui lui fait flairer l’odeur du sang, s’était portée, avec son empressement accoutumé, à ce hideux spectacle. Si les partisans de la peine de mort pouvaient être témoins de l’allure, des propos et des sentiments du genre de public qui se presse au pied de l’échafaud, peut-être seraient-ils moins âpres à repousser les argumens de leurs adversaires. Il n’est malheureusement que trop vrai que, pour la plupart des spectateurs d’une exécution, la mort d’un condamné n’est autre chose qu’un drame réel où l’on mène sa femme et ses enfants, non pour recevoir une solennelle leçon de moralité, mais uniquement pour se donner le bonheur de voir tomber une tête.
Guinche a fait l’aveu de son crime à la conciergerie, comme sur les marches de l’échafaud, il a dit :
« Il est juste qu’on me tue, puisque j’ai tué. »


Acte de décès – 26 mai 1838 – Rouen.
Du vingt six mai mil huit cent trente huit à neuf heures et demie du matin Devant nous ....... sont comparus les sieurs martial faciolle, agé de trente neuf ans Garde municipal, domicilié rue eau de Robec n° 77 et jean  Marc Antoine Jourdain âgé de soixante cinq ans commis de comptoir, domicilié rue des Capucins n° 561, lesquels nous ont déclaré que Olivier Guinche terrassier domicilié en la ville de Bolbec, arrondissement du havre de ce département âgé de trente sept ans né en la ville de Loudeac (côte du nord) fils de Jean Marie Guinche et de Perrine hamon, epoux de esther marguerite Certain est decedé en cette ville place bonne nouvelle le jour d’hier a sept heures du matin de laquelle déclaration nous avons dressé le present acte.......


L’acte de décès de Olivier Gainche mentionne « époux de esther marguerite Certain ».
Une certaine Esther Marguerite dont je n’ai retrouvé aucune trace.
Pas d’acte de mariage à Loudeac, ni à Bolbec, ni à Breauté !
Pas d’acte de décès non plus !
L’existence de cette femme n’a été mentionnée dans aucun des documents que j’ai consultés.
Sur Bolbec, aucun enfant « Guinche » ou « Gainche ».
Alors, puisqu’elle souhaite, apparemment, rester en retrait, garder ses secrets, je ne l’importunerai pas !



Pendant sa période d’incarcération à la prison de « Bonne Nouvelle » de Rouen, Olivier Gainche partagea la même cellule que Napoléon Gaudry, un autre triste individu que je vous présenterai prochainement.

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