mercredi 29 novembre 2017

HISTOIRE DE VILLAGE - Bâton de berger !

Bâton de berger.


Un berger n’était pas seulement celui qui gardait les moutons. Un bon berger devait savoir également détecter et traiter les maladies que ceux-ci contractaient.
Un berger vivait en plein air par tous les temps et devait, pour le seconder, posséder un chien dressé à surveiller et ramener en douceur les bêtes rêvant d’escapade.
Un excellent berger trouvait facilement de l’embauche.

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Jean Baptiste Eustache Berrier était « pasteur de bêtes », comme l’on disait alors. Son maître, le sieur Thomas Dequatremare, cultivateur à Ecquetot, l’envoyait avec ses bêtes sur des parcelles qui avaient besoin d’être débroussaillées, en accord avec leur propriétaire, bien entendu.
Le berger ne devait, en aucun cas, aller où bon lui semblait. Chacun avait donc son territoire en fonction des accords. Envahir l’espace des autres était risqué.
Ce jour-là, il faisait bien beau ! Bien chaud ! Trop chaud même !
En plein après-midi de ce mois d’août, il était difficile de trouver un coin d’ombre.
Jean Baptiste Eustache Berrier, assis sur une grosse pierre en bordure de champ, veillait sur le troupeau et suivait du regard les déplacements incessants de son brave chien qui, malgré la chaleur, restait vigilant. La langue pendante et le souffle précipité, la pauvre bête souffrait, elle aussi, de cette température caniculaire.
L’herbe était brûlée par le soleil. Pas beaucoup de nourriture pour les troupeaux.
Si la pluie tardait, cela risquait de devenir problématique.

Ce fut sur les coups de quatre ou cinq heures après midi que le Thomas, le berger au service du sieur Saugrain d’Ecquetot, se présenta avec ses moutons.
« Qu’est-ce que tu fais là, toi ? lança-t-il avec une pointe d’agressivité.
-          Tu vois ben ! J’ fais paitre mes bêtes.
-          T’as pas l’ droit !
-          Comment ça ? C’est mon maître qui l’a dit.
-          Ton maître ? J’ voudrais ben voir ça ! Pars, j’ te dis. Ce champ, c’est pour mon troupeau, pas pour l’ tiens !
-          J’reste ! J’ai un ordre !

A ce moment, le Thomas, rouge de colère, suant à grosses gouttes, leva son bâton de berger et l’abattit plusieurs fois sur Jean Baptiste Eustache qui reçut alors une pluie de coups qu’il essaya de parer au mieux. Ne pouvant protéger tout son corps, le pauvre homme fut atteint aux bras, aux jambes et au bassin. Il en avait le souffle coupé par la douleur.

Jean Baptiste Eustache Berrier, mit un long moment à récupérer, après le départ de son agresseur. Plié en deux, il n’arrivait pas à se redresser et tout son corps était endolori.
Ce fut en boitant et se tenant les côtes que le berger se rendit à la mairie d’Ecquetot, afin de faire constater la maltraitance dont il venait d’être victime.

Avec peine, ne sachant comment se mettre, Jean Baptiste Eustache Berrier à qui l’officier municipal de permanence avait offert un verre d’alcool, afin qu’il se remettre de ses émotions, commença son récit entrecoupé de gémissements et de soupirs dus à la douleur.
« J’étais avec mes bêtes et mon chien, sur une terre au triège du Caillet.
-          Elle appartient à qui cette terre ? demanda l’officier municipal.
-          Au sieur Théophile Duhamel. Enfin, j’ crois.
-          Elle n’appartient pas à votre maître ?
-          Bah non ! Moi, j’vais où on m’ dit !

Et il fallut, au pauvre Jean Baptiste Eustache Berrier, expliquer en détails les évènements et montrer les traces que les coups avaient laissées sur son corps.

« C’est l’ chien qui l’a fait fuir, l’ Thomas. Il montrait les crocs, ça oui ! Une brave bête ! Sans lui, j’ s’rai p’t’êtr’ mort ! »

Ce chien, compagnon des bons et mauvais jours, avait fait son devoir par amour pour celui qui le nourrissait et le récompensait d’une caresse.

Comment dénouer ce genre de situation ?
Les accords ne se faisaient que rarement par écrit, sauf lorsqu’il y avait de l’argent en jeu, autrement c’était par une poignée de main franche que les contrats se scellaient, avant d’aller boire un godet au débit de boisson.
Alors, en cas de problème, c’était la parole de l’un contre la partie de l’autre.
Pas facile d’être juge de paix dans ces conditions.



Les chiens imposés.
Sous le gouvernement du Second Empire, une loi taxant les propriétaires de chiens fut votée le 2 mai 1855. Cette taxe devait être perçue au bénéfice des communes. Celles-ci en furent informées par une circulaire ministérielle en date du 5 août 1855.
A compter du premier janvier 1856, chaque propriétaire devait venir en mairie afin de déclarer le nombre de chiens en sa possession ainsi que leur emploi.
Il y avait deux catégories, donc deux taxes différentes :
Première catégorie : les chiens d’agrément et les chiens de chasse
Seconde  catégorie : Les chiens dit de travail (chien de garde, chien de berger, chiens guides pour aveugles....).

La première catégorie était plus fortement imposée que la seconde.

Cette taxe était toujours en vigueur dans les années 1950. Je me souviens que mon père devait  noter « notre bon gros toutou » sur sa feuille de déclaration de revenus. Malheureusement je n’ai pas pu le vérifier, n’ayant pu obtenir un exemplaire de ce document.
Cet impôt a été abrogé par la loi du 7 juin 1971.
De fait sur le feuillet de la « déclaration simplifiée des revenus de 1972 », dans l’encadré « les éléments de votre train de vie », existaient les rubriques suivantes à renseigner :
·         Nombre de domestiques
·         Nombre de résidence secondaires
·         Nombres de chevaux de courses
·         Nombre de yachts et bateaux de plaisance
·         Nombre d’avions de tourisme
·         Nombre de droits de chasse en location
·         Nombre d’automobiles

Mais pas « nombre de chiens » !

Les gouvernements successifs ont toujours eu beaucoup d’idées concernant les impositions, notons également :
·         La contribution sur les chevaux, voitures (à chevaux bien sûr), mules et mulets, en 1862.
·         Taxe sur les billards, en 1871.
·         Taxe sur les « vélocipèdes », en 1893.

Il y eu quelque temps plus tard, la « vignette automobile ! »


Une anecdote trouvée dans les registres de
délibérations d’Ecquetot.

Elle s’est produite le 5 août 1845

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