mercredi 1 novembre 2017

HISTOIRE DE VILLAGE - Querelle de ménage.

Querelle de ménage !


Quand Thérèse Julie[1] Leheu vint déposer plainte à la mairie de Marbeuf, le vendredi 20 septembre 1833, monsieur le maire ne fut pas étonné. Il savait par les on-dit que depuis son mariage, la plaignante subissait les maltraitances de son époux.
« S’en est trop ! déclara Marie Julie. J’vas finir par me r’trouver au cimetière. C’est qu’aujourd’hui, il a essayé de m’étrangler. »

Monsieur le maire constata, en effet, que le cou de la pauvre femme portait des marques qui ne pouvaient être que celles des doigts de son agresseur.

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Marie Julie Leheu, âgée de vingt-cinq ans, avait vu le jour le lundi 18 avril 1808 à Crosvrille-la-Vieille. Elle avait épousé trois années plus tôt[2], dans son village natal le sieur Jean Jacques Mauxe Harent.
Quelques mois après les épousailles, elle se lamentait déjà :
« Mais qu’est-ce qui m’a pris de m’ marier avec c’t homme-là ? »
Mais, il était trop tard pour se lamenter, car en sa qualité de femme et d’épouse, elle vivait sous l’autorité maritale.

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Après avoir enregistré la déclaration de Marie Julie Leheu, épouse de Jean Jacques Mauxe  Harent, le maire conseilla à celle-ci de retourner chez son époux.
« Il ne faudrait  pas qu’il déclare aux autorités que vous avez abandonné le domicile conjugal.
-          Alors, rétorqua Marie Julie, ce s’rait-y qu’il a l’ droit de m’tuer ?
-          Nous ne disons pas cela, bien au contraire. Il est évident que votre époux ne doit pas vous infliger de maltraitances, mais la loi oblige les épouses à rester au foyer. C’est ainsi.
-          Si c’est la loi, alors ! s’exclama la pauvre femme, je r’tourne me faire tuer !

Mais, monsieur le maire la rassura. Il promit de passer chez elle et de raisonner son mari. Oui, bien sûr, monsieur le maire pouvait passer...... Mais Thèrèse Julie  savait que toutes ces parlottes ne donneraient absolument rien et qu’elle recevrait encore et toujours des coups.
Certaines femmes qui, malheureusement, subissaient le même sort l’avaient prévenue :
« Va pas t’ plaindre, ce s’ra pire après ! C’est not’ lot à nous les femmes ! »

« Quelle misère ! se disait Thérèse Julie sur le chemin qui la ramenait vers son tortionnaire. Et l’angoisse lui étreignit les entrailles.
Et c’est qu’elle avait raison d’avoir peur la pauvre femme, car elle fut accueillie, chaleureusement, par son époux !
Jean Jacques Mauxe, armé d’une fourche, l’attendait de pied ferme et en la voyant hurla, menaçant :
« D’où tu viens, hein ? D’où tu viens, charogne ? T’as été t’ plaindre ? Et bien, j’ vas t’ donner des raisons de t’ plaindre moi ! Attends un peu ! »

Et l’homme vociférant de plus belle, lançant des injures, fonça la fourche en avant sur sa malheureuse épouse qui s’enfuyait en hurlant.

« Au secours ! criait affolée, Thérèse Julie.
-          Ah, garce ! Propre-à-rien ! Attends un peu, j’ vas t’ faire ton affaire ! »
Et peut-être, qu’en effet, la pauvre femme serait morte transpercée par les dents de la fourche, si des voisins, alertés par ses hurlements, n’étaient accourus et n’avaient maîtrisé, à grand peine toutefois, le forcené.

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Retour à la case départ, devant monsieur le maire, pour relater les faits en présence, cette fois, des témoins :
Clotilde Vedie, Barbe Durand, Jacques Gabriel Levif et Benjamin Guillard.

La nouvelle plainte enregistrée, Thérèse Julie retourna, tremblante et la peur au ventre, chez son mari.
Avait-elle un autre choix ?
Retourner chez ses parents ? Tous deux étaient décédés, alors !
Divorcer ? Si la loi l’autorisait, cette pratique était toutefois peu utilisée !
Alors ?
Les femmes prenaient « leur mal en patience» !

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La plainte  ou plutôt les deux plaintes aboutirent-elles amenant le couple à comparaître  devant le juge de paix ?
Le mari violent, sermonné par le maire et peut-être par le juge de paix, se calma-t-il ?
Les époux se « rabibochèrent-ils » ? 
Je n’ai rien en ma possession pour le certifier.

Ce que je peux affirmer c’est qu’ils n’eurent pas de descendants.
Etait-ce la raison de la fureur de Jean Jacques Mauxe Harent contre sa femme. Dans un couple, le cas de stérilité, incombait toujours à la femme.

Thérèse Julie décéda, à Marbeuf, le dimanche 27 mars 1864 à cinq heures du soir.
La déclaration en mairie fut effectuée par monsieur l’instituteur, Augustin Galopin, et non par le mari.

Le mari ?
Jean Jacques Mauxe Harent[3] rendit l’âme, le 21 décembre 1881 à sept heures du soir. Il avait soixante-quinze ans.






[1] Sur le registre de délibération de Marbeuf les prénoms déclinés sont « Thérèse Désirée », mais il s’agit de Thérèse Julie, selon les registres d’Etat Civil.
[2] Mariage le 27 septembre 1830.
[3] A peine un an avant son décès, Jean Jacques Mauxe Harent avait convolé en justes noces avec demoiselle Marie Henriette Queteuil, âgée de 57 ans. Mariage le 2 avril 1881 à Marbeuf.

2 commentaires:

  1. C est bien triste votre histoire.
    Mais malheureusement, ce genre de scénario est encore d actualité.

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  2. Pendant très longtemps les femmes furent des "ventres". L'héritier !! et non l'héritière, quantité négligeable.
    Pourtant sans les femmes, sans leur courage, leur ténacité, leur ambition, leur hargne .... l'histoire aurait pris un tout autre tournant !

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