mercredi 21 octobre 2020

HISTOIRE VRAIE - CHAPITRE 11

 


Nouvelle Histoire vraie

Chapitre 11

Le roman de Ernestine Marceline Fernande Segret

 

 

Des coups violents frappés contre la porte suivis d’une sommation : « Police ! Ouvrez », les avaient jetés hors du lit.

Tout ensommeillée,  les cheveux ébouriffés, Fernande avait suivi son amant jusqu’à la porte d’entrée de l’appartement.

A peine celle-ci ouverte par l’homme, des policiers avaient fait éruption dans le couloir et avait lancé : « Henri Désiré Landru, vous êtes en état d’arrestation !!! ».

 

«  Mais c’est une erreur !! Lâchez-le ! hurlait Fernande. Ce n’est pas son nom. Il se nomme Guillet !!

 Le monsieur Guillet, lui, gardait calme et silence. Il demanda simplement la possibilité de se vêtir, avant de suivre les représentants de l’ordre, ce qui lui fut accordé.

 Fernande, elle, ne prit pas le temps de passer même un peignoir sur sa chemise de nuit, pieds nus, elle descendit à la suite des policiers qui encadraient son amant, jusque sur le trottoir devant l’immeuble, au numéro 76 de la rue Rochechouart, où malgré l’heure matinale, un attroupement s’était déjà formé.

Elle resta là, hébétée, regardant s’éloigner le véhicule qui emmenait celui qu’elle devait épouser prochainement, Louis Guillet.

 

 Qui était donc cet homme avec qui elle s’apprêtait à partager sa vie ?

Troublée au plus haut point, elle se posait une multitude de questions, d’autant plus que les journaux déversaient quantité d’informations qu’elle qualifiait de mensongères.

 

Il y avait erreur, une horrible erreur judiciaire.... Et pourtant, les preuves s’accumulaient et Fernande Segret, malgré tout, persistait à ne pas croire qu’elle était la seule survivante d’un grand nombre de fiancées, séduites, courtisées, dépouillées et assassinées par son ex-amant.

 

Ce fut ce qu’elle expliqua devant les juges du sieur Landru.

« Un homme si bien, si gentil, si aimant...... ».

 

  

Ce fut une jeune femme mince, presque frêle, qui s’avança à la barre.

Ernestine Marceline Fernande Segret[1].

Elle était artiste Lyrique et se produisait  au « Moulin de la Chanson », 43 boulevard de Clichy[2].

La pauvre jeune femme, toujours sous le choc, lançait des regards interrogateurs et suppliants vers son amant qui, assis, dans le box des accusés, évitait son regard.

 

Pourtant, après avoir accepté le siège qu’on lui proposait, elle refusa à plusieurs reprises, malgré de légers malaises et de longs sanglots, d’interrompre sa déposition.

  

Alors, Fernande Segret expliqua........

Elle avait rencontré « l’accusé [3]» en avril 1917. C’était dans l’autobus. Elle était montée à un arrêt et en l’absence de sièges disponibles, elle était restée debout. Galamment, un homme (l’accusé) lui avait proposé sa place. Elle l’avait remercié d’un signe de tête et d’un léger sourire.

Lorsqu’elle était descendue, quelques arrêts plus loin, l’homme l’avait suivie, avait engagé la conversation, insistant, très insistant. Elle l’avait éconduit à plusieurs reprises, sans résultat. Il ne l’avait quitté qu’après lui avoir arraché la promesse d’un rendez-vous, le lendemain matin.

 

Il était vrai, qu’elle aurait pu ne pas se rendre, comme promis, le lendemain matin, place de l’étoile, mais elle était curieuse de nature, et puis, il faisait beau.

Elle n’avait pas regretté. Elle avait passé une agréable journée.

Cet homme, l’accusé, avait été charmant. Ils avaient canoté sur le lac du Bois, ils avaient déjeuné en discutant de tout et de rien, du temps, des courses, des spectacles qui étaient donnés...

Elle avait parlé d’elle, beaucoup.

Il avait parlé de lui, avec parcimonie.

 

Cet homme s’était dit se nommer, Louis Guillet, ingénieur. Il était venu se réfugier dans la capitale où il avait loué un petit appartement 32, rue de Maubeuge. Mais cette situation n’était que provisoire.

Oui, provisoire, car quand la guerre serait finie, il retournerait dans le Nord.

 

Ce fut à la fin du mois de juillet 1917 que l’accusé lui avait fait une demande en mariage. Elle fut très surprise de cette précipitation. Elle avait toutefois mûrement réfléchi.

Elle était fiancée, mais elle n’était plus réellement certaine de ses sentiments.

Alors, pourquoi pas ?

Monsieur Guillet lui offrait une vie stable et bien qu’elle n’en fût pas amoureuse, elle ressentait pour lui une immense sympathie.

 

Alors, elle accepta.

 

Avant le mariage, il y avait toujours le passage obligé des fiançailles.

Avant les fiançailles et le mariage, il fallait l’approbation des parents de la future.

Ce fut ainsi que les promis rendirent visite à la mère de Fernande[4].

Pour cette première visite de rencontre et de demande, le futur avait apporté à celle qui devait devenir prochainement sa belle-mère, un énorme bouquet de fleurs.

Et pour la rassurer sur ses honnêtes intentions, avait déclaré :

« Fernande m’apporte sa jeunesse. Je lui ferai une situation. Je ne lui demande pas un centime[5]. »

 

La date des fiançailles fut arrêtée à Pâques 1918 et pour le mariage, il fallait attendre que le futur marié puisse, enfin, récupérer ses papiers d’identité, sa commune de Rocroi ayant été détruite par l’ennemi.

 

Le jour des fiançailles arriva..... mais pas le fiancé !!! Les invités attendirent, attendirent..... et entendirent un coup de sonnette.

Hélas, trois fois hélas..... ce n’était qu’un télégraphiste apportant une dépêche :

Le fiancé avait dû se rendre précipitamment en province.

 

«  Je te l’avais dit ! » avait seulement lancé la mère de la fiancée délaissée qui pleurait à chaudes larmes, avant d’ajouter :

« Et c’est mieux ainsi !! »

 

Toutefois, quelques doutes commencèrent à germer dans la tête de cette mère.

Qui était réellement cet homme, en plus d’être un mufle qui faisait pleurer sa fille ?

Un hasard fit que le maire de Rocroi, chassé de sa commune par les bombardements, se trouvait, lui aussi, réfugié à Paris.

Mère et fille lui demandèrent un entretien.

« Non, non, avait-il répondu en se grattant le menton, signe d’une grande réflexion. Je n’ai pas d’administré du nom de Guillet. Aucune famille de ce nom dans ma commune et pas, non plus à ma connaissance, dans les villages alentours. »

 

Pourtant, malgré cette réponse et les doutes persistants, les fiançailles eurent lieu le mois suivant, au domicile[6] du fiancé, qui cette fois-ci, était présent.

La date du mariage fut arrêtée pour la fin de l’année 1918.

 

L’armistice ! Enfin !

La fin des hostilités. Les soldats, peu à peu, revinrent dans leur foyer.

Et ce fut le cas aussi pour l’ex-petit-ami de Fernande.

Retrouvailles émouvantes pour les deux jeunes gens.

Avec beaucoup d’emphase, Louis Guillet, théâtral clama :

«  La jeunesse va à la jeunesse. Je suis prêt à me sacrifier. Faites votre vie ! Soyez heureux ! »

 

Mais, pour Fernande Segret, comme elle le précisa devant le tribunal, une promesse était une promesse. Elle refusa de reprendre sa parole. Elle refusa le sacrifice de son promis qui sortit grandi dans son estime. Un homme capable d’une telle abnégation par amour ne pouvait être qu’un homme bien !

 

Janvier 1919. L’heure des vœux traditionnels, le mariage n’avait toujours pas eu lieu.

Monsieur Guillet prétendait ne pas avoir encore, en sa possession, les documents nécessaires à la publication des bans.

Cela venait aussi, et Fernande l’apprit alors, que son amant appartenait à la police secrète, celle du contre-espionnage.

 

Malgré tout, ils coulaient tous deux des jours heureux. Elle au théâtre. Lui, va savoir !

Ils étaient devenus amants, vivaient ensemble et passaient de fréquents moments à Gambais où le sieur Guillet possédait une maison de campagne.

Fernande aimait cette maison dans laquelle elle n’avait jamais rien remarqué de suspect.

La dernière fois qu’ils s’y étaient rendus, le 4 avril 1919, elle avait cuisiné elle-même, se servant pour cuire le repas de ...... la cuisinière.

 

A cette pensée, Fernande frissonna et se sentit défaillir.

 

Toute sa vie s’écroula au petit matin du 12 avril 1919.

 

A de nombreuses reprises, alors qu’elle expliquait les faits, Fernande avait regardé « l’accusé » qui n’avait jamais daigné lui adressé la moindre attention.

 

 

Un coup dur pour cette jeune femme qui quitta la France aussitôt après la condamnation et l’exécution de celui qu’elle a toujours cru innocent. Elle alla s’installer au Liban où elle fut institutrice ou gouvernante. Enfin, elle disparut dans l’anonymat.

 

Toutefois, elle publia ses mémoires.

Elle ne reparut, en France, qu’en septembre 1965 pour demander des dommages et intérêts à Claude Chabrol. En effet, elle se déclara ridiculisée dans le film « Landru » que le cinéaste venait de réaliser et dans lequel elle était représentée sous les traits de l’actrice Stéphane Audran.

Elle demandait un dédommagement de 200 000 francs[7].

 

 

Ernestine Marcelline Fernande Segret se suicida le 21 janvier 1968 à Flers.

Toute sa vie, elle resta fidèle à la mémoire de son amant.

 

 



[1] Née le 22 décembre 1892, dans le 5ème arrondissement de Paris.

[2] Le Moulin de la Chanson, cabaret ouvert en 1913, ferma rapidement ses portes, au profit d’autres cabarets plus prisés, sur le même boulevard, tel le « Moulin Rouge ». Tout au long du « procès Landru, de nombreuses personnalités du spectacle de l’époque étaient présentes : Mistinguett – Maurice Chevalier......

 

[3] Ce fut ainsi qu’elle dénomma son ancien amant, Henri Désiré Landru, tout au long de son témoignage.

[4] Peu d’informations sur les parents de Fernande Segret, Ferdinand Gustave Segret et Marie Louise Périgaud. Apparemment, ils étaient séparés, mais aucune preuve formelle.

[5] Une jeune fille devait, à cette époque, apporter son trousseau constitué du linge de maison et une dot, somme d’argent plus ou moins importante.

[6] Guillet-Landru avait emménagé peu avant rue Rochechouart.

[7] Je ne pourrais vous dire si elle a gagné.

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