mercredi 30 mai 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - Détective à Marbeuf.


Et si on jouait au détective ?

Jouer au généalogiste ! Super sympa ! C’est un peu comme jouer au détective.
Mais la tâche n’est pas toujours aisée !
Il faut souvent, avec presque pas d’informations, reconstituer l’histoire de toute une vie.

Et, il y a parfois, voire souvent, des énigmes qui ne trouvent jamais de réponse !
Il faut s’y attendre. Il faut l’accepter.
C’est le jeu !

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Mademoiselle Prudence Olivier, âgée de dix-neuf ans, avait déclaré, le 22 juin 1856, en mairie, comme le voulait la loi, être enceinte des œuvres d’un certain Maxime Vangeon, domestique à Marbeuf, mais originaire de Saint-Aubin-d’Ecrosville où il était né, le 5 mars 1835.
Une grossesse de cinq mois environ, au jour de la déclaration.
Ce qui devait donner une naissance en septembre ou octobre 1856.

« Vous êtes sûre d’être enceinte, avait demandé le maire
-          Bah ! Pour sûr !
-          Et le père ? C’est bien le dénommé Vangeon ?
-          Bah ! Pour sûr !
-          Sait-il qu’il est le père de l’enfant à venir ?
-          Bah ! Pour sûr !
-          Et alors ? Ne va-t-il pas vous épouser ?
Grand silence du côté de la future mère !

Alors ? Quand le bébé a-t-il montré le bout de son petit nez ?

La future maman, habitant la commune de Marbeuf, la naissance devait avoir lieu en cette commune. Mais aucune naissance d’un bébé « Olivier », nom de la mère, ou encore « Vangeon », nom du prétendu père.
La recherche fut infructueuse également, dans les villages environnants.
La demoiselle Prudence Olivier avait-elle mis au monde un « enfant sans vie ». Mais, aucun acte de décès, dans les registres, le prouvant.

Le dénommé Vangeon épousa-t-il la déclarante ?
Sut-il que cette déclarante était enceinte de lui ?
Alors là ! Mystère !

Mais avant tout, avait-il réellement fauté avec Prudence ?
Dans l’affirmatif, je peux reprocher au couple leur manque de « prudence » !
Si non, il ne pouvait être le géniteur du petit.
Logique !

On peut aussi avancer l’hypothèse d’une fausse-couche quelques jours après sa venue en mairie.
Ou qu’elle avait accouché ailleurs et, dans ce cas, les investigations risquaient d’être longues et compliquées !
Ou encore la possibilité qu’elle avait menti sur son état, afin de se faire épouser par François Maxime Vangeon, sur lequel elle avait jeté son dévolu.
Oui, oui ! Ce genre de mensonge existait !

Il ne restait plus qu’à chercher un éventuel mariage, avec reconnaissance d’un enfant, né fin 1856.

Prudence Olivier était la fille de Edouard Benjamin Désiré Olivier, né le 24 mars 1807, à Thibouville et de Adèle Valet qui avait vu le jour le 28 juillet 1811, à Ecardenville.
Au moment de la déclaration de grossesse de sa fille, Adèle Valet était décédée depuis presque six ans, sa mort étant survenue le 3 décembre 1850 à Epreville-près-le-Neubourg.

La demoiselle Prudence convola-t-elle en juste noces ? Oui !
Mais pas avec le sieur Vangeon, domestique.

Elle épousa un certain Edmond Alexandre Brennetot, commerçant à Vitot, le 11 septembre 1865. La cérémonie eut lieu à Marbeuf.
Je me suis ruée sur l’acte de mariage, espérant trouver la reconnaissance d’un enfant..... âgé de neuf ans.
Bingo ! Il y avait bien une reconnaissance mais......
Pas d’un enfant né en 1856 !

Cela ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas un enfant de neuf ans au foyer, mais si c’était le cas, il n’avait pas été reconnu. Cela aurait été étonnant, toutefois. Est-ce qu’un homme reconnaitrait un enfant qui n’est pas le sien, alors que celui-ci atteignait les dix ans ?
Certains, oui, je suppose, mais ce ne le fut pas, dans le cas présent !

L’enfant reconnu était né le 2 novembre 1862 !
Il avait été déclaré sous le nom de sa mère, « Olivier », et avait reçu les prénoms de Victor Onésiphore.
La demoiselle Olivier avait donc « récidivé » !

Le couple eut par la suite plusieurs autres enfants :
·         Désir Victor, né le 13 octobre 1866
·         Alexandre Zacharie, né le  19 décembre 1868
·         Auguste Edmond, né le 14 juin 1871

Que des garçons ! Tous nés à Marbeuf !

Poussant un peu plus loin la recherche, j’ai appris que Prudence Joséphine Olivier était décédée le 6 janvier 1893. Elle était âgée de cinquante-cinq ans. Sur son acte de décès, la mention « épouse de » prouve que Edmond Alexandre Brennetot lui avait survécu.

Quant au sieur Vangeon, François-Maxime de son prénom, devenu limonadier à Saint-Aubin-d’Ecrosville, il convola en justes noces avec Célestine Ernestine Foubert, le 4 juillet 1868, à Saint-Aubin-d’Ecrosville, commune où il était né, au hameau du Mesnil-Broquet, et où son père, Thomas, exerçait la profession de « garçon meunier » et « garde-champêtre ».


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Et puis, autre énigme.

Qu’est devenu l’enfant dont Marie Magdeleine Geneviève Godet avait déclaré la prochaine naissance à Marbeuf, le 3 novembre 1808.
En effet, n’avait-elle pas, ce jour-là, déclaré être enceinte de six mois environ.
Le père ? Un inconnu !

« De père inconnu », nota le maire tout en pensant : « Pourtant, elle doit bien savoir qui lui a fait cet enfant ! »
Mais, il savait aussi, le premier notable de la commune, que bien des petits fleurissaient ainsi dans les champs, d’une rencontre éphémère, mais également, et c’était malheureusement fréquent, de viols au cours des moissons.
Un inconnu ? Peut-être, après tout !
Un ouvrier agricole de passage qui, l’espace d’une nuit, avait fait miroiter à la belle un avenir meilleur.

Marie Magdeleine Geneviève Godet était la fille de Gabriel Godet et de Magdeleine de Lieuvin.

Le moment venu, ce fut Marie Marguerite Hareng, la femme de David Morisse, celle qui avait mis au monde la moitié des bébés du village, car « faisant fonction de sage-femme », qui vint présenter, en mairie, le petit François, le 15 décembre à onze heures du matin, né ce même jour de Marie Magdeleine Geneviève Godet et de père inconnu.

Malheureusement, il décéda cinq jours plus tard, le 20 décembre 1808.
Etait-il prématuré ? Assurément, car si l’on prend en compte la déclaration de sa mère (enceinte de 6 mois en novembre), la naissance devait être prévue pour janvier ou février 1809.....

Pas de mariage pour la maman, du moins dans les registres de Marbeuf. Pas de date de décès non plus la concernant sur cette commune !
Après cet évènement, avait-elle quitté Marbeuf ?

Laissons planer le rêve .....
Elle avait revu son bel inconnu et était partie vers le bonheur.

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En ce 13 février 1838, ce fut Aimée Désirée Guillard qui déclara être enceinte de six mois.
Elle ne précisa pas le nom du père.
Elle annonça, d’un air déterminé : « J’élèvrai seule mon p’tiot ! Pas besoin d’un homme ! »
Etait-ce bravade !
Se voulait-elle plus forte qu’elle ne l’était ?

Agée de vingt-neuf ans, elle était née le 21 janvier 1809 de l’union de Jean Baptiste Guillard et de Aimée Charpentier.
Un petit Amant Léandre vit le jour, le 20 mai 1838. Ce fut son grand-père, Jean Baptiste Guillard, qui vint le présenter à la mairie afin de faire établir l’acte de naissance.
Il n’était pas peu fier de porter le marmot.
« Ça f’ra d’la joie chez nous ! » lançait-il aux commères qui le regardaient d’un air revêche.
Puis, en les saluant, non sans hypocrisie, il pensait :
« En v’là qu’auraient besoin de rire ! Vieilles coincées ! »


Les deux autres témoins  étaient Pierre Jacques Dessaux, garde particulier et l’instituteur de la commune, François Victor Lefebvre.
Le petit Amant prospéra, entouré de l’amour des siens.
Il put, ainsi, assister au mariage de sa maman, le 8 juin 1840. Jacques Alexandre Charpentier, le « monsieur » qui se trouvait à côté de sa maman, le reconnut comme étant son enfant légitime.
Ce fut donc, le jour de cette union, que Amant Léandre Guillard devint Amand Léandre Charpentier. Ce qui, en fait ne changea pas grand-chose pour lui !
Et même si certaines mauvaises langues disaient haut et fort :
« C’est point son gosse ! Alors, pourquoi qu’i’ l’ reconnait ? »
D’ailleurs, qu’en savaient-elles ?
Etaient-elles présentes le jour de la conception ?

Peu importait aux nouveaux mariés. On pouvait toujours causer !

Aimée Désirée Guillard et Jacques Alexandre Charpentier coulèrent sans aucun doute des jours heureux et paisibles..... Le dicton est formel : « pour vivre heureux, vivons cachés ». Voilà pourquoi je n’ai rien trouvé sur eux, après leur union.......

Les parents de Aimée Désirée Guillard finirent leurs jours à Marbeuf.
Jean Baptiste Guillard partit le premier, le 20 février 1846, à l’âge de soixante-treize ans.
Aimée Charpentier le rejoignit six années plus tard, le 25 février 1852. Elle était âgée de soixante-quatorze ans.


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Plus ardue, « l’affaire suivante ».

Toujours dans la commune de Marbeuf, le 23 novembre 1853, Justine Dantan, âgée de vingt-et-un ans, déclarait une grossesse d’environ huit mois, « des œuvres » d’un certain Bréant d’Ecquetot. La formule était très jolie, mais la jeune personne n’en était pas moins « enceinte jusqu’aux yeux » !

C’est maintenant que cela se complique.
Enceinte de huit mois, cela ne pouvait être que visible.
Si elle arborait une bonne ventrée, la jeune femme ne pouvait pas tricher sur son état.
Qui était le « géniteur » ? Un certain Bréant, d’Ecquetot avait-elle déclaré. Bien vague, car aucun prénom n’a été noté.
Où le bébé est-il né ?
A Ecardenville-la-Campagne ? Non !
A Ecquetot ? Non !
A Saint-Aubin-d’Ecrosville ? Non !
A Marbeuf, où demeurait Justine Dantan ?..........

C’est là que rien ne colle !

23 Novembre 1853 : huit mois de grossesse. Naissance, normalement en Décembre 1853.
Logique ?
Dans les registres d’état civil de Marbeuf, toutefois, un acte bien étrange.

« L’an mil huit cent cinquante trois le treize décembre ..... commune de Marbeuf.... est comparu le nommé Voiturier florentin boulanger âgé de quarante quatre ans lequel nous a déclaré que marie scolastique      ......(un blanc)....   est accouché aujourd’hui a deux heures après midi dans le domicile de sa mère en cette commune d’un enfant du sexe masculin..... »

La date correspondrait.
Mais cet acte n’est pas légal. Le nom de la mère de l’enfant n’est pas mentionné, seul un prénom « marie scolastique » qui n’est pas, d’ailleurs, le prénom de la demoiselle Dantan.
D’autre part, il manque le nom du père...... ou la mention « de père inconnu ».

Avait-on voulu maquiller la naissance ? Brouiller les pistes ?
L’enfant avait-il, les jours suivant sa venue au monde, été abandonné à l’hôpital d’Evreux ?
Hélas, rien pour l’affirmer.

Une petite chose toutefois, la mort prématurée de Justine Dantan, que révèle un acte, incontestable celui-là.
Elle n’avait que vingt-cinq ans, en ce 26 novembre 1857.
Quatre années, presque jour pour jour, après sa déclaration de grossesse.

Si on lui avait retiré son petit, fut-ce pour cela qu’elle s’était laissée dépérir ?

Elle a emporté avec elle son secret.
Alors, ne la dérangeons pas plus longtemps.


J’ai découvert beaucoup de « déclarations de naissances »
dans les registres de délibérations municipales de
la commune de Marbeuf.
Ce ne fut pas de l’indiscrétion de ma part que
de faire ces recherches, uniquement un peu de curiosité
et le plaisir de la recherche.


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