mercredi 7 décembre 2022

Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Marie-Ernest Gilles - cinquième partie


Quatrième condamné, un nommé Marie-Ernest Gilles

Cinquième partie

 

 

Cours d’assises de l’Eure – 10 juillet 1893

Président de séance, Monsieur Bertin, Conseiller de la Cour d’Appel de Rouen.

 

 

Ce jour-là, furent appelées à la barre les personnes touchant de près les victimes et divers témoins.

 

Monsieur Guillaumet qui avait employé un temps l’accusé, fit la déclaration suivante :

« Ma foi, c’était un bon travailleur, mais j’ai dû m’en séparer, car un jour, je l’ai surpris dans ma cave. Il avait pénétré dans le lieu avec une fausse clef. Après ça, je n’ai plus eu confiance en lui. »

 

Monsieur Cyriaque Lebrun ne mâcha pas ses mots :

« Pour moi, Gilles, c’était un mauvais gars. »

 

Monsieur Boudin[1], oncle de l’accusé, prétendit, mais sur quels critères ?

« Ses parents étaient fous et lui, il était « drôle » ! »

 

 

Concernant le meurtre de  Jacques Simon Gagneur.

 

Le docteur Halbout qui avait examiné le corps de la victime fut formel :

« Monsieur Gagneur a été tué avec une barre de fer et non avec une pierre comme l’affirme l’accusé. »

 

Monsieur Lebraut-fils attesta qu’après le meurtre de Monsieur Gagneur, Gilles était habillé comme un seigneur. Ce changement vestimentaire l’interpella, car Gilles n’avait jamais un sou. Comment avait-il pu s’acheter tous ces nouveaux habits ?

 

Auguste Gagneur, second fils de Jacques Simon Gagneur certifia :

«  Mon père n’avait pas d’ennemi et n’était en mauvais termes avec personne. »

 

 

Concernant le meurtre des deux femmes de  Saint-Pierre-de-Cormeilles.

 

Victor Mariard habitant Orival et ayant bien connu Gilles dans son enfance.

« Gamin, Gilles se conduisait bien. Par la suite, l’excès de boisson ne lui allait guère. »

 

Le docteur Laîné de Pont-Audemer

« La victime que j’ai examinée avait reçu vingt-trois coups de couteau qui se situaient à la tête, à la poitrine et dans le dos. »

 

La veuve Huchon, concubine de Gilles, déclara que lorsque Gilles était venu chez elle, le lendemain du crime vers midi,  ses vêtements étaient tachés de sang. Elle avait immédiatement prévenu, Monsieur Jacques Bouley, le père de Rosine Célina, chez qui elle travaillait.

 

Monsieur Rapilly, demeurant Saint-Aubin-sur-Halgot dans le Calvados, oncle de la veuve Huchon.

« J’ai été très étonné de voir arriver, Gilles, le 24 février en début d’après-midi. Il avait fait le déplacement de dix lieues pour me demander un petit tonneau. J’ai tout de suite pensé qu’il y avait quelque chose d’autre. Gilles avait toujours besoin d’argent.  Projetait-il de m’assassiner pour me voler ?  Mais, ce jour-là, la couturière se trouvait chez moi. Je dois peut-être mon salut à la présence de cette femme. »

 

La femme Gardin vint déposer à la barre. Elle était la confidente de la femme Lelièvre.

« Je n’ai jamais vu Gilles chez elle. Sûr qu’il n’était pas son amant. C’était Montreuil son amant en titre. »

 

Le brigadier de gendarmerie Néret avait reçu la déposition de la veuve Marais, voisine de la femme Lelièvre, au lendemain du meurtre. Celle-ci lui avait dit avoir entendu une voiture passer au galop dans la nuit.

Le gendarme Briey avait remarqué des traces de roues dans les flaques de sang sur le chemin.

 

Par contre, une autre voisine de la femme Lelièvre, Madame Lefranc, affirma ne pas avoir entendu de voiture passer dans la rue, et pourtant, avait-elle précisé : « J’ai le sommeil très léger ! »

Le témoignage de Madame Lefranc, fut confirmé par les dires de Monsieur Cazoulet, également voisin.

 

Mme Céline Félicité Savouret, épouse Boulay, mère de Rosine Célina, déclara entre deux sanglots :

«  Nous avons, ma fille et moi, passé toute la journée ensemble. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que Célina était rentrée chez elle. »

 

Monsieur Jacques Boulay, père de Rosine Célina, certifia :

« Notre fille passait toutes ses journées chez nous avec le petit. Ce jour-là, je lui avais remis les cent francs de pension que je lui octroyés chaque mois. »

 

 

Pendant le temps des témoignages, Marie-Ernest Gilles ne manifesta aucune émotion, comme si tout ce qui se passait devant lui ne le concernait nullement.

Savait-il déjà que rien ne pouvait le sauver ?

 

Puis, Monsieur Niellon, procureur de la République, fit un réquisitoire simple, sobre et énergique, demandant un verdict impitoyable.

 

Maître Jouvin du Barreau de Rouen, avocat de la défense, appuya sur l’incertitude de certains faits comme la voiture sur les lieux du crime dont le passage au galop fut entendu par une personne, contre deux n’ayant rien remarqué.

Une voiture ayant amené les deux individus dont avait parlé Gilles et qui avaient pénétré avec fracas dans le logis de la femme Lelièvre, à minuit.

Et si c’était le cas ? Gilles était innocent !

Maître Jouvin demanda les circonstances atténuantes.

 

Il ne fallut qu’une heure aux jurés pour délibérer. Le verdict tomba : La peine de mort !



[1] Je n’ai pas plus d’indications concernant cet oncle qui apparemment avait élevé Gilles.  Etait-il l’époux d’une sœur de la mère ou du père de Gilles ? Mystère !

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