mercredi 31 juillet 2024
Pas seulement dans les petites villes et campagnes.
Paris connut aussi des procès pour
sorcellerie, comme celui de Jeanne Patard, née vers 1564.
Jeanne Patard avait la réputation
d’être une sorcière. Sans doute accusée par des personnes bien intentionnées.
La jalousie, l’envie, la méchanceté... que sais-je encore font marcher les
langues, surtout les mauvaises.
En cette année 1604, les peurs
ancestrales du diable et toute autres superstitions et surtout l’ignorance
allaient déclencher un procès retentissant.
Jeanne Patard fut donc arrêtée et
jugée. Elle avoua, oui, elle avoua avoir participé aux danses du sabbat avec
plusieurs voisins. Réunis dans une nuit de pleine lune, ils se tenaient par la
main formant une ronde, invoquant le démon.
Elle avoua.... sous la
torture !!
Puis, elle revint sur ses
dépositions, ce qui ne fit nullement l’affaire des juges.
Le 13 août 1604, la pauvre femme
fut amenée dans la chapelle de la Conciergerie. Devant elle, un jeune clerc,
commis au greffe du parlement de Paris, Mathieu Drouet.
« Pourquoi revenir sur vos
dires ? Vous avez avoué ! Avoué sans force ni
contrainte ! »
Au début du XVIIe
siècle, la torture n’était sans doute pas considérée comme une force ou une
contrainte !!
« Vous avez même donné des
noms ! » avait ajouté Mathieu Drouet.
En effet, pour que la souffrance
cesse, Jeanne avait donné les noms de Germain Guyot, de Coquillon et d’un
certain Laporte.
Un confesseur vint, il avait pour
charge, selon le clerc de la réconcilier avec Dieu. N’était-il pas là aussi ce
confesseur pour entendre quelques aveux susceptibles d’enfoncer encore plus la
pauvre Jeanne Patard.
Tenace, le clerc Drouet.
Plusieurs fois, il revint à la charge. Insistant. Gentil. Pressant. Mielleux.
Acharné !
Alors, à bout de force,
l’inculpée après s’être rétractée plusieurs fois, avoua, face à la justice,
dans une attitude de soumission :
« Je me suis rendue trois
fois au sabbat et y ai invoqué les démons. »
Avait-elle encore l’espoir de
sauver sa vie ?
Le clerc Drouet avait réussi sa
mission.
Ce fut agenouillée que Jeanne
Patard entendit le verdict : « condamnée à mort, et sentence exécutée
le jour même ».
Rien de plus sur cette terrible
histoire.
Où Jeanne vit-elle le jour ?
Aucune information sur son lieu
de naissance, la date de celle-ci, un éventuel mariage.... Rien.
Où Jeanne fut-elle
exécutée ?
Rien pour le dire, seulement la
date de l’exécution : 13 août 1604.
Peut-être place de Grève, à la
butte de Montfaucon, sur une des petites îles de la Seine.....
Juste toutefois cette petite
phrase découverte dans un document :
« Elle a dénoncé Germain
Guyot qui a été condamné. »
Malheureusement, rien sur cet
autre procès en sorcellerie.
mercredi 24 juillet 2024
Êtes-vous méchant ( e ) ?
Méchant ( e ) – adjectif – découlant du participe présent mescheant (vers 1165) du verbe mescheoir :
Mé
ou
mes et cheoir (choir) : arriver malheur.
En ancien français, méchant signifiait
« qui tombe mal » : qui n’a pas de chance – misérable.
Adjectif à rapprocher du sens premier
de « malheureux ».
1176 : une chose méchante = une
chose sans valeur. Sens toujours employé en littérature.
Exemple : un méchant crayon.
D’où par la suite le rapprochement
avec mauvais : dépourvu de bonnes qualités (1365).
Le sens de « mauvais » a pris le dessus au XVIe siècle.
Le terme a été substantivé vers 1365, qualifiant une personne qui cherche à faire du mal, plus particulièrement dans le contexte religieux.
Au XVIIe siècle,
« faire le méchant » s’employait pour : laisser éclater sa
colère – s’emporter.
Aujourd’hui, cette locution est
utilisée essentiellement en parlant d’un enfant piquant une colère, faisant un
caprice.
Autres mots découlant de méchant :
- ·
1280 - mescheandement :
malheureusement – misérablement.
- ·
XVe siècle : avec
méchanceté.
- ·
Début XVe siècle – meschanceté : action, parole
méchante.
- ·
Fin XVe siècle : malheur.
Méchanceté a évincé mescheance et a pris définitivement, en 1596, le sens de : penchant à faire du mal.
Nous n’avons donc pas tout compris aux divers contes mettant en
scène « Le Grand Méchant Loup ».
Cet animal dit « méchant » n’était nullement animé par « la
pensée de ne faire que du mal », mais était tout simplement « malchanceux »,
échouant dans toutes ses entreprises.
Souvenez-vous de la fin de chacune de ses aventures, ne se
retrouve-t-il pas toujours dans de piteuses situations ?
Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire
historique de la langue française » Le Robert
Le château de Kintzheim – Epilogue
N’avaient-ils pas l’esprit tranquille pour envoyer à la mort
de nombreuses femmes dites « sorcières » ?
La croyance populaire y était sûrement pour beaucoup.
Concernant Madelaine Bonis, très difficile d’en savoir plus,
tous les comptes-rendus des procès n’étaient pas gardés et s’ils le furent les
incendies, nombreux à cette époque, les ont détruits et avec eux, des quartiers
entiers.
Condamnée pour cela, pas à mort, mais à porter le « lasterstein » ou
« pierre du vice ». Il s’agissait d’une chaîne agrémentée d’une ou
plusieurs pierres que le (ou la) condamné devait porter autour du cou.
Accompagné (e) de gens de justice, le (ou la) supplicié devait faire le tour de
la ville, souvent sous les huées, crachats et projectiles divers lancés par les
honnêtes gens.
D’autres documents stipulent que le « lasterstein » était utilisé pour les personnes bavardes,
médisantes, enfin pour les mauvaises langues.
Il fut en partie détruit lors de la guerre de Trente Ans, en 1633.
En 1649, la ville de Sélestat vendit le château à J G de Gollen,
ministre de Ferdinand III de Habsbourg, qui le restaura en partie pendant vingt
années.
Abandonné en 1789, il se détériora de plus en plus.
Classé Monument Historique en 1964, les vestiges de ce
château abritent aujourd’hui les plus beaux rapaces du monde.
Je vous donne rendez-vous, prochainement, pour un autre
procès.
mercredi 17 juillet 2024
Le château de Kintzheim – Troisième partie
Madeleine Bonis avait donc l’esprit bien troublé d’autant plus qu’elle s’aperçut quelques semaines plus tard qu’elle était grosse.
Qui pouvait être le père ?
Assurément, l’homme en noir de ses rêves.
Afin que sa grossesse ne fût pas connue, elle quitta le château et alla
se placer comme servante chez Caspar Weydt demeurant à Sélestat où Etienne
venait souvent la rejoindre dans sa chambre.
Habillée de vêtements amples, serrant au maximum son ventre pour en
réduire l’importance, Madelaine poursuivait son ouvrage journalier.
Quand le terme fut atteint, elle se réfugia dans l’étable appartenant à
Anne Herrmann où elle accoucha dans le foin.
L’enfant n’eut pas le temps de pousser son premier cri que la mère, dans
une semi-conscience, persuadée d’avoir mis au monde un démon, étouffa le
nouveau-né et l’enveloppa dans un vieux tablier afin de se débarrasser du petit
corps.
Oui, mais certaines journalières
travaillant à la ferme s’étaient aperçu que Madelaine ne lavait plus depuis
quelque temps, son linge intime chaque mois. Certaines autres avaient constaté
sa longue absence et l’avaient cherchée partout. Une d’entre elles l’avait
aperçu quittant l’étable avec un paquet.....
Ce fut ainsi que Madelaine fut arrêtée et jetée dans la prison de
Sélestat.
Devant les juges, afin de se disculper, elle raconta l’homme en noir,
les vols nocturnes, les danses sataniques, enfin tout ce que son esprit troublé
pouvait imaginer.
Oui, mais..... Tuer son enfant qui ne pouvait être que le fils de Satan,
était aux yeux des juges moins important que d’être une possédée, une sorcière.
Madelaine Bonis fut reconnue coupable de sorcellerie, le 26 juin 1630,
la sentence fut immédiate, elle fut décapitée et son corps ainsi mutilé jeté
aux flammes.
Une échasse...
Un mot courant à la fin du XIIème siècle et qui s’orthographiait
alors eschace.
Il désignait une béquille ou encore une jambe de bois, sens qu’il
conserva jusqu’au XVème siècle.
De béquille et jambe de bois, il désigna, par extension, de longs
bâtons munis d’un étrier sur lequel il était possible de poser les pieds et
servant aux déplacements en terrains difficiles.
Un échassier ou une échassière, vers 1150, était le nom donné à
celui ou celle qui avait une jambe de bois.
Au XVIème siècle, il prit l’orthographe que nous lui connaissons
aujourd’hui : échasse.
Nous retrouvons ce mot dans diverses locutions, avec un sens
figuré :
·
Monter sur des échasses – percher sur des
échasses :
o Se vouloir
plus grand que l’on est.
o Être
guindé (1665)
o Avoir de
longues jambes (1718)
Le terme échasse est également utilisé en zoologie pour désigner
un oiseau vivant dans les marais et possédant de hautes pattes fines (1768).
On parla plus tard d’un échassier (nom - 1799), ou encore d’un
oiseau échassier (adjectif apparu en 1845).
Un échassier chassant un échassier dans les marais ne put monter
sur des échasses, en raison justement de sa jambe de bois perdue lors d’une
bataille, mais laquelle ?
Cela pourrait être le début d’un conte.
« Il était une fois, un pauvre échassier qui, pour nourrir sa
nombreuse famille, était contraint de braconner la nuit. Il avait perdu sa
jambe gauche emportée par un boulet de canon dans une bataille, bien loin
au-delà des frontières...... »
Je vous laisse imaginer la suite.....
Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire
historique de la langue française » Le Robert
mercredi 10 juillet 2024
Un patient patient ou la patience du patient.
Voilà une réalité lorsqu’un malade doit attendre bien longtemps aux urgences d’un hôpital.
Mais quelle est l’origine du mot patient ?
Patient > Patience ? Ce nom féminin, patience, vient du latin patientia
« action de supporter, d’endurer ».
** Prendre
son mal en patience.
La patience est une vertu. Celui qui la possède supporte les
adversités de la vie, sans fléchir, et de ce fait, est plus fort pour faire
face.
La patience, c’est aussi :
·
Supporter calmement les défauts des autres.
·
Essayer de résoudre un problème avec
persévérance.
o Ouvrage de
patience (1498).
o Jeu de
patience (1846).
·
Attendre tranquillement ce qui tarde à
arriver, sans perdre espoir.
o Prendre
patience
Et le patient (patiente) ?
Ce terme vient du latin patiens :
endurant – qui supporte.
Définition :
·
Un patient (patiente) : celui ou celle
qui supporte avec constance, peut-être aussi avec résignation, les défauts des autres
(après 1150), les châtiments (1617), les contrariétés, les douleurs physiques
(1380).
·
Le patient désigne le malade par rapport au
médecin (XIVème siècle).
·
Patiemment - adverbe : orthographe fin
XIIème siècle : pacienment.
·
Impatient (ente) - adjectif : qui ne supporte pas (vers 1200) –
difficile à supporter
(1541).
·
Impatiemment – adverbe : orthographe fin XIIIème siècle :
impacienment. Molière
utilisa cet adverbe pour nerveusement
en 1672.
·
impatienter – verbe.
·
L’impatience – nom féminin : inaptitude à supporter quelque chose –
manque de fermeté.
Absence de résignation (XIIème
siècle)
·
Des impatiences : Irritations nerveuses qui se traduisent
par des
fourmillements (1764).
Une patiente, fort patiente, effectuant une patience se vit fort
impatiente face aux impatiences ressenties dans sa jambe gauche.
« Prendre patience ! » se disait-elle, mais
patienter n’était pas une de ses vertus.
Un jeu de patience que cette phrase.
Retrouverez-vous avec patience la signification de tous ces mots,
sans en faire pâtir vos proches ?
Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire
historique de la langue française » Le Robert
Le château de Kintzheim – Deuxième partie
Etienne ne semblait pas indifférent à Madelaine[1], mais n’était-ce pas simplement de l’attirance physique due à la réputation de légèreté de la jeune femme ?
Un jour, alors que Madeleine travaillait dans les vignes, Etienne vint la surprendre. Tous deux passèrent un agréable moment qui fut renouvelé quelques jours plus tard dans un champ voisin où Madelaine coupait de l’herbe.
Le dimanche suivant, ce fut main dans la main que les deux amants se
rendirent au bal.
Cette aventure n’allait-elle pas devenir une tendre mélodie
d’amour ?
Mais..... Un soir, alors que
Madelaine Bonis se trouvait devant le château, apercevant son amoureux, elle se
précipita vers lui. Celui-ci fut très étonné de la voir aussi avenante.
Il le fut encore plus lorsqu’elle lui susurra à l’oreille :
« Te souviens-tu de nos ébats dans les vignes et dans le champ ?
Ne nous sommes-nous pas amusés au bal dimanche dernier ? »
Que se passait-il ?
Elle n’avait pas rêvé. Pourquoi tout à coup cette indifférence ?
Avait-il rencontré une autre fille, plus à son goût ?
Elle tarda à s’endormir et les rêves qu’elle fit furent des plus
troublants.
Etienne était avec elle, empressé, mais son visage était celui d’un
autre et à sa vue, elle se sentait glacée. Puis, accompagnée de nombreuses
filles et femmes donc le visage ne lui étaient pas inconnus, à califourchon sur
une fourche, les autres sur différents animaux, elle survolait la ville et ses
alentours, lançant des sorts ou tuant des animaux. Le plus terrifiant, furent
les danses dans lesquelles la petite troupe se lança au son strident d’une
flûte et cet homme tout de noir vêtu, ressemblant
étrangement à Etienne, tout proche d’elle.
Madelaine se réveilla en sursaut, ruisselante de sueur et transie de froid. Dehors, le coq venait de pousser un premier « cocorico » des plus impératifs.
La jeune femme épuisée se leva péniblement. Il fallait faire l’ouvrage.
Une journée pénible pendant laquelle, à chaque instant, revenaient les
cauchemars nocturnes, dans un brouillard épais. Des cauchemars qui, à présent,
lui semblaient de plus en plus réels.
Et si tout cela était réalité ?
Ce n’était peut-être pas Etienne, mais cet homme en noir, celui du rêve,
qui l’avait rejointe par deux fois.
Un homme qui après réflexions n’avait rien d’humain. Pas un
humain ? Alors qui ?
Le diable !!!
Madelaine en fut toute tremblante et sa raison vacillait.
N’y avait-il pas, dans la ville de Sélestat, des cas d’envoûtement, des
femmes séduites et qui se donnant au diable se damnaient pour l’éternité ?
Ne serait-elle pas devenue l’une d’entre elles ?
[1] Aucune indication sur la date de naissance de
Madelaine Bonis, née à Rodern, fille de Jean Bonis avec aucune mention du nom
de sa mère.