mercredi 21 mars 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - Médisances......


 Médisances......

Je déteste les gens médisants, ceux qui cherchent à faire des ragots de tout et de rien, à amplifier les choses pour créer des querelles qu’ils regardent ensuite en s’en délectant, ceux qui aiment les cancans !
Vous voyez ce que je veux dire ?
Et.... vous voyez aussi de qui je veux parler ?
Non ?
Réfléchissez un peu ......  Encore un peu.....
Ça y est ? Vous y êtes !

J’ai encore « fauté » ! Oui, je ne peux pas m’en empêcher.
Aussitôt que je mets mon nez dans un registre, il faut que je déniche, même  « l’indénichable », et voilà que je viens de trouver une mine à cancans.

Il s’agit des déclarations de grossesses faites en mairie par les jeunes filles.
Elles devaient ainsi décliner leur identité, leur filiation, leur état de grossesse en nombre de mois et le nom de celui à qui elle devait leur état.
Je suppose qu’il y eut de nombreux procès, certaines demoiselles profitant de leur mésaventure ou bonne aventure, pour choisir le nom d’un père parmi les jeunes hommes non dénués de biens, afin d’en tirer profits.

J’ai donc relevé plusieurs déclarations afin de voir quand était né l’enfant, si il avait été reconnu et par qui, et si il y avait eu mariage par la suite.......

Vous avez le droit de me huer.....  Je suis incorrigible. Mais reconnaissez que ma démarche est plaisante.

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Le 31 juillet 1817, Demoiselle Marie Marguerite Picard déclarait être enceinte de six mois environ, des œuvres de Zacharie Durand. Il était vrai qu’elle affichait une ventrée qui ne pouvait que sauter aux yeux.
Depuis le décès de sa mère, Marie Anne Hue, survenu le 13 août 1816, Marie Marguerite tenait le ménage de la maison paternelle. Son père, Philippe Picard, en apprenant la grossesse de sa fille, regretta bien l’absence de sa défunte. Elle aurait su quoi faire, elle. Elle aurait su faire quoi, en fait ? Rien de plus que lui. Il n’y avait qu’à attendre. Le petit n’y était pour rien et puis ce n’était pas son affaire. Et dans ce cas, les femmes étaient les plus compétentes !

Quand le moment arriva, le futur grand-père laissa les femmes entre elles. Pas son affaire non plus ! Il fallait laisser la nature faire, pas vrai ?
Mais ce ne fut pas sans fierté qu’il alla présenter, le 12 novembre 1817, à la mairie de Marbeuf, le gaillard qui donnait déjà de la voix. Ce qui fit dire par certains :
« Mais c’est un braillard ! On voit bien de qui il tient ! »
Peu importaient les réflexions ! Le petit allait bien et sa fille aussi. C’était l’essentiel.
Le nouveau-né qui avait vu le jour le 11 novembre 1817 à midi, fut déclaré sous le nom de sa mère, « Picard », et reçut les prénoms de « Martin Modeste Ursin ».

Et le père ? Il refusa la paternité de cet enfant. Pas le sien !
Et bien sûr, il n’était pas question d’épouser la future mère !
Et puis, n’était-il pas préférable de ne pas se marier, plutôt que de vivre un mauvais ménage ?
D’ailleurs, le destin régla le dilemme.
En effet, le petit Martin Modeste Ursin décéda  le 26 novembre 1817. Il n’avait que quatorze jours.
C’était ainsi, beaucoup d’enfants mouraient dans les premiers mois suivant leur naissance.
Et les mauvaises langues de dire, d’un air entendu, en apprenant le décès :
« Forcément.... un enfant du péché !....... »
Comme si, les petits, à peine nés, portaient le poids des « fautes » de leurs parents et devaient en supporter les conséquences !

Pas de mariage, alors ?
Mais oui ! Deux !
Celui de Zacharie Durand, mais avec une autre jeune fille, du nom de Marie Catherine Lefebvre et que l’on célébra le 18 août 1821.
Et celui de Marie Marguerite Picard, le 29 janvier 1818 avec un certain Philippe Damois. Un gars de Criquebeuf-sur-Seine.

Concernant Marie Marguerite Picard et Philippe Damois, ils vécurent à Marbeuf toute leur vie. Ils n’eurent pas de descendance.
Philippe Damois partit le premier, le 13  avril 1853.
L’année suivante, juste après la Noël, le 29 décembre 1854, Marie Marguerite Picard le rejoignit.

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Marie Barbe Françoise Soligni, âgée de vingt-deux ans, déclara aussi une grossesse de six ou sept mois, en mairie de Marbeuf.
En ce cinq août 1817, les mains sur son ventre arrondi, elle avoua sa « faute » et donna le nom du géniteur, Pierre Godard qui demeurait à Vitot.
L’enfant vint au monde, le mardi 28 octobre 1817 et fut présenté à l’officier d’Etat Civil qui enregistra la naissance du petit qui avait reçu les nom et prénoms de Soligni Jules Delphin Florentin.
Mais je n’ai rien trouvé par la suite et surtout pas de mariage.
Marie Barbe Françoise aurait-elle quitté Marbeuf et ses alentours, au bras d’un galant, père ou non de son enfant ?

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Quand Victoire Hareng vint annoncer, le 8 octobre 1833, qu’elle attendait un enfant des œuvres de Mathurin Leroy, il sembla à l’employé de mairie de Marbeuf que le tour de taille de la demoiselle n’était pas réellement en rapport avec le nombre de mois annoncé.
Un doute lui   parcourut l’esprit, mais, comme il était là pour prendre note des déclarations de grossesses, il le fit. Après tout, certaines femmes ne prenaient pas toujours une ampleur hors du commun !
La famille de Mathurin Leroy, par la rumeur publique (encore elle !) eut connaissance de la déclaration de la demoiselle. Il n’était pas question de se laisser embobiner de la sorte. Même si la jeune fille, âgée de dix-huit ans, était plaisante, elle ne pouvait être enceinte de leur fils. Pas question de prendre le rejeton d’un autre ! D’ailleurs qu’est-ce qui prouvait qu’elle était bien enceinte et  de sept mois en plus. Avec la silhouette fine qu’elle avait, pas possible !

Pour ne pas se laisser avoir, la famille demanda à ce que la jeune fille soit examinée par un médecin.
Ce fut au Docteur en chirurgie et accoucheur, le sieur Jean Marie Joseph Gaulliart, que revint la charge de statuer.
Le 18 octobre 1833, il établissait le certificat suivant :
« ............... j’ai examiné hier dix sept du présent, Victoire Harent à l’effet de savoir si elle était enceinte ou non, après avoir exploré l’utérus j’ai reconnu qu’elle ne l’était pas ou si elle l’était, elle l’est de peu de temps........ »

Alors ?
Alors cela donna sans doute des idées aux deux jeunes gens, car le 20 juin 1834, un petit Amand Mathurin montra le bout de son nez.
« Amand » du prénom de son grand-père, François Amand Harent et « Mathurin » du prénom de son père, Mathurin Leroy.

L’histoire ne s’arrêta pas là.
Deux ans plus tard, le 23 juin 1836, Victoire Hareng et Mathurin Leroy convolaient en justes noces et reconnurent avoir « pris un peu d’avance sur leurs épousailles ». Le petit Amand Mathurin fut ainsi  légitimé par le mariage de ses parents.

Je ne peux m’empêcher de penser à une manœuvre, bien habile, de la part de la jeune fille, afin d’attirer le regard de l’élu de son cœur.
Mais, bien sûr, je suis peut-être médisante ! Non ?

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Malgré cette loi datant de 1556, exigeant que les jeunes femmes non mariées ainsi que les veuves, déclarent leur état de grossesse, certaines arrivaient tout de même à cacher leur état et accouchaient clandestinement.
Un grand nombre de nouveaux nés étaient déposés au tourniquet des hospices avec pour seules mentions, celles de leurs prénoms et si ils avaient reçu le baptême. D’autres, moins chanceux, étaient retrouvés sans vie dans les mares ou cours d’eau, lâchement assassinés par celles qui leur avaient donné et repris la vie en peu de temps. Pour la plupart, des femmes qui, domestiques de ferme ou ouvrières de manufactures, avaient été forcées par des hommes sans scrupule ou encore des jeunes filles ayant cru à de trop belles paroles pour être vraies !

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