LES EMPOISONNEUSES
Affaire Lacoste -
Vergès
Chapitre 1
Euphémie[1]
vit le jour le 20 décembre 1818 à Mazerolles, dans les Hautes-Pyrénées.
Son père se
prénommait Bernard et avait trente-trois ans au jour de la déclaration de
naissance. Sa mère était une demoiselle Marie Jeanne Lagleise.
Etre une
fille, en ce début de siècle, n’avait rien d’enviable. Une fille se voyait
souvent promise (voire monnayée) en mariage, contre son gré.
Et ce fut le
cas pour la jeune Euphémie que ses parents avaient donnée à son grand-oncle qui
était de quarante-six ans son aîné.
Ce fut donc
une toute jeune femme de vingt-deux ans qui s’unit, le 23 mai 1841 à
Mazerolle, à un vieux monsieur de
soixante-huit ans.
Quelle
joyeuse perspective pour Euphémie qui n’eût, hélas, pas son mot à dire.
L’acte de
mariage nous apprend ce qui suit :
Henry
Lacoste, rentier, né à Riguepeu dans le Gers, le 8 juillet 1773, était veuf de
Louise Doucet, décédée à Tarbes, le 25 avril 1838[2].
Il était le
fils de Jean Sancerre Lacoste, décédé à Riguepeu le 21 septembre 1773 et de
Elizabeth Tezan, décédée également à Riguepeu, le 20 décembre 1787.
Parmi les
personnes présentes, les quatre témoins :
·
Marcel Duffard, âgé de trente-huit ans,
cultivateur à Mazerolles.
·
Sébastien Vergez, trente-huit ans également, et
cultivateur à Mazerolles.
·
Jean-Pierre Vergez, trente-et-un ans, sans autre
précision.
·
Jacques Coussié, âgé de quarante-cinq ans,
cordonnier de son état et exerçant dans la commune de Mazerolles.

Euphémie
s’appliqua à être une bonne épouse, supportant les manies et écarts d’humeur du
maître des lieux.
Une bonne
épouse !!!
En fait, une
servante corvéable à merci, nuit et jour, devant se plier aux caprices de
celui qu’elle venait d’épouser ;
acceptant de vivre chichement alors qu’elle savait, Euphémie, que celui-ci avait
une fortune considérable qu’il dépensait largement quand l’envie lui en prenait.
Elle savait
aussi, Euphémie, qu’elle ne représentait pas grand-chose aux yeux de son mari.
N’était-elle
pas uniquement un ventre se devant d’accueillir le futur héritier tant attendu
par le sieur Lacoste ?
Car c’était
bien là le principal but de cette union, car pour la gaudriole, le sieur
Lacoste avait toujours eu recours à certaines de ses servantes ou à des jeunes
filles peu farouches du village.
Ce n’était
pas médisance, loin de là, chacun le savait, et il payait bien, assurait-on.
Il y avait
eu, notamment, depuis l’arrivée de la nouvelle dame Lacoste, Marie Dupuy,
servante, qui rejoignait son maître, certaines nuits, dans sa chambre ou
l’inverse.....
Lorsque
Euphémie apprit ce qui se passait sous son toit, elle renvoya la fille Dupuy
avec perte et fracas.
Et également
la très jeune Jacquette Larrieu qui s’était
vu proposer de l’argent pour servir de « ventre géniteur ». Ayant un
fort caractère, elle avait refusé et était restée au service de Henry Lacoste.
Toutes ces
frasques au grand jour, au su de l’épouse, qui elle n’avait pas le droit de
sortir seule. Même pour se rendre à l’église, elle était accompagnée de sa
servante.
Car, en
plus, elle recevait les reproches incessants de son époux qui lui reprochait
d’avoir quelques amants.....
Un couple
bien mal assorti pour des tas de raisons et qui ne résidaient pas uniquement
dans la différence d’âge !!
Un couple
qui vivait mal cette union et s’en plaignait.
Lui, le mari,
à ses amis Dupany et Lespère, auxquels il avait exprimé, en avril 1843, son
regret d’avoir nommé son épouse légataire universel par acte testamentaire[3].
En effet,
selon ses dires, Henry Lacoste
souhaitait, à présent, déshériter l’épouse devenue insoumise, mais surtout
stérile, puisqu’aucune grossesse n’était annoncée.
Elle, la
jeune femme, s’épanchait sur l’épaule du seul ami qui fréquentait son foyer, le
sieur Joseph Meilhan.
16 mai 184.
Il y avait foule sur la place de la petite commune de Riguepeu. C’était jour de
foire.
Henry
Lacoste s’y rendit, avec à son bras, sa jeune épouse, Euphémie.
[1] Sur son
acte de naissance, l’enfant est prénommé « Ufini ». On trouve aussi : Eugénie sur certains autres
documents. Nous adopterons, au fil du
récit, « Euphémie », prénom utilisé lors du procès sur les dossiers
de justice.
[2] Période
manquante dans les registres en ligne.
[3] Testament
en date du 1er juillet 1841. Les biens de Lacoste, à cette époque,
étaient évalués à 700 000 francs.
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