mercredi 31 août 2022

Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - un soldat nommé Jodon - première partie

 

Premier condamné,

un soldat nommé Jodon.

Chapitre 1

 

Huit jours de permission.

Quelle aubaine !

Le sésame en poche, le caporal-fourrier Achille Jodon se promettait bien d’en profiter. Il allait de ce pas, quittant son casernement d’Ham[1], non loin d’Amiens, rejoindre sa ville natale du Havre.

 

« A moi la liberté !!! » chantait-il sur un air connu de lui seul.

 

Pour Achille Jodon prendre du bon temps, c’était essentiellement boire avec des amis dans les estaminets jusqu’à plus soif, jusqu’à ne plus tenir sur ses jambes.

Et c’est ce qu’il fit et notamment avec un de ses camarades, un certain Florence[2] qu’il débaucha aussitôt arrivé au Havre, le 27 novembre 1874.

 

Edouard Florence était employé aux comptes chez un banquier du Havre.......

 

30 novembre 1874.

Monsieur Adam, commissaire en fonds public fut très étonné ce matin-là de ne pas trouver son employé à son poste de travail. Celui-ci était d’une extrême ponctualité. Un employé exemplaire en qui il avait toute confiance.

D’ailleurs, ne lui avait-il pas confié les clefs du coffre qu’il gardait toujours sur lui, comme un trésor ?

Oui, Edouard Florence était un employé modèle.

 

Pourtant, ce matin-là, Edouard Florence était bien absent. Monsieur Adam alla donc quérir le double des clefs du coffre à son domicile et lorsqu’il ouvrit le coffre en question, celui-ci était vide de toutes les valeurs qu’il contenait la veille en monnaie et en papier.

 

Etait-ce Edouard Florence le coupable ?

Monsieur Adam était totalement anéanti. Il se sentait trahi.

 

 

30 novembre 1874 – 8 heures du matin – rue des Gadelles à Sainte-Adresse. 

En portant une dépêche, le  facteur des postes fit une bien macabre découverte. Le cadavre d’un jeune homme tué par balles.

Très vite, la victime fut identifiée, il s’agissait d’Edouard Florence.

Le pauvre jeune homme avait été abattu de quatre balles de revolver calibre de sept millimètres dont une dans une oreille et une autre dans le cou. L’assassin avait tiré à bout portant.

 

Il ne fut pas difficile de connaître le mobile de ce crime, car après examen du corps, il fut constaté que la clef du coffre de la banque de Monsieur Adam n’était pas sur le cadavre.

 

 

Il fut aisé de nommé un premier suspect, un certain Achille Jodon, qui avait été vu en compagnie de la victime la veille au soir, dans un ou deux estaminets.

C’était une piste qu’il fallait remonter rapidement.

Oui rapidement, car Achille Jodon avait déjà quitté Le Havre.

Il fut arrêté à Paris.

 

Ce n’était qu’un suspect et il fut tout d’abord interrogé.

« Vous connaissiez la victime ? lui demanda un inspecteur.

-          Oui, nous nous connaissons depuis plusieurs années, avait répondu le caporal Jodon, sans montrer aucune inquiétude.

-          Vous étiez ensemble dans la nuit du 29 au 30 novembre ?

-          Oui, nous avons bu plusieurs verres et parlé du passé.

-          Qu’avez-vous fait ensuite ?

-          Nous nous sommes quittés, Edouard travaillait le lendemain et ne voulait pas se coucher trop tard.

-          Avez-vous une arme ? Un revolver sept millimètres ?

-          Je n’ai pas d’arme, avait affirmé avec aplomb le caporal.

 

Tout cela aurait pu être vrai.

Sauf que......

Achille Jodon avait déjà été condamné pour vol et notamment chez deux de ses employeurs :

-          MM. Ancel et cie en 1870, soit 5 600 F.

-          MM. Hurel et cie, soit 1 400 F.

 

Et puis, et surtout, il fut découvert sur le caporal fourrier quelques pièces chiliennes et péruviennes qui justement se trouvaient dans le coffre de la banque de Monsieur Adam.

D’autre part, au moment des faits, Achille Jodon ne put fournir aucun alibi.

 



[1] La forteresse d’Ham dans la Somme est connue pour avoir été une prison d’Etat et avoir eu comme « pensionnaire », Louis Napoléon Bonaparte, condamné à six ans d’emprisonnement pour conspiration contre le roi et y avoir séjourné de 1840 à 1846. Le marquis de Sade y fit également un séjour. Cette forteresse fut détruite au cours de la première Guerre Moniale.

[2] Ce jeune homme était né à Saverne dans le Bas-Rhin, sa famille étant originaire du Bas-Rhin, d’où une autre orthographe de son patronyme : Florentz.

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