mercredi 8 février 2023
Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Jean Pierre Canu - deuxième partie
Sixième condamné, un nommé Jean
Pierre Canu
Deuxième partie
Ce matin-là, mercredi 17 février
1846, comme à son habitude, Jean Pierre Canu quitta son domicile situé au
Hameau de Valcorbon, à 6 heures du matin, pour se rendre chez le sieur Becquet pour lequel il
travaillait depuis des années.
Toujours plus ou moins inquiet en
raison des menaces proférées par son fils, il prenait toujours avec lui son
bâton et son couteau.
Il faisait un peu frisquet et,
pour se protéger du vent froid, Canu-père avait remonté le col de sa veste.
Un peu plus d’une heure après le
départ de son père, Marie Catherine, enveloppée dans son châle, prit le chemin
du centre d’Ecos pour aller vendre son beurre. Elle était accompagnée par deux
enfants de Valcorbon qui se rendaient à l’école.
Tous trois marchaient d’un bon
pas, pressés d’arriver afin de se mettre au chaud.
Sur le chemin, au loin, elle
aperçut comme un homme couché sur le sol. À moins que ce ne fût un paquet tombé
d’une charrette. Mais approchant peu à peu, il s’avéra qu’il s’agissait bien
d’un homme.
Stoppant sa marche, elle demanda
aux enfants de s’arrêter et de l’attendre un petit moment. Elle courut alors
vers l’homme à terre, ayant reconnu, à ses vêtements, son père.
Avait-il eu un malaise ?
Vivait-il encore ?
Elle fut rapidement renseignée en
découvrant que son père avait la tête ensanglantée.
Qui avait pu le frapper de la
sorte, lui infligeant de nombreuses plaies au point que la tête était presque
séparée du tronc ?
L’assassin s’était acharné sur le
corps du pauvre homme. Un vrai massacre.
Marie Catherine, ses jambes la
tenant à peine, s’en retourna vers les deux enfants, leur demandant de courir
vers le bourg afin de prévenir qu’un malheur venait de se produire.
« Courez vite !
J’attends ici. »
Pendant que les enfants se
dirigeaient vers le bourg d’Ecos, la jeune femme s’approcha du cadavre et
l’observa.
Son père n’avait pas dû se
défendre, car ses vêtements n’étaient pas en désordre et de plus, il avait
encore ses sabots aux pieds.
Connaissait-il son agresseur pour
ne pas s’être méfié ?
Avait-il été pris par
surprise ?
Marie-Catherine constata que les
poches de la victime n’avaient pas été fouillées. Dans celles-ci se trouvaient encore
son couteau et une somme de vingt-cinq centimes.
Le vol n’était donc pas le mobile
de ce crime horrible.
Aussitôt, Marie Catherine ne put
s’empêcher de penser à son frère.
Comment ne pas faire autrement, étant
donné les menaces et injures que celui-ci avait lancées à la tête de leur père.
Pourtant, elle se refusait, au
fond d’elle-même, d’admettre que son frère pouvait attenter à la vie de leur
père. Elle essayait de rejeter cette pensée qui la taraudait.
En pensant au meurtrier, si le
nom de son frère lui était apparu comme une évidence, la police, assurément,
ferait le même rapprochement.
Marie-Catherine se sentait mal.
Ses forces l’avaient quittée. Elle s’assit auprès de corps, lasse, perdue,
malheureuse, les larmes lui coulant doucement sur les joues.
Elle ne sentait plus le froid. Immobile
dans l’attente des secours, seules ses lèvres remuaient dans le murmure d’une
prière.
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