C’était un des gendarmes de
Lisieux qui avait arrêté Alphonse Caillard rue d’Orival, ce fut ce même
gendarme qui le conduisit à la gendarmerie de cette ville où le prévenu fit des
aveux. Il expliqua sa journée d’avant le crime, les crimes, pour ne pas dire le
massacre. Il relata les événements, calmement, comme on conte une histoire.
Voilà[1].....
Il lui fallait, avait-il
commencé, trouver de quoi subsister, lui et sa maîtresse, puisqu’on lui refusait
l’ouvrage qui lui aurait permis de gagner de l’argent, et aussi et surtout,
pour que la misère dans laquelle il vivait cesse.
Alors, il avait emprunté cinq
francs à la sœur de sa compagne. Cette somme lui permit d’acheter des
cartouches chez un armurier de Lisieux.
« Six cartouches à plomb,
numéro 5, avait-il précisé au capitaine de gendarmerie.
—
Pourquoi ces
cartouches, vous aviez déjà l’intention de tuer ?
—
C’était pour
braconner.
—
Après, j’ai pris un
billet de train pour Brionne.
—
Pourquoi
Brionne ?
—
Je connaissais l’
coin et il y avait un bois, non loin.
—
Vous aviez des
cartouches, mais pas d’armes ?
—
Bah non ! C’est
bien pour ça qu’ j’ai fracturé la
vitrine de l’armurerie de Brionne. C’était facile, y avait pas de volet.
—
Vous avez pris deux
fusils de chasse, une carabine et deux revolvers, lança le capitaine de
gendarmerie. Un vrai arsenal ! Et tout cela pour chasser du gibier ?
Et après ?
—
Après, j’ suis allé
dans le bois de Beauficel. J’ai erré toute la journée. J’ réfléchissais.
—
À quoi donc ?
—
J’avais travaillé à
la sucrerie et y avait une maison pas loin de l’entreprise, à quatre cents
mètres environ, à la Rivière-Thibouville. Elle était isolée. Quand j’
travaillais là, les habitants avaient d’ l’argent, à c’ qu’on disait. J’ suis
arrivé devant la maison vers huit heures et quart du soir.
—
Votre décision de
tuer était prise ?
—
Non ! J’ voulais
prendre l’argent.
—
Vous êtes entré
comment dans la propriété ?
—
J’ ai fait plusieurs
fois l’ tour et j’ai escaladé la haie du jardin où elle était la moins haute.
J’ me suis dirigé vers la porte vitrée où y avait de la lumière. À travers le
carreau d’ la porte, j’ai vu un homme assis devant une table. Il lisait l’
journal. Je l’ai visé à la tête. Raide mort du premier coup, alors j’suis entré
dans la maison. Une femme est arrivée et j’ lai visé. Puis deux gamins attirés
par le bruit que j’ai tiré comme des lapins......
Caillard s’arrêta un moment. Le
capitaine de gendarmerie n’osait rien dire de peur d’interrompre cette
confession. Le récit que faisait l’homme, face à lui, le choquait fortement et
pourtant, il en avait vu et entendu dans sa carrière. Mais ce qui était
horrible, c’était la manière dont Caillard parlait de ses crimes. Oui, il en
parlait comme d’une bonne partie de chasse. À la limite de la gaudriole....
C’était abject !!
Mais le capitaine malgré son
énorme malaise face à cet assassin ne dit rien, il attendait la suite. Et elle
vint.
« Après ça, comme j’avais
rien mangé d’puis la veille au soir, j’ai eu un p’tit creux. Comme y avait
encore les restes du repas sur la table, j’ai cassé une petite croûte et j’ai bu
un coup, tranquillement. C’est à c’ moment qu’une petite fille est apparue,
alors comme je tenais encore le couteau à la main, l’ l’ai égorgée. J’étais
tranquille à présent. Plus personne pour me déranger alors j’ai fouillé la
maison. »
Le capitaine, malgré son calme
apparent, serrait les dents et les poings. Il avait, à ce moment précis, une envie
de tabasser Caillard.
« Tuer quatre personnes dont
deux jeunes garçons et égorger une fillette, pensait-il en écoutant la
confession de l’homme devant lui, et prendre le temps, devant les cinq cadavres
encore chauds de boire et manger ! Cet homme est un monstre ou un
fou !! »
Mais il prit sur lui et, pour
relancer l’horrible révélation, il demanda :
« Et vous avez retourné
toute la maison ?
—
Oui, ouvert armoires
et tiroirs dans toutes les pièces. Mais en arrivant dans la pièce du fond, j’ai
vu une vieille femme couchée dans un lit. J’ai tiré à bout portant. Ensuite,
j’ai continué à fouiller afin de récupérer l’argent.
Le capitaine de gendarmerie
n’était pas là pour juger, mais pour recueillir les aveux. Il demanda
simplement à la fin de cette confession :
« Pourquoi avoir fait
ça ? Avoir tué toutes ces personnes, ces enfants ? »
À cela, Caillard répondit :
«Eh bien quoi ! C’était pour
voler. Il faut bien vivre. J’avais besoin de voler pour vivre ! »
Le Capitaine de gendarmerie se
leva, sortit de son bureau et demanda à un factionnaire debout dans le
couloir :
« Amenez-le à la prison,
pour y attendre le jour de son jugement. »
Et il sortit dehors. L’air lui
manquait. En boucle, le récit de l’assassin lui revenait, apportant avec lui
les images des corps ensanglantés.
[1] Les éléments du récit qui suit ont été trouvés dans
divers articles de journaux dont : Le courrier de Metz – la Charente ....
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