Des souvenirs de nos nombreuses années d’écolier ou
d’écolière, nous en avons tous d’avouables lorsque les moments étaient
glorieux, et non avouables lorsqu’ils s’agissaient de punitions.
Ces punitions, à nos yeux d’enfants, étaient bien
évidemment injustes !…..
Je n’ai pas eu le plaisir de vous lire. Personne ne
m’a confié ses petits secrets.
Je vais donc vous proposer quelques extraits de
textes d’écrivains qui se sont « répandus en mémoire » sur leur
enfance sur les bancs de l’école.
Daniel Pennac nous conte dans son « CHAGRIN
D’ECOLE », qu’il fut un cancre !!!
Si tous les cancres étaient comme lui, nous aurions
le plaisir de dévorer bien des écrits intéressants !
…. Donc, j’étais un mauvais élève. Chaque soir de mon
enfance, je rentrais à la maison poursuivi par l’école. Mes carnets disaient la
réprobation de mes maîtres. Quand je n’étais pas le dernier de ma classe, c’est
que j’en étais l’avant-dernier. (Champagne !) Fermé à l’arithmétique d’abord,
aux mathématiques ensuite, profondément dysorthographique, rétif à la
mémorisation des dates et à la localisation des lieux géographiques, inapte à
l’apprentissage des langues étrangères, réputé paresseux (leçons non apprises,
travail non fait), je rapportais à la maison des résultats pitoyables que ne
rachetaient ni la musique, ni le sport, ni d’ailleurs aucune activité
parascolaire…..
….J’ai toujours entendu dire qu’il m’avait fallu une année
entière pour retenir la lettre « a ». La lettre « a », en
un an. Le désert de mon ignorance commençait au-delà de l’infranchissable
« b »….
Extraits de « Chagrin
d’école» - de Daniel Pennac
Marcel
Pagnol nous réjouit avec ses « souvenirs d’enfance ».
N’avait-il
pas eu la chance, ou la malchance, d’avoir un père instituteur.
…..Lorsqu'elle
allait au marché, elle me laissait au passage dans la classe de mon père, qui
apprenait à lire à des gamins de six ou sept ans. Je restais assis, bien sage, au
premier rang et j'admirais la toute-puissance paternelle. Il tenait à la main
une baguette de bambou : elle lui servait à montrer les lettres et les mots
qu'il écrivait au tableau noir, et quelquefois à frapper sur les doigts d'un
cancre inattentif……
………..
J'approchais de mes six ans, et j'allais à l'école dans la classe enfantine que
dirigeait Mlle Guimard. Mlle Guimard était très grande, avec une jolie petite
moustache brune, et quand elle parlait, son nez remuait : pourtant je la
trouvais laide, parce qu'elle était jaune comme un Chinois, et qu'elle avait de
gros yeux bombés. Elle apprenait patiemment leurs lettres à mes petits
camarades, mais elle ne s'occupait pas de moi, parce que je lisais couramment,
ce qu'elle considérait comme une inconvenance préméditée de la part de mon
père. En revanche, pendant les leçons de chant, elle disait, devant toute la
classe, que je chantais faux, et qu'il valait mieux me taire, ce que je faisais
volontiers.
Pendant
que la marmaille s'époumonait à suivre sa baguette, je restais muet, paisible,
souriant ; les yeux fermés, je me racontais des histoires, et je me promenais au
bord de l'étang du parc Borély, qui est une sorte de parc de Saint-Cloud, au
bout du Prado de Marseille.
……Deux
années passèrent : je triomphai de la règle de trois, j'appris - avec une joie
inépuisable - l'existence du lac Titicaca, puis Louis X le Hutin,
hibouchougenou et ces règles désolantes, qui gouvernent les participes passés.
Mon frère Paul, de son côté, avait jeté son abécédaire, et il abordait le soir
dans son lit, la philosophie des Pieds Nickelés…..
Extraits de « la gloire de
mon père» - de Marcel Pagnol
Quant
à Per-Jakez Helias, dans « LE CHEVAL D’ORGUEIL », il nous raconte une
« école Républicaine » bien sévère pour les petits Bretons, interdits
de langue bretonne, la seule qu’ils connaissaient, la seule parlée à la maison.
Et
les punitions tombaient …… Mais
n’était-ce pas le prix à payer pour s’ouvrir sur « l’autre pays »,
celui dont la capitale était Paris ?
Peu
à peu, le parler breton disparut au profit de la langue nationale, le Français,
ce qui est aussi un peu dommage !
L’entrée à l’école ne se fait pas
sans appréhension le premier jour. A peine la barrière franchie, nous voilà
dans un autre monde. C’est un peu comme à l’église, mais beaucoup plus
déconcertant. A l’église, on parle, on
chante en breton, le catéchisme est en breton. Si le curé débobine du
latin, du moins ne nous demande-t-il pas de l’apprendre. A l’école, nous
n’entendons que du français, nous devons répondre avec les mots français que
nous attrapons. Sinon, nous taire. Nous lisons, nous écrivons en français. Si
nous n’avions pas chez nous des livres de messe, de catéchisme et de cantiques
en breton, outre la « vie des Saints », nous serions fondés à croire
que le breton ne s’écrit pas, ne se lit jamais. Les maitresses n’ont pas de
cornettes, mais des robes à la mode de la ville et des souliers de cuir sur la
semaine. Les maitres ressemblent assez à des hommes ordinaires n’étaient ce col
et cette cravate au-dessus d’un ridicule petit gilet à une seule rangée de
boutons. Assez souvent on les voit marcher sur des semelles de bois, ce qui les
rend moins intimidants. Et ces hommes et ces femmes vivent volontiers tête nue,
ce que nos parents n’oseraient pas faire, nous non plus. Pourtant, il faut se
découvrir en entrant dans la classe. Comme à l’église. Mais les leçons à
apprendre sont plus difficiles et plus nombreuses que celles du catéchisme. Et
il faut écrire tout le temps, gâcher du papier qui coûte cher. A la fin, il y
aura le certificat d’études qui est bien plus dur que celui de la première
communion…………
A l ’école, il est interdit de
parler breton. Il faut tout de suite se mettre au français, quelle misère ! Au
début, nous avons beau faire, nous entendons du breton dans les paroles de la
maitresse des petits. Ou plutôt, nous essayons, vaille que vaille, de reconnaître
dans la suite de son qu’elle émet des mots bretons connus. Ainsi, par exemple,
elle veut nous apprendre une comptine en s’aidant du rythme. Des comptines,
nous en connaissons tous, mais elles sont en breton. Si elle s’avisait de
scander l’une d’elles, ce serait l’enthousiasme. Mais non. Elle débite :
Une poule sur un mur
Qui picore du pain dur
Répétez-le avec moi !
Ce que nous répétons est une
cacophonie de barbotements sonores qui n’a de signification dans aucun langage
sauf peut-être celui des animaux de l’Arche de Noé. Après mille peines, elle
réussit à nous faire décalquer les sons à peu près dans l’ordre. Mais, sortis
de l’école, voici ce que nous répétons, deux par deux et face à face, en nous
frappant mutuellement la poitrine avec un doigt.
Menez Poullou, Sten ar Meur
Lapin koton leun al leur …..
……Lorsque l’un d’entre nous est puni
pour avoir fait entendre sa langue maternelle dans l’enceinte réservée au
français, soit qu’il écope d’un verbe insolite ou irrégulier, soit qu’il vienne
au piquet derrière le tableau après le départ de ses camarades, une autre
punition l’attend à la maison.
Immanquablement. Le père ou la mère, qui quelquefois n’entend pas un mot de
français, après lui avoir appliqué une sévère correction, lui reproche
amèrement d’être la honte de la famille, assurant qu’il ne sera jamais bon qu’à
garder les vaches, ce qui passe déjà pour infamant, par le temps qui court,
auprès de ceux-là mêmes dont une part du travail est de s’occuper des vaches.
Le mot vache d’ailleurs (buoc’h, en breton) est l’injure que l’on adresse aux
pauvres d’esprit, aux imbéciles fieffés, à ceux qui n’apprennent rien de rien
et dont la vie quotidienne est un chapelet de bêtises à faire rougir Jean
Dix-sept lui-même. Il n’y a pas d’âne dans la région, il faut donc se rabattre
sur un animal familier dont l’intelligence n’est pas réputée très vive? Les
longues cornes valent bien les longues oreilles.
Est-ce pour cela que la punition
infligée, dans tout le pays bretonnant, aux écoliers surpris à parler breton
s’appelle « la vache » ! …….
Extraits de « Le
cheval d’orgueil» - de Per-Jakez Helias
Je
ne peux que vous conseiller de lire tous ses livres de souvenirs.
Il
y a en bien d’autres tels ceux de Michel
Jeury, Yvon Collin, Colette bien évidemment, libre et féministe avant l’heure,
qui est toujours d’actualité tellement ses idées étaient modernes pour son
époque.
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