dimanche 27 septembre 2015

JUSTIN - Chapitre 3



 
Après quelques nuits de terreur, protégé par ses couvertures, Justin finit par s’armer de courage.
Doucement à l’écoute du plus petit bruit, il descendit, une à une, les marches qui menaient au rez-de-chaussée. Il se dirigea lentement,  retenant son souffle, vers le salon.
La lune projetait sa pâle lumière blafarde par la fenêtre et  éclairait le piano d’une manière inquiétante.

« C’est un signe, pensa Justin, le fantôme doit être là. »

Et son cœur se mit à cogner si fort dans sa poitrine que les battements résonnaient dans ses oreilles. Son souffle était court. Ses jambes tremblaient.
Une furieuse envie de fuir le prit, mais il resta un instant immobile, pétrifié.
Petit à petit, il se raisonna et reprit son calme.

« Les fantômes, ça n’existent pas ! Les fantômes,  ça  n’existent pas ! Les fantômes, ça  n’existent pas ! »

Il poursuivit sa marche vers le majestueux  instrument en  répétant cette phrase comme une litanie.
Tout à coup, il s’immobilisa. Les bruits inexplicables avaient repris et ils venaient bien du piano.

« Ah ! te voilà enfin !  dit une petite voix, enflée par la caisse de résonance de l’instrument. Tu en as mis du temps à me trouver. »

Sortant de son effroi, l’enfant articula difficilement :
« Qui es-tu ? Que veux-tu ? »


Après un long silence, pendant lequel Justin avait peine à respirer, apparut de derrière le piano une minuscule petite souris d’un gris argenté parsemé de poils blancs, aux longues moustaches majestueuses, aux yeux noirs pétillants de malice, aux oreilles arrondies et transparentes. Son corps avait une jolie rondeur et se terminait par une longue queue fine et rose.
Chose curieuse, elle portait sur le bout de son nez un lorgnon attestant qu’elle avait la vue un peu basse, et entre ses pattes de devant aux petites mains fines, elle tenait un livre.

L’enfant se frotta les yeux. Etait-il en train de rêver ? Il alla même jusqu’à se pincer, ce qui lui fit mal bien entendu, puisqu’il était éveillé.

Revenu de sa surprise, Justin lança furieux :
« Une souris !! Une souris qui parle !! Ce n’est pas possible, ça n’existe pas ! Tu n’es qu’une simple souris et tu finiras croquée par le chat ou dans un piège, car toutes les souris finissent ainsi. »

Heureux de sa tirade, il  inspira profondément.

« Tu as raison, Justin, malheureusement beaucoup de souris se laissent prendre de la sorte… Les chats sont nos pires ennemis et les pièges nous laissent peu de chances… »

Comment une souris pouvait-elle parler ?
C’était impensable !

L’enfant ne s’en laisserait pas conter, c’était-une-chose-qui-ne-pouvait-pas-exister …..




Devant l’air perplexe de l’enfant, la souris avait marqué un point, aussi elle poursuivit :

« Je ne suis pas n’importe quelle souris, dans mon pays j’ai un grade de « grand dignitaire ». Je suis donc un émissaire très âgé, possédant une grande expérience et je suis venu pour toi. 

-        Les souris ne parlent pas, répétait sans cesse le garçonnet, totalement hermétique au discours de cet étrange animal.

- Mais arrête un peu, ne nies pas l’évidence… Je parle … La gente des souris est très réglementée. Il y a les souris communes, certes, celles qui ne parlent pas aux humains et qui sont nos émissaires. Présentes dans tous les foyers, elles font régulièrement des rapports à notre Haute Administration qui en fonction des besoins, voire des urgences,  délègue des agents. C’est ainsi, par exemple, que nous sommes au courant lorsqu’un enfant perd une dent …

A cet exemple Justin arrêta sa monotone litanie et se mit à écouter, sans en avoir vraiment l’air, on a sa fierté tout de même.

La souris poursuivait son explication tout en observant, mine de rien, l’attitude de l’enfant, ce qui était, il faut le dire, une marque de grande professionnalisation.

-                 …. Dans la nuit qui suit cet événement, un agent est délégué pour venir récupérer la dent tombée et un autre pour déposer une petite pièce ou un cadeau. Nos agents font également des rapports lorsqu’un enfant est capricieux ou difficile. Dans ce cas également un agent spécialisé est envoyé pour faire une enquête plus approfondie et aider l’enfant à mieux grandir. C’est ton cas et c’est pour cela que …..


-  Je n’ai besoin de personne ! lança le gamin, coupant la parole  à son interlocuteur, tu peux rentrer chez toi. Une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas !!!

-  Attends un peu s’il te plait …..

- Non, je n’ai pas à attendre. Une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas !!! Je n’ai pas besoin de toi, ni de personne. Je retourne me coucher.

Et sans un « bonne nuit » qui aurait été fort poli, Justin regagna sa chambre et se coucha, mais il n’éteignit pas la lumière cette nuit-là encore.

Il dormit mal. Il rêva d'une souris. Il rêva d'une multitude de petites souris remplissant une multitude de rapports et envoyant des ordres de mission à des agents délégués afin de résoudre grand nombre de problèmes.
Il y avait des souris rapportant des centaines de dents. Il y avait des souris emportant des centaines de pièces. Il y avait des souris muettes souriantes. Il y avait des souris qui parlaient un langage incompréhensif en remuant leurs moustaches.
La ronde nocturne incessante de ces petits rongeurs donna au petit dormeur une telle  migraine qu’il dut garder le lit toute la journée suivant sa première rencontre avec la-petite-souris-qui-parlait-alors-qu’une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas.

A ne pas en douter, c’est la maîtresse d’école de Justin qui dut fortement apprécier cette journée sans le terrible garnement.

Toute cette journée, entre deux sommeils tourmentés par son horrible mal de tête, l’enfant réfléchit à son aventure….

Etait-il le jouet de son imagination ?
Cette petite souris était-elle réelle ?

 Entre crédulité et scepticisme, l’enfant ne savait que penser.
 Il n’osait pas plus en parler à Papa et Maman, très inquiets pour l’instant de l’état de leur enfant. Vous imaginez, si en plus, Justin leur parlait de la-petite-souris-qui-parlait-alors-qu’une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas !

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